LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Forum économique ivoiro-burkinabè : De grands enjeux pour l’économie du Burkina, selon Oumar Yugo, vice-président de la Chambre de commerce

Publié le vendredi 10 août 2018 à 22h59min

PARTAGER :                          
Forum économique ivoiro-burkinabè : De grands enjeux pour l’économie du Burkina, selon Oumar Yugo, vice-président de la Chambre de commerce

L’innovation majeure du 7e Traité d’amitié et de coopération (TAC) Burkina-Côte d’Ivoire (23 au 27 juillet 2018 à Yamoussoukro) a été la tenue effective du 1er Forum des hommes d’affaires burkinabè et ivoiriens. Ce colloque, qui a convergé plus de 300 hommes d’affaires dans la capitale politique ivoirienne, dont une centaine de Burkinabè, a été co-présidé par les Premiers ministres ivoirien et burkinabè, Amadou Gon Coulibaly et Paul Kaba Thiéba. Au sortir des travaux, le vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, Oumar Yugo, est revenu sur les enjeux de cette nouvelle dynamique ivoiro-burkinabè et les opportunités d’affaires au Burkina.

Lefaso.net : Quelle est votre appréciation personnelle sur ce premier Forum économique des hommes d’affaires ivoiro-burkinabè ?

Oumar Yugo (O.Y.) : Nous saluons la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso et celle de la Côte d’Ivoire pour avoir eu le flair et l’excellente idée d’organiser le Forum des hommes d’affaires ivoiro-burkinabè, en marge du Traité d’amitié et de coopération (TAC) Burkina-Côte d’Ivoire. Cela est d’autant important que, pendant que les leaders politiques décident de notre destinée économique, il est bon que nous-mêmes puissions échanger, entre opérateurs économiques, pour mieux nous connaître, mieux appréhender les problèmes dans un pays comme dans l’autre, afin de pouvoir développer nos différentes affaires.

Lefaso.net : Un partenariat gagnant-gagnant requiert aussi des organisations partenaires qui ont les mêmes forces et ambitions. Au niveau du Burkina, y a-t-il des dispositions qui permettent de tirer profit de cette nouvelle dynamique ?

O.Y. : La première disposition, c’est de donner la possibilité aux gens de connaître les textes au niveau ivoirien, par le biais de notre Chambre de commerce à Ouaga (pour ceux qui sont à Ouaga) et par notre représentant à Abidjan, Monsieur Ibrahiman Lompo, qui s’occupe des affaires de la Chambre de commerce. Deuxièmement, c’est de rapprocher les chefs d’entreprise, à travers ce que nous avons fait, pour mieux appréhender ce qu’il y a dans chaque pays.

Cela va permettre de développer autant de business que nous voulons, et ici et au Burkina, et en travaillant aussi à ce qu’un certain nombre d’investisseurs ivoiriens viennent suppléer aux besoins du Burkina en matière d’industrialisation, de prestations de services et même sur le plan agricole (car vous savez que la Côte d’Ivoire est très en avance en matière agricole par rapport à nous ; on a des choses à apprendre). Mais tout passera par les mains des chefs d’entreprise, s’ils veulent vraiment améliorer leurs performances.

Lefaso.net : Quels sont les secteurs dans lesquels les hommes d’affaires burkinabè pourraient accorder une attention soutenue ?

O.Y. : Je pense que quand vous prenez nos consommations, 40% dans les supermarchés, dans les boutiques viennent de la Côte d’Ivoire, fabriquées dans des usines ivoiriennes. Le moment est donc venu, que nous voyons ces entreprises-là, pour les amener à aller faire la même chose au Burkina.
Le Premier ministre parlait de nos tomates, notre pomme de terre, nos oignons ; le moment est venu d’utiliser l’expertise ivoirienne pour faire la même chose au Burkina. On n’a pas besoin de venir acheter des boîtes de haricot vert en Côte d’Ivoire, étant entendu que nous sommes producteurs de ces spéculations.

En outre, il faut que nous travaillions à apprendre des techniques au plan agricole pour voir dans quelles mesures nous allons renforcer les capacités e nos producteurs car, vous le savez très bien, dans le PNDES (Plan national de développement économique et social, ndlr), on a axé les efforts sur l’agriculture.
Donc, il est évident que nous devons travailler à motiver les hommes d’affaires ivoiriens à investir chez nous dans les domaines agricoles et de l’industrie. En retour, nous irons investir chez eux dans des secteurs qui nous semblent favorables. C’est cela le partenariat économique que nous souhaitons densifier.

Lefaso.net : Il est ressorti lors du Forum qu’en 2017, le Burkina a été le 4e investisseur direct étranger en Côte d’Ivoire. Se référant aux réalités du Burkina, n’est-ce pas une situation qui appelle les décideurs à de sérieuses réflexions ?

O.Y. : C’est sûr. Et c’est pour cela que le Forum d’affaires s’est tenu avec pour objectif d’inciter les hommes d’affaires ivoiriens à investir également au Burkina. Il faut savoir que les Ivoiriens sont riches, ils n’ont pas besoin de sortir pour régler leurs problèmes ; ils ont du café, du cacao, du pétrole, du bois, du gaz…, ils ont tout à portée de main. Donc, c’est à nous d’avoir des textes, un code des investissements totalement favorable pour les attirer.

Nous, Burkinabè, avons besoin d’eux ; c’est pourquoi on s’exporte pour d’abord aller chercher des marchés et un certain nombre de choses que nous n’avons pas chez nous. Et c’est aussi un avantage. Vous savez qu’en plus d’être un gros investisseur en Côte d’Ivoire, le Burkina a la plus grosse locomotive en chefs d’entreprise ; sur dix chefs d’entreprise qui investissent ou qui sont leaders dans les huit pays de l’UEMOA, les six sont Burkinabè. C’est quand même une chose à noter car, nous sommes très dynamiques, efficaces, et même que les Ivoiriens ont certains complexes vis-à-vis de la qualité des entrepreneurs burkinabè.

Lefaso.net : On sait également qu’au Burkina, en matière d’investissements et d’entreprenariat, il y a de nombreux efforts à faire en matière de textes... Politiquement, vous sentez-vous suffisamment accompagnés dans ce sens ?

O.Y. : Je pense que rien ne peut se faire en un jour et c’est aussi notre incapacité à poser nos problèmes. C’est à nous de poser nos problèmes au gouvernement, sensibiliser le gouvernement et le TAC 2019 va être un cadre pour nous de poser les vraies préoccupations qui empêchent le développement de l’entreprenariat, quand bien même l’entreprenariat burkinabè est assez costaud.
Mais, il faut effectivement des facilités de crédits aux jeunes, l’investissement dans le domaine industriel, des Fonds de garantie pour permettre aux jeunes d’avoir facilement accès aux crédits, etc. Ce sont encore des sujets que nous allons évoquer avec le gouvernement pour que ça s’améliore afin que nous soyons aussi un pays attractif.

Lefaso.net : Ces dernières années, on note que le Burkina régresse dans le classement « Doing business ». Concrètement, qu’est-ce qui ne va pas ?

O.Y. : La raison est d’abord politique et structurelle ensuite. Les quatre dernières années, le Burkina a accumulé une insurrection populaire, un coup d’Etat et trois actes terroristes (d’envergure). Après la France, le Burkina est le pays où on a tué le plus ces dix dernières années (2015, le restaurant Cappuccino et Splendid Hôtel, en 2016 Aziz Istanbul, en 2018 l’État-major général des armées, l’Ambassade de France…).

Tous ces éléments sont des facteurs qui ne sont pas attractifs pour l’investissement. Donc, il est clair que le fait que nous reculons au « Doing business » est lié à tout cela. Le Burkina n’est plus une destination privilégiée cible pour venir créer une entreprise, pour venir faire du business, car on a peur qu’en arrivant, on ait des problèmes. Et c’est normal. C’est à nous burkinabè et au gouvernement, de travailler, par le biais du G5 Sahel et tout autre action, pour la sécurisation du pays.

A partir du moment où le pays est sécurisé, les investisseurs vont revenir. Je pense aussi que, malgré tout, on peut se féliciter car, nous avons réussi à relever le défi en organisant des manifestations comme le SIAO, le FESPACO et dernièrement, Africallia…. Combien de pays africains ont réussi à faire ça en Afrique de l’Ouest ces trois, quatre dernières années ?
Seul le Burkina, en dépit de tout ce que vous savez. Donc, effectivement, que nous ayons reculé au classement « Doing business » (un modèle où on compare les pays au niveau mondial) certes, mais au niveau sous-régional, on n’a pas à rougir.

Lefaso.net : Que faut-il retenir des grandes conclusions de ce premier Forum économique ivoiro-burkinabè ?

O.Y. : Il faut noter qu’il y a eu plus de cent chefs d’entreprise qui étaient-là et les travaux se sont déroulés dans une très bonne atmosphère de collaboration et d’envie de faire affaire ensemble. C’est un fait important à relever. Il y a aussi la volonté des Burkinabè de travailler avec les Ivoiriens et la même volonté des Ivoiriens de travailler avec les Burkinabè.
Au vu de tout cela, nous pensons déjà que c’est un succès. Cela va nous permettre de faire le point en 2019, de voir ce qui a marché et ce qui n’a pas marché pour pouvoir corriger. Il s’agit aussi de voir si on peut mettre en place un secrétariat permanent pour observer les actions menées par ce Forum afin de mieux faire les prochaines fois.

Nous félicitions les deux Chambres de commerce à travers leurs présidents, Mahamadi Savadogo (Burkina, ndlr) et Fama Touré (Côte d’Ivoire, ndlr) pour avoir eu cette initiative. Enfin, nous encourageons les chefs d’entreprise à avoir un regard particulier sur la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens aussi à avoir un regard particulier sur le Burkina afin que les relations de coopération Sud-Sud puissent se développer.

Entretien réalisé par Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)