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Tribune : « De l’« athéisme » de la révolution d’Août au printemps de la religiosité, une foi tonitruante mais des œuvres qui se font attendre »

Publié le mardi 2 avril 2019 à 14h58min

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Tribune : « De l’« athéisme » de la révolution d’Août  au printemps de la religiosité,  une foi tonitruante mais des œuvres qui se font attendre »

L’attitude des différentes composantes de l’élite burkinabè scolarisée (particulièrement) depuis la fin des années 1970 vis-à-vis de la religion en général mérite à notre sens qu’on jette un regard critique sur cette nouvelle réalité. Non pour porter un jugement péremptoire mais dans le but d’exprimer une opinion pour avoir été militant (de seconde zone certes) du mouvement étudiant et un apprenti des architectes de la révolution d’Août.

A la faveur du recul que permettent les années qui se sont écoulées, il importe en effet de revisiter nos certitudes en relation avec les temps présents. Il s’agit par cet acte d’opérer un dépassement, d’assumer courageusement notre passé et d’œuvrer à faire de sorte que prospère davantage dans notre pays une conception libérale de la pensée, des opinions et des croyances partagée par tous.

Ainsi, après l’« athéisme » de la Révolution démocratique et populaire et la défiance des révolutionnaires vis-à-vis des appareils cléricaux chrétiens, coutumiers et musulmans, qui ont marqué le Burkina Faso de 1983 à 1987, il est advenu, sous le Front populaire, une sorte de retour à un certain intérêt pour les religions, une espèce de renaissance de la foi. Puis, à partir de 1991 jusqu’à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 1994 et après, l’affluence dans les lieux de culte chrétiens et musulmans et la construction des églises et des mosquées n’ont cessé de prendre de l’ampleur.

Nombre de communistes d’hier (qu’ils eussent été les thuriféraires bornés de la RDP ou ses opposants obtus regroupés au sein de l’éternel clandestin Parti communiste révolutionnaires voltaïque-PCRV) qui étaient des pourfendeurs de la religion, pire de la foi sont devenus soit des bailleurs de fonds pour la construction d’édifices religieux, soit des abonnés aux lieux de pèlerinage, soit enfin se sont fait introniser chefs traditionnels et/coutumiers (suivez mon regard !).

Ils renient ainsi de nos jours, par leurs comportements, les thèses du matérialisme dialectique pour lesquelles la matière prime sur l’esprit (Heinrich Karl Marx) et pour lesquelles l’existence précède l’essence (Jean-Paul Sartre). Or, hier encore, ils en étaient les chantres. Hélas, ils ne se sont pas contentés de faire connaître ces courants de pensée : malgré les progrès socio-économiques et la prise de conscience du peuple dont ils ont été les catalyses, ils ont aussi brillé par leur apologie de la violence et son opérationnalisation comme seuls modes légitimes, authentiques et révolutionnaires de la conquête et de la gestion du pouvoir d’Etat.

Il ne peut y avoir d’accouchement (surtout de celui d’un nouveau monde sans injustice) sans douleurs, clamaient-ils. Dès lors, quoi d’étonnant à ce que les aspects résiduels négatifs (de la gestion de l’Etat par les révolutionnaires) en matière de droits humains nous suivent tels des péchés originels et qu’ils soient encore perceptibles dans certains de nos comportements.

Pouvait-il seulement en être autrement puisque les animateurs du mouvement communiste international (Soviétiques, Chinois et Albanais notamment) dont les étudiants d’avant-hier et les révolutionnaires d’hier étaient les fils spirituels sous nos tropiques agissaient de même ? Ce faisant, même au sein du mouvement étudiant voltaïque (couveuse par excellence des communistes voltaïques puis burkinabè), les deux fractions (incarnées par l’UGEV dite orthodoxe et l’UGEV M21) issues de la crise de 1978-1979 en étaient arrivées à faire de la démarcation physique et du matraquage systématique des principes sacrés. Pour schématiser, aucun des membres d’une des tendances ne saluait un membre de l’autre et vice-versa.

Sans aucune forme de critique ou d’autocritique comme ils aimaient bien en exiger aux autres, ils ont d’abord adopté sans grande conviction et à l’issue de contorsions intellectuelles dont eux seuls avaient le secret, la démocratie libérale soit à travers des partis politiques (ODP/MT, CDP, MPP, etc.), soit par le biais des organisations de la société civile (MBDHP, CGTB…). En soi, ce n’est pas un problème dans la mesure en matière de liberté d’opinion et de croyance, la constitution accorde des droits à tous. Cependant, se ruer dans les mosquées et les églises sans revisiter de façon critique et publique les choix politiques et idéologiques (qui étaient les nôtres dans un passé récent) et nos rapports à la religion est un comportement plus que suspect.

Il est simplement à souhaiter que, jeunesse s‘étant déjà faite, sagesse advienne de sorte que la religiosité qu’affichent les élites ne consiste pas à demander à la divinité de pardonner leurs péchés de la veille pour en commettre d’autres dès qu’elles quittent les édifices religieux ; même si, pour l’instant, les choses ne semblent pas aller dans ce sens.

Issaka SOURWEMA
Naaba Boalga
Chef traditionnel du village de Dawelgué
Canton et commune de Saponé
Courriel : issounaba@gmail.com
Cel : 70 36 90 70

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Vos commentaires

  • Le 2 avril 2019 à 16:37, par SIDZABDA En réponse à : Tribune : « De l’« athéisme » de la révolution d’Août au printemps de la religiosité, une foi tonitruante mais des œuvres qui se font attendre »

    Des affirmations sans fondement ;
    En quoi les révolutionnaires d’août 83 ont été des athéistes et dans quel école ou lycée ont ils enseigné les élèves à l’athéisme ?
    Inviter les chefs coutumiers et religieux à se démarquer de la politique ne veut pas dire qu’on est athéiste mais c’est être intègre ,républicain et patriote.
    A vous lire vous sembler être un adepte de la réappropriation de l’ETAT par l’église ou le retour de la chefferie traditionnelle aux commandes de l’Etat.
    Croyez vous que ce qui se passe actuellement sur la scène politique va nous sortir de nos situations difficiles ?
    Chaque fois que nos dirigeants fonts face à des difficultés on court chez le MOGHO NAABA ou chez les chefs religieux pour leur conseils et assistances.
    Autant que nos dirigeants acceptent partager leur émoluments avec ces prélats ou qu’ont vote aussi des fonds de soutien à leur endroit
    Ceci est un signe d’incompétence de notre administration et au delà nos dirigeants politiques
    Il faut plutôt travailler à sortir nos religieux et coutumiers des prises de positions officielles et politiques pour ainsi gagner le combat de la cohésion sociale et du vivre ensemble.
    QUESTIONS ?
    - Nous avons combien de religions au BURKINA FASO ?
    - Combien d’ethnies au BURKINA FASO et par ricochet combien d’organisation de chefferie traditionnelle au FASO
    C’est au vu de cette réalité et par la clairvoyance des premiers républicains de ce pays que la constitution du BURKINA FASO prône la forme républicaine et la laïcité de l’ETAT.
    UN CROYANT ET PURE PRODUIT DES ECOLES ET LYCEES REVOLUTIONNAIRES D’AOUT 83

  • Le 2 avril 2019 à 17:17, par Mechtilde Guirma En réponse à : Tribune : « De l’« athéisme » de la révolution d’Août au printemps de la religiosité, une foi tonitruante mais des œuvres qui se font attendre »

    Naaba, ii zing bé néré. Yamb ku gomda.

    Il y a des jeunes fort heureusement non encore formatés.

  • Le 2 avril 2019 à 17:37, par YAWOTO En réponse à : Tribune : « De l’« athéisme » de la révolution d’Août au printemps de la religiosité, une foi tonitruante mais des œuvres qui se font attendre »

    Seuls les imbéciles ne changent pas. Quand à "l’athéisme" révolutionnaire si il n’était dirigé que contre les religions importés, je l’aurai préféré à une servilité religieuse irréfléchie,
    Les arabes ont leur religion : l’islam
    Les européens ont leur religion : le christianisme
    les chinois ont leur religion : l’indouisme, le confucianisme...
    D’où vient-il que moi africain je dois choisir entre les religions des autres ? Ceci expliquant cela, voilà pourquoi nous sommes les derniers de ce monde. Attendons toujours et espérons que ce sont les " messis ou prophètes" des autres qui viendront nous sauver !!!

  • Le 2 avril 2019 à 20:51, par Naaba Boalga En réponse à : Tribune : « De l’« athéisme » de la révolution d’Août au printemps de la religiosité, une foi tonitruante mais des œuvres qui se font attendre »

    Je remercie tous les frères burkinabè qui ont réagi à mon papier quels que soient la forme et le fond. C’est dans cet esprit que l’on construit le Faso. Tolérance et tolérance.

  • Le 3 avril 2019 à 08:27, par Jo En réponse à : Tribune : « De l’« athéisme » de la révolution d’Août au printemps de la religiosité, une foi tonitruante mais des œuvres qui se font attendre »

    J’ai été content de lire la réflexion. Ceux qui n’ont pas connu la période de la révolution de 1983 et celle qui l’a précédée ne peuvent pas porter un jugement par rapport à la réflexion qui a été menée. C’est une réalité que pendant la révolution, l’athéisme était affichée et promue. Si quelqu’un peut retrouver les articles de Babou Paulin qui dénigrait la religion et annonçait le temps glorieux de l’athéisme à venir, ce serait éclairant. Effectivement, on observe une religiosité superficielle qui ne produit aucun fruit. S’engager à construire une mosquée ou une église n’est pas signe de foi. Bien souvent, on passe par ce biais pour empocher de l’argent ou compter des voix électorales. La religion et la foi vont plus loin que cela.

  • Le 3 avril 2019 à 08:28, par Jo En réponse à : Tribune : « De l’« athéisme » de la révolution d’Août au printemps de la religiosité, une foi tonitruante mais des œuvres qui se font attendre »

    J’ai été content de lire la réflexion. Ceux qui n’ont pas connu la période de la révolution de 1983 et celle qui l’a précédée ne peuvent pas porter un jugement par rapport à la réflexion qui a été menée. C’est une réalité que pendant la révolution, l’athéisme était affichée et promue. Si quelqu’un peut retrouver les articles de Babou Paulin qui dénigrait la religion et annonçait le temps glorieux de l’athéisme à venir, ce serait éclairant. Effectivement, on observe une religiosité superficielle qui ne produit aucun fruit. S’engager à construire une mosquée ou une église n’est pas signe de foi. Bien souvent, on passe par ce biais pour empocher de l’argent ou compter des voix électorales. La religion et la foi vont plus loin que cela.

  • Le 4 avril 2019 à 06:31, par SOME En réponse à : Tribune : « De l’« athéisme » de la révolution d’Août au printemps de la religiosité, une foi tonitruante mais des œuvres qui se font attendre »

    dommage que mon intervention n’ait ete publiée Je pense que cela pu amener un debat de fond
    SOME

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