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‘’Au-delà de tout, les Burkinabè de l’étranger ont réussi à dépasser les clivages politiques’’, (ministre Paul Robert Tiendrébeogo)

Publié le dimanche 8 juillet 2018 à 20h30min

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‘’Au-delà de tout, les Burkinabè de l’étranger ont réussi à dépasser les clivages politiques’’, (ministre Paul Robert Tiendrébeogo)

Dans 72 heures, du 11 au 13 juillet 2018, la capitale burkinabè va accueillir le Forum national de la diaspora. Pause de la première pierre de la « Cité de la diaspora », panels, échanges directs avec le président Roch Kaboré, opération don de sang seront entre autres articulations de cette assise. Dans cet entretien, qui a aussi abordé d’autres sujets liés à son département, le ministre de l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur, Paul Robert Tiendrebéogo, situe sur les enjeux de cette assise.

Lefaso.net : Votre département se caractérise par sa jeunesse, car créé à la faveur du dernier remaniement. Alors, pouvez-vous nous situer sur les missions assignées au ministère de l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur ?

Paul Robert Tiendrebéogo (P.R.T) : Comme vous le dites, le ministère de l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’Extérieur a, effectivement, été créé à l’occasion du dernier remaniement du gouvernement intervenu le 31 janvier 2018. Nous sommes chargés de la gestion de la coopération africaine, l’intégration africaine, la contribution du Burkina au renforcement de cette intégration africaine. Egalement, nous sommes chargés de voir comment le Burkina Faso peut tirer profit de l’intégration africaine, la vie communautaire.

Dans l’autre volet de notre mission, il s’agit de la gestion des Burkinabè de l’extérieur ; voir comment intégrer davantage cette frange de la communauté nationale au processus de développement du pays et comment renforcer aussi leur protection à travers nos Ambassades, nos consulats et comment les accompagner aussi, notamment par la promotion de l’expertise nationale sur l’échiquier international.

Lefaso.net : Vous arrivez à un moment où le vote des Burkinabè de l’étranger suscite des passions politiques, n’est-ce pas une pression de plus sur vos épaules, à même de surplomber vos missions classiques !

P.R.T :
Non, il n’y a pas de pression. Il n’y a pas de missions classiques plus le vote des Burkinabè de l’extérieur, qui fait partie de la mission globale du gouvernement (pas seulement du ministère de l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’Extérieur).
C’est un engagement du Chef de l’Etat et nous, nous sommes chargés, avec le ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation, ensemble, avec le ministère des affaires étrangères, d’appuyer la CENI (Commission électorale nationale indépendante) pour l’opérationnalisation de cet engagement. Le gouvernement est chargé de mettre en place le cadre juridique et la CENI, de l’opérationnalisation. Donc, pour nous, il n’y a aucune pression particulière et nous pensons que cela va bien se dérouler.

Lefaso.net : Qu’à cela ne tienne…, quelles sont les priorités que vous avez identifiées à votre arrivée ?

P.R.T :
Sur le plan de l’intégration africaine, il s’agit pour le Burkina, de renforcer sa contribution et de voir au maximum comment exploiter l’intégration régionale. Evidemment, nous avons des compatriotes dans les autres pays de l’Afrique, dont certains ont des difficultés ; nous avons tout de suite pris à bras-le-corps ces difficultés en effectuant certaines missions pour débloquer des situations difficiles. Nous pensons que tout est en ordre maintenant. En ce qui concerne les Burkinabè de l’extérieur, une de nos priorités, c’est justement de mettre en œuvre décision du Chef de l’Etat d’organiser un Forum national de la diaspora.

Lefaso.net : Avant de nous attarder sur le Forum, peut-on avoir une cartographie des zones où les Burkinabè éprouvent encore des difficultés et de quelle nature sont-elles ?

P.R.T :
Effectivement, mais permettez-moi de ne pas citer spécifiquement de pays, il y a des endroits où nous avons des difficultés. Cela est essentiellement relatif aux documents, qui sont parfois difficiles à obtenir. Certains (compatriotes) sont partis aussi sans papiers, donc ils s’y retrouvent sans papiers. Et c’est ainsi difficile de se faire recenser et d’avoir des documents. D’autres, par contre, ont des difficultés eu égard à la législation de leur pays d’accueil.

Mais, l’un dans l’autre, je dois dire que de tous les témoignages que nous avons, y compris à travers le Chef de l’Etat avec ses pairs et à travers nos propres déplacements, la communauté burkinabè, généralement, vit en parfaite symbiose avec les autres. Elle a les meilleurs comportements. Nous avons donc cette chance-là, d’avoir une communauté disciplinée, qui est appréciée des différents pays d’accueil.

Lefaso.net : Vous avez séjourné, il y a quelques jours, en Côte d’Ivoire. Quel était l’objet ce déplacement et pourquoi le choix de la Côte d’Ivoire comme première destination ?

P.R.T :
Dans tous les cas, il fallait commencer par quelque part, et comme vous le savez, nous avons l’histoire qui nous lie à ce pays, vous avez le TAC (Traité d’Amitié et de coopération entre le Burkina et la Côte d’Ivoire, ndlr), qui est quand même un modèle de coopération avancée. Et puis, nous avons également le nombre de Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire.

Donc, pour tout cela, nous avons effectivement estimé que pour une première sortie officielle, nous pouvions choisir ce pays. Nous avions déjà effectué d’autres missions à l’extérieur, mais nous avons voulu symboliquement choisir la Côte d’Ivoire pour faire cette tournée, pour déjà prendre contact avec nos compatriotes qui sont là-bas, leur expliquer les missions du ministère, la philosophie de cette mission et leur dire aussi que nous comptons sur eux pour accompagner le pays dans son processus de développement.

Donc, il s’agissait essentiellement de nous faire connaître, de prendre contact avec eux et de recueillir leurs préoccupations et voir comment ensemble nous pouvons travailler pour notre pays.

Lefaso.net : On sait que la Côte d’Ivoire abrite effectivement un grand contingent de Burkinabè de l’extérieur, quelles sont les préoccupations majeures qui vous y ont été exposées ?

P.R.T :
Il y a la question de l’organisation (je pense que c’est la question principale). Nos compatriotes sont divisés en termes d’organisation ; il y a beaucoup de structures. Notre souhait, c’est qu’ils travaillent à avoir des structures faîtières. Il y a la liberté d’association certes, mais nous pensons que le processus final doit conduire à une unification de ces différentes structures. En tout cas, l’Ambassade et les différents consulats généraux sont en train de faire ce travail.

Les difficultés, ce sont aussi les documents ; des problèmes liés à la carte de résidence, à la carte consulaire, etc. Il y aussi les problèmes fonciers, qui sont connus depuis longtemps dans ce pays, pour des raisons diverses dans lesquelles, je ne veux pas m’étaler ici. Donc, il y a un certain nombre de difficultés, mais nous allons travailler avec l’Ambassade et les Consulats pour que toutes ces difficultés que nous avons pu recenser puissent être résorbées au fur et à mesure.

Lefaso.net : Le sujet d’actualité, c’est bien le Forum national de la diaspora. Qu’est-ce qui a motivé la tenue de ce cadre ?

P.R.T : La motivation se trouve dans le programme du président du Faso qui avait déjà annoncé sa volonté, s’il était élu, d’associer plus étroitement nos compatriotes vivant à l’extérieur à la construction nationale. Quand il a donc été élu, il a engagé tout le processus.
Voilà pourquoi, le ministère de l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur a été créé. Avant même cette création, le 31 décembre 2017, dans son message de nouvel An, il a annoncé la tenue d’un Forum national de la diaspora. Donc, c’est en réalité dans le cadre logique de la mise en œuvre de son programme. Voilà le contexte dans lequel, le Forum est organisé.

Lefaso.net : Comment se déroulera ce forum, de façon concrète ?

P.R.T : Il va se tenir sur trois jours, les 11, 12 et 13 juillet, et nous attendons autour de 200 participants venant de l’extérieur, qui vont se joindre aux participants de l’intérieur pour réfléchir autour des questions de protection, de promotion, de réinsertion de nos compatriotes vivant à l’extérieur. Protection (comme je l’ai dit plus haut), en ce sens qu’il s’agit de travailler à faire en sorte qu’ils se sentent rassurés dans leur milieu de vie, leur pays d’accueil à travers les Ambassades. Promotion également de cadres et de l’expertise nationale.
Accueil et réinsertion lorsque, pour une raison ou pour une autre, ils sont obligés ou décident volontairement de revenir au pays. Il nous appartient de travailler avec les ministères concernés pour les accompagner pour que le retour se passe dans les meilleures conditions possibles.

Le deuxième volet de ce programme va être les échanges autour des opportunités d’investissements au Burkina. Donc, les structures qui sont chargées de la promotion de ces opportunités vont faire des présentations aux compatriotes, à charge pour eux de voir ce qu’ils peuvent faire en termes d’investissements ou de rechercher aussi des partenaires.
Ils vivent à l’extérieur, ils sont à mesure d’identifier des partenaires qui peuvent accompagner le gouvernement dans la mise en œuvre de programmes, notamment le PNDES (Plan national de développement économique et social).

Ensuite, nous avons voulu faire un clin d’œil à cette communauté, en proposant une opération don de sang ; c’est quelque chose que nous voulons symbolique. Ils viennent, ils donnent leur sang à la patrie pour sauver des vies (c’est un acte que nous pouvons considérer comme acte fort).
Un des temps forts de ce Forum sera la rencontre avec le Chef de l’Etat, à travers un dialogue direct ; ils pourront poser des questions au Chef de l’Etat, qui va leur apporter des réponses et leur décliner aussi sa vision sur le thème autour duquel ils vont plancher.

Nous avons également, avec le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, décidé de lancer une opération que nous appelons « Cité de la diaspora ». Un terrain a été identifié et nous allons procéder à la pause de la première pierre de cette cité dès le premier jour.
A travers donc différentes modalités, cette communauté aura l’occasion de se faire un toit au pays (parce que, comme vous le savez, c’est l’une de leurs préoccupations). Et comme souvent, ils se sont faits ‘’grugés’’, ils pourraient se faire accompagner aujourd’hui dans le cadre de ce projet.

Donc, le ministère de l’Urbanisme et de l’habitat a lancé ce programme. Egalement, on va travailler à ce que, lorsqu’il y a des opérations immobilières organisées par l’Etat, on puisse réserver un quota à la communauté burkinabè vivant à l’extérieur.

Lefaso.net : Comment se fait le choix des participants, quand on sait que la diaspora est vaste ?

P.R.T : Nous avons une première catégorie de participants, que sont les délégués au Conseil supérieur des Burkinabè de l’extérieur (CSBE). Ce sont des interfaces que nous avons créés entre l’administration et la communauté et ils sont élus à travers toutes les juridictions de nos Ambassades.
Nous avons estimé qu’il était nécessaire de renouveler leur mandat, parce que depuis trois ans, les mandats avaient été échus. Donc, nous avons voulu que ceux qui vont venir soient légitimes. C’est pourquoi, depuis notre arrivée, nous avons travaillé à ce que ces élections se tiennent et elles sont en train de s’achever.

En plus de cette catégorie de participants, nous avons souhaité avoir aussi les différentes couches socio-professionnelles de la communauté vivant à l’extérieur. C’est pourquoi, en plus des délégués au CSBE, nous aurons des participants représentant les femmes, les jeunes, les opérateurs économiques, etc. Ce qui va nous permettre d’avoir un spectre beaucoup plus large.

Lefaso.net : Donc, tous les continents sont pris en compte en termes de participation ?

P.R.T :
Effectivement, et ils viendront donc se joindre aux participants nationaux (membres du gouvernement, société civile et surtout le secteur privé) pour échanger sur les différents sous-thèmes.

Lefaso.net : Est-ce à dire qu’au plan national, vous avez ciblé des structures et partenaires qui sont directement concernés par cette question ?

P.R.T :
Oui ! Déjà, au niveau gouvernemental et ensuite au niveau de la promotion économique (donc, le secteur privé sera fortement représenté : les banques, les sociétés immobilières, la chambre de commerce). Egalement, au niveau international, nous avons le système des Nations-unies qui nous accompagne à travers l’organisation internationale pour les migrations (OIM), le Programme des Nations-unies pour le développement et, de façon globale, toutes les organisations qui sont concernées par ces questions de promotion d’intégration de la communauté burkinabè vivant à l’Extérieur.

Lefaso.net : De façon précise, avec toutes ces catégories de participants, comment vont se dérouler les travaux ?

P.R.T : Nous aurons des plénières (ouverture, adoption des documents, clôture), mais il y aura essentiellement des panels. Il s’agit de deux grands panels qui vont concerner les deux grands volets que sont, d’une part, la protection, la promotion et l’intégration, et d’autre part, la promotion des opportunités d’investissements. Nous avons également souhaité avoir des échanges entre nous participants, en mettant l’accent sur le partage d’expériences.
C’est un aspect important et nous avons prévu une séance pour cela, afin que nos compatriotes vivant à l’Extérieur puissent nous donner le témoignage de leurs expériences. Cela sera, je pense, enrichissant pour nous et pour eux ; parce qu’il y aura des bonnes pratiques qui seront exposées.

Il y aura évidemment des exposés sur les difficultés liées à l’émigration. Comme c’est une première, nous avons voulu que cette expérience puisse être capitalisée par nous-mêmes, par eux ; puisque nous avons l’intention d’élaborer un programme national de gestion de la diaspora. Donc, ce cadre va nous aider à l’élaborer.

Lefaso.net : On sait que de par le passé, le CSBE a connu un certain nombre de difficultés et il lui est reproché d’être plus politisé que de servir à la cause pour laquelle il a été créé. Ne faut-il pas craindre que cette image joue sur la participation à ce Forum ?

P.R.T :
Des premiers résultats que nous avons reçus, je pense que la qualité y est. Mais comme vous le savez, tout est ‘’politique’’ au Burkina ; quel que soit ce que vous allez poser comme acte, ce sera toujours interprété. Je crois qu’au-delà de tout, nos compatriotes ont réussi à dépasser ces clivages pour nous élire des hommes et des femmes qui vont les représenter et nous allons aussi, justement, réfléchir sur l’avenir du CSBE.
C’est tout à fait normal, c’est une structure qui est là depuis quelques années ; il nous appartient donc de voir si elle est adaptée, s’il faut la restructurer, etc. En tout cas, tous ces aspects seront dans les débats, parce que ça concerne directement ceux qui seront-là, ils diront donc ce qu’ils en pensent et nous allons mettre en œuvre les recommandations.

Lefaso.net : Vous venez certes de prendre la direction de ce département, mais selon les données globales à votre disposition, la contribution des Burkinabè de l’extérieur au processus de développement national est-elle satisfaisante ?

P.R.T :
Oui, la diaspora contribue beaucoup. Il n’y a pas que le volet financier (il y a beaucoup de transferts), mais il y a également différents canaux à travers lesquels, elle contribue beaucoup. Je vous ai parlé, par exemple, de l’immobilier (les compatriotes construisent beaucoup). Ils contribuent beaucoup également à travers les familles (ils scolarisent beaucoup d’enfants au Burkina).

Donc, je pense que nous pouvons être satisfaits de leur contribution et c’est pour cela d’ailleurs que nous avons souhaité qu’ils viennent pour qu’on voit ensemble comment renforcer cette contribution et comment également mieux les accompagner pour qu’ils puissent accompagner, en retour, leur pays. Donc, nous sommes satisfaits de leur contribution et nous souhaitons qu’on aille encore plus loin dans ce sens.

Lefaso.net : A quelques jours de ce rendez-vous, quel est votre message à l’endroit de cette communauté, dont on note déjà l’effervescence dans certains pays comme la France ?

P.R.T : Nous souhaitons lancer vraiment un appel à une participation de qualité. S’ils viennent au pays, c’est pour apporter leur contribution. Nous allons réfléchir ensemble et nous sommes convaincus qu’ils sauront apporter de la qualité dans la réflexion et dans les idées que nous allons dégagées, pour en faire des recommandations. Nous voulons également les appeler à l’unité, à la solidarité, et à beaucoup plus de cohésion.

C’est lorsqu’on parle d’une seule voix, que la voix porte. C’est lorsqu’on est uni, qu’on est fort. Donc, dans la division, on ne peut rien faire. Nous appelons donc notre communauté vivant à l’extérieur à renforcer sa cohésion, son unité, pour que nous puissions, avec elle, travailler vraiment à réserver un avenir encore plus radieux à notre pays.

Lefaso.net : Quelle va être la suite réservée à ce Forum ?

P.R.T :
Je ne vais pas anticiper sur les recommandations, mais ce qui est sûr, dès la fin du Forum, nous allons tout de suite nous atteler à la mise en œuvre des recommandations qui en seront issues. Nous allons les soumettre au gouvernement, qui va les valider pour qu’on les mette en œuvre. Nous sommes dans un processus d’élaboration d’une politique nationale de la diaspora ; donc, toutes les recommandations du Forum seront prises en compte dans ce sens.

Lefaso.net : Comme mot de fin ?

P.R.T : C’est de remercier Lefaso.net pour son accompagnement et pour l’intérêt qu’il accorde à cette activité, et de manière générale à notre ministère, qui est jeune et qui a besoin donc de la presse pour se faire connaître et pour promouvoir ses activités. Nous sommes vraiment satisfaits des premiers échanges que nous avons eus. Merci de l’accompagnement !

Entretien réalisé par Oumar L. Ouédraogo
(oumarpro226@gmail.com)
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