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Auditions du putsch : Caporal Tuandaba Timboué, un « accusé de mauvaise foi »

Publié le mardi 24 juillet 2018 à 23h47min

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Auditions du putsch : Caporal Tuandaba Timboué, un « accusé de mauvaise foi »

Le ton est monté d’un cran dans la Salle des banquets de Ouaga 2000, où se tient le procès du putsch de septembre 2015. Les avocats des parties civiles n’ont pas été tendres avec le caporal Tuandaba Timboué pour qui ils avaient pronostiqué un interrogatoire rapide.

Au début de l’audience, le ton était tempéré. Les questions venaient au compte-gouttes après la narration des faits par l’accusé, le caporal Tuandaba Timboué. Mais ce dernier perdra un moment son sang-froid face aux assauts répétés du parquet militaire. Le ton change dans les réponses du soldat. Et le parquet de lui demander de se calmer. « Je ne suis pas énervé. Ceux qui me connaissent savent que je n’aime pas parler. Je peux monter la garde pendant 24 heures sans ouvrir la bouche », s’est défendu l’accusé.


Qu’est-ce qui a bien pu pousser le bidasse à perdre son calme ? Dans le récit du caporal Tuandaba Timboué, poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’État, meurtre, coups et blessures volontaires (faits qu’il n’a pas reconnus), il ressort que le 16 septembre 2015, après avoir escorté le président Michel Kafando de son domicile à la présidence pour le conseil des ministres, il s’était retiré dans une maisonnette avec d’autres militaires dont le sergent-chef Kassoum Dakouré (chauffeur du président Kafando). C’est aux environs de 13h qu’ils auraient été désarmés et enfermés avant que l’adjudant-chef Moussa Nébié dit « Rambo » ne vienne leur demander de se tenir prêts. Michel Kafando attendait dehors. Il embarquera dans son véhicule, conduit par Kassoum Dakouré. Quant à lui, il conduira le second véhicule sur instruction de « Rambo ». Direction, le palais présidentiel.

Toujours selon la narration des faits, ce n’est que le 18 septembre que le caporal Tuandaba Timboué fera partie de l’escorte du général Gilbert Diendéré (il ne sera pas son conducteur) après que le caporal Hamado Kafando eut été relevé. « Comment se fait-il que vous passiez soudainement de la sécurité du président Kafando à celle du général [Diendére] ? ». À cette question répétitive du parquet militaire, l’accusé, se sentant sans doute harcelé, répondra d’un ton énergique : « Je ne suis pas allé de moi-même. J’ai obéi aux ordres ! ».

En effet, bien avant la question, le caporal avait expliqué au tribunal qu’à la date du 18 septembre 2015, vers 8h, le major Moutian Koumbia a envoyé un jeune homme, du nom de Drissa Drabo, le chercher pour aller voir le major Eloi Badiel. Arrivé, ce dernier l’aurait renvoyé chez l’adjudant Michel Birba. Et c’est là qu’on lui aurait donné un véhicule, celui que conduisait Hamado Kafando, le caporal qui avait été relevé, parce qu’il s’était trompé de route au niveau du monument des martyrs, pendant qu’il escortait le général Diendéré.

« Comment se fait-il que le sergent-chef Kassoum Dakouré [chauffeur du président qui l’a conduit à la résidence sur ordre des ravisseurs] et le caporal Hamado Kafando ne soient pas poursuivis devant le tribunal alors que le caporal Tuandaba y est ? », interroge Me Zaliatou Aouba, avocate de la défense.

« En venant à ce procès, je me disais qu’on allait aller très vite. Le procès pénal est le procès des faits, mais aussi le procès de l’humain. C’est ce qui fait sa particularité », a lancé Me Séraphin Somé, avocat de la partie civile, avant de le bombarder l’accusé avec deux questions.

« Avez-vous tenté de riposter lorsqu’on vous a mis en joue ? », a demandé l’avocat dans un premier temps. « Si j’essayais de riposter, je n’allais pas être devant cette barre », répond calmement l’accusé. « À quoi ça sert la sécurité si elle ne tente pas de résister en temps de danger ? », charge encore Me Somé. « Je n’ai pas de réponse », se contentera de dire le caporal.

Cette réponse laconique amènera Me Séraphin Somé à déduire qu’il s’agissait en réalité d’une « sécurité de paille » et que le caporal était « de mèche avec les putschistes ». « L’accusé est de mauvaise foi », dira-t-il.

Selon le conseil de l’accusé, Me Silvère Kiemtaremboumbou, c’est un argument « léger » que d’avancer que son client est complice parce qu’il n’a pas riposté. « Quand on est surpris, on est surpris. L’État-major général des armées a été attaqué au cœur de Ouagadougou. Est-ce dire que le chef État-major général des armées est complice ? C’est normal ce qui s’est passé. Quand on attaque quelqu’un, on désarme d’abord sa sécurité », a-t-il lancé.

L’interrogatoire terminé, ce fut au tour du soldat de 1re classe Samuel Coulibaly d’être appelé à barre. Il est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures volontaires, complicité de dégradation volontaire aggravée de biens.

Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 24 juillet 2018 à 18:38, par TANGA En réponse à : Auditions du putsch : Caporal Tuandaba Timboué, un « accusé de mauvaise foi »

    Nous voulons tous la vérité sur le putsch et c’est pour cela que il faut que l’on se dise la vérité.
    Ce n’est pas un secret pour personne que dans l’armée les ordres sont les ordres et on exécute et quand on peut, on pose la question après. C’est d’ailleurs pour cela qu’une armée est forte et dites disciplinée.
    Alors quand on demande à un militaire pourquoi il a obéi à un ordre, ça frise quelque chose de malsain. Le pire, c’est quand on demande à un militaire pourquoi après un effet de surprise et en face des personnes plus nombreuses et mieux armées POURQUOI NE PAS AVOIR RESISTER ? Vous savez, le mieux c’est de survivre pour témoigner dans ces cas de figures.
    Chers tous, en agressant ces accusés que tous savons qu’ils ont reçu des ordres, le climat se détériore et rein de vraie ne sortira de ces jugements. Rappelons nous que l’agressivité est le mal le plus contagieux. A moins que ce ne soit ce que l’on veut faire.
    Simplement, ma peur est que ces jugements ou même les juges et avocats ne soient un jour jugés.

    • Le 25 juillet 2018 à 11:14, par Sawad En réponse à : Auditions du putsch : Caporal Tuandaba Timboué, un « accusé de mauvaise foi »

      Dans cette histoire du putsch, j’ai toujours pensé que la justice ne devrait pas trop s’ acharner sur les militaires de rang et sous-officiers. Ils n’avaient pas le choix. Certes, si le coup d’État avait réussi, ils en seraient les 1ers bénéficiaires mais je pense qu’ils ne pouvaient pas refuser d’obéir aux ordres qui leur étaient donnés. Comme l’affaire a échoué, c’est facile maintenant de dire qu’ils auraient dû désobéir à leurs supérieurs. A leur place, beaucoup d’entre nous auraient fait pareil.
      Bref, juste pour dire que la justice doit plutôt se concentrer sur les présumés commanditaires, Diendere,Bassole et autres officiers superieurs. En fait, les gros morceaux !
      Sawadogo

  • Le 24 juillet 2018 à 19:21, par Kwanda En réponse à : Auditions du putsch : Caporal Tuandaba Timboué, un « accusé de mauvaise foi »

    Nous n’avons pas de doute, il y a une discrimination dans le choix des accusés. Des gens qui ont participé ne se retrouvent pas devant la justice et d’autres y sont. On a l’impression qu’on veut forcement orienter le jugement. Ce procès commence à être la preuve que ce tribunal n’a pas eu envie de faire son travail et les victimes ne seront jamais honorés.

  • Le 24 juillet 2018 à 20:16, par Le vigilant du Sahel En réponse à : Auditions du putsch : Caporal Tuandaba Timboué, un « accusé de mauvaise foi »

    Des gens ont béni ouvertement le coup d’Etat, d’autres ont participé à des rencontres avec le président-putschiste-éphémère (les images de la télé sont là comme pièce à conviction), mais ces gens n’ont pas été inquiétés. Certains ont été promus à de hautes fonctions afin de les soustraire de cette mascarade. Du n’importe quoi, la justice bancale des hommes ! Dieu jugera équitablement chacun.

  • Le 26 juillet 2018 à 10:26, par Calmos En réponse à : Auditions du putsch : Caporal Tuandaba Timboué, un « accusé de mauvaise foi »

    « Comment se fait-il que le sergent-chef Kassoum Dakouré [chauffeur du président qui l’a conduit à la résidence sur ordre des ravisseurs] et le caporal Hamado Kafando ne soient pas poursuivis devant le tribunal alors que le caporal Tuandaba y est ? »,
    Cette question de l’avocat de la défense mérite effectivement réflexion. Le parquet doit prendre cette question au sérieux. Les Burkinabè veulent la vérité, rien que la vérité. Alors pardonnez, faites nous savoir la vérité.

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