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Situation sécuritaire : 2018, une année de sang, de discours et de victoires

Publié le vendredi 4 janvier 2019 à 00h30min

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Situation sécuritaire : 2018, une année de sang, de discours et de victoires

L’année 2018 a été particulièrement éprouvante pour le Burkina Faso, surtout sur le plan sécuritaire. Le pays a vécu au rythme des attaques terroristes sur pratiquement l’ensemble du territoire. Celle qui a, sans doute, marqué l’esprit des Burkinabè, c’est celle du 2 mars. Les terroristes ont frappé simultanément l’Etat-major général des armées et l’ambassade de France, en pleine journée et au centre-ville de Ouagadougou. Au lendemain de chaque attentat, son lot de déclarations, d’engagements et de mesures urgentes. Retour sur certaines mesures et ce qui a été fait sur le terrain.

« A la mémoire de toutes les victimes civiles et militaires, je vous invite à observer une minute de silence » et « Je souhaite un prompt rétablissement aux blessés ». Ces deux phrases sont citées à plusieurs reprises, lors de différentes rencontres.
Des Organisations de la société civile (OSC) condamnent les attaques terroristes, invitent la population à l’union sacrée, interpellent le gouvernement sur son rôle dans la sécurité des personnes et de leurs biens. A côté, il y a celles qui produisent des documents scientifiques sur la sécurité au Burkina. C’est le cas de l’institut de recherche Free Afrik qui a publié son rapport « Réarmer la gouvernance », en début de l’année 2018. Et ce think tank a donné des leviers à activer pour vaincre avec le peuple et pour le peuple.

« (…) nous notons quelque chose de grave : dans notre pays, nos Forces de défense et de sécurité sont de plus en plus (c’est la nouveauté) en train de s’aliéner le soutien et la collaboration des populations locales. Il y a des rapports qui parlent d’exactions, il y a des témoignages très clairs qui indiquent que des populations, parce qu’elles appartiennent à la partie septentrionale de notre pays, se sentent lésées, piétinées, parfois blessées, voire tuées, par nos forces régulières. Je ne leur jette pas la pierre, mais j’indique que c’est une situation extrêmement grave parce que c’est un paramètre critique de la lutte contre le terrorisme. Si vous voulez lutter contre le terrorisme, il faut indispensablement que votre population soit avec vous, et ça, il faut le traiter, faire en sorte qu’on ait un élan national pour aller à la lutte », révèle Dr Ra-Sablga Seydou Ouédraogo, directeur exécutif de Free Afrik lors de la présentation de l’étude, « Réarmer la gouvernance ».

Marche-meeting de l’opposition

L’opposition accuse

Dépassée par les attaques terroristes répétées, le Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso (CFOP-BF) a toujours interpellé le gouvernement sur sa responsabilité. « Notre armée a suffisamment saigné, et nos populations ont suffisamment été endeuillées. Au-delà des condamnations verbales et des pleurnicheries officielles, les Burkinabè attendent du président du Faso, chef suprême des armées, et de son gouvernement un véritable sursaut d’orgueil et des actes concrets qui démontrent leur volonté et leur capacité à bouter l’ennemi hors de nos frontières », avait fini par lâcher Zéphirin Diabré. Ce, à la suite de la énième attaque sur l’axe Fada-Pama, le 27 août 2018, qui avait fait sept morts et six blessés.

Cette rhétorique de la culpabilisation a été chaque fois reprise, au risque d’irriter une certaine opinion qui estime que l’opposition politique fait de la récupération et n’aurait pas fait mieux si elle était aux affaires.

Ainsi, le samedi 29 septembre 2018, à Ouagadougou, à l’appel de l’opposition politique regroupée au sein du CFOP-BF, plusieurs milliers de manifestants ont battu le pavé. Cette marche-meeting a été un cadre pour l’opposition pour égrener plusieurs maux à la charge du pouvoir Kaboré, et parmi les messages lancés figurent celui demandant le limogeage des ministres de la Sécurité et de la Défense, l’appel au président du Faso à convoquer une assise nationale sur la réconciliation nationale, la révision du nouveau code électoral.

Rencontre entre gouvernement et opposition politique

Le Premier ministre devant les députés

Le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, a fait un exposé sur la question sécuritaire au Burkina Faso, devant la représentation nationale, le lundi 17 septembre 2018. « Du 1er janvier au 15 septembre, on dénombre 69 victimes dont 31 parmi les FDS (25 militaires et 06 paramilitaires) et 38 civils. Ce bilan humain de 69 victimes sur une période de huit mois et demi, qui représente plus de 50 % du bilan total depuis 2015, traduit le caractère préoccupant de la situation sécuritaire du moment », avait déploré le chef du gouvernement.

Devant l’Assemblée nationale, il a notifié que le président du Faso a décidé de réunir le Conseil supérieur de la défense nationale toutes les deux semaines jusqu’à nouvel ordre. A cette même occasion, Paul Kaba Thiéba a ajouté que le président a également donné des instructions pour la relecture rapide de la politique de défense nationale qui date du 19 avril 2004, en vue de l’adapter à la nature de la menace.

Par ailleurs, il annonçait des difficultés majeures rencontrées sur le terrain, qui sont d’ordres divers : logistique, opérationnel et financier, non sans avoir promis des solutions le plus rapidement possible.

Démantèlement de la cellule terroriste de Rayongo

Regain de patriotisme au sein de la classe politique

A chaque attaque terroriste, les Burkinabè, comme un seul homme, condamnent ces actes « lâches et barbares ». Des messages de compassion et d’encouragement sont adressés aux Forces de défense et de sécurité (FDS).

Chez les politiciens également, le patriotisme a été ravivé. A titre d’exemple, une délégation de l’opposition politique et le Premier ministre (assisté des membres de son gouvernement) ont échangé, le jeudi 20 septembre 2018 à la Primature, sur la situation nationale. « Au-delà de toutes les considérations, c’est vraiment l’esprit patriotique, républicain, qui nous a réunis ce matin. Tous les enfants de ce pays doivent se parler lorsque le pays est en danger », a jaugé le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, remerciant la délégation du Chef de file de l’opposition politique pour le déplacement.

Le président Roch Kaboré toujours optimiste

Et le chef suprême des armées dans tout ça ? Eh bien, même si le président Roch Kaboré n’a pas enfilé une tenue « Terre du Burkina » pour aller sur le terrain en vue d’encourager les troupes, comme beaucoup l’auraient souhaité, il n’a pas manqué l’occasion, à chaque fois, de traduire sa compassion et ses félicitations aux FDS. Le président du Faso a, en outre, toujours eu un discours mobilisateur.

Ainsi, suite à l’attaque de l’Etat-major général des armées le 2 mars 2018, Roch Kaboré a indiqué que les Burkinabè doivent rester mobilisés comme un seul homme et intransigeants pour défendre leur vivre-ensemble. « Cela nous impose un engagement collectif sans faille et des sacrifices à consentir à tous les niveaux pour notre devenir commun ».

Ce qui est fait

Taxée de « grande muette », l’Armée ne saurait communiquer sur toutes ses actions.
Toutefois, il faut noter qu’en 2018, malgré le contexte assez préoccupant, les éléments des FDS ont tout de même gagné certaines batailles. On peut citer entre autres le démantèlement des bases terroristes et des réseaux de recrutement destinés à alimenter des filières terroristes, la saisine de nombreux artifices (explosifs, batteries, fils électriques) entrant dans la confection d’engins explosifs improvisés.

On peut aussi citer des produits de contrebande et l’interpellation des individus suspects lors des patrouilles. A titre d’exemple, dans la nuit du lundi 21 au mardi 22 mai 2018, des éléments de l’Unité spéciale d’intervention de la gendarmerie nationale (USIGN) ont débusqué des présumés terroristes qui habitaient une villa de Rayongo, un quartier de Ouagadougou. Cette opération menée avec brio a apporté du baume au cœur des Burkinabè qui n’attendaient que cela. De bonnes nouvelles sur le front de la lutte anti-terroriste qui a endeuillé tant de familles. Elle a aussi eu le mérite, pour une fois, d’amener les citoyens de tous les bords politiques à avoir le même message : « Félicitations ! ».

Aussi, les unités du Groupement des forces anti-terroristes (GFAT), dans le cadre de leurs missions, ont mené, en juillet 2018, une série d’opérations sur la bande frontalière nord. Ces actions, menées avec l’appui des forces aériennes, ont permis le démantèlement de bases terroristes et l’interpellation d’une centaine d’individus suspects.

Le 31 décembre 2018, comme mesure sécuritaire, le président du Faso, chef suprême des armées, a instauré l’état d’urgence à compter du 1er janvier 2019 dans les régions de l’Est, du Sahel, et dans les provinces de la Kossi, du Sourou, du Koulpélogo, du Kénédougou et du Lorum. « Au regard de la prolifération des groupes armés terroristes dans ces zones et de leur mode opératoire, les mesures envisagées dans le cadre de l’état d’urgence permettront à nos Forces de les combattre avec plus d’efficacité et de résultats », a-t-il justifié.

Dr Ra-Sablga Seydou Ouédraogo

Perspectives

Dans son adresse à la nation à l’occasion du nouvel an 2019, le chef de l’Etat a rappelé l’impérieuse nécessité d’accélérer les réformes au sein des FDS, « car tout doit être mis en œuvre pour que le retour à la sécurité soit une réalité pour notre peuple ». Aussi, il a annoncé l’augmentation des crédits alloués à la Défense et à la Sécurité, au titre du budget 2019.

Au cours du dernier conseil des ministres de 2018 (session extraordinaire), les autorités ont échangé sur les nouvelles mesures visant à renforcer la réorganisation opérationnelle des FDS ; le renforcement de la vigilance et de la prévention ; la protection de la population et des infrastructures.

Ces mesures annoncées par le politique, cet engagement commun des Burkinabè, cette détermination des éléments des FDS à se battre pour ne céder aucune parcelle du territoire, auront-ils le mérite de rendre 2019 moins sanglante, plus victorieuse sur le front anti-terroriste ?

Cryspin Masneang Laoundiki
LeFaso.net

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