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Procès du putsch manqué : « Si vous demandez à un subordonné de réfléchir avant d’exécuter un ordre, autant lui donner les galons du chef » (lieutenant Boureima Zagré)

Publié le mercredi 29 août 2018 à 00h28min

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Procès du putsch manqué : « Si vous demandez à un subordonné de réfléchir avant d’exécuter un ordre, autant lui donner les galons du chef » (lieutenant Boureima Zagré)

L’interrogatoire du lieutenant Boureima Zagré, débuté la veille, s’est achevé ce mardi 28 août 2018. L’accusé est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, incitation à commettre des actes contraires au règlement et à la discipline militaires. Avec un calme froid, le lieutenant est resté stoïque dans ses déclarations.

Toutes les missions qu’il a exécutées entraient dans le cadre du maintien de la paix et de la cohésion nationale. Depuis le début de ce procès, le lieutenant Boureima Zagré est l’un des accusés qui a « émerveillé » plus d’un dans cette salle d’audience. Tant il répondait aux questions avec une certaine maîtrise des dates, jours, heures et lieux. L’officier, pour prouver qu’il maîtrisait bien son métier, n’hésitait pas à égrener « par cœur » certains articles des règlements et lois régissant la vie militaire. Une attitude qui montre que son « boileau est calé », comme on le dit dans le jargon estudiantin.

Au début de son interrogatoire, la veille, jusqu’à ce qu’il quitte la barre, il est resté constant dans ses déclarations et n’a pas remis en cause les procès-verbaux d’interrogatoire au fond, dont des extraits lui ont été opposés. « Je n’ai jamais reçu un ordre venant de l’auteur d’un coup d’Etat », n’a cessé de répéter l’accusé Zagré qui, au moment des faits, portait les galons de sous-lieutenant. Pour lui, les ordres qu’il a reçus du commandant Aziz Korogo et d’autres supérieurs hiérarchiques « visaient à consolider la paix et la cohésion nationale ».

Un ordre illégal et irrégulier

« Si vous demandez à un subordonné de réfléchir avant d’exécuter un ordre, autant lui donner les galons du chef », lance-t-il à la barre, lorsque le parquet militaire, tout comme les avocats des parties civiles, veulent lui faire reconnaître le fait qu’il a exécuté un ordre manifestement illégal. Pis, l’ordre est irrégulier puisque l’officier était en service au Bataillon Badenya 3, donc relevait du commandement des Casques bleus des Nations unies et non de son corps d’origine, l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP).

Durant ses missions lors de ce coup de force, l’officier affirme qu’il y a eu « zéro mort et zéro blessé », donc on ne peut pas lui imputer les faits de meurtres et de coups et blessures volontaires. Aussi, en tant que militaire, il ne lui appartenait pas d’arbitrer une crise politique, car le militaire n’est pas politique ; il ne sert pas les intérêts d’un individu mais sert uniquement les intérêts de sa nation. « Ce n’est pas parce qu’un régime a changé qu’on cesse d’être militaire », souligne-t-il.

Après avoir salué l’accusé pour son initiative salutaire d’aller au Togo pour ramener du matériel non-létal pour le maintien de l’ordre, Me Prosper Farama, un des avocats des parties civiles, a voulu savoir si, au quotidien, le RSP faisait du maintien de l’ordre.
Avant d’y répondre, l’accusé a tenu à rectifier qu’il n’était pas allé au Togo de son propre chef, mais sur ordre du commandant Korgo. Revenant à la question, le lieutenant affirme que le RSP, tout comme les autres corps de l’armée, peut faire du maintien de l’ordre. Il prend pour exemple des conflits communautaires à Zabré et à Guénon dans le Centre-Sud, où c’est le RSP qui a fait le maintien de l’ordre.

Faire une revue de la foule

L’avocat lui demande s’il peut revenir sur ce qui s’est passé en cours de route lorsqu’il partait au Togo. L’accusé raconte que peu après Koupéla, en allant vers Tenkodogo, la route était obstruée. Il a fait descendre deux de ses hommes pour dégager la voie. C’est dans cet exercice qu’ils ont été menacés par des manifestants armés de machettes. Pour dissuader la foule, un des soldats a fait des tirs de sommation.

Me Farama demande à l’accusé si ces tirs pouvaient ou auraient pu blesser ou tuer quelqu’un. L’accusé répond par la négative car, précise-t-il, les tirs ont été effectués en l’air.
Me Farama revient à la charge et demande si l’officier a fait une revue de la foule pour s’assurer qu’aucune balle perdue n’a touché quelqu’un. Le lieutenant Zagré de rétorquer que n’étant pas à un rassemblement militaire, il ne pouvait pas procéder à une revue des troupes. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas eu de mort ni de blessé.

À la fin de son interrogatoire, le lieutenant Boureima Zagré a réaffirmé son engagement à servir son armée et sa nation. Tout en précisant qu’il est apolitique, il a témoigné sa compassion au peuple burkinabè qui a subi ces évènements, souhaité prompt rétablissement aux blessés et paix aux âmes des disparus.

Marcus Kouaman
(kmagju@gmail.com)

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