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Pr Charlemagne Ouédraogo, président de l’Ordre national des médecins : « Nous avons recensé seize faux médecins qui exerçaient au Burkina. Mais les démarches à la justice peinent à aboutir »

Publié le vendredi 8 février 2019 à 00h38min

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Pr Charlemagne Ouédraogo, président de l’Ordre national des médecins : « Nous avons recensé seize faux médecins qui exerçaient au Burkina. Mais les démarches à la justice peinent à aboutir »

Gynécologue-obstétricien, Pr Charlemagne Ouédraogo préside, depuis novembre 2018, l’Ordre national des médecins du Burkina. Dans cet entretien qu’il nous a accordé la semaine écoulée dans les locaux de l’hôpital Yalgado-Ouédraogo, Pr Ouédraogo revient sur la vie de l’organisation et aborde des sujets relatifs à la poursuite des faux médecins, la corruption dans le milieu, l’absentéisme des agents de santé dans les services publics, la politique de gratuité de soins pour la femme enceinte et les enfants de 0 à 5 ans, etc.

Lefaso.net : Vous avez été porté à la tête de l’Ordre national des médecins du Burkina Faso en novembre 2018. Quels sont la vision et les objectifs du nouveau bureau ?

Pr Charlemagne Ouédraogo : J’ai été élu à la présidence du Conseil de l’Ordre des médecins du Burkina pour un mandat de quatre ans. Nous avons voulu placer ce mandat sous le signe de la solidarité, de la confraternité, afin que nous puissions, à travers cela, remplir les missions qui nous sont assignées. Bien-sûr, cela ne se fait pas avec une personne, mais en équipe.

Le bureau étant nouveau, nous devons renouveler les bureaux des régions qui sont également arrivés au terme de leurs mandats. Le Burkina est divisé en quatre régions ordinales. Il s’agit de la région de Ouagadougou, la région de Bobo-Dioulasso, celle de Ouahigouya et la région de l’Est.

Nous avons lancé le processus que nous comptons achever en mars (2019, ndlr) avec de nouveaux bureaux pour chacune des régions ordinales. C’est avec l’ensemble de ces conseils de région que nous allons élaborer le Plan stratégique pour les quatre ans à venir, et à partir de ce plan stratégique, nous allons, pour chaque région, tirer un plan d’actions annuel pour la mise en œuvre et tout cela sera chapoté par le Conseil national de l’Ordre des médecins qui comprend huit membres, dont le président.

A ce jour, combien de médecins sont inscrits au tableau de l’Ordre et quelles sont les modalités d’adhésion à l’organisation ?

Nous publions le tableau annuellement, et pour le tableau actuel, nous sommes à 1 305 médecins inscrits. Egalement, comme il y a des soutenances qui se font au fur et à mesure, ces personnes qui sont nouvelles ne figurent pas sur le tableau, mais reçoivent une attestation qui consacre leur appartenance à l’Ordre des médecins.

Si nous faisons le point avec la sortie des nouveaux médecins qui, actuellement, s’inscrivent pour la région de Ouagadougou, on est autour de 1 600 médecins. Donc, si on fait le point pour l’ensemble des régions ordinales pour tout le Burkina, le nombre tourne autour de 3 000 médecins inscrits.

S’agissant des modalités d’adhésion, il faut dire que l’Ordre des médecins est une institution républicaine, créée par la loi N°28 de l’année 2012 et promulguée dans la même année. L’ensemble des missions de l’Ordre des médecins sont stipulées par la loi et pour adhérer à l’Ordre, il faut remplir un certain nombre de conditions énumérées dans la loi.

L’article 37 dit qu’ « on ne peut pas exercer la médecine sans être inscrit au tableau de l’ordre ». L’article 38 de cette même loi décline les conditions : il faut être Burkinabè ou ressortissant d’un pays de la CEDEAO ou de l’UEMOA ou étant un étranger avec le statut de coopérant ; il faut avoir un doctorat en médecine ou son équivalent.

Si vous avez un doctorat en médecine qui n’est pas de l’espace CAMES, UEMOA ou de la CEDEAO, il faudra que ça passe au niveau de la commission nationale d’équivalence des diplômes pour qu’on vérifie si ce diplôme de doctorat que vous avez eu ailleurs équivaut aux conditions burkinabè pour être médecin.

Quels sont les avantages liés à l’affiliation à l’Ordre ?

Avant de parler d’avantages, c’est une obligation de la loi. Si quelqu’un étant titulaire du diplôme de docteur en médecine n’est pas inscrit au tableau, il est en violation de la loi. C’est une obligation. Parlant d’avantages, c’est que ça vous permet d’exercer la médecine et de respecter le code de déontologie, et tant que vous respectez le code de déontologie, vous ne serez pas sous le coup d’une poursuite judiciaire ou d’une plainte quelconque.

Lors de votre élection, vous avez signifié que vous allez travailler à rassembler l’ensemble des médecins autour de votre mission essentielle. Comment comptez-vous y parvenir ?

Nous allons rendre les Conseils de région très dynamiques. D’abord, il faut que chaque Conseil de région puisse respecter les assemblées générales. Nous allons également développer un certain nombre d’activités fédératrices, pour que l’ensemble des médecins se retrouvent.

Il s’agira d’activités en rapport avec les missions qui nous sont assignées, d’activités en rapport avec un renforcement de capacités de l’ensemble des médecins sur les dispositions du code de déontologie médicale et du règlement intérieur qui sous-tend le fonctionnement de l’Ordre des médecins.

Cela va nous emmener à discuter d’un certain nombre de questions en rapport avec la profession de médecin et aussi d’un certain nombre de difficultés relatives à la vie du médecin à l’intérieur de l’hôpital et dans la vie publique. Nous allons mettre tout cela dans le plan stratégique et ça fera partie des plans d’actions annuelles que chaque région va mettre en œuvre.

En attendant l’élaboration de ce plan stratégique, le bureau national s’est réuni en conseil et en session ordinaire et a proposé des activités pour que nous puissions élaborer le prochain plan stratégique. Il sera question de renforcer les capacités des nouveaux médecins, qui sont environ 300, et qui doivent être bientôt affectés dans les différentes régions du Burkina.

Nous allons les réunir à travers un atelier pour renforcer leurs connaissances et capacités sur les dispositions du code de déontologie médicale et du code de déontologie de la fonction publique, parce qu’ils vont être affectés en tant que fonctionnaires, pour ceux qui le veulent, dans les différentes formations sanitaires.

Nous allons utiliser une équipe pluridisciplinaire avec des magistrats, des anciens membres de l’ordre, des personnes ressources, des spécialistes des ressources humaines de la fonction publique pour que les médecins puissent comprendre les conditions d’un exerce correcte de la médecine en tant que médecin, mais aussi en tant que médecin et fonctionnaire de l’Etat.

Nous allons terminer par une cérémonie d’accueil des nouveaux médecins dans la famille avec un renouvellement du serment d’Hippocrate qu’ils vont prêter devant leurs confrères et le conseil de l’ordre. Ce sera une innovation que nous comptons institutionnaliser.

Désormais, il ne se sera plus question de signer les attestions des médecins et de les laisser comme ça ; avant qu’ils ne commencent l’exercice de la médecine, après leur soutenance, nous allons organiser un atelier dédié à ces jeunes médecins pour renforcer leurs compétences dans ces domaines afin qu’ils puissent être outillés pour mieux exercer la médecine en respectant le code de déontologie.

Vous avez par ailleurs souligné que vous allez travailler de sorte à ce que l’exercice de la médecine soit empreint de moralité irréprochable. Comment comptez-vous assainir le milieu ?

Nous allons déjà extirper les faux médecins parmi la grande famille des médecins. C’est un travail que nous avons commencé depuis quatre ans, nous allons poursuivre cela et pour les vrais médecins, nous allons passer par l’appropriation du Code de déontologie médicale.

Un médecin qui s’approprie des différentes dispositions qui sont contenues dans ce code de déontologie médicale exercera une médecine qui respecte les dispositions qui lui permettent d’être irréprochable sur le plan de l’éthique et de la moralité. Nous pensons que c’est quelque chose d’important, parce que l’enseignement qui est donné au cours de la formation ne prend pas en compte tout le volet contenu dans le code de déontologie.

Il nous appartiendra de renforcer les capacités de personnes qui sont nouvellement médecins pour qu’elles sachent quelles sont les dérives possibles dans ce métier , quel comportement faut-il avoir pour que la population qui vient vers les médecins soit satisfaite , qu’est -ce qu’il ne faut pas faire et qu’est -ce qu’il faut faire et tout cela est contenu dans le code de déontologie.

A ce propos, où en êtes-vous avec l’affaire de faux médecins ? Combien de cas ont été recensés à ce jour ?

A ce jour, nous avons recensé seize cas, grâce au combat que nous avons engagé ces quatre dernières années dans la région ordinale de Ouagadougou. Pour certains cas, il y a eu un jugement avec un délibéré de condamnation. Il y a d’autres qui sont toujours sous le coup d’une procédure judiciaire.

Le premier cas que nous avons eu à gérer, c’était en février 2014. C’est celui de Dabo Mamadou Chérif. Suite à une dénonciation faite par un confrère, nous avions mené une enquête, puis déposer une plainte contre ce monsieur. Cette plainte avait conduit à son arrestation par la gendarmerie nationale en flagrant délit le 10 juin 2014 et après un jugement le 6 août 2014, rendu en premier ressort en matière correctionnel par le tribunal de grande instance de Ouagadougou, Dabo Mamadou Chérif a été déclaré coupable des faits d’usage de faux, notamment de faux diplôme de docteur en médecine, d’usurpation de titre de médecin et d’exerce illégal de la profession de médecin.

Il avait été condamné à 24 mois ferme de prison, interdiction de séjour au Burkina de 10 ans, et 40 millions de francs de dommage et intérêt à payer à l’Ordre des médecins de Ouaga. Il a fait appel de ce jugement qui n’a pas eu d’audience jusque-là. La raison, nous l’ignorons et à notre grand étonnement, il a été mis en liberté provisoire à l’audience du 13 février 2015 et ce jour-là, c’est une audience qui a été présidée par le juge Nana Ibrahim à la Cour d’appel soit disant pour raison médicale ; notre conseil juridique n’avait jamais été avisé et ni le conseil de l’ordre.

L’individu aurait ainsi organisé son insolvabilité puis quitter le territoire du Burkina en toute impunité. C’est dans les colonnes du journal Bendré que nous avons pris connaissance d’un article y relatif dans lequel nous découvrions que ledit certificat médical était non seulement faux, car signé par un autre faux médecin du nom de Ouédraogo Mahamadi ; dossier justement que nous avons aussi instruit et cette personne a été écrouée à la MACO et jusque-là, nous attendons l’audience du jugement parce que Dabo Mamadou Chérif n’avait jamais eu de permission pour aller consulter hors de la MACO (Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou) , on se demande où il a eu ce certificat médical qui a été signé par un autre faux médecin pour lequel nous avons déposé une plainte qui a conduit à son arrestation et son incarcération à la MACO.

Suite à cela, nous avons adressé un courrier à la ministre de la justice sous la transition qui n’avait pas daigné nous répondre ne serait-ce que pour accuser réception, on a trouvé que c’était un mépris. Par la suite, nous avons été satisfaits avec l’actuel ministre de la justice et son équipe qui, suite à notre correspondance du 17 août 2016 sur ce problème, a accusé réception par courrier du 15 septembre 2016 dans lequel, il avait promis de donner une suite.

Et la suite, on la connait, ce cas avait été enrôlé dans les dossiers de la commission d’enquête du Conseil supérieur de la magistrature. Nous avions été auditionné à ce sujet, le 2 février 2017 dans le cadre de l’instruction du dossier par le Conseil supérieur de la magistrature. Nous espérions qu’à l’issue des travaux de cette commission, nous aurions eu une manifestation de la vérité sur les conditions de libération de ce délinquant de grand chemin, mais malheureusement, grande fut notre déception.

En audience disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature, nous avions défendu notre position seul, sans avocat, face au juge Nana Ibrahim incriminé et son groupe d’avocats commis pour sa défense. A cette audience, nous avons découvert que l’appel interjeté pour sa libération n’avait pas été fait par son conseil, mais son épouse, à l’insu du conseil. Les conclusions de ce conseil ont été rendues caduques ; dans tous les cas et jusqu’à preuve du contraire, nous tenons ce juge responsable de cette situation.

Il y a également le cas de Ouédraogo Mahamadi, celui qui a signé le faux certificat médical pour Dabo Chérif. C’est un monsieur qui a exercé dans la fonction publique pendant près de quinze ans avec son faux diplôme, qui a même fait la chirurgie d’urgence ; on ne sait pas ce qu’il a fait comme dégât en tant qu’agent public de l’Etat. Il évoluait avec un faux diplôme provenant de l’université de Cocody (Côte d’Ivoire, ndlr) et c’est grâce à ce faux diplôme, qu’il s’était même fait inscrire frauduleusement sur le tableau de l’Ordre des médecins en 2005.

On a fait nos enquêtes au Mali et en Côte d’Ivoire et moi-même, je me suis rendu à l’université de Cocody pour mener l’enquête avec l’administration universitaire. C’est aux termes de toutes ces enquêtes que nous avons constitué un dossier, déposé une plainte argumentée auprès du procureur le 29 juillet 2015 et cette plainte a conduit à une enquête qui s’est soldée par son interpellation le 31 juillet 2015. L’enquête a été confiée à un juge d’instruction qui nous a entendu sur ce dossier, mais l’individu jouit d’une liberté provisoire en attendant son procès qui n’a jamais eu lieu jusqu’à ce jour.

On se demande si celui-là aussi ne va pas prendre la poudre d’escampette avant même son procès ; est-ce qu’il continue d’exercer, est-ce qu’il vit encore au Burkina, nous ne savons pas et jusqu’à présent, il n’y a jamais eu d’audience sur le cas Ouédraogo Mahamadi. C’est le deuxième dossier le plus rocambolesque après celui de Dabo Chérif et pis, c’est lui qui a signé le faux certificat médical pour Dabo chérif qui a quitté le Burkina. On se demande comment ces deux personnes ont fait pour passer à travers les mailles de l’appareil judiciaire.

Après lui, il y a le cas Dicko Mahamadi qui était un faux anesthésiste réanimateur qui évoluait à Ouagadougou sous un faux diplôme de l’université du Gabon. C’est suite à une demande d’emploi au poste de médecin anesthésiste réanimateur auprès du CHU (Centre hospitalier universitaire) de Tengandogo que le directeur de l’hôpital nous a transmis son dossier pour vérification.

C’est analysant l’ensemble du dossier que nous avons décelé des anomalies. Première anomalie, le diplôme de doctorat en médecine qui provenait de l’université du Gabon n’était pas authentique, car l’université du Gabon ne délivre pas de diplôme sous le format qu’il nous avait introduit parce nous avons les formats de diplôme de ces pays.

Deuxièmement, le diplôme de spécialisation en anesthésie réanimation était faux car le Gabon nous a dit que, eux-mêmes, au moment où nous on leur posait la question, la première promotion d’anesthésiste réanimateur n’était pas encore sortie. Et le doyen de l’Université du Gabon nous a envoyé une correspondance pour dire que le diplôme qu’on lui a soumis n’était pas authentique de l’université du Gabon et que par conséquent, il déclinait toute leur responsabilité.

Alors, au terme donc de cette enquête que nous avons menée encore, nous avons déposé une plainte en décembre 2015 qui a conduit à son arrestation. Nous avions à l’époque été entendu par la gendarmerie nationale mais depuis lors, plus de nouvelle de ce cas emblématique. Est-il toujours à la MACO ? Est-il en liberté provisoire ? Est-il hors du Burkina ? En tout cas, nous avons posé ce problème au cours d’une audience avec le premier substitut du Procureur du Faso qui avait également promis de nous revenir avec de plus amples informations.

Depuis lors, nous attendons l’appareil judiciaire pour que ce dossier-là suive. Il y en a plein ; ça, ce n’est que les trois cas sur les seize dont je pourrai en parler jusqu’à demain, mais on y reviendra un autre jour. Ce sont des cas qui nous ont amené à collaborer avec l’appareil judiciaire pour pouvoir les mettre hors d’état de nuire à la santé des populations. Et du reste, nous saluons donc les efforts que le procureur et le ministre de la justice et leurs équipes font justement pour nous aider dans cette tâche et je saisis votre micro pour leur dire merci pour ça.

Selon le dernier rapport du REN-LAC (Réseau national de lutte anti-corruption), le corps soignant se classe parmi les secteurs les plus corrompus du pays. Quel commentaire faites-vous de cette donne ?

Je n’ai pas encore lu tout le document, j’ai suivi le commentaire qui en a été fait par les journalistes. Le REN-LAC fait des publications chaque année sur l’état de la corruption, ils ont une méthodologie et c’est une structure pour laquelle, du reste, nous avons beaucoup de respect, mais je dois dire, sans rentrer dans les détails, qu’ils ont certainement relevé des insuffisances puisque, quand on parle de corruption, ce sont des insuffisances et nous reconnaissons qu’il y a des insuffisances.

Chacun de nous, Ordre des médecins, administration publique, devraient lire ce document avec beaucoup d’attention et voir comment les analyses, les conclusions portées peuvent nous permettre de tirer des leçons afin de travailler à ce que toutes ces choses-là n’arrivent pas.

A quoi faites-vous référence, lorsque vous parlez d’ « insuffisance » ?

Mais quand on dit insuffisance, c’est tout ce qui a été dit, c’est-à-dire la corruption, les soins inappropriés, l’absentéisme des agents ; c’est tout ce qui est interaction non appropriée avec les usagers des services de santé, l’insuffisance d’équipements, il y a beaucoup de choses. Il y a des insuffisances qui interpellent directement l’agent de santé, qui peut être médecin, infirmier ou tout autre ; il y a des insuffisances qui interpellent le système de santé etc.

Moi, en tant que membre de l’Ordre des médecins, ce document, je vais encore le relire pour voir quels sont les éléments que nous pouvons tirer pour pouvoir renforcer les capacités de nos médecins parce que chaque ordre doit le lire et faire en sorte que nos confrères puissent avoir une attitude correcte qui soit loin de ces accusations qui peuvent être souvent fondées à certains endroits.

Bien sûr, ce n’est pas tous les agents qui se comportent mal. Il y a probablement certains qui ont des comportements qui ne cadrent pas avec les règles de déontologie. Nous allons prendre acte et travailler à ce que s’il y a une éventuelle enquête faite par le REN-LAC, qu’on se rende compte que les différentes entités responsables ont travaillé à ce que cette problématique ne soit plus à jour.

Où en êtes-vous avec la fonction publique hospitalière ?

Nous avons pris part à certains travaux et je crois que tout est bouclé au niveau du ministère. Il reste des arrêtés d’application ; ça coïncide aussi avec les instructions que le gouvernement a données pour faire le point de tous les emplois de la fonction publique et tout cela est en cours de travaux. Les médecins attendent beaucoup de cette fonction publique hospitalière pour enfin voir leurs efforts couronnés par une rémunération qui soit correcte, avec un certain nombre de dispositions qui permettent d’améliorer la présence du personnel soignant dans les hôpitaux et leur disponibilité à offrir des soins à la hauteur des attentes de la population et en respect aux dispositions du ministère de la santé.

Nombreux sont les Burkinabè qui se plaignent des agents de santé de la fonction publique qui désertent les formations sanitaires publiques pour les cliniques. Sans pour autant ignorer le rôle que jouent les cliniques privées, on sait que cette pratique n’est pas sans conséquences. Peut-on espérer un changement à ce niveau avec l’application de la fonction publique hospitalière ?

Même en attendant l’application de la fonction publique hospitalière, ça devrait changer. Il appartient à chaque structure publique de mettre en œuvre les règles de gouvernance de sa structure ; si on doit attendre la fonction publique hospitalière pour que les choses changent, ça peut ne pas changer.

Si je suis directeur d’un hôpital, il y a une règle de fonctionnement des agents de santé ; est-ce que c’est respecté oui ou non, si j’ai un agent qui abandonne sa consultation aux heures normales de la fonction publique et qui se retrouve en train de faire des prestations ailleurs, il y a un problème et il appartient à chaque structure avec son organe de gouvernance, de relever ça et d’interpeller les personnes concernées afin qu’ils se corrigent.

Chaque hôpital, et chaque service présent dans un hôpital a un règlement intérieur, a une organisation de fonctionnement. En dehors de ça, le médecin est libre de circuler, mais si à l’instant T, on l’attend à l’hôpital pour opérer un malade (…) et qu’il se retrouve chez lui en train de dormir ou en clinique en train de prester, il y a un problème et en ce moment, c’est son responsable hiérarchique direct qui est interpellé.

Pensez-vous qu’il est évident de mettre fin à ce phénomène où il arrive que des agents du public et même des chefs d’unité possèdent des cliniques ?

L’Etat et le ministère de la Santé ont fait de gros efforts. Aujourd’hui, au ministère de la Santé, on ne délivre pas une autorisation pour ouvrir une clinique privée à quelqu’un qui est fonctionnaire de l’Etat en exercice. Ça n’existe pas, si vous voyez, c’est une anomalie qu’il faut dénoncer vivement.

Si je suis responsable d’une structure privée qui porte mon nom, je ne peux pas en même temps être responsable d’une structure publique. C’est la vacation des médecins dans le privé qui semble tolérée à leurs heures libres, mais pas une clinique qui appartient au médecin pendant qu’il est chef de service à quelque part. Ç’a existé dans le temps mais je crois qu’aujourd’hui, ça n’existe plus.

Avez-vous une idée de la répartition du personnel soignant au plan national et quel est le ratio patient/médecin traitant ?

Les données de l’année 2018 n’étant pas encore disponibles, selon l’annuaire statistique de 2017, nous sommes à un médecin pour 14 400 personnes contre un médecin pour 10 000 personnes recommandé par l’OMS.

Ces dernières années, l’une des grandes innovations dans le secteur de la santé a été certainement l’application de la politique de gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de 0 à 5 ans. Quelles observations faites-vous de la mise en œuvre de cette politique ?

C’est une grande innovation que j’apprécie personnellement parce qu’on aurait souhaité que ce soit pareil dans beaucoup d’autres domaines, mais il faut accepter que les femmes et les enfants constituent une couche vulnérable. La mise en œuvre est diversement appréciée selon les régions ; vous avez des endroits comme la région du Centre où des hôpitaux l’appliquent très bien, vous avez également des hôpitaux qui l’appliquent mal. C’est une politique qui est diversement appréciée.

Le plan de communication y relatif est en cours, peut-être que ça tarde à se déployer pour que les gens puissent connaître vraiment les détails de cette offre gratuite de soins que le gouvernement a bien voulu consacré depuis des années et qui , de mon avis, est extraordinaire.
Cela vient lever toutes les barrières financières de l’accès aux soins d’urgence que sont les accouchements et un certain nombre de maladies mortelles concernant les enfants de 0 à 5 ans. Dans l’hôpital où je travaille à savoir le CHU de Bogodogo, la mise en œuvre est intégrale.

Nous avons une pharmacie hospitalière qui marche 24 heures sur 24 et l’ensemble des soins en matière d’accouchement et de gestion des complications sont réglés sur cette pharmacie hospitalière et les factures sont envoyées au gouvernement qui rembourse. Si je me place au niveau de mon hôpital, je dirai que suis satisfait de la mise en œuvre de cette offre de soins gratuits ; je ne peux pas parler pour les autres entités parce que n’ayant pas eu un rapport sur ces structures, il m’est donc difficile de me prononcer sur les autres CHR et CHU.

Certes, des insuffisances ont été relevées au niveau de ma formation sanitaire, mais nous travaillons à les corriger, mais nous n’avons pas de rupture de médicaments qui nous empêche de mettre en œuvre cette politique. Même quand il y a des ruptures au niveau de la CAMEG, nous avons un mécanisme qui nous permet de nous approvisionner au niveau des grossîtes privés afin qu’il n’y ait pas une interruption.

Et récemment, nous avons eu la déclaration du gouvernement pour la gratuité des méthodes contraceptives et cela viendra compléter la gamme de l’offre de soins pour ces groupes vulnérables. Désormais, on fera en sorte que toute femme qui accouche à la maternité sorte avec la méthode contraceptive de son choix ; alors qu’avant, il fallait qu’elle sorte et qu’elle revienne payer un franc symbolique et ce franc symbolique peut être un frein et occasionner la survenue d’une grossesse non désirée.

Avec cette décision du gouvernement qui vient compléter la politique de gratuité pour les femmes et enfants, on aura de bons résultats parce que nous ne devons pas non plus tomber dans le cercle vicieux ; vous donnez la gratuité de l’accouchement et vous ne vous occupez pas de la contraception ; la conséquence, ce sont des grossesses non désirées qui auront encore recours à cette gratuité.
En guise de conclusion … !

Je souhaite véritablement que l’ensemble des médecins cultivent la solidarité et la confraternité parce que pour s’occuper de cette population des Burkinabè, il faut véritablement que nous puissions travailler sur la confraternité parce que c’est en travers une équipe pluridisciplinaire que nous pouvons solutionner plusieurs problèmes pour un même malade qui vient nous voir.

Mais si la confraternité est à rude épreuve, nous ne nous parlons pas, ça va être difficile de pouvoir être efficient pour régler les problèmes que les malades présentent. J’appelle tous mes confrères à plus de solidarité afin que nous puissions ensemble offrir à la population, des soins qui sont à la hauteur de ces attentes.

Je voudrais également demander aux usagers des services de santé d’être tolérants et compréhensifs car nous savons que l’exercice de la médecine est une œuvre humaine et l’œuvre humaine n’est jamais parfaite à 100%. Nous souhaitons à chaque fois qu’il y a des écarts, que la population puisse nous interpeller à travers les canaux classiques à savoir l’administration de la structure où les soins ont été donnés ou à travers un écrit au ministère de la santé.

Il y a souvent des plaintes qui circulent sur les réseaux sociaux mais ce n’est pas le cadre approprié pour qu’une structure comme un hôpital ait des éléments qui puisse lui permettre de s’améliorer. On leur demande de la tolérance, de la compréhension et qu’ils soient rassurés que l’Ordre des médecins travaillera toujours pour que le médecin, où qu’il soit, exerce une médecine empreinte de moralité et du respect du code de déontologie.

Entretien réalisé par Nicole Ouédraogo
Lefaso.net

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