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Journée nationale de la liberté de la presse : A mes jeunes frères et sœurs de la profession

Publié le vendredi 19 octobre 2018 à 15h20min

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Journée nationale de la liberté de la presse : A mes jeunes frères et sœurs de la profession

La célébration de la Journée nationale de la liberté de la presse ce samedi 20 octobre 2018, me donne l’agréable opportunité de témoigner toute ma reconnaissance à la presse nationale, une presse que j’ai vue grandir, en 35 ans d’exercice de la profession de journaliste.

35 ans, ce n’est certainement pas suffisant pour donner une appréciation d’aîné sur tout le travail abattu par la presse nationale certes, mais ça semble d’acquis, d’utilité et de devoir, de rappeler très modestement à mes jeunes frères et sœurs dans la profession, et avec tout le respect et l’estime voire l’affection qu’ils méritent, le sens profond du contrat social qui les lie à leurs lecteurs, à leurs auditeurs et à leurs téléspectateurs.

Au tréfonds de la sagesse qui anime ces 35 ans de profession, j’apprécie à leur juste valeur les efforts et les sacrifices consentis par tous ces hommes et toutes ces femmes de la plume, du micro et de la caméra, pour contribuer quotidiennement à l’animation de la presse nationale. Avec certes des aptitudes, des habitudes et des attitudes professionnelles, mais avec aussi beaucoup d’insuffisances, de faiblesses, de manquements, de dérapages et de dérives. L’intention ici, ce n’est pas de laver le linge sale à la fontaine publique ; mais de rappeler tout simplement à certains acteurs et actrices des médias, ceux et celles par qui les informations transitent (en termes de collecte, de traitement et de diffusion), les devoirs sacrés de la profession de journaliste.

En le faisant, je ne prétends pas être le meilleur exemple de la presse burkinabè ! Non. Simplement pour rendre hommage à la jeune génération montante, héritière du flambeau. Cette génération est, pour les uns, animée de la volonté de relever le défi, de porter encore plus haut le flambeau de l’héritage légué par notre génération. Elle fait preuve de dévouement à la tâche, d’esprit de sacrifice et d’initiative, de force de caractère et de courage. Elle est, pour les autres, et malgré cette volonté affichée, appelée à plus d’efficacité et de professionnalisme pour espérer atteindre les objectifs à elle assignée, dans le sens de l’excellence.

Si mon appel intime peut un tant soit peu contribuer à sonner le réveil des énergies assoupies, surtout en ce qui concerne « le lot » du second groupe, alors qu’il s’efforce de faire mieux. Le combat ne sera pas de tout repos ! Car le moins que l’on puisse dire, c’est que ce difficile combat pour la gloire de l’excellence est à mener en conformité avec les exigences éthiques et déontologiques, de sorte à apporter aux citoyens les informations dont ils ont besoin pour vivre libres, dignes, autonomes, responsables et épanouis.

Sur ce plan, certains journalistes (s’ils le sont réellement) ont beaucoup à apprendre et à faire ! Ils sont suspectés de manque d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques, financiers et autres. Suspectés alors de connivence avec ces pouvoirs, ces journalistes n’assument pas un journalisme techniquement et moralement bien exercé, c’est à dire basé sur la maîtrise et le respect de « l’Ethique et de la déontologie ». Ils ignorent que le journalisme est « une profession qui s’exerce dans un cadre normatif, avec des garde-fous et des balises » qui indiquent les zones et les frontières à ne pas franchir, pour non seulement éviter les dérapages et les dérives, mais surtout pour exercer le métier avec noblesse et beauté.

Le comble, c’est que ces ‘’journalistes’’ font fi dans leurs productions et prestations, par ignorance peut-être, des règles fondamentales mêmes du journalisme. En effet, ce n’est un secret pour personne, cette catégorie de journalistes sombre facilement dans la manipulation et la diffamation, si elle n’est pas tout simplement aux ordres de telle ou telle chapelle. Ignorer ou méconnaître les principes déontologiques et les valeurs éthiques qui sont des repères cardinaux auxquels le journaliste doit toujours se référer et se soumettre, s’il a vocation bien sûr à être ou à rester un vrai professionnel de la pratique journalistique, c’est courir le risque de perdre la boussole. Car ces principes et ces valeurs sont indispensables au journaliste pour assumer ses rôles et missions avec professionnalisme.

L’éthique interdit au journaliste « la ruine de l’âme », de par sa capacité de force morale. Elle lui confère une aptitude purificatrice de sa personnalité ; elle lui confère également une habitude et une attitude à lutter contre les bassesses qui ne grandissent pas sa profession. Elle cultive en lui les bons réflexes du savoir-vivre et du savoir-être.

Ce sont les valeurs éthiques qui permettent au journaliste d’humaniser sa vie, son personnage, sa conscience sociale, son caractère et sa conduite. Elles lui permettent également de se valoriser moralement en ayant des repères de la vie honnête et intègre, de la foi et de la loyauté en sa profession qui est le journalisme. Moulé dans ces valeurs éthiques, le journaliste évite le triste chemin de la vulgarité, des comportements susceptibles de ternir sa propre image et la réputation de sa profession. Il se forge alors une personnalité, des principes, de l’humilité, de la modestie, de l’autonomie d’être, de penser et d’agir au mieux. Perméable dès lors à la critique, toujours prêt à se remettre en cause, le journaliste respectueux des valeurs éthiques, développe alors en lui, des aptitudes de reconnaissance aussi de l’autre dans son droit, dans sa liberté de penser, d’agir et de faire.

L’éthique du journaliste est fondée sur une démarche intérieure, mais elle doit pouvoir s’extérioriser selon les règles de la bonne conduite et les exigences morales qui servent de repères dans la société, en termes de vertus, de valeurs et de crédibilité et non en termes d’arrogance, de nuisibilité, d’inutilité et de déchéance. La boussole éthique éloigne le journaliste des pratiques peu recommandables comme la vie dévergondée, la malhonnêteté, le complexe de suffisance ou de supra supériorité, la diffusion de fausses nouvelles, le mensonge, l’alcoolo-dépendance…

Donc, il est de l’intérêt du journaliste et de la grandeur de sa profession de se conformer au code éthique, en tant qu’être humain, en tant qu’élément de la société, société régie par des principes moraux et des valeurs sociétales.
Mais il reste entendu qu’à chaque société ses valeurs et ses tares ! Ce faisant, l’éthique peut fortement varier en fonction des milieux et des cultures ; tout comme le savoir-être et le savoir-vivre qui sont fonction des normes morales sociétales.
Et comme vous le devinez aisément, un journaliste dans un état de déchéance morale, est rarement à la hauteur de productions crédibles et fiables.

Quant à la déontologie du journaliste, elle repose sur son « savoir-faire », en termes de maîtrise des principes qui encadrent la profession, en termes d’appropriation des fondamentaux qui balisent la profession et qui sont entre autres : des valeurs de vérité, d’exactitude, de rigueur, d’impartialité, de discernement, d’indépendance, de bonne foi, de transparence, de vérification de l’information, d’intérêt du public, de protection des sources d’information, de respect de la vie privée…qui constituent les « piliers normatifs du journalisme ».

Si dans sa pratique, le journaliste fait fi des règles déontologiques qui encadrent sa profession et qui se déclinent en droits, devoirs et obligations, il sera inévitablement sujet à des désagréments multiples et multiformes, susceptibles d’entraîner une perte de confiance de la part du public.

Malheureusement, le constat aujourd’hui est que ces principes déontologiques et ces valeurs éthiques du journalisme ne sont pas toujours respectés et partagés ! Et pour cause, le corps médiatique subit de nos jours trois contraintes majeures. Une contrainte qu’impose la société de consommation qui amène le corps médiatique à développer une presse mercantile qui se nourrit de scoops, de sensations et de sensationnels ; une contrainte liée aux instances dirigeantes du corps médiatique qui ne manquent pas quelque fois d’entretenir d’étroites liaisons ou rapports avec certains pouvoirs ou forces ; et enfin une contrainte du fait du praticien lui-même.

Pour étayer la dernière contrainte, celle liée au praticien lui-même, il importe de reconnaître que le journaliste (burkinabè) est aujourd’hui tiraillé entre les exigences de sa propre survie, de la survie de son organe et le souci de préserver la dignité de sa profession. Il est tiraillé entre son devoir d’informer et le risque d’être victime de manipulation ou de servir de propagandiste. Il est tiraillé enfin, entre ce qui est vérité en son âme et conscience et le risque de se retrancher derrière des instructions pour des raisons souvent alimentaires.

Mais qu’à cela ne tienne, « on ne choisit pas d’être journaliste et on ne devient pas journaliste par hasard ! ». De grâce donc, jeunes frères et sœurs dans la profession, ne donnez pas raison à ceux qui se demandent, avec humour « pourquoi acheter un journal quand on peut acheter un journaliste ».

Alors, jeunes frères et sœurs dans la profession, sachez en tout temps et en tout lieu et quelles que soient les pressions, rester des reporters et non des supporters de telle ou telle chapelle ou des porte-voix des rumeurs et des vendeurs d’illusions peu recommandables et à moralité douteuse.

En espérant que vous saurez vous positionner en vecteurs d’informations à même de renforcer les connaissances, d’éclairer les consciences, de corriger les idées préconçues et de contribuer à promouvoir des changements sociaux positifs pour la création d’un environnement global plus favorable à l’expression de la démocratie et d’une liberté de la presse bien assumée, je vous souhaite une « bonne Journée nationale de la liberté de la presse ».

Sita TARBAGDO (collaborateur)

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