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Putsch de septembre 2015 : « Ce n’était pas un honneur pour moi d’assurer la sécurité du général Diendéré », sergent Nobila Sawadogo

Publié le lundi 23 juillet 2018 à 23h04min

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Putsch de septembre 2015 : « Ce n’était pas un honneur pour moi d’assurer la sécurité du général Diendéré », sergent Nobila Sawadogo

Une audition express. Deux heures chrono, c’est le temps qu’a passé le sergent Nobila Sawadogo à la barre, ce lundi 23 juillet 2018. Après avoir balayé du revers de main les chefs d’accusation retenus contre lui (complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires), le sergent Sawadogo a souhaité, dès l’entame de l’audience, l’apaisement des cœurs des familles des victimes et des blessés.

« Ce n’est pas un honneur pour moi d’avoir été de la garde rapprochée du général Gilbert Diendéré », a déclaré le sergent Nobila Sawadogo, l’homme qui a assuré la sécurité du chef militaire, du 17 au 21 septembre 2015, jour de sa relève à 9h45. En le voyant à la télévision auprès du général, ses parents l’auraient appelé pour lui demander de « quitter derrière lui [sic] ».

« Je n’étais pas de service »

Tout comme son prédécesseur à la barre, l’adjudant Ardjouma Kambou, le sergent Nobila Sawadogo se trouvait loin de la présidence du Faso lors de l’arrestation des autorités de la Transition. Dans son récit, il ressort que le 16 septembre, il n’était pas de service. Mais à l’instar de toute personne qui descendait de garde, il devait se présenter le lendemain au carré d’armes du camp Naba-Koom, tôt le matin.
Après donc le rassemblement, à 9h, il avait prévu d’aller acheter des fournitures scolaires pour les envoyer à ses frères à Téma-Bokin (province du Passoré). Mais avant, il fit un tour chez son frère ainé pour discuter d’affaires familiales (son père est décédé le 28 août 2015 après 18 jours passés à l’hôpital).

Encore le major Badiel !

Sur conseil de son frère, il achètera ses fournitures avec dame Ruffin Sawadogo et se rendra à la gare de Tampouy pour l’envoi du colis. Aux environs de 15h, alors qu’il sirotait une bière dans un débit de boisson, il reçoit l’appel d’un ami qui l’informe de l’arrestation des autorités de la Transition.
Il appelle le sergent Jean Yonli qui lui transmet un ordre de l’adjudant-chef major Eloi Badiel : « Tout le monde doit rejoindre le camp ! ». Vite, il file à la maison informer son épouse avant de se rendre à la présidence en tenue civile.

A la Présidence, l’entrée principale est fermée et gardée par des hommes cagoulés qui lui demandent de passer par la porte arrière située côté ouest. Là, il doit montrer patte blanche avant de passer car n’étant pas en « tenue léopard ». Pour ce faire, il raconte aux jeunes sentinelles qu’il avait quitté le RSP entre 2011 et 2014 pour un détachement à la sécurité du Dr Arsène Bognessan Yé, avant son départ pour le Darfour.

Une fois au camp, il se dirige au poste de garde où il rencontre le sergent Jean Yonli. Là, il ne retrouve ni son arme, ni sa tenue. Il enfile alors une vielle tenue et ses rangers et va trouver, sous le hall, le major Badiel (il y trouvera plus tard son arme à côté de l’adjudant Ouékouri Kossè) qui lui demande de rejoindre d’autres jeunes pour assurer la sécurité de la résidence. Ce ne serait qu’auprès de ces jeunes soldats qu’il apprendra la séquestration des autorités.

« Quand c’est pour les avantages, on ne nous fait pas appel »

Alors qu’il assurait la garde, deux caporaux, Léonce Sow et Hamado Kafando, seraient venus le chercher à bord d’un véhicule sur instruction du major Badiel. « J’ai dit que je ne pouvais pas. J’ai demandé au major et il m’a dit que c’était pour aller renforcer la sécurité du général Diendéré.
Dans le véhicule, j’ai dit à Sow que lorsque c’est pour les avantages, on ne nous fait pas appel. C’est parce que ce n’est pas bon qu’on est ici. Sow a appelé le major Badiel, mais ils ne se sont pas entendus. Je lui ai alors dit que de toute façon, on allait trouver une solution ».

« Je ne peux pas faire ce travail »

Par la suite, l’accusé dit avoir informé, le 21 septembre, l’adjudant Ardjouma Kambou qu’il voulait être relevé de la garde rapprochée. Requête transmise à l’adjudant-chef Moussa Nébié dit Rambo. « Pourquoi demander la relève ? », interroge le parquet militaire ? « J’ai entendu dans les médias qu’il (le général Diendéré) est devenu président. Je ne peux pas faire ce travail. Badiel nous avait dit que nous devions assurer la garde de la résidence. Après, les choses ont changé », répondra-t-il.

De retour au camp, après avoir pris le soin de rendre son arme (sur laquelle il a collé une étiquette portant son nom) à la demande du lieutenant Dianda, il se rendra à son domicile le 27 septembre. Le RSP était déjà dissout. Le 29 septembre, il se rendra au camp 11/78 pour s’inscrire. L’ordre de mission, il ne l’aura que le lendemain, avant de rejoindre son nouveau poste d’affectation, le 10e Régiment de commandement et de soutien.

« Mon client n’est pas un lâche »

Selon le procureur, l’exposé de l’accusé traduit une certaine sincérité. Il sera tout même surpris que l’accusé, qui a fait son mea culpa dès l’entame du procès et a nié les faits de meurtres et de coups et blessures, ne sache pas que les meurtres et les blessures des manifestants sont liés aux événements. "

Pour sa part Me Flore Toé a fait remarquer que son client n’est pas un lâche. « En tant que militaire, il s’est rendu au service pour savoir ce qui se passait », argumente-t-elle.
Elle relèvera également qu’à la Chambre de contrôle, son client a demandé en vain une confrontation avec Moussa Nébié et Sami Dah qui auraient déclaré, lors de leur audition devant le juge d’instruction, que Nobila Sawadogo avait pris part à une réunion préparatoire du coup d’Etat et faisait partie des éléments qui ont fait irruption dans la salle de conseil des ministres.
Le président de la Chambre de contrôle, qui avait jugé cette confrontation inopportune, avait indiqué qu’elle se tiendrait le moment voulu.

« Les accusés ne sont pas là parce qu’ils ont été ciblés »

Selon le procureur, il n’est d’ailleurs pas tard pour cette confrontation, car le président de la Chambre de première instance du tribunal militaire peut toujours l’ordonner. S’adressant cette fois-ci à Me Dieudonné Bonkoungou qui a de nouveau fait remarquer que des personnes dont les noms ont été cités à la barre et qui ne sont pas blancs comme neige ne sont pas poursuivis, le parquet dira que la procédure a rassemblé plusieurs personnes : « Ici, il y a des gens qui ont refusé de dénoncer des frères d’armes.
Les juges étaient au nombre de trois. Ils ont fait ce qu’ils pouvaient. Tous les accusés sont des présumés innocents. Ils ne sont pas là parce qu’ils ont été ciblés. Que chacun fasse son travail sans vouloir donner de leçons à d’autres ».

Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

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