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Drame du 15 octobre 1987 : Pose de la première pierre de la statue géante « Hommage à Thomas Sankara »

LEFASO.NET | O.O

Publié le lundi 15 octobre 2018 à 23h55min

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Drame du 15 octobre 1987 : Pose de la première pierre de la statue géante « Hommage à Thomas Sankara »

A l’occasion de la commémoration du 31e anniversaire de l’« assassinat » de Thomas Sankara, 15 octobre 1987-15 octobre 2018, le Comité international du mémorial Thomas-Sankara (CIM-TS) a procédé à la pose de la première pierre de la statue géante symbolisant le capitaine Thomas Sankara et douze de ses compagnons tombés en ce 15 octobre 1987.

Le 2 octobre 2016, le Comité international mémorial Thomas-Sankara (CIM-TS) a porté sur les fonts baptismaux, le projet mémorial Thomas-Sankara. Depuis lors, différents actes ont jalonné le projet. La pose de cette première pierre se veut donc une avancée dans la dynamique de la construction du mémorial sur le site du Conseil de l’entente, à l’entrée du lieu du drame survenu en cet après-midi du 15 octobre 1987. Le monument est baptisé « Hommage à Thomas Sankara ». Selon la fiche technique et descriptive, la hauteur finale du monument sera de huit mètres. La conception et la réalisation sont l’œuvre de l’entreprise « Espace culturel Barso ».

Selon l’artiste-sculpteur, Jean-Luc Bambara, la statue se tiendra sur cinq mètres en « ronde bosse » symbolisant le capitaine Thomas Sankara, entièrement réalisée en bronze patiné à partir de la technique de cire perdue. Toujours selon les explications du porte-parole des spécialistes commis à l’œuvre, M. Bambara, la statue sera montée sur un socle en béton de trois mètres de haut, en forme pyramidale à quatre faces comportant sur chacune de ses quatre faces, trois des douze bustes en « haut relief » symbolisant les douze camarades fauchés avec le capitaine Sankara.

Cette cérémonie symbolique a enregistré la présence de membres du gouvernement, notamment le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Remis Fulgance Dandjinou ; celui du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, Harouna Kaboré ; le ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, Abdoul Karim Sango ; et du vice-président de l’Assemblée nationale, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, par ailleurs avocat de la famille Sankara ; ainsi que des leaders d’organisation de la société civile.

Quatre articulations ont ponctué la cérémonie : les interventions, la pose de la pierre à proprement dite, la procession et une dédicace d’un ouvrage du journaliste-écrivain Charles Tiendrébéogo, titré « Thomas Sankara : Les Témoignages en toute Vérité ».
Pour le président du CIM-TS, le colonel à la retraite Bernard Sanou, cette cérémonie symbolique de la pose de la stèle sur laquelle doit reposer la statue géante du président Thomas Sankara et les bustes de ses douze compagnons « est la matérialisation concrète du réveil du phénix ».

Il estime que le monument permettra à « tous ses héritiers d’avoir un lieu de rencontre, d’inspiration, de ressourcement de l’idéal du président Thomas Sankara, afin de continuer à oser réinventer l’avenir ».
« Ce jour 15 octobre 2018 doit être vécu comme un jour d’espoir », note-t-il, avant d’inviter chacun à rester mobiliser pour les prochaines étapes de la mise en œuvre de cet « ambitieux projet » de construction du Mémorial Thomas-Sankara.

« Cette œuvre a été réalisée par une entreprise culturelle burkinabè, Espace culturel Barso, que je dirige et qui regroupe en son sein plus d’une cinquantaine d’artistes-plasticiens professionnels du Burkina. La petite histoire, c’est que le ministre Tahirou Barry (ministre de la Culture en son temps), nous avait demandé que cette œuvre soit réalisée au Burkina et par des Burkinabè. Et je pense que son vœu a été exaucé ; parce qu’aucune expertise étrangère n’a intervenu dans la réalisation de cette œuvre », a expliqué, pour sa part, Jean-Luc Bambara.

Le ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, Abdoul Karim Sango, a, quant à lui, salué la mémoire de ce panafricain (Thomas Sankara) qui a sacrifié sa vie pour la dignité de l’homme noir et du continent africain. « L’activité de ce matin est la preuve que Thomas Sankara n’est pas mort », déclare-t-il.

« Pour que nous soyons-là ce matin, il a fallu l’engagement, à un très haut niveau, du président du Faso lui-même. C’est donc important que cette partie de l’histoire soit connue. Rien que ce matin, sur son compte Twitter, le président du Faso a encore rendu un hommage au président Thomas Sankara. Il a exprimé son engagement à œuvrer ‘pour l’aboutissement de la justice dans le dossier relatif à son assassinat’ », soutient le ministre Sango.
Il appelle également à œuvrer inlassablement à entretenir l’idéal défendu par le président Thomas Sankara et pour lequel il a sacrifié sa vie. C’est pourquoi, de son avis, la pose de cette première pierre ne doit pas ressembler « à ces nombreux projets sans lendemain qui pullulent sur le continent ».

Après la pose de la pierre, les invités ont eu droit un bref témoignage devant le bâtiment du drame, livré par le colonel à la retraite Bernard Sanou, chef de corps à l’époque.
La cérémonie a pris fin par la dédicace d’un livre du journaliste-écrivain Charles Tiendrébéogo de la Radio nationale du Burkina, intitulé « Thomas Sankara : Les Témoignages en toute vérité ».
A l’issue de cet acte, Me Sankara, à qui les journalistes ont tendu le micro, a confié que le dossier judiciaire « évolue énormément de façon positive ».

« C’est vrai que sous le régime du président Blaise Compaoré, le dossier a été bloqué, et on sait pourquoi. Aujourd’hui, avec l’insurrection, le juge d’instruction est en train de faire un travail formidable. Vous avez noté que même la France a accepté de lever le secret-défense pour que la justice burkinabè puisse avoir accès aux archives. Il y a eu plus d’une centaine d’interrogatoires.

Il y a aujourd’hui des gens qui sont inculpés, je pense qu’il faut garder sa sérénité parce que la justice aussi, c’est la procédure ; s’il y a un seul vice, tout ce que vous avez construit pendant des années peut s’écrouler. Je comprends l’exacerbation de l’opinion, mais la chose judiciaire est un peu plus complexe et il faut respecter cette procédure. Nous y veillons parce que le procès équitable est déjà garanti par la présence des avocats ; aussi bien pour la partie civile que pour ceux qui sont poursuivis », explique l’avocat Bénéwendé Stanislas Sankara.

O.O
Lefaso.net


Encadré : 1. BREF RAPPEL DES ACTES JUDICIAIRES DEPUIS LE CRIME

Thomas Noël Isidore Sankara a dirigé le Burkina Faso du 4 août 1983 au 15 octobre 1987, date à laquelle lui et ses compagnons ont été assassinés par un commando. Deux semaines avant la prescription extinctive, c’est-à-dire le 27 octobre 1997, la famille Sankara (principalement la veuve Mariam Sankara) assistée de ses conseils, porte plainte contre X « pour assassinat et faux en écriture administrative » : Cet acte judiciaire était l’enclenchement d’une « chronique judiciaire » qui a eu plusieurs rebondissements.
C’est le lieu pour le CIM-TS de féliciter tous ceux qui ont contribué à mettre en débat judiciaire ce crime, en particulier, le « Comité international Justice-Pour-Sankara » ainsi que le pool d’avocats qui s’est mobilisé autour de ce dossier. En rappel, les principales étapes sont les suivantes :

• 1997 : La première plainte contre X pour assassinat
Le 29 septembre 1997, la veuve Mariam et ses deux fils, Philippe Relwendé et Auguste Wendyam, se constituent partie civile dans une plainte contre X pour assassinat au Tribunal de grande instance de Ouagadougou. La famille Sankara dans le même temps, porte plainte pour faux en écriture administrative. En effet, le certificat de décès de Sankara portait la mention « mort de mort naturelle ».

• 2001 : Impossible de saisir la justice militaire
Dans un arrêt daté du 19 juin 2001, la Cour suprême du Burkina Faso déclare irrecevable le pourvoi du dossier en cassation. Le 20 juin 2001, les avocats de la famille Sankara mènent plusieurs requêtes pour tenter de saisir la justice militaire, vu que les juridictions civiles se sont déclarées incompétentes, mais en vain.

• 2002 : Saisine du Comité des droits de l’homme de l’ONU
Le 8 octobre 2002, une plainte contre X pour enlèvement et séquestration de Thomas Sankara est formulée. Mais le dossier reste totalement bloqué au Burkina Faso. Sous l’impulsion de La « Campagne internationale justice-pour-Sankara » (CIJS), un collectif juridique composé d’une quinzaine d’avocats canadiens, européens et africains, dépose plainte contre l’Etat burkinabè le 13 octobre 2002 devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies pour violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Burkina en 1999.

• 2006 : Le Comité des droits de l’homme de l’ONU donne raison à la famille Sankara
Après avoir jugé recevable la plainte de la CIJS en mars 2004, le Comité des droits de l’homme de l’ONU donne raison aux plaignants le 5 avril 2006. Il demande à l’Etat burkinabè « d’élucider l’assassinat de Thomas Sankara ; de fournir à la famille les moyens d’une justice impartiale ; de rectifier son certificat de décès ; de prouver le lieu de son enterrement ; de compenser la famille pour le traumatisme subi ; d’éviter que pareille tragédie ne se reproduise ; et de divulguer publiquement la décision du comité », précisant que le régime Compaoré « dispose de 90 jours pour s’exécuter ».

• 2008 : Rétropédalage du Comité des droits de l’homme de l’ONU
Le 21 avril 2008, le Comité des droits de l’homme des Nations unies clôt le dossier Sankara. Dans son communiqué, il déclare qu’ « il considère le recours de l’Etat-partie comme satisfaisant aux fins du suivi de ses constatations et n’a pas l’intention d’examiner cette question plus en avant au titre de la procédure de suivi.
• 2009 : Lancement de la campagne « Justice pour Thomas Sankara, Justice pour l’Afrique »

Le 21 décembre 2009 et à l’occasion du soixantième anniversaire de la naissance de Thomas Sankara, le collectif international « Justice pour Thomas Sankara, Justice pour l’Afrique », soutenu par de nombreuses ONG, lance une pétition demandant l’ouverture d’une enquête indépendante et l’ouverture des archives, notamment en France.

• 2011 : Des députés burkinabè demandent une enquête parlementaire en France
Le 26 avril 2011, douze députés burkinabè écrivent à leurs homologues en France pour solliciter la « création d’une commission d’enquête parlementaire dans le cadre de l’assassinat du président Thomas Sankara ». Cette demande d’enquête parlementaire est restée sans suite.

• 2012 : Classement de la plainte contre X pour séquestration
La Cour de cassation déclare irrecevable, le 28 juin 2012, la procédure de plainte contre X pour séquestration et enlèvement de Thomas Sankara.
2014 : La justice civile se déclare incompétente sur la demande d’expertise ADN
Le 30 avril 2014, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou se déclare incompétent sur la demande d’exhumation du corps supposé de Thomas Sankara pour procéder à des expertises ADN.

II- OUVERTURE D’UNE ENQUETE JUDICIAIRE ET INCULPATIONS

En mars 2015, un décret du gouvernement de Transition « permet aux ayants-droit de feu Thomas Isidore Noël Sankara, d’ouvrir la tombe supposée contenir son corps et de faire procéder à toute expertise nécessaire à l’identification ». Dans la foulée, le président de la Transition, Michel Kafando, ordonne l’ouverture d’une instruction judiciaire du dossier Sankara.

Ainsi, à la date d’octobre 2016, quatorze personnes sont visées par des poursuites dans le dossier après une centaine d’auditions. Le juge d’instruction a notamment inculpé le général Gilbert Diendéré, Gabriel Tamini (journaliste et conseiller spécial de l’ancien président Blaise Compaoré), Christophe Diébré (colonel, signataire de l’acte de décès de Thomas Sankara avec la mention « mort naturelle »).

Le juge « a également procédé au lancement de deux mandats d’arrêt internationaux contre Blaise Compaoré (poursuivi quant à lui pour attentat à la sûreté de l’Etat, assassinat, recel de cadavre,) et Hyacinthe Kafando qui font d’ailleurs l’objet d’une procédure d’extradition » depuis le 7 mars 2016 pour le premier et le 11 mars 2016 pour le second. La requête relative à leur extradition était entre les mains du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire de Ouagadougou, selon Me Sankara. Par ailleurs, à la date de juin 2017, les deux tests d’ADN sur les « supposés » restes de Sankara n’avaient pas permis d’identifier le corps du président du Conseil national de la Rrévolution.

• DEMANDE DE LA LEVEE DU SECRET-DEFENSE EN FRANCE

Où en est-on avec la demande du juge d’instruction sur la levée du secret-défense en France ? Telle est l’inquiétude que tout observateur du dossier Sankara pourrait se poser. Il faut le dire, une demande officielle a été adressée à la France en 2016 pour qu’elle lève son secret défense afin que l’enquête puisse être menée en vue de situer la responsabilité de la France sur ce crime. Près d’un an après, les autorités françaises n’ont pas encore donné une suite à cette requête du juge d’instruction.

Or, il apparait clairement, dans les différents écrits et témoignages, que Sankara aurait été victime d’un complot dont les commanditaires sont aussi bien à l’intérieur du Burkina Faso qu’à l’extérieur du pays, notamment en France. En son temps, le président Sankara, de la bouche du président Mitterrand, « dérange », « il empêche de dormir ». Est-ce parce qu’il dérangeait et empêchait de dormir le président français que moins d’une année après le passage de Mitterrand au Burkina, en novembre 1986 (de retour du sommet France-Afrique de Lomé), que Sankara a été assassiné ?

De toute évidence, le silence des autorités françaises sur la demande du juge est de nature à ne pas douter de la responsabilité de la France dans ce nième crime de leader panafricaniste. D’ailleurs, monsieur Foccart, dans ses mémoires publiés à titre posthume (« Foccart parle, tomes 1 et 2 »), confirme que Sankara dérangeait la Françafrique qui n’avait qu’une seule solution pour ce révolutionnaire incorruptible : le faire assassiner.

Le Comité international mémorial Thomas-Sankara exige des autorités françaises la levée du secret-défense ainsi que toutes les archives portant sur le dossier Sankara et l’ouverture d’une enquête en France pour situer les diverses responsabilités dans cet odieux assassinat. Nous sommes d’ailleurs étonnés de constater que la France n’ait pas jusque-là accordée un accès à ses archives, elle qui se réclame être un pays de droits de l’Homme.

• RECOMMANDATIONS

Trente ans après l’assassinat de celui qu’on a surnommé le « Che » africain et ses douze compagnons, les familles et tous les peuples épris de justice attendent que la vérité soit dite cette affaire, que la justice soit faite. Aucune personne, de l’intérieur ou de l’extérieur, Burkinabè ou non, impliquée de près ou de loin dans ces assassinats, ne doit échapper au châtiment de la justice souveraine. C’est pourquoi le CIM-TS joint sa voix à celle tous les peuples qui luttent, depuis 30 ans, pour exiger :

1. La levée du secret-défense par l’Etat français concernant le dossier du président Thomas Sankara et de ses douze compagnons ;
2. L’ouverture d’une enquête judiciaire en France dans l’affaire Sankara pour situer les responsabilités de la partie Française dans cet assassinat planifié ;
3. L’accès à toutes les archives (audiovisuelles, documents classés secrets, etc.) portant sur Sankara ;
4. Des réparations pour les familles déjà durement explorées.

Fait à Ouagadougou, le 15 octobre 2017
Pour le Comité international mémorial Thomas-Sankara

CLM.ar Bernard SANOU

Président du Comité International Mémorial Thomas Sankara

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