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Burkina : « La gouvernance locale, un instrument précieux d’auto-défense »

Publié le mardi 7 mai 2019 à 22h55min

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Burkina : « La gouvernance locale, un instrument précieux d’auto-défense »

Dans l’écrit ci-dessous, l’auteur milite pour une « vitalisation de la gouvernance décentralisée », gage d’une meilleure sécurisation de nos « espaces de vie ».

Au cours de cette semaine, le président convalescent Ali Bongo, a reçu pour une séance de travail les chefs de l’administration municipale de l’ensemble des communes de son pays, autour des questions de développement.

Avant lui, Emmanuel Macron, confronté à la montée en puissance du mouvement des Gilets jaunes, a initié des consultations et des échanges directs avec l’ensemble des maires des communes de son pays.

C’est un secret de polichinelle que le pouvoir central, dans plusieurs pays d’Afrique, est perpétuellement en fuite devant son peuple, puisque pernicieusement dompté et apprivoisé par une horde de politiciens qui ont littéralement jeté leur dévolu sur les deniers publics.

Et, pour un pays comme le nôtre confronté à une croissance démographique galopante (comparativement aux ressources disponibles) et aux mouvements tous azimuts de populations qui entretiennent des échanges de tout genre, sans égards pour les tracés frontaliers ; c’est un impératif de soutenir une gouvernance de proximité en lui accordant tous les moyens de sa réussite.

D’ailleurs, l’avènement du terrorisme vient nous le rappeler fort à propos, car nos autorités centrales prises de court, évoquent de façon inattendue l’étendue de notre territoire pour justifier la porosité de nos frontières. Alors qu’il faut juste reconnaître que depuis les années 90, nous avons fait le choix d’une décentralisation au rabais, où le transfert de ressources pour rendre fonctionnelles les nouvelles institutions locales mises en place est resté un vœu pieux, et le schéma de retrait progressif de l’Etat totalement confus.

Nombreuses sont ces nouvelles communes qui se sont retrouvées sous l’autorité des maires fantômes qui ne se présentent qu’occasionnellement dans leur circonscription municipale et, pis, peu de conseils municipaux nous confirmeraient une séance ordinaire de travail avec une autorité du pouvoir central.

Mais la majorité des communes ont eu en commun le manque réel de ressources pour exercer leur légitimité locale, notamment en contribuant à développer des initiatives locales, pour appuyer le dispositif de sécurisation de leur espace communal, surtout que les FDS qui y sont en service sont en sous-effectif et mal équipées, s’illustrant plus souvent par leurs opérations de racket que par des patrouilles préventives.

La gouvernance décentralisée soutenue en toute souveraineté nous aurait été d’une aide inestimable pour disposer, en chaque endroit du pays, d’une sorte de sentinelle locale qui nous aurait servi de carapace comme celle de la tortue face à toute menace.

Avec une superficie du pays qui est de 274 000 km2 pour 352 communes, chaque conseil municipal avec l’appui de l’administration, a autour de 780 km2 à surveiller. En dépit de certains enjeux géostratégiques qui sous-tendent le phénomène terroriste, gouverner localement demeure un instrument structurellement adéquat pour faire face à cette guerre asymétrique qui ne se mène pas au niveau des frontières.

C’est dans cette optique d’une vitalisation de la gouvernance décentralisée qu’à l’occasion de notre marche de protestation contre les massacres de Yirgou et l’insécurité au Sahel, qui a eu lieu le samedi 12 janvier 2019 à Dori ; nous avions interpellé vivement nos autorités régionales, pour accélérer l’opérationnalisation d’une approche multi-acteurs à même d’assurer une meilleure sécurisation de nos espaces de vie.

En ce sens, nous avions suggéré la mise en place d’un comité local de suivi de l’opérationnalisation de cette approche, lequel comité serait composé de nos élus locaux, de nos personnes ressources locales et d’une délégation gouvernementale (ministres en charge de l’Administration territoriale, de la Sécurité intérieure et de la Défense nationale). Il devrait se réunir périodiquement à Dori pour évaluer les avancées et les difficultés, analyser toutes les formes possibles de contributions à cet effort de sécurisation.

Monsieur le gouverneur du Sahel, si vous aviez plaidé pour rendre fonctionnel un tel cadre de consultation et de concertation, il est fort à parier que le drame d’Arbinda aurait pu être prévenu ; à défaut, les dégâts auraient pu être circonscrits. Il est fort à parier que les espaces de balade dévastatrice de ces Hommes armés non identifiés (HANI) ne seraient pas d’une telle envergure, et leurs impacts d’une telle cruauté. Il est fort à parier que les actes de bavure seraient considérablement limités grâce à une confiance retrouvée et consolidée entre les FDS et les populations, toutes seraient mobilisées en bloc contre les HANI. Il est fort à parier que la suspicion ne se serait pas saisie de ces communautés qui ont toujours vécu ensemble.

Dans ce contexte de crise qui bouleverse si douloureusement nos vies, surtout pour le cas spécifique du Sahel, tout laisse à penser que le premier maillon de la chaîne de commandement au niveau régional est inopérant. Il est temps de sévir pour freiner cette descente aux enfers et soulager un tant soit peu les souffrances des populations.

Boubacar Cissé

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