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Retrait des enfants en situation de rue : Une « opération seconde chance » en laquelle le ministère en charge de la Famille croit fermement

Publié le vendredi 17 août 2018 à 22h46min

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Retrait des enfants en situation de rue : Une « opération seconde chance » en laquelle le ministère en charge de la Famille croit fermement

Le ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille a lancé, dans la nuit du vendredi 10 au samedi 11 août 2018, l’opération de retrait des femmes et des enfants en situation de rue. Une semaine après le lancement de l’opération, Lefaso.net a rencontré Abdoul Mamadou Bassaoulet, directeur régional du Centre dudit ministère, pour parler du déroulement de l’opération et d’un éventuel bilan. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Dans la nuit du 10 au 11 août, la ministre de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille a lancé l’opération de retrait des enfants en situation de rue. Une semaine après le lancement de l’opération, quel bilan faites-vous ?

Abdoul Mamadou Bassaoulet (A.M.B.) : A ce jour, nous avons pu retirer de la rue et placé dans les centres, 586 enfants et 55 femmes. Parmi les 586 enfants, il y a des enfants qui vivent dans la rue et également des enfants qui sont dans la rue avec leurs mamans ; les mamans de jumeaux y compris.

Lefaso.net : Dans le cadre de cette opération, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontées ?

A.M.B. : Il n’y pas de difficulté particulière en dehors de quelques petits soucis de terrain qui ne sont pas d’ordre à compromettre l’opération. Jusqu’à présent, l’opération se passe en toute sérénité.

Lefaso.net : Après cette étape, devrait-on s’attendre à une nouvelle phase de l’opération ?

A.M.B. : Nous avons entamé actuellement une première phase qui va durer dix jours. Au cours de cette phase, nos équipes seront dans la rue nuit et jour à la recherche des enfants et des femmes en situation de rue. A l’issue de ces dix jours, nous allons suspendre pour établir un bilan.Après cela, nous allons relancer une seconde phase qui va, cette fois-ci, s’étaler sur trois mois, avec deux sorties par semaine.

Lefaso.net : Dans la pratique, comment se fait la prise en charge de ces enfants et femmes en situation de rue que vous accueillez dans vos différents centres ?

A.M.B. : De façon succincte, il faut retirer ces personnes de la rue dans un premier temps. Ensuite, au niveau des centres d’accueil, il s’agit de s’entretenir avec elles, de faire des sensibilisations à leur intention, d’élaborer des projets de vie pour elles et de prendre en charge les questions alimentaires et sanitaires. Signalons que les centres d’accueil ne sont que des centres de transit.

Enfin, il est prévu de reconduire dans leurs familles , les enfants dont on aura pu identifier les familles. Pour ceux-là qui n’ont pas de famille ou ceux-là dont les familles constituent des problèmes qui justifient leur présence dans la rue, nous ferons en sorte de les placer dans d’autres structures.
A ce niveau, il s’agira de trouver pour eux des solutions en matière de scolarisation, de formation professionnelle, de réinsertion avec des AGR (Activités génératrices de revenus, ndlr)… Nous envisageons toutes les possibilités de réinsertion de ces personnes au sein de ces structures pour leur offrir une seconde chance de vie décente.

Lefaso.net : A quelles structures faites-vous allusion ?

A.M.B. :
Nous avons déjà des structures d’éducation et de formation professionnelle dédiées aux enfants surtout. Nous pouvons citer les centres de Fada, de Gampela, de Kaya et d’Orodara. Nous avons la Maison de l’enfance André-Dupont. Les enfants dont les cas sont vraiment critiques seront conduits vers ces différents centres.

Lefaso.net : Lorsque les personnes en situation de rue sont reçues dans les centres d’accueil, combien de temps y passent-elles avant d’être conduites dans leurs familles ou dans les structures de réinsertion ?

A.M.B. :
Il n’y a pas de temps déterminé, mais dans la plupart des centres, la durée maximum c’est six mois en cas de difficultés rencontrées. Sinon quelques jours seulement suffiront pour que l’on puisse envisager la réinsertion.

Lefaso.net : Quelle sera le sort réservé aux enfants qui ne voudront plus retourner dans leurs familles ?

A.M.B. : Ces problématiques seront étudiées au cas par cas, afin de trouver une solution idoine pour chacune des situations qui seront présentées. En effet, l’opération ne va pas se limiter seulement aux deux phases mentionnées plus haut. C’est un processus qui va perdurer dans le temps et son ultime but est de soustraire tous les enfants de la rue de sorte qu’à long terme, ils aient tous une nouvelle vie. C’est pourquoi nous l’avons baptisée « Opération seconde chance ».

Lefaso.net : S’agissant des femmes retirées de la rue, vont-elles bénéficier de mesures d’accompagnement ?

A.M.B. : C’est à peu près le même processus, à la différence que les femmes ne seront pas placées dans des centres de réinsertion. Nous envisageons pour elles, plutôt, des activités génératrices de revenus.

Lefaso.net : Quelles sont les zones concernées par l’opération ?

A.M.B. : Rappelons que cette opération s’inscrit dans le cadre du programme présidentiel qui vise à sortir au moins 50% de personnes vivant dans la rue avant l’échéance de son mandat. Ce qui signifie que « l’opération seconde chance » concerne toutes les localités du Burkina Faso.

Nous avons préféré commencer à Ouagadougou parce que c’est la ville qui regorge le plus de personnes vivant dans la rue. En décembre 2016, un recensement a révélé que 2 326 enfants et jeunes étaient en situation de rue à Ouagadougou. Après l’expérience de Ouagadougou, l’opération pourra facilement s’étendre dans les autres localités du pays, à commencer par Bobo-Dioulasso où l’opération va débuter dans les jours à venir.

Lefaso.net : Quels sont ceux qui mènent l’opération sur le terrain ?

A.M.B. : Nous avons entendu des rumeurs disant que nous avons fait appel à des volontaires pour mener l’opération. Je rassure qu’il n’en est rien. Ce sont des agents du ministère qui mènent l’activité.
Mais notons que nous avons associé d’autres partenaires tels les Organisations de la société civile à travers la Coalition des intervenants auprès des jeunes et des enfants en situation de rue (CIJER) ainsi que d’autres ministères, en l’occurrence le ministère de la Sécurité, le ministère de l’Administration territoriale, le ministère de la Jeunesse, le ministère des Sports, etc.

Lefaso.net : Qu’en est-il de la convention signée avec les maîtres coraniques ?

A.M.B. : Les maîtres coraniques sont associés à l’opération. A travers les activités de sensibilisation, en commençant par la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB), les maîtres coraniques ont été approchés, sensibilisés, et on en est parvenu à l’élaboration d’une convention entre eux et le ministère de la Femme, de Famille et de la Solidarité nationale.

La convention est signée d’abord entre l’Association des maîtres coraniques et aussi individuellement. De façon concrète, ils s’engagent à respecter les droits de l’enfant, c’est-à-dire, ne pas soumettre les enfants à la mendicité, à les protéger contre les violences physiques qui sont parfois exercées sur eux.

Ils se sont engagés également à donner la possibilité aux agents du ministère de pouvoir faire des sorties de contrôle pour avoir un regard sur les droit des enfants au sein de ces foyers coraniques.

Le ministère s’engage, en retour, à soutenir les maîtres coraniques autant que les moyens le permettront pour que les enfants ne soient pas véritablement dans la rue. Parce qu’il est revenu que c’est à la recherche de la pitance que ces enfants se retrouvent dans rue. C’est dans ce cadre que le ministère a fait don de vivres et de quelques matériels de ménage récemment au cours d’une cérémonie.

Notons qu’à ce jour, c’est plus de 267 maîtres coraniques qui se sont engagés dans la convention. Ces maîtres coraniques ont, en tout, plus de 1 800 talibés au sein de leurs foyers coraniques.

Lefaso.net : Avez-vous la certitude que la convention sera respectée ?

A.M.B. : Nous osons croire que la convention sera respectée. Parce qu’elle renferme des clauses qui désengagent le ministère en cas de manquement aux règles contenues dans cette convention. En plus, il y est précisé que la loi va s’appliquer dans toute sa rigueur s’il est établi que le manque est volontaire.

Lefaso.net : Croyez-vous à la réussite de cette opération ?

A.M.B. : J’y crois. Parce que la population est favorable à l’opération ; il suffit d’écouter les radios et de lire les réactions des gens sur le sujet sur les réseaux sociaux pour s’en convaincre.
Il faut ajouter que depuis que l’opération est lancée, nous recevons des coups de fil de personnes qui ont réussi à sensibiliser des personnes en situation de rue et ces dernières sont prêtes à intégrer nos centres. Elles nous contactent afin qu’on vienne les chercher.

Il y a également des enfants qui se présentent à nous par eux-mêmes pour exprimer leur volonté d’aller dans les centres. Ce matin seulement, nous avons enregistré seize cas similaires.

Tout cela nous galvanise et nous donne la certitude que l’opération sera un succès. Nous savons néanmoins que toute œuvre humaine est toujours perfectible et nous ne ménagerons aucun effort pour que l’opération puisse se passer dans les meilleures conditions.

Entretien réalisé par Fabougué Sougué (Stagiaire) et
Justine Bonkoungou
Lefaso.net

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