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Politique : « Celui qui a remporté la guerre est celui qui détermine les conditions de la paix » (Boubacar Sannou du CDP)

Publié le mercredi 14 novembre 2018 à 23h45min

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Politique : « Celui qui a remporté la guerre est celui qui détermine les conditions de la paix » (Boubacar Sannou du CDP)

L’ex-parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), effectue, ce dimanche 18 novembre 2018 à Ouagadougou, sa rentrée politique 2018-2019 autour du thème : « Face aux défis actuels et futurs, bâtissons un CDP uni, solidaire et conquérant ». A quelques jours de ce rendez-vous pour les militants, nous avons rencontré le président du comité national d’organisation, Boubacar Sannou. Dans cette interview réalisée le mardi 13 novembre 2018, l’ancien président du Réseau des parlementaires pour la promotion de l’élevage et de l’agriculture de l’Assemblée nationale explique les enjeux de cette rentrée pour son parti et ce, avec un regard critique sur la situation nationale.

Lefaso.net : Vous effectuez, le 18 novembre prochain, votre rentrée politique 2018-2019. Quelle est la portée d’un tel acte pour un parti politique comme le vôtre ?

Boubacar Sannou (B.S.) : Toute rentrée politique, pour un parti politique, a une grande importance ; en ce sens qu’elle est d’abord une action de visibilité du parti. Elle est ensuite une action de mobilisation et remobilisation des militants du parti autour de la direction du parti et également l’occasion d’une relance des activités du parti pour tout le reste de l’année, vous n’ignorez pas que les partis politiques également fonctionnent comme l’administration, comme une année scolaire.

Nous ouvrons en début d’année scolaire et refermons en fin d’année notre année politique, pour permettre aux militants de jouir un peu des vacances et également à ceux qui ont des activités liées à l’agriculture et autres de pouvoir les mener. Alors, la rentrée politique consacre la reprise effective des activités du parti pour l’année politique entière.

Lefaso.net : Du dernier congrès (mai 2018) à ce jour, quels sont les grands enseignements que vous avez tirés de la marche de votre parti ?

B.S. :
Nous avons reçu mandat du congrès pour finaliser certains organes du parti, notamment le bureau politique national, le haut-conseil et les commissions permanentes du parti. Nous avons donc mis à profit ce laps de temps (entre le congrès et cette rentrée politique) pour finaliser ces différents organes et la rentrée politique va marquer effectivement l’installation et la validation du mandat des membres de tous ces organes, notamment le bureau politique national, le haut-conseil et les différentes commissions permanentes.

Egalement, entre le congrès et cette rentrée politique, nous avons essayé d’évaluer nos structures, en interne comme à l’externe. Au niveau interne par exemple, nous avons donné mandat à certaines localités à procéder à une restructuration des structures, notamment Bobo-Dioulasso et Ouagadougou et à l’extérieur où nous avons pu installer certaines structures (Etats-Unis et les autres du reste du monde sont en cours).

Lefaso.net : Quels sont les grands enjeux de cette rentrée pour le CDP ?

B.S. :
L’enjeu principal et fondamental est que cette rentrée politique va permettre de valider le mandat des membres du bureau politique national, qui est l’instance de direction du parti (le bureau exécutif n’étant que l’instance d’exécution) et également d’opérationnaliser le haut-conseil qui est une instance affiliée au bureau exécutif national et qui est composé d’un certain nombre de personnalités qui ont une certaine carrière politique, qui ont eu à un moment donné à jouer un rôle très important sur l’échiquier politique national et qui sont chargés d’assister et de conseiller la direction du parti.

Cette rentrée a également son importance, en ce sens qu’elle doit nous permettre d’installer les différentes commissions : nous avons la commission chargée de la stratégie électorale, la commission chargée du suivi des cadres du parti et la commission contrôle et vérification. Le couronnement de tout cela est qu’à l’issue de l’installation des membres du bureau politique national et la validation des mandats, vous aurez la tenue de la 62e session du bureau politique national pour valider le programme d’activités triennal du parti, de la période 2019-2021.

Il est la somme des activités à mener par les différentes composantes du bureau exécutif national et qui constitue également le nouveau programme d’activités de la direction politique issue du congrès. C’est donc une innovation majeure ; parce que c’est une des rares fois qu’un parti politique établi un programme d’activités qu’il va s’efforcer de respecter sur une période donnée, jusqu’au prochain congrès.

Lefaso.net : L’installation, ou la réorganisation, de vos structures de base était une des missions identifiées par le congrès ; est-ce que vous partez dans cette rentrée avec une satisfaction sur ce plan ?

B.S. : Il faut rappeler qu’avant le congrès, la commission ad hoc avait déjà fait un travail de restructuration des structures du parti au niveau local à travers la majeure partie des 45 provinces ; ce qui nous a permis de tenir effectivement le congrès. Au sortir du congrès, de nouvelles instructions ont été données ; c’est-à-dire l’élargissement du nombre de responsables au niveau des sections, sous-sections et comités de base.

Il va falloir donc qu’après cette rentrée politique effectivement, les structures sur le terrain puissent se conformer à ces nouvelles délibérations du congrès. Pour cela, il faut que ces nouvelles structures au niveau local puissent bénéficier de l’accompagnement des membres du bureau politique national ; ce qui veut dire qu’une fois que le bureau politique national sera validé, une évaluation des structures sera faite et instructions leur sera donc données sans doute (par le bureau politique national) afin qu’elles puissent se conformer aux délibérations du congrès et du bureau politique national.

Lefao.net : On a un thème qui embrasse à la fois la vie du parti et le contexte national ; qu’est-ce qui justifie ce choix ?

B.S. : Le CDP est un parti qui revient de loin, même de très loin, avec les évènements d’octobre 2014 et de septembre 2015 ; et vous n’ignorez pas non plus que le congrès n’a pas été facile car, pour désigner la nouvelle direction du parti, il a fallu avoir recours au vote pour une désignation démocratique. Qu’on le veuille ou pas, cette méthode de désignation de la direction du parti a laissé quelques séquelles et au vu de la situation que nous vivons aujourd’hui, il y a lieu de rappeler aux militants du parti, les fondamentaux qui doivent guider tout parti politique ; c’est-à-dire la recherche toujours de l’intérêt supérieur du parti et cela ne peut se faire que dans la cohésion, l’unité.

Pour cela, il faudra que le thème cadre avec les ambitions nouvelles du parti, qui se veut un parti à la conquête du pouvoir, à la conquête de l’appareil d’Etat par les méthodes républicaines, les méthodes démocratiques. Ce thème s’étend également à la situation nationale, parce que vous n’ignorez pas que notre pays est affecté dans son intégré physique par les attaques dont il est l’objet de la part des terroristes, des bandits armés, etc.

Cette insécurité qui est en train de se globaliser interpelle tous les acteurs, c’est un défi majeur auquel notre pays fait face et il est important que le parti, en interne, puisse s’interroger sur ce qui peut être son rôle, sa contribution pour qu’ensemble, le pays puisse relever ce défi sécuritaire.

Au-delà de cet aspect lié au défi sécuritaire, il y a la question de la gouvernance ; aujourd’hui, après analyse de la situation, nous pensons que nous sommes en face de la pire gouvernance politique et économique que le pays ait connue depuis son indépendance ; un pays où les marchés à 35% sont passés par la procédure de gré-à-gré, une administration où pour avoir une nomination, il faut brandir la carte du parti au pouvoir, avant les directeurs généraux des sociétés d’Etat et des grandes entreprises étaient recrutés sur test, mais aujourd’hui ils sont directement nommés.

Donc, nous constatons que notre pays connaît un recul, en ce sens que même les promesses faites à la jeunesse de créer 100 mille emplois par an ne sont pas respectées (on s’autorise même à réduire le nombre d’emplois à la Fonction publique). Voilà, de façon ramassée, les problèmes auxquels le pays fait face, auxquels il faut ajouter le problème lié au coton (qu’on le veuille ou pas, la production va drastiquement baisser). C’est cet ensemble de défis qui nous interpellent en tant que parti, ayant comme volonté de revenir aux affaires. Nous nous devons donc de réfléchir sur les stratégies et notre contribution pour pouvoir faire face à ces défis.

Lefaso.net : Parlant des maux qui ressortent de vos analyses, je m’érige en porte-parole de certains de nos lecteurs et internautes qui estiment que cette situation est liée à vos 27 ans de mauvaise gestion !

B.S. :
Je pense que tout cela, c’est la politique de l’autruche, des faux-fuyants que les gens avancent souvent pour se faire bonne conscience. Et, je pense que c’est l’occasion de le dire, quand vous prenez le cursus politique des acteurs actuels qui sont aux affaires et celui de ceux qui animent aujourd’hui le CDP, vous verrez que s’il y a des responsabilités à situer, il est toujours mieux d’aller vers le MPP pour demander à ces gens-là de rendre compte des 27 ans qu’ils ont passé même si nous assumons notre part de responsabilité dans la gestion des affaires de ce pays.

Nous, en tant qu’acteurs aujourd’hui au-devant du CDP, nous ne nous sentons concernés aucunement par ces arguties envoyées par les uns et les autres. Ensuite, nous pensons que le Burkina a franchi une étape à travers les évènements d’octobre 2014 et le putsch de septembre 2015 et pour nous, cela devrait être une occasion de transformation de notre société, une occasion de remise en cause fondamentale et non une occasion de dire que la situation que nous vivons aujourd’hui est imputable à ce qui s’est passé, il y a 27 ans.

Non, ce sont de faux-fuyants, de faux arguments et nous, nous pensons que l’esprit de changement exigé par la jeunesse à travers les évènements d’octobre 2014, si tous les acteurs s’étaient inscrits dans cet esprit, on ne serait pas là à dire que la situation que nous vivons est imputable au CDP. La situation que nous vivons est imputable à l’incompétence et au manque de vision des acteurs politiques que nous avons aujourd’hui au-devant de ce pays.

Lefaso.net : Vous releviez les fissures qu’a laissées le dernier congrès, et la création d’un G33 par des cadres de votre parti témoigne bien de cette réalité. Pensez-vous pouvoir réunir tous ces cadres « dissidents » autour de cette rentrée politique pour regarder désormais dans une même direction ?

B.S. : Je pense que dès sa désignation à la tête du parti, le président s’est automatiquement inscrit dans une logique de large rassemblement. Si vous regardez bien la composition du bureau exécutif national, vous verrez que tous ceux qui faisaient partie du bureau sortant ont pratiquement tous été reconduits, sauf ceux qui ont demandé expressément à quitter ou bien à aller au niveau d’autres instances comme le Haut conseil.

Pour cela, nous pensons que le président a fait preuve d’ouverture à tous les niveaux ; tous les acteurs ayant compéti avec lui, ayant un certain âge ou une certaine responsabilité, ont été consultés pour qu’ensemble un bureau consensuel puisse être mis sur pied. Si vous regardez, le bureau est de 130 membres, contrairement au dernier qui était de 106 membres. Donc, un effort a été fait pour que tout le monde puisse se retrouver.

C’est vrai que certains peuvent penser que leurs ambitions n’ont pas été entièrement atteintes, mais le choc des ambitions veut toujours qu’il y ait un camp qui triomphe. Nous pensons également que le président, ayant ouvert la porte à tout le monde afin qu’ensemble un bureau consensuel puisse être mis sur pied, l’essentiel a été fait.

Il appartient aux uns et aux autres, qui veulent toujours avoir une carrière politique, de se réinscrire dans la logique de la main tendue du président et qu’ensemble, nous puissions regarder dans la même direction. On sait tous qu’après une compétition, des frustrations peuvent naître, mais nous pensons que le temps fera son effet et nous allons tous nous retrouver main dans la main pour œuvrer à la reconquête du pouvoir d’Etat.

Lefaso.net : Cette rentrée politique s’effectue également à un moment où nombre de vos cadres se trouvent hors du pays ; quel sera votre regard envers ces militants ?

B.S. : Nous avons toujours signifié à chaque occasion que nous souhaitons qu’au-delà des cadres du CDP qui sont à l’extérieur, tous nos compatriotes qui, pour des raisons surtout politiques, se trouvent hors du pays, puissent rentrer. Car, nous pensons que c’est ensemble que nous pouvons bâtir ce pays. C’est avec regret que nous constatons que certains de nos camarades ont une certaine appréhension à rentrer au pays (ce qui est très légitime au vu du comportement des acteurs politiques actuels).

Même ceux qui ne sont pas de notre camp, nous comprenons leur situation et nous interpellons le gouvernement sur la question. Nous avons dit : celui qui a remporté la guerre est celui qui détermine les conditions de la paix. C’est le MPP qui a remporté les élections, c’est le MPP qui doit donc déterminer les conditions de la réconciliation, les conditions de retour de tous les compatriotes qui sont à l’extérieur.

Il ne nous appartient pas, opposition, d’imposer un processus quelconque au MPP ; parce que nous pensons que c’est à ce parti que le peuple a fait confiance en amenant le président Roch Kaboré à Kosyam et en lui donnant une majorité (même si elle est relative) à l’Assemblée nationale.
Il dispose de tous les instruments de l’appareil d’Etat, nous leur disons qu’il leur appartient de déterminer les conditions de la réconciliation, pour permettre la construction du pays. Nous sommes ouverts et cela fait trois ans que nous attendons d’eux, ils n’ont aucune proposition pour le moment toujours nous observons toujours.

Lefaso.net : Vous êtes le président du comité national d’organisation de cette rentrée politique, 2018-2019 ; quel est le dispositif que vous avez mis en place pour réussir cette mission ?

B.S. : Effectivement, nous avons été désignés par la direction du parti pour présider le comité national d’organisation pour la rentrée politique. Des commissions ont donc été mises en place et chacune a pu faire son travail. Pour cette rentrée politique, qui consiste surtout en la réunion des cadres supérieurs du parti, nous avons constaté que le travail se passe bien ; parce que le parti a également un vécu, le parti est solide.

Tout se passe donc bien, le comité d’organisation a fait son travail et à l’heure actuelle, nous n’avons aucun couac à ce niveau et nous pensons que la rentrée se passera comme nous le souhaitons.

Lefaso.net : Combien de participants sont attendus et comment se dérouleront les travaux ?

B.S. : Nous attendons, pour le bureau politique national, plus de 900 membres. Nous avons également invité des partis politiques frères et des militants pour assister à la cérémonie d’ouverture après laquelle, tous les invités vont se retirer pour permettre maintenant à la 62e session du bureau politique national de se tenir.
Cela se fait comme nous avons l’habitude de le faire, avec un ordre du jour précis et avec la validation du mandat des nouveaux membres du bureau politique national et du programme d’activités du parti.

Lefaso.net : Le message à l’ensemble des membres des commissions dont vous avez en charge la gestion et à l’ensemble de vos militants ?

B.S. :
A l’ensemble des membres des commissions, je dirai que le travail est collégial et pour cela, je pense que chaque membre connaît la portée de la mission qui lui est confiée. Sur ce point, il n’y a pas d’inquiétude, chacun est suffisamment imprégné et est à pied d’œuvre.

Le message à l’endroit des militants, principalement ceux du Kadiogo, c’est de se mobiliser pour la cérémonie d’ouverture. Le CDP est un grand parti, nous ne pouvons pas faire les choses en miniature, nous les faisons en grandeur nature. Pour cela, nous souhaitons que la Maison du peuple et même la Cour, refuse du monde.
Le message est donc lancé à tous les militants afin qu’ils puissent se mobiliser dès les premières heures de dimanche pour prendre d’assaut la Maison du peuple pour assister à la cérémonie d’ouverture de la rentrée politique, qui marquera la reprise effective des activités du parti pour l’année 2018-2019.

Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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