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Journée internationale de la tolérance : « Il est temps pour les Burkinabè de s’en approprier », selon un groupe de 35 citoyens

Publié le mercredi 14 novembre 2018 à 00h17min

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Journée internationale de la tolérance : « Il est temps pour les Burkinabè de s’en approprier », selon un groupe de 35 citoyens

16 novembre 1995 – 16 novembre 2018, voilà 23 ans que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) célèbre la Journée internationale de la tolérance. En effet, c’est « alarmés par la montée actuelle de l’intolérance, de la violence, du terrorisme, de la xénophobie, du nationalisme agressif, du racisme, de l’antisémitisme, de l’exclusion, de la marginalisation et de la discrimination à l’égard des minorités nationales, ethniques, religieuses et linguistiques, des réfugiés, des travailleurs migrants, des immigrants et des groupes vulnérables au sein des sociétés… » que les Etats membres réunis à Paris (France) du 25 octobre au 16 novembre 1995 pour la 28e session de la Conférence générale ont adopté la Déclaration de principes sur la tolérance.

Aujourd’hui, et plus que de par le passé, cette déclaration est d’une pertinence indiscutable notamment pour un pays comme le Burkina Faso. C’est pourquoi nous, citoyens burkinabè provenant de divers horizons culturels, philosophiques et confessionnels que nous sommes (voir la liste des signataires jointe), avons pris la résolution de partager avec l’opinion publique en général la présente tribune afin d’en donner notre compréhension et en faire la promotion ; ce d’autant que les extrants (traités, conventions, pactes, déclarations, etc.) des organisations internationales gagnent davantage en résonnance et surtout en sens si les citoyens des Etats membres pris individuellement ou regroupés au sein des organisations de la société civile s’en saisissent et apportent leur quote-part dans l’opérationnalisation des nobles idéaux portés par ces organisations.

Une telle réflexion comporte sans nul doute des relents élitistes étant donné qu’il s’agit d’une sorte de manipulation des concepts (particulièrement de celui de tolérance) face à laquelle nombre de Burkinabè n’ont pas l’outillage intellectuel nécessaire pour saisir la portée. Il est également certain que les intolérants n’ont que faire d’une réflexion comme celle-ci. Toutefois, l’exercice n’est pas sans utilité car pour plagier le philosophe grec de l’Antiquité Pythagore, ce sont les idées (nobles bien entendu) qui gouvernent, en dernière instance, le monde.

En commençant par les aspects étymologiques, il ressort de plusieurs sources (dictionnaires de la langue française, sites web…) que le mot tolérance vient du latin tolerare (supporter) et tolerantia (ténacité, patience, désistement) et désigne la capacité à permettre ce que l’on désapprouve, c’est-à-dire ce que l’on devrait normalement refuser. Elle conduit les humains à révérer ce qui est contraire ou différent de leurs propres convictions, leur identité culturelle, leurs choix politiques…Toute liberté ou tout droit implique nécessairement, pour s’exercer complètement, un devoir de tolérance.

Les acceptions séculières de la tolérance

Dans les sociétés traditionnelles africaines, la tolérance est un élément important du système de valeurs qui oriente la vie en société. Lorsque chez les Peuls du Niger, on enseigne cette vertu en affirmant que « A trop vouloir des taureaux pur-sang en abattant ceux qu’on estime ne pas l’être, on se retrouve avec un parc vide », les Gouros de Côte d’Ivoire, eux, voient en « l’harmonie de la diversité florale et faunique de la forêt, une leçon sur laquelle devraient méditer les humains ».

Quant aux Mossé, ils affirment que « Il incombe à chaque guerrier de choisir la branche de l’arbre de son cœur pour confectionner son arc ». Enfin, chez les Sénoufos qui sont à cheval sur le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Mali, on clame que « Le pardon, la tolérance et la sagesse sont le langage des hommes forts. » De tous ces adages transpire une préoccupation unique : la tolérance.

Pour l’UNESCO, « La tolérance est le respect, l’acceptation et l’appréciation de la richesse et de la diversité des cultures de notre monde, de nos modes d’expression et de nos manières d’exprimer notre qualité d’êtres humains. Elle est encouragée par la connaissance, l’ouverture d’esprit, la communication et la liberté de pensée, de conscience et de croyance. La tolérance est l’harmonie dans la différence. »

Ainsi, elle est synonyme de respect et d’acceptation de l’expression des spécificités des humains et implique que chacun est libre d’avoir ses propres opinions et qu’il accepte que les autres aient aussi les leurs, même si elles sont différentes voire opposées aux siennes.

Ces éléments définitionnels s’inspirent, entre autres, de la lecture que les philosophes de la renaissance et des lumières faisaient du concept. C’est ainsi que selon accordphilo.com, « l’idée de tolérance est née dans le contexte des guerres de religion, mais ce n’est qu’au siècle des Lumières qu’elle s’est imposée comme la vertu spirituelle et sociale par excellence. »

Dans l’Encyclopedia Universalis, elle est entendue comme le « fait de ne pas interdire alors qu’on le pourrait, [le] fait de tolérer et le respect des opinions et de la liberté d’autrui, respect des différences ».

Un thème omniprésent dans toutes les religions reconnues au Burkina Faso

La problématique de la tolérance religieuse est une thématique majeure dans toutes les religions.

Dans le bouddhisme, la tolérance est le premier pas vers l’équanimité (le calme, le flegme, l’impassibilité) c’est-à-dire l’acceptation sans effort. Il préconise donc ce qui suit : « Laisse grandir en toi un amour sans bornes de toutes les créatures de quelque degré de différence que ce soit entre toi et elles. » car « La haine ne mettra jamais fin à la haine ; seul l’amour peut la guérir. C’est là l’ancienne et éternelle loi. »

S’agissant, du christianisme, le sens qu’il donne au concept est contenu dans les versets 14:1 et 2.1 du livre des Romains qui disent respectivement ceci : « Faites accueil à celui qui est votre prochain dans la foi, et ne discutez pas de ses opinions [entre autres religieuses]. » et « Qui que tu sois, homme, toi qui juges, tu es donc inexcusable. En effet, en jugeant les autres tu te condamnes toi-même, puisque toi qui juges tu agis comme eux ».

En islam, le sens du mot est véhiculé par la sourate 49, verset 13 en ces termes : « Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Nous vous avons divisés en races et en tribus avec des caractères distinctifs. Le plus méritant aux yeux d’Allah est le plus pieux [celui qui le craint le plus] ». L’idée est encore plus précise dans la sourate 2, verset 256 : « Pas de contrainte en matière de religion ».
Du reste dans la sourate10, verset 99-100, il est dit : « Si ton Seigneur voulait, tous ceux qui sont sur terre croiraient. Est-ce à toi de contraindre (krh) les gens à être croyants ? »

Pour ce qui est de la foi baha’ie, les hommes devraient apprendre et appliquer, à la lumière des enseignements divins, les leçons de tolérance mutuelle, de compréhension et d’amour fraternel pour bâtir un monde d’unité et de paix pour tous. L’amour et l’unité sont la cause de la religion de Dieu : « Le dessein fondamental qui anime la foi de Dieu et sa religion est de sauvegarder les intérêts du genre humain, de promouvoir son unité, de stimuler l’esprit d’amour et de fraternité parmi les hommes… » (https://www.bahai.org/fr). Ce qui induit la tolérance.

Enfin, du point de vue du mouvement raëlien il faut, en plus de la tolérance, « l’amour des différences » qui encourage « les autres à être différents de nous et à vivre pleinement leurs différences, qu’elles soient ethniques, culturelles, religieuses ou sexuelles. »

Quelles perspectives ?

Il est un fait que toutes les religions tiennent leur légitimité de Dieu (quelle que soit l’appellation qui est donnée à ce dernier). Le fait de la multiplicité des religions atteste que Dieu est tolérant. En effet, s’il ne l’était pas, tous les humains auraient la même religion. A son image, nous devons donc être tolérants. Ce serait là un juste retour des choses dans la mesure où les saintes écritures disent que nous avons été… à son image.

De plus, si la sagesse africaine et les religions légalement reconnues au Burkina Faso comptent dans leurs enseignements et/ou dans leurs livres saints des hymnes à la tolérance, d’où vient-il qu’au nom de ces mêmes religions des actes d’intolérance, pire de terrorisme soient commis au Burkina quasiment tous les jours ?

L’interpellation de l’UNESCO à l’endroit des Etats trouve donc sa place ici. Elle se situe dans la recherche et la mise en œuvre des solutions à travers la justice et l’impartialité en matière de législation, d’application de la loi l’égalité dans le bénéfice des chances économiques car l’exclusion et la marginalisation peuvent conduire à la frustration, à l’hostilité et au fanatisme.
Elle y ajoute l’éducation consistant à enseigner aux individus quels sont leurs droits et leurs libertés afin d’en assurer le respect et également à promouvoir la volonté de protéger les droits et libertés des autres.

L’institution de la Journée internationale de la tolérance s’inscrit dans cette logique. Elle vise à mobiliser l’opinion publique, à souligner les dangers de l’intolérance et à réaffirmer l’engagement et la détermination à agir en faveur de la promotion de la tolérance et de l’éducation à la tolérance.

Cependant, les limites de la déclaration de l’UNESCO qui date, nous en convenons, de 1995 résident dans le fait que seuls les sujets du droit international que sont les Etats et bien sûr les organisations intergouvernementales, sont les seuls acteurs dans les réponses à apporter à l’intolérance.

Une telle approche laisse sur le bas-côté de la route qui mène à la victoire les Organisations de la société civile (OSC) et les citoyens considérés dans leur individualité. C’est pourquoi, tout en encourageant l’Etat burkinabè à travailler à la mise en œuvre des recommandations de l’UNESCO, les OSC dont les objectifs prennent en compte cette thématique gagneraient à être accompagnées.

En retour, ces OSC devraient faire de la journée du 16-Novembre une occasion de réflexions sur les thématiques subséquentes, annexes ou connexes à la tolérance. Du côté des partenaires techniques et financiers, une attention particulière devrait être accordée aux activités des OSC à travers un accompagnement conséquent.

C’est le sens de l’appel des 35 citoyennes et citoyens que nous sommes.
Que Dieu bénisse le Burkina Faso.

On signé :

1. BADOLO Edadjain J.P, ingénieur informaticien
2. BONZI Biomon, contrôleur d’Etat
3. BORO/BORO Yéfalo, conseillère pédagogique de l’enseignement secondaire
4. COMPAORE Salif, professeur des lycées et collèges
5. CONGO Absata, étudiante
6. DIASSO/PARE Mariam, secrétaire de direction
7. DOLLY Kyria, journaliste
8. IDO Bassou, ingénieur du développement rural
9. ILBOUDO G. Alex Francis, technicien en exploitation des métaux précieux
10. KABORE Fatassé, étudiant
11. KABORE Léopold R., journaliste
12. KANE Absatou, étudiante
13. KOALA Kouliga Maxime, administrateur civil
14. NYAMBA Soumaïla, inspecteur du trésor
15. OUEDRAOGO Delwinde Dorcas, étudiante
16. OUEDRAOGO Espérance, médecin
17. OUEDRAOGO Idrissa, inspecteur du trésor à la retraite
18. OUEDRAOGO Saïdou, conseiller pédagogique de l’enseignement secondaire.
19. OUEDRAOGO Windekouni Toussaint, étudiant
20. SAGNON Abdoulaye, journaliste
21. SANOU Ibrahima, journaliste
22. SANOU Marcellin, ingénieur informaticien
23. SANOU/SEGUEDA Isabelle Irène, administrateur civil à la retraite
24. SAWADOGO Barthélémy, stagiaire en gestion des projets
25. SESSOUMA Drissa Modeste, inspecteur de l’enseignement secondaire
26. SOME Kafouniba Christien, journaliste
27. SOME/SO Fatou, attaché de santé
28. SOURWEMA Issaka Dawelg-Naaba, communicateur – journaliste
29. TAMINI Siméon, ingénieur électromécanicien
30. TARNAGDA Abdoul Moumini, étudiant
31. TIEMTORE/OUOBA Larba Florence, restauratrice
32. YAMEOGO Sylvain, étudiant
33. ZANZE L. Crépin, étudiant
34. ZION Amed Akiri, électromécanicien
35. ZOURE Gilbert Tarsigué, sociologue

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