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Pargui Emile Paré : "En politique, je tape au moment opportun”

Publié le vendredi 29 juillet 2005 à 09h28min

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Pargui Emile Paré, le « chat noir » du Nayala, président du Mouvement du Peuple pour le Socialisme/Parti fédéral (MPS/PF) et de l’Opposition burkinabè unie (OBU) a la répartie facile. Reçu en invité de la Rédaction de Sidwaya le 6 juillet dernier, il a fait face à toutes les questions.

Donnant même par moment l’impression de « vider » ses tripes pour cracher sa part de vérité sur les questions nationales dont les plus attendues portent sur la crise au sein de l’OBU et le feuilleton médiatico-politique de ces vacances qui reste l’affaire dite des trente millions du président du Faso. Pur produit de la Révolution démocratique et populaire, Emile Paré avoue s’être profondément engagé en politique, dans les années 1980. Plus précisément en 1986. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.

L’homme a acquis une grande expérience en politique, s’y est fait de nombreuses relations dans tous les courants et espère sincèrement le 13 novembre 2005 être à l’arrivée de la course à la présidentielle. Même si au passage son « OBU » a implosé avant d’exploser comme l’obus des soldats ne lui laissant que son MPS/PF (PF comme président du Faso ?!) comme un des socles de lancement pour la conquête du pouvoir d’Etat.
Sidwaya

(S.) : L’un des sujets qui suscitent encore des commentaires est le soutien de l’ADF/RDA au candidat du CDP. Qu’en pensez-vous ?

Docteur Emile Paré (E.P.) : C’est un cas d’école politique au Burkina. Pour moi, c’est un scandale. Du point de vue de l’éthique politique, je pense que les règles du jeu politique doivent être très transparentes. En tant qu’homme politique j’ai toujours été partisan des débats d’idées, du débat contradictoire sur les programmes politiques.

Alors, on ne peut pas comprendre que l’ADF/RDA, chef de file de l’opposition, censé tirer l’opposition dans le combat du 13 novembre prochain (NDLR : date de l’élection présidentielle) n’ait pas présenté de candidat. Cela est incompréhensible dans le contexte politique actuel de notre pays. Ou on fait l’opposition ou on ne la fait pas. Dans l’évolution de l’ADF/RDA, de sa naissance à maintenant, il n’est apparu nulle part dans ses prises de positions un soutien quelconque ni au président du Faso ni à son programme encore moins une alliance quelconque avec le CDP.

Et voilà que le peuple apprend de façon subite que le parti-chef de file de l’opposition soutient le candidat du parti majoritaire. Reconnaissez que c’est très décevant pour notre classe politique et notre démocratie. Si le chef de file de l’opposition soutient le candidat du parti majoritaire, c’est qu’il y a eu quelque chose quelque part ; une sorte de compromission politique.

La position du chef de file de l’opposition aujourd’hui est très dramatique pour lui. Je peux dire qu’on l’a noyé, il a bu la coupe jusqu’à la lie. Et ça, je dois m’en excuser, c’est la politique politicienne de la vieille garde des années 1958-1960 et autres. Les dinosaures de l’ADF/RDA ont sacrifié le jeune Gilbert. A sa place, je pense qu’il aurait dû sauter comme moi, démissionner de la tête de ce parti et créer son parti. En effet, lorsque certains dinosaures du PDP(mon ancien parti) ont voulu m’enfermer dans un « carcan » pour me sacrifier, j’ai sauté (puisque je suis un chat), je suis sorti et j’ai créé mon parti en riposte à cette politique politicienne et malicieuse de collaboration tacite et douce avec le pouvoir.

S. : Mais il s’est déchargé du titre de chef de file de l’opposition...

E.P. : C’est une position opportuniste. En réalité, il n’a même pas le droit de se décharger de son titre de chef de file de l’opposition. Je rappelle que je faisais partie de la commission qui a rédigé le statut du chef de file de l’opposition en tant que représentant de l’opposition avec le député Sibiri Traoré (paix à son âme). Nous nous sommes affrontés (Sibiri et moi) sur la notion de chef de file de l’opposition. Il y a eu un blocage à un moment donné des travaux de la commission. Alors que moi je défendais la nécessité d’un chef de file de l’opposition défini comme le chef du parti de l’opposition qui a le plus grand nombre de députés à l’Assemblée, mon collègue Sibiri représentant l’ADF/RDA de Hermann Yaméogo et Gilbert Ouédraogo, était contre.

Le président de la commission Dim Salif nous a demandé d’aller nous entendre. Lorsque nous nous sommes retrouvés à deux, j’ai dit à Sibiri : « Vous voyez toujours les textes en fonction des hommes. Aujourd’hui c’est Joseph Ki-Zerbo, le chef de file de l’opposition. C’est parce que Hermann ne veut pas que Ki-Zerbo soit le chef de file de l’opposition que vous êtes en train de rejeter cette notion de chef de file de l’opposition ».

Finalement Sibiri et moi nous sommes entendus sur cette notion de chef de file de l’opposition. La loi une fois votée, on sait retrouvé face aux manœuvres dilatoires du CDP pour bloquer son application. L’ADF/RDA qui était à l’époque au gouvernement n’a pas jugé utile de se battre pour son application et vous savez pourquoi. Après les législatives de 2002, Hermann Yaméogo avec ses députés a voulu son application et vous savez aussi pourquoi. Mais il n’a pas eu gain de cause. Il a fallu attendre Gilbert Ouédraogo pour voir son application et vous savez aussi pourquoi.

Comment Gilbert peut-il décider de se décharger subitement de ce titre noble de chef de file de l’opposition pour lequel il s’est battu. Il n’y a aucune disposition dans cette loi qui prévoit que le chef de file de l’opposition peut se décharger de son titre. La loi ne dit pas qu’en cas de démission, le parti qui suit en terme de plus grand nombre de députés prend la place. Alors pour moi Gilbert reste le chef de file de l’opposition il n’a pas le choix puisqu’il a aujourd’hui treize députés à moins qu’il ne déclare avec son soutien a la candidature de Blaise Compaoré qu’il est désormais de la mouvance présidentielle.

En réalité, je n’accuse pas Gilbert, il a été mangé et croqué par la politique politicienne des dinosaures de l’ADF/RDA.

S. : Qui sont ces dinosaures de l’ADF/RDA ?

E.P. : Vous les connaissez tout de même (rires). L’ADF/RDA, je le crois, se dit vieux parti de plusieurs années. Lors de leur dernier congrès, ils étaient au 13e du genre ; alors que l’ADF/RDA sous la direction de Gilbert est à son deuxième congrès.

S : Est-il interdit à un parti d’opposition de soutenir le pouvoir ?

C’est possible mais ici les raisons du soutien de l’ADF/RDA ne tiennent pas à mon avis.

On dit que Blaise le candidat du pouvoir a toutes les chances de gagner, donc il faut le soutenir. Cela n’est pas juste. Je ne pense pas qu’en politique il faut être sûr de gagner une élection avant de s’y engager. En démocratie, l’opposition ne soutient la majorité que dans des cas exceptionnels.

Cas du pays en situation de guerre, où face à une agression extérieure, les forces politiques de la nation s’associent dans un gouvernement d’union pour sauver la patrie en danger ; cas de crise nationale comme celle que nous avons connue en 1998 avec l’affaire Norbert Zongo nécessitent un gouvernement de réconciliation nationale ou de transition.

Mais il faut préciser que ces gouvernements d’union ou de transition sont limités dans le temps et ont des missions biens précises. Ces missions, une fois exécutées l’on doit revenir au jeu normal c’est-à-dire la compétition des idées, des programmes ; l’opposition s’oppose, la majorité gouverne, comme le dit Dim Salif.

Gilbert dit que l’ADF/RDA ira voir Blaise Compaoré pour qu’il intègre leur programme dans le sien.

Et s’il refuse ? Si j’étais Blaise Compaoré, j’allais même refuser.

S. : Voulez-vous affirmer qu’il y a une règle éthique en politique ?

E.P. : La politique a ses règles. Elle est une science et un art. C’est cette compréhension de la politique qui fait défaut à certaines personnes et à une certaine opinion lorsqu’ils apprécient les hommes politiques. En tant que science, la politique obéit à des lois. D’après la constitution, les partis politiques animent la vie politique de la nation. Tout parti politique créé est censé avoir une ligne, un projet de société. Il est censé avoir pour ambition de conquérir le pouvoir d’Etat et son action doit consister à mobiliser le peuple en vue d’atteindre cet objectif.

S. : Est-ce que tous les partis au Burkina Faso ont une ligne politique ?

E.P. : Je vous donne cette définition du parti politique d’un point de vue du principe. Mais sur le terrain pratique, il y a dans notre pays plusieurs types de partis politiques :

Il y a ceux que je peux considérer comme de vrais partis politiques, c’est-à-dire qui ont un programme de société, une ligne politique, une conviction et qui se battent pour conquérir le pouvoir d’Etat.

Il y a ceux qui sont des partis farfelus créés juste pour « manger » ; une sorte d’exploitation abusive et éhontée de la liberté d’expression consacré par la constitution. Il y a enfin ceux qui sont suscités ou créés par les « grands partis » du pouvoir ou de l’opposition dans l’optique de la « lutte de nombre » dans les débats et décisions politiques nationales.

S. : En tant que président de l’OBU, vous avez suivi l’investiture de votre ami Laurent Bado comme candidat de cette organisation. Quelle est votre réaction ?

E.P. : Je ne sais même plus qui est mon ami et qui ne l’est pas (rires). Laurent Bado n’est pas mon ami, c’était un compagnon politique. J’ai composé avec lui à un moment donné et tout le monde voit les conséquences avec l’évolution actuelle des choses au sein de l’OBU.

L’OBU existe toujours, mais Laurent Bado et moi nous sommes présentement en rupture politique. Cette rupture politique intervenue de la sorte, je ne pouvais pas le prévoir au moment de la création de l’Union le 05 août 2003.

Vous savez la politique est une science sociale et non une science exacte comme les mathématiques où l’on sait que A+B=C. En tant que science sociale donc on ne peut pas tout prévoir à l’avance. En revanche on essaie dans ses prévisions et en fonction de ses objectifs d’intégrer au fur et à mesure qu’on avance les éléments et faits nouveaux qui apparaissent dans le développement politique du pays.

Autrement dit, je ne peux pas prévoir aujourd’hui ce qui peut advenir de la politique au Burkina Faso dans 10 ou 20 ans. Personne d’autre ne peut le prévoir, excepté peut-être Laurent Bado qui dit avoir eu des révélations depuis 1967. Et pour revenir à l’investiture de Laurent Bado je dirai qu’aucune structure régulière et statutaire de l’OBU ne l’a investi. Il n’est pas donc le candidat de l’OBU mais candidat peut-être de son parti le PAREN.

S. : Donc ce n’est pas un problème de personne entre Laurent Bado et vous ?

E.P. : Entre Laurent et moi, ce n’est pas un problème de personne. Aujourd’hui il est toujours possible de s’asseoir ensemble dans un bistrot et prendre un verre de bière. Dans ce pays, certaines personnes veulent une chose et son contraire. La démocratie malgré les contradictions politiques n’empêche pas les rapports sociaux. Très souvent, on m’accuse d’avoir beaucoup d’amis dans le parti majoritaire. Dès qu’on me voit prendre un café avec mon ami Michel Ouédraogo par exemple, on dit le CDR est en train de voir ses amis. Lorsqu’on me voit avec un Salif Diallo ou un Roc Marc Christian Kaboré ou un Achille Tapsoba, on dira que je ne suis pas clair.

S. : Mais admettez-vous ou contestez-vous la candidature de Laurent Bado ?

E.P. : Un homme politique ne répond pas par un oui ou un non, il développe sa réponse. Nous avons créé l’OBU le 5 août 2003. A l’époque nous avons lancé l’idée en se disant que cela allait créer un élan au sein de l’opposition pour son unification. L’OBU constitue un dépassement qualitatif par rapport aux autres regroupements existant d’alors tout simplement parce que l’OBU devait se doter d’un statut, d’un règlement intérieur, d’un manifeste, donc de textes bien codifiés pour gérer son fonctionnement.

Avant l’OBU j’ai été dans plusieurs regroupements : la CFD (qui au départ était le groupe des six, puis le groupe des 13, puis le groupe des 20) ; le G14. Mais tous ces regroupements ont brillé par leur instabilité par manque de textes clairs et précis codifiant leur objectif et leur mode de fonctionnement.

Lorsque Laurent Bado m’a contacté pour la première fois pour me parler de la nécessité de l’unité de l’opposition, je lui ai dit de réunir toute l’opposition pour poser le problème. C’est ainsi qu’après quelques réunions de l’ensemble de l’opposition qu’il a convoquées, nous avons mis en place une commission de travail dirigée par Issa Tiendrébéogo, Secrétaire général du GDP et qui comprenait, Philippe Ouédraogo Secrétaire Général du PAI, Fidèle Hien (représentant Hermann Yaméogo Président de l’ADF/RDA), Victor Bado (représentant Laurent Bado Président du PAREN) et moi-même.

Les travaux de la commission ont été bloqués délibérément par certains de ses membres. Six mois après sa création la commission n’avait pu déposer les résultats de ses travaux auprès des partis de l’opposition. C’est ainsi que Laurent constatant le blocage m’a dit : « Emile, nous irons ensemble à deux parce que les autres sont des intrigants, des faux-types ». Le 11 décembre 2003, nous avons élargi l’OBU à trois autres partis d’obédience socialiste. Je vous apprends que même Laurent Bado a qualifié son tercerisme de socialisme africain pour être en conformité avec l’option socialiste de l’OBU.

Les textes de l’OBU faisant du Président le garant de l’unité du regroupement, tout en reconnaissant aujourd’hui que l’OBU traverse une crise, je me dois autant que possible d’y trouver une solution. Dans l’arène politique, il y a des peaux de bananes et des glissades. Il faut être capable de résister ou de donner des coups de poing quand il le faut.

C’est pourquoi je vous réponds en vous disant que Laurent Bado s’est auto-proclamé candidat de l’OBU. Aucune structure de l’OBU ne l’a élu. Je ne peux pas vous montrer en tant que président le procès-verbal du comité directeur national qui l’a désigné candidat de l’OBU.

S. : Peut-on donc considérer Alternance 2005, cet autre regroupement de partis pour la présidentielle, comme un jeu de dupes ?

E.P. : Je dois respecter mes camarades politiques de l’opposition. Mais je dois aussi exprimer mes divergences avec Alternance 2005 en toute modestie. Vous connaissez tout le processus qui a conduit à la création d’Alternance 2005. Elle est née suite à la déclaration lapidaire de Salif Diallo qui annonçait que Blaise Compaoré sera le candidat de la majorité. L’opposition s’est aussitôt réunie pour contre-attaquer avec l’article 37 qui, nous le pensons, disqualifie Blaise Compaoré juridiquement, politiquement et moralement comme candidat à l’élection présidentielle de 2005.

L’OBU a participé à cette réunion parce qu’elle était organisée pour défendre l’article 37 d’où la signature du mémorandum pour dire à Blaise Compaoré que si le peuple l’a contraint à réviser l’article 37, c’est qu’il ne veut plus qu’il ait un autre mandat. De la réunion autour de l’article 37, on a glissé sur un atelier sur la stratégie commune de l’opposition face à l’élection présidentielle de 2005. Cet atelier a eu lieu les 2 et 3 avril 2004.

A l’atelier l’OBU a défendu la position d’une candidature unique de l’opposition comme la meilleure voie pour battre le candidat du CDP et réaliser l’alternance politique dans notre pays. Mais cette position n’a été défendue que par deux autres partis, notamment la CDS de Valère Somé. Tous les autres partis ont défendu la position de trois candidats de l’opposition. Mais un « grand » parti comme le PDP représenté par Alain Zoubga et Salif Traoré est venu à l’atelier sans position prétextant que leur président Joseph Ki-Zerbo était hors du pays et que de ce fait il ne pouvait prendre position.

Dans la « tête » des partisans des trois candidats, il voyait un candidat sankariste, un candidat socialiste, un candidat libéral. Je leur ai démontré que leur position est pratiquement impossible. Comment les sankaristes peuvent-ils choisir un seul candidat alors que certains ne se disent même pas bonjour ? comment des socialistes qui ne s’entendent pas peuvent-ils s’accorder sur un seul candidat ? vous êtes d’accord avec moi que mon parti ne peut pas soutenir une candidature du PDP dans les conditions actuelles.

Je leur ai alors proposé que s’ils veulent trois candidats il faut les choisir sur la base des regroupements existants de l’époque (G14, COB, OBU) cela n’a pas été accepté. La suite aujourd’hui me donne raison. Je ne comprends pas aujourd’hui pourquoi certains s’entêtent à parler de trois candidats de l’Alternance 2005 alors qu’elle a pratiquement éclaté. Le PDP/PS, le FFS, le RDEB l’ont quitté pour présenter leur candidat. De même que le FPC et le PNR/JV l’ont pratiquement quitté.

De plus je ne vois pas comment lesdits trois candidats de l’Alternance 2005 vont battre campagne sans s’affronter sur certaines questions puisque chacun voudrait être le premier pour pouvoir bénéficier du report des voix des deux autres en cas de second tour. L’électorat de l’Alternance 2005 sera donc divisé entre ses trois candidats et on assistera immanquablement à un désordre généralisé au niveau de leur vote.

Or je pense que nous sommes en face d’un pouvoir décadent. La candidature unique allait donner plus de confiance à l’électorat et à tous ceux qui voulaient faire des votes neutres parce que l’opposition les décourage. Le pouvoir de Blaise ne peut plus être populaire. Il est en train de descendre. Il faut le cueillir à moindre frais sinon il y aura des dégâts. Mais les partis de l’Alternance 2005 n’ont pas voulu cela.

S. : Est-ce que ce n’est pas pareil à l’OBU ?

E.P. : Ce n’est pas pareil. Alternance 2005 a trois candidats choisis d’un commun accord. L’OBU a deux candidats issus de divergences ou pour être plus précis issus du refus d’un de ses membres de se soumettre au choix majoritaire de l’union.

S. : Parlez-nous alors de la crise au sein de l’OBU ?

La crise a éclaté le 24 mars 2005. Après concertations de tous les chefs de partis membres de l’OBU, j’ai convoqué ce jour une réunion des chefs de partis en vue d’adopter des positions consensuelles sur les questions sensibles inscrites à l’ordre du jour du comité directeur national convoqué aussi pour le même jour.

Sur la question du choix de notre candidat à l’élection présidentielle de 2005, le professeur Laurent Bado qui était à ma droite a dit « mais petit frère, fais un tour de table ! ». Le tour de table a débuté par Me Lompo Benoît du PSU qui proposera que le président de l’OBU conduise l’Union aux élections. Karamoko Koné du PDN lui, faisant suite, a appuyé cette proposition, Ignace Sawadogo représentantt Alfred Kaboré de la CNDP (On l’a accepté par souci de consensus) sans donner un nom, dit qu’il faut que le candidat s’engage à payer 10% du budget de la campagne.

A l’époque, j’avais établi un budget que j’ai adressé à chaque chef de parti. Ce budget s’élevait à 500 000 000 de F CFA. Quant à Laurent Bado, il a laissé entendre qu’il faut des critères pour choisir le candidat de l’OBU. Comme critères, il cite pêle-mêle la représentativité sur le terrain, à l’Assemblée nationale, les moyens financiers, la popularité, le charisme.

Entre temps, arrive Alfred Kaboré, président de la CNDP. Alors, Ignace Sawadogo est prié de se retirer. Alfred Kaboré prend la parole et appuie la position de Me Benoît Lompo. Donc, la CNDP a changé de position. Laurent se tourne vers moi et demande ma position. J’ai dit ceci : « si vous me faites confiance comme vous l’avez fait jusque-là depuis 2 ans, je suis prêt à conduire l’OBU pour la présidentielle ». Laurent Bado alors se fâche laisse entendre qu’il est le candidat idéal parce qu’il est le plus connu de nous tous ; qu’il a fait des conférences dans toutes les provinces et patati et patata. Et il a poursuivi en indexant les autres chefs en ces termes : « Alfred Kaboré, qui te connaît ? Me Lompo, qui te connaît ? Karamoko Koné, qui te connaît » ? Arrivé sur ma personne, il dit « Emile, on le connaît à la télé et à la radio, mais si je parle d’Emile à Zoula qui le connaît » ?

Quand il a parlé ainsi, j’ai alors sorti mes griffes de chat. « Professeur soyez modeste. On vous connaît comme conférencier et non comme politicien. Ne confonds pas deux domaines. Moi je suis médecin et toi professeur conférencier, cela n’a rien à voir avec la chose politique". Battu en brèche dans ce débat, Laurent Bado a ramassé ses bagages et s’en est allé en disant :"pas de réunion du comité directeur national aujourd’hui".

Il a donc claqué la porte sous les yeux des 45 membres du CDN qui nous attendaient. En partant il a donné l’ordre aux huit autres représentants de son parti de se retirer en clamant : « avec ou sans l’OBU, je serai candidat ».

Entre temps, j’ai été invité par le Département d’Etat américain. En mon absence, Laurent Bado qui s’est auto-exclu de l’OBU le 24 mars 2005 s’autosaisit de son titre de vice-président intérimaire et convoque en catastrophe une prétendue réunion du CDN pour intégrer un sixième parti à l’OBU, le PNR/JV et ceci en violation des textes de l’Union. L’objectif de cette manœuvre est évident : retourner en sa faveur la majorité qu’elle n’a pas eue le 24 mars 2005.

A mon retour des Etats-Unis, le groupe de Laurent Bado me demande de convoquer le comité directeur. Je leur propose qu’on reprenne la réunion là où elle s’est rompue sans le PNR/JV qui n’est pas légalement membre du CDN. Je note en passant que Laurent Bado s’est même empressé d’envoyer le procès-verbal d’intégration du PNR/JV au MATD (NDLR : Ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation) afin qu’il considère celui-ci comme faisant partie de l’OBU. Voyez vous-mêmes comment peut-on intégrer un nouvel adhérent dans une organisation en pleine crise et qui est au bord de l’éclatement ? De plus nous nous sommes rendu compte que ce PNR/JV n’était pas le bon puisque Christian Koné poursuit aujourd’hui en justice monsieur Lamien pour usurpation de son parti.

Les manœuvres de Laurent ayant échoué il s’est auto-proclamé candidat de l’OBU. Mais comme il affirme être le candidat de l’OBU demandé par Blaise Compaoré, peut-être qu’il a l’assurance qu’on va nous retirer l’OBU pour le lui donner. Moi Emile j’attends de voir.

S. : Est-ce parce que Ignace Sawadogo a demandé que le candidat de l’OBU verse 10% que vous êtes allé à Ziniaré voir Blaise Compaoré ?

E.P. : Nous ne sommes pas allés à Ziniaré voir le président du Faso. Vous soulevez une question extrêmement importante. Laurent Bado dit avoir bénéficié de 30 millions de Blaise Compaoré. Et si Laurent Bado membre de l’OBU me donne de l’argent en tant que président de l’OBU dans le cadre du financement de l’OBU, je le prends. Sinon, mon parti n’a pas reçu de l’argent de Blaise Compaoré. Mais je tiens à vous dire que je n’ai pas peur de rencontrer Blaise. Il me connaît et m’appelle Paré Ouédraogo depuis 1988.

L’axe du discours d’investiture de Laurent Bado a consisté à chercher à nuire à Emile Paré. Seul mon nom était cité tout au long de son discours en dehors de celui de Hermann Yaméogo à qui il reproche de l’avoir insulté au secteur n°17.

Laurent Bado avait promis de « tout dire et mourir tranquillement ». Il n’a pas tout dit. D’un, il parle d’un envoyé du président sans dire le nom dans tout son discours ; de deux, il n’a pas donné un seul nom des opposants qui ont été cités selon ses dires par l’envoyé, avec les sommes et le matériel qu’ils ont reçus. Il n’a pas non plus donné le nom du grand patron du CDP qui l’a financé pour un million et quelques pour qu’il accède à l’Assemblée. Si vous avez remarqué, la démonstration du professeur, il n’a jamais évoqué les noms des gens du pouvoir ; préférant s’attaquer à Emile pour protéger ces derniers.

S. : Vous aviez connaissance de la liste des opposants cités ?

E.P. : Moi je n’ai pas de liste. Je ne suis pas allé avec un papier et par conséquent, je n’ai pas pris de note. Laurent dit qu’il note toutes ses activités du jour comme un curé et il me conseillait aussi d’en faire de même. Mais je ne l’ai jamais fait. Moi médecin, je n’ai pas le temps de noter des futilités. Je suis franc. Quand il parle donc de concordance de nos notes je ne comprends pas ce qu’il veut dire.

S. : Revenons au domicile de Laurent Bado ?

E.P. : Un jour, l’envoyé dont il parle m’appelle pour me dire qu’il veut rencontrer Laurent Bado. Je l’ai emmené chez lui à Pissy. Le président envoie quelqu’un pour voir le grand frère Laurent Bado et non l’OBU, je précise. Il dit qu’ils ont fait l’analyse de la situation et que les renseignements généraux disent que Laurent est l’opposant le mieux positionné dans la course pour la présidentielle, après avoir passé en revue tous les opposants.

La plupart de ces opposants semble-t-il ont déjà reçu de l’argent du président et au lieu de l’utiliser pour leur parti, ils ont préféré l’utiliser à des fins personnelles et continuent d’insulter le pouvoir et sont même des revanchards. A la fin de l’entretien, Laurent Bado dit qu’il veut entendre tout cela du Président en personne.

Lorsque nous avons échangé après l’entretien, je lui fais comprendre que c’était du « blabla ». Laurent me rétorque : « non ils sont au sérieux, ils veulent une vraie opposition, ils veulent une relève, moi j’en suis convaincu, en tout cas je suis prêt à aller... ».

Dès l’instant qu’il a pris une position aussi forte, je me suis senti obligé tactiquement de ne plus montrer mon « ventre » et ma stratégie. Pourquoi on s’intéresse à Laurent maintenant me suis-je interroger ? nous venons de créer l’OBU il y a quelques mois à peine. Nous n’avons pas encore le récépissé. J’ai senti un piège dans lequel je suis tombé et pourtant tout le monde (camarades, amis) m’avait reproché (certains même violemment) cette union avec le professeur Laurent Bado. Pour certains c’est le pouvoir qui aurait suscité la création de son parti, pour d’autres il est un anarchiste difficile à contrôler.

A tous ceux-là j’ai rétorqué que c’est Laurent qui est venu à moi en disant que je suis le meilleur opposant, que la politique ne l’intéresse pas ; et que pour lui l’intellectuel, l’essentiel est que je porte ses idées et qu’en février 2005 il prendra sa retraite politique à l’issue d’un congrès de son parti qu’il fera organiser, parce qu’il aurait rencontré l’homme politique, donc moi, qui va porter désormais ses idées.

A la rencontre avec le chef de l’Etat, Laurent Bado a été convaincu de sa mission divine je me souviens de ses quelques mots au président : « il faut qu’on nous aide hein ! on n’a rien ; si tu penses que je suis la relève il faut que tu m’aides et le plus rapidement possible ». C’est en ce moment que l’aide de Blaise a commencé en direction du candidat potentiel Laurent Bado. Moi Emile Paré, je suis simplement quelqu’un qu’on a voulu mouiller et piéger. L’ayant compris et en homme politique averti j’ai décidé de taper au moment opportun quelles qu’en soient les conséquences.

S. : Vous avez eu combien de francs... ?

E.P. : J’ai toujours dit à vous les journalistes, que concernant les questions de financement de mon parti ou de mes activités politiques cela relève du secret. Et un homme politique qui veut être un homme d’Etat demain doit pouvoir distinguer ce qui est secret de ce qui ne l’est pas.

S. : Vous pouvez jouer à la transparence...

E.P. : Non pas avec vous les journalistes quand il s’agit de certains aspects de la vie interne de mon parti tel que le financement.

S. : Le don de Blaise Compaoré, c’est combien ?

E.P. : Il ne me revient pas de vous le dire. C’est à Laurent Bado qu’il faut le demander et ayez le courage de lui poser la question de savoir qui est l’envoyé, qu’est-ce que Blaise lui a dit, quels sont les opposants qui sont sur sa fameuse liste et ce que chacun a reçu de Blaise et quel est le grand homme du CDP qui lui a donné l’argent quand il a créé son parti ? Moi, en tant qu’homme politique, il ne me revient pas de parler des rapports privés mais de ce qui est officiel.

S. : Pourtant vous êtes mis en cause ?

E.P. : Je ne suis aucunement mis en cause. Les gens ont voulu me poser un piège et je les ai laissés venir dans leur logique et je les ai mâtés à mon temps jugé opportun. Laurent Bado n’a qu’à être le candidat de Blaise Compaoré, cela ne regarde que lui. Ou bien il n’a qu’avoir le courage de l’ADF/RDA et soutenir Blaise Compaoré. Le plan du pouvoir était d’empêcher Emile Paré d’être candidat. Un point, un trait.

S. : De toute façon, cela nuit au candidat Emile Paré également ?

E.P. : Est-ce qu’on peut entrer en politique sans être nui ou sans être mouillé ? Je sais que c’est une manœuvre politicienne qui avait pour but de nuire au candidat Paré. J’assume ma stratégie et ma tactique face à cette situation et je suis à l’aise pour m’expliquer au peuple. Vous croyez qu’on peut acheter Emile Paré à 30 millions ? avec une somme pareille, est-ce qu’on peut acheter une bonne 4 x 4 ? Les autres opposants dont Laurent a la liste qu’on dit avoir « achetés », pensez-vous que cela a été à 30 millions ?

S. : N’empêche que vous avez joué le jeu ?

E.P. : J’ai joué le jeu par tactique et pour moi c’est le résultat qui compte.

S. : Vous êtes président de l’OBU et Laurent Bado s’est proclamé candidat de l’OBU. Vous dites que vous êtes candidat de l’Alliance socialiste... est-ce déjà une abdication ?

E.P. : La situation actuelle au sein de l’OBU est le résultat des intrigues du pouvoir. Je connais les gens d’en face. C’est Laurent Bado leur candidat. Quel que soit ce que je vais entreprendre ils vont toujours le soutenir. Je les connais dans la violation des lois et des textes réglementaires de la République. Je ne vais pas mener un combat du genre PAI 1-PAI 2 donc jamais OBU 1, OBU 2.

S. : C’est tranché maintenant pour le PAI avec Philippe Ouédraogo ?

E.P. : Non ! On n’a pas encore donné le récépissé à Philippe Ouédraogo quand bien même celui de Soumane est annulé.

Au niveau de l’OBU avec la candidature auto proclamé de Laurent on veut nous emmener vers des débats en justice, si toutefois moi aussi je me proclame candidat de l’OBU. Je ne vais pas me proclamer candidat de l’OBU car je suis respectueux des textes. Si Laurent était resté discipliné, une voie de sortie de crise était de faire comme Alternance 2005. Dans ce cas de figure, l’OBU présenterait deux candidats, et c’est le peuple qui fera son choix ?

c’est parce qu’en réalité, la stratégie du pouvoir était d’empêcher Emile Paré d’être candidat alors cette voie ne les arrangeant pas, Laurent Bado s’est auto-proclamé. Je me demande encore s’il rentre dans la stratégie du pouvoir puisque moi aussi, je suis candidat. Nous allons nous présenter comme candidat de l’Alliance socialiste, regroupant le MPS et le PSU. Je vous répète encore que l’OBU n’a pas de candidat ; donc quiconque se hasarde à porter cette candidature, c’est à ses risques et périls.

S. : Quelles analyses le candidat, que vous êtes, faites des crises ivoiriennes et togolaises ?

E.P. : Laurent Gbagbo est un camarade socialiste qui fait partie de l’Internationale socialiste. Lorsque j’étais au PDP/PS, je retrouvais ses représentants au Parlement ACP-UE. Nous avons travaillé plusieurs fois ensemble en tant que socialistes pour faire passer des positions de Gauche avec nos camarades Européens au sein de ce Parlement. Mais je dis que la Côte d’Ivoire vit aujourd’hui une situation telle que, en tant que camarade, nous pouvons lui faire des critiques.

Lorsque nous constatons que cette crise a conduit à des dérives régionalistes, ethnicistes et à des morts d’hommes, on ne peut pas soutenir de telles dérives en tant que socialiste. Des Burkinabè sincères ont été pourchassés et ont vu leurs droits bafoués et cela je le dénonce. Mais j’accepte aussi que le socialiste Laurent Gbago a été mis dans ces conditions par l’agression des rebelles venus du Burkina. Que Laurent Gbagbo ait été mal élu ou pas, toute la classe politique ivoirienne a fini par le reconnaître comme le président élu de Côte D’Ivoire. Pourquoi lui avoir alors imposé une guerre comme voie de règlement des questions politiques qui étaient en suspens ? Dans la résolution de la crise ivoirienne Thabo Mbéki est l’homme à même de parler parce que loin de cette crise et capable de poser balle à terre et de proposer objectivement une voie de paix. Il faut avoir le courage aujourd’hui de s’asseoir pour discuter parce que quand le vin est tiré il faut le boire.

S. : Des pays, y compris le Burkina Faso, ont bénéficié de l’annulation de leur dette...

E.P. : Je suis, dans le principe très content, que le Burkina ait bénéficié de cette annulation de la dette. Mais je reste sur ma faim. Pourquoi avoir choisi quelques pays pour annuler la dette ? Je suis partisan comme Nelson Mandela, Thomas Sankara, de l’annulation de la dette de tous les pays africains. Ces dettes sont une manière de dominer l’Afrique et des études ont montré que sur 100 francs donnés, 90 retournent en Europe. Donc on peut dire que les puissances occidentales ont déjà récupéré le montant de leur dette. L’annulation de la dette n’empêchera pas de s’endetter de nouveau. Or, il faut résoudre la question de l’endettement et de l’indépendance économique de l’Afrique. Je me répète je suis d’accord pour l’annulation de la dette du Burkina mais je dis qu’il faut lutter pour l’annulation de celle de tous les pays africains.

S. : Quelle réforme de l’ONU préconisez-vous pour l’avènement d’un monde plus juste ?

E.P. : Je suis pour une réforme de l’ONU dans le sens certes de l’élargissement du Conseil de sécurité mais aussi et surtout dans le sens de l’annulation du droit de veto. On prône aujourd’hui la libéralisation du commerce mondial qui fait aujourd’hui que les règles du commerce international sont les mêmes pour le Burkina et les Etats-Unis ou la France. Mais dans le domaine des positions politiques et des relations internationales, on dit que le Burkina est un petit pays. Les Etats-Unis, la Chine... ont le droit de veto.

Si on veut être démocrate et reconnaître que nous sommes au 21e siècle, la vraie exigence qui vaille, n’est pas de chercher deux places comme membre permanent au Conseil de sécurité mais de lutter pour l’annulation du droit de veto. Les pays africains sont en train de s’entredéchirer inutilement sur le choix de ces deux membres alors que le fond de la reforme ne devrait pas être à ce niveau, encore qu’on n’est pas sûr que les pays qui y seront admis vont réellement représenter toute l’Afrique car le droit de veto n’est pas donné à toute l’Afrique mais au pays siégeant.

L’annulation du droit veto s’explique aussi par le fait que le contexte international qui a justifié le droit de veto est dépassé. Ce contexte était le rapport des forces après la deuxième Guerre mondiale. Mais aujourd’hui, il n’y a pas de guerre d’envergure internationale qui nécessite qu’on maintienne les principes qui ont été édictés par les vainqueurs de la 2e Guerre mondiale. Donc il faut maintenant annuler le droit de veto, mettre tous les Etats sur le même pied d’égalité et permettre le vote démocratique à l’ONU.

S. : Que dire des opposants qui disent avoir eu vent de menaces de mort sur leurs personnes ?

E.P. : Moi Emile Paré, je ne m’embarrasse pas des inquiétudes du genre. Je ne suis pas un peureux.

Si effectivement il est vérifié que des opposants sont inquiétés, il faut le dénoncer et interpeller le pouvoir en place à prendre ses responsabilités parce qu’il est garant de la sécurité de tous les Burkinabè et de surcroît de la stabilité politique de ce pays. D’ailleurs, nous venons de loin et si d’aventure une « Norbertisation » se fait encore, c’est parti encore pour la catastrophe. Il revient à l’Etat de vérifier et de prendre les dispositions pour sécuriser ces opposants.

S. : Pourquoi la politique vous a mordu ?

E.P. : Je suis venu à la politique par rapport à mes conditions de vie et de travail lorsque j’étais étudiant. Je suis arrivé à l’Université en 1978 à Dakar pour faire la médecine. A l’époque il n’y avait pas d’ambassade, les bourses étaient maigres.

Il y avait un puissant mouvement étudiant qui défendait les intérêts moraux et matériels des étudiants, à savoir l’Union générale des étudiants voltaïques (UGEV) dont sa section de Dakar était l’ASV(Association des Scolaires Voltaïques). Pratiquement tous les étudiants y adhéraient. J’y ai aussi adhéré et au fil du temps je me suis retrouvé responsable de ce mouvement, même si c’était dans la clandestinité à un moment donné.

J’ai conservé ma conviction lorsque je suis rentré au pays. J’ai continué à mener mes activités politiques surtout avec mes anciens camarades du mouvement étudiant. Pouvais-je abandonner la politique une fois rentré au pays ? si je le faisais ce serait trahir mes propres convictions et trahir la confiance que beaucoup de mes camarades ont placée en moi en tant que leur leader politique. Vous voyez donc pourquoi je suis mordu de la politique bien que je sois médecin.

S. : Pourquoi êtes-vous parti de l’ODP/MT en 1991 ?

E.P. : Je n’ai jamais appartenu à l’ODP/MT, mais certains ne le savent pas. Dans le mouvement étudiant, j’étais à un moment donné le dirigeant de la branche ULC (Union de lutte communiste) à Dakar. Le courant ULC en 1983 avait pris fait et cause pour la Révolution d’août. C’est dans ce cadre que j’ai participé à la Révolution d’août avec mon parti. En 1986, lorsque je suis rentré des études je suis tombé sur une crise au sein de mon parti centré autour des rapports entre mon parti et les structures dirigeantes de la révolution notamment le CNR (NDLR : Conseil national de la Révolution).

Je fais partie des gens qui ont demandé à l’époque notre retrait du CNR parce que nous avons remarqué que la Révolution était en train de connaître des déviations extrêmement graves. Déjà dans le mouvement étudiant, notre branche avait refusé un certain nombre de mesures que le secrétariat général national des Comités de défense de la révolution (CDR) animé par Pierre Ouédraogo avait demandées aux étudiants. Sur 12 universités, celle de Dakar, sous ma direction et avec l’appui des camarades était la seule qui a courageusement refusé de donner la liste des étudiants dits contre-révolutionnaires afin qu’on leur coupe la bourse.

J’ai fait dire au Secrétaire Général des CDR, Pierre Ouédraogo, qu’il n’en sera pas question parce que les conditions d’octroi de la bourse n’étaient pas liées à l’adhésion à la Révolution, ni à une ligne politique. Aussi nous avions dénoncé le licenciement des enseignants pour faits de grève ou des syndicalistes pour attitudes dites anarcho-syndicalisme.

En 1986, s’est tenu le Conseil d’administration des 12 comités d’universités. La majorité des étudiants sous notre influence ont dénoncé publiquement les pratiques anti-démocratique du secrétariat général national des CDR et de la Révolution. Cela a conduit à la dissolution du bureau national des CDR d’université et du bureau du comité d’université de Ouagadougou suivie d’une chasse incroyable à l’homme.

Etant un des meneurs j’étais recherché. Je suis passé dans la clandestinité. C’est un communiqué m’intimant de rejoindre mon poste d’affectation dans les 72 heures qui me fera sortir de la clandestinité pour rejoindre l’hôpital de Kaya. En Février 1987 une scission intervient au sein de l’ULC en crise. Certains camarades et moi notamment Alain Zoubga, Kader Cissé, Moïse Traoré et d’autres créeront l’ULC « Flamme ».

Puis intervient le 15 octobre 1987. De Kaya, je constate que mes camarades ont pris fait et cause pour le Front populaire, sur la base du fait que le Front Populaire s’était donné pour objectif de corriger les erreurs de la Révolution. En militant discipliné, j’ai participé comme mes camarades à la Rectification. Mon Parti m’a désigné comme son représentant au secrétariat général national des CDR.

Bongnessan Yé en était le dirigeant et moi pratiquement son adjoint. Notre tâche était de corriger les erreurs des CDR afin de redonner une bonne image à ces structures de base de la révolution. Sous la direction de Yé, j’ai présidé la commission de restructurations qui comprenait entre autres Achille Tapsoba, Adèle Traoré. J’ai proposé des changements en vue de rendre plus démocratique ces structures et de permettre une large participation de toutes les couches sociales au mouvement révolutionnaire.

Ainsi le Secrétarait général national des CDR a été transformé en Coordination nationale des Structures Populaires (CNSP). Aussi furent créés l’Union Nationale des Jeunes du Burkina (UNJB), l’Union des Femmes du Burkina (UFB), l’Union Nationale des Anciens du Burkina (UNAB). Aussi l’appellation CDR a été remplacée par l’appellation CR (Comité Révolutionnaire). Ensuite, il m’a été demandé d’organiser le bilan des 4 ans de Révolution. C’était en janvier 1988. Pour ce bilan, j’ai proposé que la société civile y participe, en particulier les syndicats, ce qui a été accepté.

En 1989, il a été demandé aux organisations communistes membres du Front populaire de s’unir pour former une seule organisation politique. Une commission dans laquelle je représentais mon parti a été mise en place en vue de proposer aux partis le nom de la nouvelle organisation unitaire et les textes devant la régir. Un premier nom a été proposé et a été rejeté semble-t-il par le Président du Front populaire, Blaise Compaoré. Un second nom a été proposé celui-ci a été encore rejeté. J’ai alors dit au président de la commission que comme nous ne sommes pas des charlatans pour lire dans la tête du président ses désirs il n’a qu’à lui dire de décider lui-même le nom qu’il veut pour l’organisation unitaire.

Alors il n’y a plus eu de réunion pour continuer le processus d’unification. Et le 15 avril 1989, nous avons appris que l’ODP/MT a été créée à Logobou dans la province de la Tapoa. Mon organisation, l’ULC-Flamme, était ainsi écartée. Quelques jours après l’annonce de la création de l’ODP/MT des pressions vont s’exercer sur certains dirigeants de l’organisation et pas des moindres pour dire que le chef de l’Etat est fâché, et que si on ne dissout pas l’organisation pour adhérer à l’ODP/MT des têtes vont tomber.

En réunion extraordinaire de la direction du parti, j’ai dit alors que quand « on vient me dire que ma tête va tomber, c’est en ce moment que je ne donne plus ma tête » ! Ma position a été interprétée de radicale, certains sont allés jusqu’à dire que c’est parce que ma tête n’est pas en jeu. Soucieux donc de protéger « les têtes en jeu », nous avons accepté dissoudre l’organisation et adhérer à l’ODP/MT. La suite on la connaît. Moi Emile, j’ai atterri à Gaoua, et je n’ai jamais été à une seule réunion de l’ODP/MT. Dans mon secteur, on m’a dit d’être l’adjoint de quelqu’un qui était sous ma responsabilité du temps où j’étais à la Coordination des structures populaires.
Ce que j’ai refusé étant donné que j’étais membre du bureau politique de mon organisation d’origine.

A Gaoua, j’ai été contacté par les dirigeants de L’ODP/MT pour que je vienne au Comité central de l’ODP/MT ; mais la condition était que je lâche mes anciens camarades sanctionnés comme moi notamment Alain Zoubga et Kader Cissé, ce que j’ai refusé. Voilà mon histoire avec l’ODP/MT. C’est vous dire que je n’ai jamais appartenu à l’ODP/MT bien que mon nom y ait été envoyé.

S. : On dit que Emile Paré et d’autres auraient servi de cheval de Troie pour casser le PDP/PS. Ne pensez-vous pas qu’en quittant ce parti, vous confirmez cette hypothèse ?

E.P. : Ceux qui ont suivi l’évolution de la crise qui a secoué le PDP ne peuvent pas dire que j’ai quitté ce parti volontairement ; à moins que ce ne soit mes détracteurs. Qui plus que moi a fait l’image publique du parti à l’Assemblée nationale ? Je suis modeste mais reconnaissez que j’ai contribué à renforcer cette image. Les échos qui me sont parvenus le confirment.

Souvent l’on parle des gens sans connaître leur histoire. Moi je suis entré au PDP en 1996 à la faveur de la fusion de mon parti le PPS avec le PDP ; le PPS dirigé à l’époque par Alain Zoubga aujourd’hui Secrétaire général du PDP/PS. Au moment de l’élaboration des listes pour les élections législatives de 1997, j’ai été alors proposé par ma province, le Nayala et par vote comme suppléant du Pr Ki-Zerbo. J’ai fait 5 ans à l’Assemblée. Si vous vous souvenez, les premiers écrits des journalistes disaient ceci : « Emile Paré pourra-t-il remplacer le grand professeur » ? Effectivement c’est un grand homme politique, un grand historien, un grand intellectuel reconnu partout.

J’ai tenté de mériter la confiance placée en moi . Au groupe parlementaire je n’ai pas demandé à être porte-parole, la tâche m’a été confiée par le président du groupe en accord parfait avec mes quatre autres collègues députés. Et je ne pense pas avoir trahi une seule position du PDP. Mieux, le parti, qui n’aime pas trop être dur, je l’ai amené quelquefois à des positions dures parce que ou on s’oppose ou on ne s’oppose pas.

La politique est une science et un art. J’ai fait tout ce travail et les élections sont arrivées. Selon vous quel est le devoir d’un parti politique envers un militant qui a joué tant son rôle ? Le minimum est de l’aider à confirmer son poste. Cela n’a pas été le cas. On a commencé à faire des intrigues deux mois avant les élections pour m’empêcher de revenir à l’Assemblée. Au Nayala on a tenté de me barrer la route mais la base m’a élu. A Dédougou, on a tenté une deuxième fois de me barrer la route en cognant ma tête avec celle de mon compagnon de quartier, Etienne Traoré, là encore j’ai été élu par les structures de la Boucle du Mouhoun.

A Ouagadougou, un prétendu comité de conciliation et d’arbitrage dirigé par le professeur lui-même et comprenant ses amis comploteurs Ali Lankoandé et Sébatien Zabsonré me juge en prétextant que j’ai influencé le vote. Et pourtant ce n’est pas moi qui ai présidé les élections. Comme sentence, le Professeur me dit : Emile, tu es trop jeune, tu vas être troisième de liste au lieu d’être tête de liste. Depuis ce jour, j’ai posé mon diagnostic et j’ai dit au Professeur que les rumeurs couraient depuis deux mois qu’il ne me voulait plus comme député. J’en ai eu aujourd’hui la confirmation.

S. : Il est dit que vous vouliez monopoliser le parti...

E.P. : Attendez que je termine mon explication.

Donc quand j’ai dit cela au professeur, un ballet diplomatique est né entre lui et moi. Agacé par les interventions, les comploteurs ont dû dire au professeur de laisser ce « gueulard » reprendre la tête de liste et on va l’aider à échouer. J’ai dit au professeur que je suis d’accord pour être tête de liste à condition que la liste démocratiquement arrêtée à Dédougou soit respectée.

Mais comme on ne voulait pas de moi, de 3e sur la liste, on m’a replacé 1er et Mme Coulibaly 3e, ce qui était fait pour me mettre en conflit avec elle. Ah les intrigues ! Quand je vois une intrigue, je prends mes dispositions pour la contrer. J’ai alors tenu à ce qu’elle soit 2e de liste conformément à la liste de Dédougou. Nous avons six provinces dans la région et voilà que l’on place deux personnes du seul Nayala en tête de liste. C’est évident que c’est du sabotage.

Tout compte fait, le fait d’écarter Emile profitait et à ceux qui luttaient autour du professeur pour lui succéder et au pouvoir en place qui se débarrasse d’un « gueulard » qui le gène. Malgré la situation injuste que j’ai subie je n’ai pas aussitôt quitté le parti. Et voilà qu’après les élections on m’envoie une lettre de demande d’explication pour « attitude anti-militant durant la campagne » sans que les structures du parti n’aient fait le bilan de la campagne.

Quelques jours après c’est une lettre de suspension de six mois qui m’est adressée avec interdiction de parler au nom du parti, assorti d’une auto-critique publique et appropriée. Vous convenez avec moi que trop c’est trop. J’ai donc décidé de créer avec mes camarades un autre parti le 11 septembre 2002. Je suis allé informer le vieux Ki- Zerbo que j’allais quitter le parti et créer un parti. Je lui ai dit que malgré nos divergences politiques, il demeure mon oncle et nous continuerons les rapports sociaux, mais qu’à partir de ce jour, c’est la rupture politique. La crise a donc duré 6 mois, avant que je ne crée mon parti avec mes camarades le 21 septembre 2002.

De tout ce que je vous ai dit, où se trouvent les éléments qui permettent de dire que j’ai servi de cheval de Troie pour casser le PDP ?

S. : Regrettez-vous aujourd’hui d’être parti du PDP/PS ?

E.P. : Quel regret ? Bien au contraire ce sont les gens du PDP/PS qui regrettent que je sois parti puisque certains me demandent de revenir. Je vous dis aussi que quand une situation est floue, incompréhensible et surtout quand on ne te comprend pas, un acte peut clarifier la situation. Mon départ du PDP a clarifié la situation au sein du PDP. Lorsque je suis parti, vous avez vous-même vu l’évolution du parti. Etienne Traoré a été à son tour mis à l’écart.

S. : Vous êtes donc tous deux des comploteurs ?

E.P. : Si vous avez lu mon discours de création du parti, j’ai dit qu’Etienne Traoré est un compagnon de quartier. Pendant les cinq ans que j’étais à l’Assemblée nationale, nous étions matin, midi et soir ensemble. Dans mon discours, j’ai dit que mon compagnon Etienne Traoré s’est laissé flatter par la lutte de succession et que l’histoire me donnera raison. J’ai effectivement accusé Etienne d’avoir participé à mon écartement mais j’ai dis qu’il s’est laissé flatter parce qu’on lui faisait comprendre que c’est eux (lui et d’autres) qui sont bien et que Emile n’est pas bien.

Je lui ai fait dire que quand on va finir avec moi, ce sera son tour. Aujourd’hui Etienne Traoré doit reconnaître que j’ai eu raison. Surtout qu’il connaît maintenant comme moi les comploteurs professionnels au parti. Pendant ma crise, j’ai eu des entretiens avec de vieux militants du MLN qui m’ont fait savoir que je suis un ancien CDR, qu’ils ne vont jamais pardonner ce que les CDR leur ont fait sous la Révolution et qu’ils ne vont jamais donner leur héritage politique à un CDR.

Mais Etienne Traoré n’avait pas entendu cela. Moi à qui on avait dit, je voyais donc venir son cas parce que lui aussi est un ancien CDR. Même mon compagnon de lutte, Alain Zoubga qui est toujours là-bas, après Etienne, je crois que son cas va venir parce que ancien CDR. Wendlassida verra aussi son cas venir, car c’est un CDR aussi. La lutte de succession fratricide autour du professeur va se poursuivre.

S. : Mais le problème est résolu, puisque le professeur est parti ?

E.P. : Qui a dit que le problème est résolu ? Vous n’avez pas vu Etienne Traoré, il est où ? Aux élections, quand Ali Lankoandé s’est présenté, Henri Guissou s’est présenté contre lui non ? Et quand Henri Guissou a perdu, il a quitté la salle. Vous croyez qu’il est content ?

Wendlassida avant de venir au PDP/PS, les rumeurs couraient qu’il est venu pour assurer la relève du professeur. Je crois qu’avec le dernier congrès du parti, lui aussi, il commence à comprendre. En 1996, le professeur avait contacté les partis membre de l’UGD pour dire qu’il veut la relève et que son parti est composé de gens âgés et qu’il faut des jeunes. Les Etienne, Alain Zoubga, Nidaoua y ont sincèrement cru. De 1996 jusqu’à aujourd’hui 2005, est-ce qu’ils ont senti la relève ?
Je dis que la lutte de succession et les divergences au sein du PDP/PS demeurent et l’histoire va me donner raison.

Je fais une analyse politique, je ne suis pas contre quelqu’un. L’expérience que j’ai eue au PDP/PS montre qu’il y a un noyau de comploteurs qui pensent qu’ils sont les initiateurs, les fondateurs du parti et donc qu’ils doivent diriger tant qu’ils sont là. Ils ont raison, mais moi Emile je dis qu’un parti comme le PDP/PS, s’il ne prend pas l’initiative de la relève par une jeune génération, le parti va se scléroser comme le RDA qui s’est sclérosé et qui a compris que pour rebondir, il fallait se marier à l’ADF de Hermann Yaméogo qui n’a pas compris que c’était juste une occasion pour le RDA pour rebondir. Mais quand le RDA s’est requinqué, ils ont repris le parti à Hermann. Je suis convaincu donc que la jeunesse du PDP/PS n’est pas contente de la situation actuelle du parti.

S. : Vous sentez-vous la carrure nécessaire pour postuler à la présidence du Faso ?

E.P. : Oh ! Je vais vous dire une chose. D’abord la question de la candidature à l’élection présidentielle se pose d’un point de vue légal. De ce point de vue, la constitution a prévu que pour être candidat à la présidence il faut avoir 35 ans et non 40 ans comme s’était prévu dans la constitution de la IIIe République. C’est donc parce que le constituant a pensé qu’il est possible que de jeunes hommes politiques, même sans avoir fait dix ans, 40 ans de parcours politique puissent effectivement diriger ce pays. Quel parcours Faure qui a 36 ans a eu pour être président ? Pourtant on lui déroule le tapis rouge partout.

Moi je suis dans l’arène politique depuis le mouvement étudiant. Mes compagnons de lutte du mouvement étudiant sont ceux qui dirigent l’Etat aujourd’hui. Vous voulez me dire que Roch Marc Christian Kaboré ne peut pas être candidat à une présidentielle ? Roch n’a pas un parcours plus que moi. Nous étions des camarades de lutte dans le mouvement étudiant. Si je ne suis pas devenu ministre, c’est parce que j’ai refusé. S’il s’agit d’alimenter son cursus, je pouvais aussi rentrer dans le gouvernement et être ministre, Premier ministre, pourquoi pas. Mais je suis un opposant au régime actuel et j’ai choisi d’être opposant, je ne vais quand même pas forger ma carrure avec des postes de ministre.

Le ministre Salif Diallo qu’on dit tout puissant était militant dans le mouvement étudiant. Quand certains disent que nous avons été à l’ODP ensemble, non. Nous avons milité dans le milieu étudiant à Dakar mais on n’était pas dans la même organisation. Les gens pensent qu’on a milité ensemble, non. Il était dans une organisation, moi aussi j’étais dans une autre organisation mais nous avons participé ensemble à la lutte démocratique sur le campus universitaire à Dakar. Alors lui, il est présidentiable ou pas ? Comment mes compagnons qui sont là-bas sont présidentiables et moi je ne peux pas l’être ? Un parcours politique établi depuis 1978, je pense quand même que si on dit que je n’ai pas le parcours pour être présidentiable, je voudrais bien qu’on me dise les critères qu’il faut pour être présidentiable. Encore que moi je vois la campagne présidentielle en terme de contradiction de programmes et le candidat de l’alliance socialiste que je suis aura un programme.

S. : Quel est le contenu de ce programme ? Est-ce que comme M. Laurent Bado vous allez asseoir le développement durable en trois ans ?

E.P. : Je suis honnête et je ne fais pas de proposition démagogique. Au niveau du MPS, nous affirmons d’abord clairement que nous sommes pour la voie socialiste du développement. Mais nous disons que nous sommes pour un socialisme moderne qui prend en compte les réalités nouvelles de la situation nationale et internationale. Si nous sommes élus, nous allons mettre en place une République démocratique indépendante autrement dit nous allons réviser la constitution ; nous allons dissoudre l’Assemblée nationale et nous allons mettre en place une constitution démocratique qui permet au peuple de participer dans toutes ses composantes à la gestion de la cité. Quand je dis toutes les composantes, il s’agit de toutes les composantes régionales, ethniques, sociales (jeunes, femmes).

La voie socialiste du développement que nous entendons mettre en place reconnaîtra l’initiative privée (ce n’est pas un socialisme étatique) dans des secteurs bien précis. Mais nous disons que dans les secteurs stratégiques pour un pays pauvre comme le Burkina Faso qui n’a pas de ressources, l’Etat doit être un Etat développeur. Donc les secteurs stratégiques comme celle de l’eau, de l’alimentation, de la santé, du logement, de l’éducation, l’Etat sera stratégiquement le développeur ; ça c’est l’antithèse des libéralistes actuels qui sont en train de libéraliser tout et tout azimut.

En 1985, vous aviez les parcelles à combien de francs et aujourd’hui vous les avez à combien ? Vous les journalistes vous faites partie des misérables du Burkina Faso si on analyse quant au fond votre situation.
A quoi ça sert d’avoir un salaire si cinq jours après l’avoir touché on « râle ». Par exemple notre politique de l’habitat rendra très accessible le logement aux travailleurs que vous êtes. Ce ne serait pas les projet ZACA et Ouaga 2000.

Je suis un socialiste, un de gauche et ce qui est fondamental pour moi c’est l’intérêt supérieur des couches défavorisées. Aujourd’hui, ce qu’on constate c’est ceux qui ont les moyens qui ont les meilleures terres et ils sont partout. Pourquoi on ne se soucie par exemple pas des paysans de Dori, du Sourou, de la Kompienga, de Kaya etc c’est à eux qu’il faut donner les moyens.

Notre programme agricole loin de faire de la petite irrigation un axe fort de notre politique mettra l’accent sur la mécanisation de l’agriculture pour atteindre la grande production agricole.

Ça c’est un point fondamental qui diverge avec ceux qui sont là qui vont mettre trois pompes dans des marigotset disent qu’ils font la petite irrigation, qu’ils participent à l’autosuffisance alimentaire. De notre point de vue ce n’est pas possible d’arriver à l’autosuffisancealimentairesans mécaniser l’agriculture, sans la grande production agricole. Nous allons le faire et nous avons les moyens de le faire.

Un pays agricole arriéré dont l’élevage est la deuxième ressource mérite que vous mettiez l’accent sur l’agriculture et l’élevage. Mais nous sommes toujours à l’élevage traditionnel. Un Etat pauvre comme le Burkina qui a 47% de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, faire de l’ultralibéralisme, c’est donner son peuple au capitalisme sauvage.

Vous prenez SOTRACO, on dit que c’est un transport en commun, dans combien de pays européens vous trouvez un transport en commun privé. Même en France, ce n’est pas privé, en Angleterre, aux Etats-Unis ce n’est pas privé pourtant ils sont plus capitalistes que nous. Nous allons redéfinir les rapports de coopération. C’est une obligation. `

La politique étrangère va aller sur trois axes. D’abord, il faut instaurer le principe de réciprocité dans les rapports entre pays et qui dit cela demande la révision de tous les rapports de domination pour quand même donner une indépendance à ce pays. Ensuite, nous aurons une politique de bon voisinage avec les pays voisins, de non immixtion dans les affaires intérieures des autres.

Enfin nous aurons une politique africaine basée sur la réalisation immédiate de la fédération des Etats africains. C’est d’ailleurs pourquoi notre parti s’appelle MPS/Parti fédéral. La Fédération des Etats africains, nous pouvons le faire rapidement, on a assez vécu ensemble.

S. : Les présidents Gbagbo en Côte d’Ivoire, Pascal Lissouba, ex-président du Congo qui ont voulu aller contre l’ordre établi ont tous conduit leurs pays dans des situations difficiles. Est-ce que vous ferez comme eux ?

E.P. : C’est normal qu’il y ait des réticences par rapport au changement que nous voulons apporter dans notre pays. Est-ce qu’il faut pour autant croiser les bras et suivre les tenants actuels du pouvoir dans leur voie qui n’a pas aussi fait ses preuves sauf qu’elle a permis de maintenir les dirigeants, et d’appauvrir le peuple.

Moi Emile Paré, si c’est pour être un dirigeant et avoir peur des transformations politiques je dis non. Si dans cette lutte pour des transformations politiques, je dois être renversé, qu’on me renverse. Je ne vais pas reculer parce que je veux me maintenir au pouvoir. En ce moment, je trahis mon option idéologique et ça veut dire que je ne cherche qu’à être président, tant pis pour mon peuple. Je ne suis pas dans cette optique. Salvator Allende, Kwamé N’Krumah, Patrice Lumumba ont été renversés. Si nous aussi nous sommes renversés à notre tour, d’autres viendront poursuivre la lutte que nous avons entamée.

S. : A supposer qu’au soir du 13 novembre, vous veniez en 3e position après Blaise Compaoré et Ali Lankoandé. Pour qui appelleriez-vous à voter ?

E.P. : Je vais vous dire que pour le 13 novembre 2005, nous avons deux options stratégiques. La première option qui est l’option principale du candidat que je suis, c’est de gagner. Je dirais que c’est une option d’alternance alternative. Je veux l’alternance mais je veux qu’elle soit alternative autrement dit, je propose une alternative face au pouvoir en place. Et l’alternative c’est toujours l’antithèse de ce qui est appliqué par le pouvoir en place. La deuxième, c’est l’option démocratique. Là nous voulons l’alternance tout court pour renforcer le processus démocratique.

Si l’alternance alternative que je propose avec mes camarades ne passe pas, c’est la deuxième option, c’est-à-dire le minima pour lequel nous allons lutter. Et fort de cette option, nous soutiendrons incontestablement l’opposant le mieux placé pour réaliser l’alternance face au CDP. Quand Le Pen est venu en deuxième position à l’élection présidentielle en France, les socialistes ont été contraints de voter Chirac pour barrer la route à l’Extrême Droite.

S. : Mais Blaise n’est pas Le Pen quand même ?

E.P. : Non, je n’ai pas dit que Blaise est Le Pen, mais je veux dire que je peux être obligé de soutenir un libéral pour réaliser l’alternance. Je dois soutenir un opposant au deuxième tour, mais à une condition. Que nous discutions des conditions politiques de ce soutien. Si c’est un socialiste tant mieux, mais si c’est un libéral, le candidat libéral doit discuter et savoir ce que les socialistes peuvent avoir avec lui. On peut par exemple s’entendre sur la dissolution de l’Assemblée nationale, sur des réformes démocratiques profondes telles que la révision de la Constitution.

S. : Si d’aventure votre dossier de candidature n’est pas retenu pour quelle que raison que ce soit, quelle sera votre attitude ?

E.P. : C’est un schéma auquel je ne pense pas. Mais si mon dossier est rejeté avec des arguments irréfutables, conformément à la loi, nous allons faire le point au niveau de l’Alliance Socialiste qui donnera la conduite à tenir.

S. : Vous vous dites socialiste, mais le CDP est social-démocrate n’est-ce pas la même chose ?

E.P. : Je vais vous dire que la politique est une théorie et une pratique. La social-démocratie a un contenu et une pratique. Il ne suffit pas de se proclamer socialiste sur papier, social-démocrate sur le papier alors que toute la pratique politique est ultra libérale. La social-démocratie au départ était communiste. La social-démocratie met l’accent sur la réduction constante des inégalités sociales comme vous le voyez dans les pays scandinaves. Dans ces pays, vous verrez que les secteurs stratégiques, l’eau, la santé, l’éducation, sont pratiquement gratuits.

Regardez la politique du CDP ? Personne ne peut me dire que le CDP a une politique sociale, ce sont les institutions de la Banque mondiale qui les ont mis au pas. Ils ont tout privatisé. Même la santé et l’eau sont privatisées, l’essence est privatisée. Dites-moi, un secteur stratégique que le CDP a conservé. Au MPS/Parti Fédéral, nous caractérisons le CDP de parti social-démocrate-libéral. Les CDPistes sont Sociaux-démocrates en parole, libéraux dans les faits. Ce sont des sociaux-démocrates-libéraux. Moi je ne suis pas social- démocrate libéral, mais socialiste tout court.

S. : Pourquoi vous appelle-t-on « le chat noir du Nayala » ?

E.P. : Lors de la crise au PDP/PS, lorsque j’ai été éjecté des listes, les CDPistes de ma région ont applaudi. « Emile Paré écarté, la voie est libre pour nous pour engranger des voix. Emile Paré est un chat. On ne le voit pas à l’œuvre le jour, c’est la nuit qu’ il travaille et le jour ce sont ses traces que l’on constate ; maintenant que le chat a été écarté par son maître nos rats et nos poussins peuvent sortir pour voter. Voilà d’où est venu le sobriquet de « chat noir ».

C’est pourquoi dans le discours de clôture de la convention de création du parti j’ai dit : « mes adversaires m’ont donné le nom de guerre de « chat noir du Nayala », eh bien je l’accepte, je serai désormais le chat noir du Nayala ».

Et puis j’ai constaté que ça me convenait bien quand j’ai étudié les qualités de cet animal. J’ai trouvé que ces qualités étaient extraordinaires. J’ai vu que c’est un animal de maison, donc qui n’est pas violent, un compagnon de lutte de l’homme, qui est doux et très docile. Mais si vous l’agressez, vous l’enfermez dans une maison, il sort ses griffes et il vous abat. Vous comprenez alors pourquoi j’ai abattu le Professeur Laurent Bado le 24 mars 2005. Je l’ai laissé venir et j’ai attendu le moment opportun pour mettre le marteau, il n’en revenait pas et il est parti.

S. : Mais qui est Emile Paré ? Beaucoup de gens vous ont plutôt connu à l’Assemblée nationale. Qui êtes-vous ?

E.P. : Je dois dire d’abord que j’ai deux dimensions. Une dimension politique et une dimension professionnelle. Je suis né à Yaba en 1958 il y a 47 ans où j’ai fait l’école primaire. J’ai fait ensuite le petit séminaire de Tionkuy, proche de Dédougou et je me suis retrouvé à Bobo au collège de Tounouma de 1970 à 1978. En 1978, j’ai eu mon Bac série D avec la mention Bien. Aux orientations, j’avais demandé à faire math parce que j’admirais mon professeur de mathématiques. Mais lorsque les résultats du Bac sont intervenus, les Frères de Tounouma ont décidé de m’orienter en médecine. Je n’ai donc pas demandé à être orienté en médecine. La première année c’était difficile parce que ce n’était pas mon option mais j’ai fini par prendre fait et cause pour la médecine et j’ai eu mon doctorat en 1986.

J’avais voulu continuer ma carrière médicale pour enseigner à l’université, mais je n’ai pas pu parce qu’entre temps la politique est rentrée en moi. Je suis rentré très tôt dans la Révolution et j’ai commencé à avoir des problèmes. Plus de bourse pour aller faire un stage. J’ai donc décidé d’arrêter et aujourd’hui je suis un médecin généraliste et je pratique au Centre médical de Gounghin. Je dois dire que j’ai fait sept ans aux urgences médicales de l’hôpital Yalgado Ouédraogo avant d’aller à l’Assemblée.

Mais avant d’aller à l’hôpital, j’étais à la Clinique des travailleurs. Et quand j’étais là-bas, il n’y avait pas encore beaucoup de cliniques privées et tous les grands s’y soignaient. A un moment on a demandé de m’enlever. Six mois après j’ai atterri à l’hôpital Yalgado. Mais avant la Clinique des travailleurs, j’étais à Gaoua et avant Gaoua j’étais à Kaya.

S. : Avez-vous le temps entre deux conférences pour vous occuper de vos malades ?

E.P. : Je dois dire qu’il est difficile de chasser deux lièvres à la fois. Au plan professionnel souvent quand je suis interpellé à des réunions comme ce matin (6 juillet 2005), certains de mes malades peuvent rouspéter. Mais ma hiérarchie sait que je suis dans l’arène politique. La Constitution dit aussi que les partis politiques doivent animer la vie nationale.

J’exerce effectivement à Gounghin et quand j’ai des activités de ce genre (interview), j’informe que je serai absent et même mes malades me comprennent puisque je les informe à l’avance. Je dois vous dire que même quand j’étais à l’Assemblée nationale, je continuais d’exercer de temps en temps.

Depuis que j’étais aux urgences de l’hôpital Yalgado, j’enseigne à l’Ecole nationale de santé publique. J’ai continué de le faire même quand j’étais député. J’ai essayé d’organiser mon temps pour dispenser mes heures de cours et je continue de le faire jusqu’aujourd’hui (à l’Ecole nationale de la Santé publique).

C’est vous dire que j’ai la volonté vraiment de maintenir ma carrière professionnelle. Je pense que le moment n’est pas encore venu pour moi d’abandonner ma carrière professionnelle, j’essaie donc de conjuguer profession et politique même si ce n’est pas facile.

S. : Vous êtes médecin, quelle appréciation faites-vous de la politique sanitaire du Burkina ? Et la santé pour tous dont on parle, pourra-t-on la réaliser ?

E.P. : La santé pour tous sous le régime du CDP, ce n’est pas possible. Bien au contraire, ils sont en train de faire la misère pour tous. A mon avis, il vaut mieux avec la politique actuelle baptiser le ministère de la Santé, ministère de la misère. La politique sanitaire qui est appliquée ne tient pas compte de certains facteurs.

Regardez la situation sanitaire de chaque couche de notre société : un étudiant est-ce qu’il peut aujourd’hui se soigner. Le voilà sans bourse et il n’a pas droit à la gratuité des soins. Quel paradoxe ! Dans notre programme, la santé sera gratuite pour les scolaires et étudiants ; un paysan totalement démuni peut-il avoir accès au soins de santé dans ce pays ? notre politique va réintroduire la gratuité des soins pour les indigents.

Les soins d’urgence qui sont aujourd’hui payants pour tous seront gratuits. La situation des services sanitaires ne fait que se dégrader (un personnel insuffisant non motivé qui perd progressivement la conscience professionnelle, un plateau technique obsolète à tous les niveaux). Bref, objectivement donc, une politique sanitaire ultra libérale dans un pays pauvre comme le nôtre ne peut pas permettre d’atteindre la santé pour tous même en l’an 3000.

S. : L’OBU renvoie à une explosion et le « chat noir », en dépit de toutes les qualités reste sournois. En vous collant donc ces qualificatifs, on est tenté de croire que vous êtes voué à l’échec. Qu’en pensez-vous et croyez-vous au destin ?

E.P. : Non, pas du tout. Un de mes amis m’a demandé un jour : "Emile, ton OBU, c’est contre qui ?" C’est vrai que de prime à bord, nous avons paniqué. Mais le lendemain, lorsque nous avons constaté dans les journaux qu’il n’y avait pas d’"s" à la fin du mot OBU, nous étions soulagé. Car il ne s’agit pas d’OBU militaire ».

Le destin, les gens en parlent mais moi je crois, en tant qu’être humain seulement à mon rôle de participer au développement de ce pays. Je joue ma partition. Je donne mes idées dans le caractère le plus démocratique possible mais je suis ferme sur mes convictions et lutte pour que ces idées triomphent. Triompheront-elles ou pas c’est un autre débat. Car même si elles ne triomphent pas sous ma direction, je dois faire en sorte qu’elles triomphent un jour. C’est pourquoi, en tant qu’homme politique, je suis convaincu qu’il ne faut pas être pressé ni capituler à la moindre difficulté.

J’ai eu des déceptions moi aussi mais j’ai toujours transformé ces déceptions en courage parce que j’essaie d’en tirer des leçons et enseignements pour poursuivre ma lutte. C’est pourquoi certains ne me comprennent pas, quand d’une crise à l’autre, je suis au centre. On me dit que je suis très intransigeant, pur et dur. Mais en réalité, c’est une expression de ma volonté de ne pas trahir ma conviction et mes choix. C’est ainsi qu’il faut voir ma personnalité.

Je vous dis sous le contrôle de mon secrétaire général ici présent que, quand nous avons voulu créer l’union avec Laurent Bado, nous avons contesté le mot « OBU » et proposé deux ou trois autres noms. Mais Laurent Bado y tenait parce que pour lui il fallait choquer l’opinion et choquer les étudiants. J’ai dit à Laurent que le mot OBU ne passait pas tellement. Nous sommes allés jusqu’à lui proposer une inversion du mot OBU, pour qu’au lieu de Opposition burkinabè unie, ce soit Opposition unie du Burkina. Tout ça pour éviter le mot OBU. Mais nous avons dû accepter par souci de consensus le mot OBU.

Quant au qualificatif de chat je vous ai dit que ce sont mes adversaires qui me l’ont attribué et je ne pense pas voir d’échec dans tout ça, bien au contraire.

S. : Le rôle de votre épouse dans votre carrière ?

EP : Sans Mme Paré, il y a longtemps que j’aurai peut-être capitulé. Elle est très importante dans ma vie tant sur le plan professionnel que politique. Mes compagnons de lutte savent vraiment le rôle qu’elle joue. Elle est pratiquement devenue la femme de tous mes compagnons. Elle suit de près mes activités politiques. Elle a toujours œuvré à mes côtés depuis 1985 date à laquelle nous nous sommes mariés, alors que j’étais encore étudiant. J’ai 2 enfants. J’ai limité le chiffre à cause de ma carrière politique mais de commun accord avec elle. Toutefois je peux changer d’avis en route parce qu’elle est toujours en forme. Depuis que nous sommes ensemble, nous analysons régulièrement la situation nationale. Elle donne son point de vue, je donne le mien. Mais elle ne s’ingère pas dans les prises de décisions du parti. Nous avons mis en place l’Union des femmes socialistes elle prend part aux activités de l’Union en tant que militante.

S. : Qu’est-ce que vous pensez de la presse d’une manière générale ?

E.P. : La presse burkinabè est dynamique. Il fut un temps, c’était une presse aux ordres vraiment très poussés du pouvoir. La presse joue un rôle très important dans la vie politique d’un pays. Elle peut faire échouer un homme politique tout comme elle peut l’aider à réussir. Sans la liberté de presse, la démocratie n’a pas de sens. Depuis le début du processus démocratique jusqu’à maintenant il faut reconnaître que la presse burkinabè a beaucoup évolué. Les journalistes deviennent de plus en plus libres dans leur expression. Je vous encourage à continuer dans cette lancée car il y a toujours des tendances pour freiner cela.

Il y a des journalistes qui sont toujours intimidé quand ils font leurs analyses. Certains sont mêmes relevés de leur poste parce qu’ils ont eu une attitude qui n’est pas du goût des « forts » du moment. C’est normal car l’ancien système ne va pas se laisser détruire facilement.

S. : Vos mets préférés ?

E.P. : Les repas traditionnels, je les aime. Je mange le tô, le gonré que les femmes mossis savent exceptionnellement faire. Le gonré est un met très recommandé par nos nutritionnistes médicaux. J’ai toujours été partisan du « consommons burkinabè ». Au-delà du tô et du gonré, j’aime le riz, le couscous comme tout Burkinabè.

S. : Et le chien ?

E.P. : La viande du chien est une viande culturellement Samo. Tout bon Samo mange le chien. Même si, aujourd’hui à cause de la religion, certains ne le mangent plus. Je vous dis aussi qu’il y a un processus d’intégration de la viande de chien dans l’art culinaire national au point que la viande de chien a quitté l’alimentation samo pour l’alimentation mossi.

S. : Un chat qui mange le chien, n’est-ce pas drôle ?

E.P. : Rires.

S. : Que savez-vous de la lutte samo ?

E.P. : Actuellement, je ne lutte plus. Mais j’aime la lutte traditionnelle. Et d’ailleurs, j’applique la lutte traditionnelle à la lutte politique. Les gens ne le savent pas ils n’ont qu’ à l’apprendre aujourd’hui.

S. : Les élections ?

E.P. : Bonne question. Le lendemain de ma déclaration de candidature un organe de presse a titré : « Emile Paré porte le dossard 13, ce chiffre énigmatique ». Mais en réalité, c’est Blaise Compaoré qui devait porter le dossard 13, car on venait de l’investir, même si c’était à son absence. Peut-être qu’il a eu peur de prendre ce chiffre. Moi Emile je l’endosse et le dossard 13 rentre le 13 novembre 2005.

Sidwaya

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