LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Marché des motos : la guerre des marques

Publié le lundi 22 décembre 2003 à 13h50min

PARTAGER :                          

Ouagadougou est actuellement inondée de nouvelles motos.
C’est le résultat de la libéralisation du commerce. Elle ne fait pas toujours des heureux et l’Etat est quelquefois obligé d’intervenir.

Ouagadougou, capitale des deux roues, une appellation qui lui
colle à la peau et dont elle a du mal à s’en débarrasser. Ce
n’est pas la défunte X9, puis SOTRAO et actuellement
SOTRACO, Société de transport urbain qui diront le contraire.

Les Ouagalais sont accrochés à leur moyen de déplacement
individuel. Souci d’indépendance ? C’est peut-être la faute à la
SIFA (société industrielle du Faso), pionnière des deux roues au
Burkina.
En 1998, la SIFA fête son millionième vélo. Pour les
mobylettes et autres engins, les chiffres sont élevés, mais pas
précis. Des dizaines de milliers seraient en circulation.
Aujourd’hui, la SIFA, pionnière dans le montage des cycles et
motocycles, n’est plus toute seule sur le marché. Depuis
1999-2000, le marché est devenu un véritable panier à crabes,
où se bousculent importateurs et usines de montages.

Le
"monopole" est tombé et la concurrence devient rude.
MEGAMONDE, OMA SENISOT, CICA , etc. sont les grands
concurrents de la SIFA sur le marché local. Ils proposent de
nouvelles motos et cycles, souvent moins chers. Le succès
des JC, Sanili, OMAHA et autres Jianshe est en partie dû à leur
accessibilité. Aujourd’hui, le prix d’une Yamaha dame équivaut à
celui de deux Omaha par exemple. Dans un environnement
économique marqué par la paupérisation, le choix des
Burkinabé n’est pas toujours orienté vers la qualité du produit
dans ce cas-ci.

Car, si une Yahama a la réputation de tenir
longtemps, ce n’est pas toujours le cas de certaines nouvelles
motos qui inondent le marché.
Le tout est de savoir si la SIFA peut tirer ses prix vers le bas.
Rien n’est moins sûr. Car les enjeux sont énormes. La SIFA
représente près de 40 ans d’expérience, avec plusieurs
centaines d’emplois. Ses produits bénéficient, comme un
certain nombre de produits de l’industrie burkinabé, des
mesures de protection.

L’enjeu est de maintenir les emplois et
l’activité économique des entreprises locales dans le sens où
elles apportent une valeur ajoutée à l’économie nationale.
C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre l’institution de la
réglementation communautaire, appelée "valeur de référence".
Elle consiste à déterminer une valeur pour un certain nombre
de produits jugés stratégiques pour l’économie locale. Sur cette
valeur, la douane applique les taxes et droits en vigueur.

A
l’introduction de cette mesure, les concurrents de la SIFA ont crié
à la concurrence déloyale. une "surtaxe" que l’Etat leur impose.
Ce n’est plus la valeur réelle du produit qu’on déclare. C’est une
valeur imposée. On gonfle donc artificiellement sa valeur sans
toujours tenir compte par exemple de l’expertise de la Société
générale de surveillance (SGS), agréée en la matière. Cette
mesure protège des produits locaux contre ceux importés
dans la même catégorie. Une sorte de protectionnisme légal en
fait sur 21 produits. Cette liste est renouvelable tous les six mois
, selon les textes.

Au sein des accords de l’OMC, une clause d’exception permet
en effet aux pays en voie de développement de protéger un
certain nombre de leurs produits qui auraient pu être victimes de
l’ouverture des barrières douanières préconisée par
l’Organisation mondiale du commerce (OMC). A l’UEMOA (Union
économique et monétaire ouest-africaine), on précise que cette
mesure est transitoire . Le Sénégal, le Togo, le Bénin entre
autres, appliquent la même mesure.

La Commission de l’UEMOA a d’ailleurs arrêté en collaboration
avec les pays membres, une liste de produits soumis à la valeur
de référence. En attendant les valeurs de référence
communautaires, chaque pays fixe les siennes. La
conséquence d’une telle mesure est qu’elle fait rentrer des
devises supplémentaires au niveau des caisses de l’Etat, et
décourage un tant soit peu l’importation des produits ciblés.

Pour ce qui est des nouvelles motos par exemple, la valeur de
référence appliquée est égale dans certains cas au double du
prix d’achat.
L’extinction de cette mesure sur la valeur de référence
entraînera-t-elle un manque à gagner pour l’Etat en recettes
douanières ? Pas si sûr. La baisse des taxes peut doper le
marché et rééquilibrer les pertes de l’Etat. En outre, les
industries locales concernées par la mesure devront revoir leur
stratégie. C’est une question de survie. Des centaines, voire des
milliers d’emplois sont en jeu. Sujet sensible s’il en est pour le
gouvernement coincé entre la protection de ses industries face
à la concurrence et la satisfaction des besoins des
consommateurs au pouvoir d’achat de plus en plus faible.

Ce
qui est sûr, ils auraient pu acquérir les engins importés à des
prix nettement plus bas si les taxes n’étaient pas aussi élevées.
Le protectionnisme actuel pénalise donc les acquéreurs qui
doivent débourser plus qu’il n’en faut.

Abdoulaye TAO
Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)