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Rapatriés de Côte d’Ivoire : la solidarité à bout de souffle

Publié le jeudi 21 juillet 2005 à 09h55min

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Les mauvaises récoltes de l’an dernier ne permettent plus aux villageois du Burkina d’aider les rapatriés de Côte d’Ivoire comme ils le faisaient depuis 2002. Sans perspective d’avenir, certains de ces derniers envisagent de reprendre le chemin de l’exil.

Depuis quelques mois, les rapatriés de Côte d’Ivoire au Burkina ne bénéficient plus du même soutien qu’à leur arrivée en 2002. "Ils sont là depuis plus de deux ans, ce ne sont donc plus des rapatriés. Aujourd’hui, nous sommes soumis aux mêmes réalités", lance le Président de l’Union des professionnels agricoles (UDPA) de Komsilga, une zone rurale à 30 km au Sud-ouest de Ouaga, la capitale du Burkina, résumant l’avis général. De dures réalités en cette fin de saison sèche : les marigots sont taris et les greniers vides. En effet, durant la saison écoulée, la nature n’a pas été clémente ; les pluies n’ont pas été au rendez-vous et la production a chuté sur les terres déjà pauvres de cette région.

Les producteurs n’ont pas assez de vivres pour passer la période de soudure. Ils sont obligés de se ravitailler au détail sur le marché à des prix prohibitifs. Par rapport à l’an dernier, le prix d’une mesure de sorgho a plus que doublé pour atteindre 575 Fcfa (moins d’un euro). Difficile dans ces conditions de continuer à venir en aide aux rapatriés. Ce qui met à nu les limites de la solidarité. "La saison a été dure pour tout le monde", rappelle Nonguierma. "Plus encore pour les rapatriés", soupire Michel, l’un deux, qui avoue l’air triste : "L’année dernière, j’ai semé 2 ha de petit mil. Je n’ai récolté que 25 kg. Tous mes efforts ont été vains."

Solidarité villageoise

Lors de l’arrivée des 600 rapatriés recensés par les services de l’action sociale de ce département, la solidarité familiale et l’aide des groupements de producteurs avaient joué à fond. "Les familles les ont intégrés en leur offrant un habitat, des habits et de quoi se nourrir pendant un temps", se souvient Rachel Ouédraogo, présidente d’un groupement de femmes. D’après Nonguierma, cet accueil était tout à fait naturel car il s’agissait de frères partis depuis plusieurs années et de retour chez eux. Plusieurs sont arrivés complètement démunis. Ils n’avaient ni terre ni matériel ni de moyens financiers. "Nous nous sommes adressés à eux en leur offrant des terres, des semences, des outils et parfois de la main-d’œuvre", dit-il.

Aujourd’hui, grâce à cette solidarité villageoise, plusieurs rapatriés ont une activité et s’en tirent à peu près. C’est le cas d’Édith, une vingtaine d’années, qui travaille la parcelle que lui a attribuée un groupement féminin de Komsilga. "Depuis mon retour de la Côte d’Ivoire il y a un an, je tire mes revenus du maraîchage", confie-t-elle. A quelques kilomètres de là, se trouve une station d’essence. Assis dans un fauteuil, sous un manguier, pour se mettre à l’abri du soleil ardent, Yanogo Yamba Michel, un autre rapatrié, attend, lui, impatient les rares clients. "Je suis revenu de la Côte d’Ivoire sans rien, il y a deux ans. Je vis actuellement grâce à ma famille qui a mis un champ à ma disposition et à mon frère qui m’a confié la gestion de cette station", dit-il, le visage illuminé.

Nostalgiques de la Côte d’Ivoire

Mais au fil des mois, les efforts de solidarité se sont émoussés face aux dures réalités du terroir et les rapatriés ont commencé à perdre espoir. Édith a bien envie d’élargir sa parcelle, mais elle manque de main- d’œuvre et de moyens. "Je n’ai plus personne pour m’aider comme cela se faisait au départ, excepté mon mari", regrette-t-elle. La plupart ont d’énormes difficultés pour cultiver : mauvaise qualité des sols, manque d’équipements (arrosoirs, cuvettes pour puiser l’eau...). Ce qui les retarde dans leurs activités et réduit leur rendement. "Quand j’entretiens mes planches avec mon propre matériel et qu’un autre est dans le besoin, il doit attendre", explique Yanogo Issouf, secrétaire général de l’UDPA qui a cédé une partie de ses terres aux arrivants.

De nombreux rapatriés sont aujourd’hui sceptiques quant à leur avenir à Komsilga. Édith se souvient avec nostalgie de son commerce d’attiéké et de riz décortiqué, qui lui rapportait tant. Et de sa maison acquise au prix de mille efforts et abandonnée en Côte d’Ivoire. "Avec les 7000 francs que vont me rapporter mes courgettes, je pourrai me procurer des céréales. Là-bas, on n’achetait pas la nourriture", se désole-t-elle. Tout poussait dans ses champs. Quant à Michel, il regrette les beaux billets qu’il manipulait grâce à son métier de mécanicien au quartier "II Plateau"’ d’Abidjan.

Ici, ils vivent en paix, certes, mais chichement. Certains songent à reprendre le chemin de l’exil vers un autre pays. Quelques-uns seraient déjà partis.

Abdoulaye Tao, Joseph Seydou Allakaye, Mohamed Daou et Christian Roko (SYFIA CTA)

Le Pays

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