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Guillaume Soro : "Après le 30 octobre, Gbagbo n’est plus président"

Publié le jeudi 4 août 2005 à 08h11min

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Le Secrétaire général du MPCI(Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire), Guillaume Soro, a rencontré le 25 juillet 2005 à 13 heures au Ranhotel de Bouaké, les opérateurs de la filière bétail et viande de la sous-région. A l’issue de la rencontre, il a bien voulu nous accorder une interview dans son quartier général.

Nous avons été introduit dans ce saint des saints par le général Watao qui, à sa descente de voiture, a été accueilli par un garde-à-vous sec et spectaculaire de combattants armés de kalachnikov en bandoulière. La sécurité de Guillaume Soro se compose des éléments du célèbre groupe des "Anacondas" qui compte aussi des "Go canon". Le général Watao a alors répondu : "Repos, soldats, la Côte d’Ivoire compte sur vous". Nous sommes montés aussitôt au premier étage pour rencontrer, dans un modeste bureau, le secrétaire général du MPCI.
C’est un Guillaume Soro au visage serein, arborant une barbichette à "la Lénine" qui, dans un verbe calme et posé qui contraste avec son air juvénile, s’est prêté à nos questions

Le Pays : Dans la nuit du 23 au 24 juillet 2005, des localités autour d’Abidjan ont été attaquées et les Forces nouvelles sont mises à l’index par Abidjan pour violation du cessez-le- feu. Qu’en est-il exactement ?

Guillaume Soro : Nous refusons de rentrer dans cette comédie loufoque. Les Forces nouvelles sont engagées dans un processus de paix ; naturellement, les textes et le processus de désarmement sont en voie de réalisation et tout le monde aura compris qu’il n’était d’aucun intérêt stratégique pour les Forces nouvelles d’aller attaquer une ville comme Agboville. Tout le monde se rend compte et même les chancelleries rient sous cape parce que tout le monde sait que c’est Laurent Gbagbo lui-même qui a orchestré ces attaques en vue simplement de faire diversion et de refuser d’appliquer les accords. C’est pourquoi j’en appelle à la communauté internationale pour que les accords de Marcoussis et de Pretoria soient appliqués intégralement.

Les accords piétinent. S’achemine-t-on vers un Pretoria III ?

De toute façon, je ne sais pas si on ira à Pretoria III ou à Abuja I. L’essentiel pour nous, c’est que la voie de la paix passe nécessairement par des élections démocratiques et transparentes. Et ça, les Forces nouvelles sont déterminées à l’obtenir. C’est pourquoi nous exigeons que les lois, les réformes politiques soient mises en oeuvre, à savoir la question de l’identification pour donner les cartes d’identité à tous les citoyens ivoiriens, la question de la nationalité pour que plus personne dans notre pays ne soit spolié de sa nationalité. Nous pensons que ce sont des points importants qui doivent être réalisés et ceci permettra l’organisation d’élections démocratiques et transparentes dans notre pays.

L’élection présidentielle d’octobre 2005 semble hypothéquée. Quelle sera la position du MPCI si d’aventure elle n’avait pas lieu ?

Pour nous, il est clair que M. Laurent Gbagbo fait tout pour que les élections ne se tiennent pas en Côte d’Ivoire. Et pour cause, il sait lui-même qu’il est ultra-minoritaire et que de simples élections mettraient fin à sa présidence dans ce pays. C’est pourquoi il use de tous les subterfuges, dont d’ailleurs la pseudo-attaque qui a eu lieu à Abidjan, pour que les élections n’aient pas lieu. Mais de toutes les façons, si on arrivait au 30 octobre 2005 sans élections, vous comprendriez et conviendriez avec moi qu’à partir de ce moment, M. Laurent Gbagbo ne serait plus président légitime de la Côte d’Ivoire. A partir de là doit s’ouvrir une ère de transition qui doit aboutir à des élections démocratiques et transparentes pour doter la Côte d’Ivoire d’institutions véritablement légitimes.

Guillaume Soro, l’étudiant rebelle devenu leader d’un mouvement armé. Votre jeunesse ne joue-t-elle pas sur la discipline de vos troupes et l’organisation du mouvement ?

Sachez que nous avons une mission dans laquelle nous sommes engagés. Cette question me rappelle celle que le président Kuffor me posait à Dakar lors d’un sommet extraordinaire de la CEDEAO. Je lui ai simplement répondu que le président Eyadema avait pris le pouvoir à 32 ans. L’actuel président du Burkina, Blaise Compaoré, était au pouvoir à 30 ans. Je ne crois pas que la jeunesse puisse jouer sur la qualité du travail que nous faisons. Je pense qu’on a beaucoup plus d’énergie à revendre et nous sommes en train de faire en sorte que les problèmes qui ont fondé la prise des armes en Côte d’Ivoire, l’ivoirité, soient résolus et que la Côte d’Ivoire elle-même se réconcilie avec sa diversité parce que la Côte d’Ivoire était un pays de diverses nationalités qui vivaient paisiblement sur ce territoire. C’est ce que nous souhaitons pour notre pays.

Entretenez-vous des relations militaires avec les autorités burkinabè ?

Si votre question va dans le sens de dire que c’est le Burkina qui a donné des armes à la rébellion, je vous répondrai simplement que le Burkina n’a pas d’usines de fabrication d’armes. Là où Laurent Gbagbo est parti se procurer ses armes, c’est là-bas aussi que nous nous procurons les mêmes armes. Nous avons des relations avec des pays voisins comme la Guinée, le Mali et le Burkina Faso mais nous n’avons aucune relation militaire avec ces pays.

Savez-vous que la crise en Côte d’Ivoire joue énormément sur l’économie du Burkina Faso, de sorte que le président Blaise Compaoré comprend que son intérêt est de faire en sorte que la paix revienne et redonne la sécurité à la Communauté burkinabè vivant en Côte d’Ivoire ? Je pense que ce sont des soucis pour lui .

C’est pourquoi il faut trouver les solutions des problèmes des Ivoiriens en Côte d’Ivoire. Aucune attaque n’est venue de l’extérieur. Nous nous sommes réveillés le 19 septembre 2002 et c’est à l’intérieur d’Abidjan que les Kalachnikov ont crépité, et non à une frontière. Donc, il ne faut pas trouver de bouc émissaire. Les Ivoiriens sont suffisamment matures pour résoudre leurs problèmes eux-mêmes.

Propos recueillis à Bouaké par Mohamed Ag Ibrahim (Collaborateur)

Le Pays

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