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Transports aériens en Afrique : Le triste prix du bricolage

Publié le lundi 29 décembre 2003 à 11h10min

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Un avion de la compagnie UTA

(Union des transports africains),
à ne pas confondre avec la défunte union des transports
aériens, s’est englouti dans

l’océan après avoir heurté une tour
au décollage à l’aéroport de Cotonou au Bénin. Le bilan
provisoire est trop lourd.

Plus d’une centaine de morts et
seulement 18 rescapés, sans oublier les conséquences
collatérales.

L’avion qui

était en partance pour le Liban,
transportait essentiellement des ressortissants libanais qui s’y
rendaient pour les

fêtes de Noël. Une fois encore, le ciel africain
vient de s’obscurcir avec cette nouvelle catastrophe. Tout se
passe

comme si l’Afrique, déjà de manière récurrente lanterne
rouge de la bonne gouvernance dans tous les domaines, n’en a

pas encore assez de cette gestion anarchique et chaotique de
son espace aérien constamment endeuillé par la mort

d’innocentes personnes dont le malheur est de faire confiance
à ces cercueils volants. Ce drame qui est venu s’ajouter

à la
longue liste des catastrophes aériennes sur le continent, est la
preuve qu’assurément, la plupart des responsables

en charge
de la gestion de nos politiques de transport ont totalement
perdu de vue la maxime selon laquelle, "aide-toi,

le ciel t’aidera".

Comme d’habitude, dans le box des accusés, on verra le coup
du destin, ce bouc émissaire que

l’Afrique accable de tous les
maux, incapable qu’elle est, de sortir des limbes du fatalisme.
En effet, depuis le

démantèlement et la mise en faillite bien
mûris d’Air Afrique et dont les coupables en première ligne sont
nos chefs

d’Etats, l’Afrique s’est laissé flouer par les grandes
compagnies aériennes. Pour ces dernières, le seul maître-mot,

c’est celui de la déréglementation de l’espace aérien.
Terminologie inventée par les Américains (plus pudiques) et

que les Européens désignent sous le vocable de concurrence
entre compagnies aériennes.

Une concurrence qui, il

faut bien le dire, exclut le continent qui a
bradé le seul patrimoine dont il disposait et qui était à même,
avec une

certaine volonté politique, de relever le défi des
tentatives de recolonisation de l’espace aérien africain par des

multinationales aériennes sans foi ni loi, assoiffées de faire le
vide autour d’elles et pourfendeurs de la légitime

aspiration des
Africains à avoir aussi leur place au soleil. Les Etats membres
d’Air-Afrique, qui n’ont pas eu le

courage de contribuer au
redressement de la compagnie, ont cédé aux pressions de ces
mêmes sangsues. Plus grave, en

faisant par exemple appel à
Air France pour redresser la situation financière de la
multinationale Air Afrique, les

dirigeants africains ont offert à la
compagnie aérienne française, l’occasion rêvée de
l’euthanasier.

On se

souviendra encore longtemps du passage
chaotique de Billecart à la tête de la compagnie. Ce dernier
s’était ingénié,

avec la bénédiction de certains chefs d’Etat, à
creuser la tombe de ce qui faisait la fierté de l’Afrique en matière

d’intégration bien réussie. Une exception rare dans une Afrique
qui a totalement échoué dans maints domaines. Non

seulement Air Afrique avait réussi à accumuler un capital
d’expériences, de compétences et d’expertise, mais elle est

parvenue également à briser cette mainmise du ciel africain par
les compagnies étrangères. Malheureusement, cette

embellie
n’est plus qu’un lointain souvenir, car on est revenu au statu quo
ante. A savoir que la route de l’Afrique,

pour aller d’une ville à
l’autre, n’est plus la ligne droite, mais celle qui doit
nécessairement passer par Paris,

Londres, Rome, Bruxelles,
etc. Une fois encore, l’Afrique fournit la preuve de son incapacité
de s’unir et

d’anticiper en croyant naïvement qu’elle pourrait
affronter le défi de la libéralisation et de la concurrence en

évoluant en ordre dispersé. Résultat : des Etats pris
individuellement se sont lancés dans une aventure sans

lendemain, en créant de petites compagnies aériennes, des
fantômes non fiables techniquement et dont les promoteurs

sont des mercenaires et des aventuriers, cachés dans l’ombre
et peu soucieux de certaines obligations sécuritaires

internationales de rigueur édictées en matière d’exploitation de
l’espace aérien.

Ce qui vient de se produire

au Bénin et qui ne sera
certainement pas, hélas ! le dernier, si on n’y prend garde, est la
conséquence du

laisser-aller de nos responsables qui ont livré
l’Afrique aux mains de mécréants qui sèment la pagaille dans
un domaine

humainement très sensible, celui des transports.
Libéralisation ne signifie pas démission, mépris et abandon
des

contraintes organisationnelles et des mécanismes
juridiques dont devraient s’entourer les candidats à la création

d’une compagnie de transport aérien. En tous les cas, si de
telles catastrophes devaient perdurer et allonger la liste

des
victimes, et si rien n’est fait pour les éviter, les parents des
victimes ne pardonneraient pas à ceux en charge de

la gestion
de notre espace aérien, cette démission.

Ce refus du pardon, à
la mesure de leur douleur, sera

d’autant plus justifié que nos
responsables sont toujours prompts à décréter la fermeture des
frontières terrestres,

maritimes et aériennes quand, vrai ou faux,
leur pouvoir semble menacé. Il est temps que nos dirigeants
revoient leur

copie car, en matière de transport aérien, comme
dans les autres domaines, l’Afrique doit cesser d’être ce vaste
champ

en friches où l’on vient impunément semer la désolation.

Les Américains, inventeurs et apôtres de la libéralisation

sans
bornes, viennent de prouver les limites d’un tel bréviaire en
empêchant six vols d’Air France en direction de Los

Angeles.
Comme quoi, pour l’Amérique, rien ne peut remplacer la vie
humaine, surtout pas les milliards de dollars que

ces vols
auraient permis d’engranger.

"Le Pays"

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