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Différend frontalier Bénin-Niger : La paix des braves

Publié le jeudi 14 juillet 2005 à 09h55min

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Le différend frontalier qui opposait le Bénin et le Niger sur le lopin de terre de 260 km vient de trouver un dénouement heureux grâce aux bons offices de la Cour internationale de justice. En acceptant à l’unanimité la décision de la CIJ, les deux pays montrent, au-delà des querelles frontalières, la preuve qu’un conflit peut et doit se résoudre pacifiquement.

L’Ile de l’Eté, longue de 60 km2 est désormais la propriété du Niger. En se fondant sur une lettre du colonisateur datant de 1914 et des coutumes des peuples de cette partie, la Cour internationale de justice a mis tout le monde (Béninois et Nigériens) d’accord sur son arbitrage. Arbitrage qui portait sur des îles frontalières situées sur le delta du Niger et de la rivière du Mecrou entre les deux pays et mesurant 260 km.

La Cour internationale de justice a coupé court aux démonstrations de force que se permettaient les deux pays sur ce lopin de terre depuis quelques années. Il fallait intimider le voisin. Et la Cour internationale de La Haye a tranché en octroyant l6 îles au Niger dont la plus fertile ( l’île de l’Été) et 9 au Bénin. Un arbitrage pacifique qui prouve que les conflits frontaliers peuvent se résoudre à l’amiable.

L’apaisement est de mise désormais entre ces deux Etats dont l’histoire et la géographie ont été écrites par le colonisateur surtout, dans sa phase de délimitation des frontières des Etats africains. Délimitation qui, si aujourd’hui est source de conflits, provient moins de l’égoïsme des pays africains quant à se contenter du « gâteau » défini par le colon que du sérieux mis pour la faire.

Le « gombo » agricole

Les frontières terrestres à l’époque de leur tracé, n’ont obéi à aucune logique topographique ni géométrique encore moins « équitable ». Elles ont obéi à la logique du colon avec au bout « du rouleau compresseur » l’intérêt à engranger dans la gestion des différentes « portions » de l’Etat. Conséquences : des pays se sont retrouvés avec des territoires « inachevés », tant sur le plan ethnique que sur celui des ressources disponibles.

Le Bénin se retrouve ainsi étiré entre les bassins du Niger et de la Volta avec un relief monotone. Le Nord du Bénin se présente être « peuplé » de plateaux jalonnés de hauteur d’où un climat sec et tropical. L’agriculture est en panne tandis qu’au Sud, s’étendent des plaines fertiles et forestières. Or, le Niger fait frontière avec le Bénin par le Nord du dernier cité qui colle au Sud du Niger. Ce sud du Niger est son « gombo agricole » avec 2 à 5 mois de saison des pluies. L’on comprend pourquoi cette région regroupe le plus gros de la population. Le Nord étant le « ghetto » des sables avec le grand Sahara.

Alors, le Sud du Niger est frontalier avec le Nord du Bénin. Ce Sud du Niger est riche « agricolement » parlant tandis que le Nord du Bénin vivote. De ce fait, le lopin de terre querellé se trouvait être une terre fertile notamment l’Île de l’Eté que la Cour internationale de justice a octroyé au Niger. Cette décision donnera du tonus, à n’en point douter, à l’élevage et à l’agriculture nigérienne.

L’élevage extensif étant l’activité dominante, les Nigériens mettront l’accent sur l’agriculture en développant les cultures vivrières telles le mil et le sorgho. Mieux, les cultures d’exportation notamment l’arachide, le coton et le tabac qui constituent l’essentiel de l’agriculture nigérienne verront leur « côte de population » grimpé.

Même si l’Île de l’Eté n’a pas encore de ressources minières , il ne faut pas oublier que le Niger est le second producteur mondial d’uranium avec les gisements d’Arlit et d’Akouta. Cette position lui avait même attiré les foudres de Washington, l’accusant après les attentats du 11 septembre, d’avoir vendu de l’uranium appauvri à l’un des pays de « l’axe du mal » de Bush, l’Iran.

Mais aujourd’hui, ce dossier est dur à gérer par Niamey au vu de la donne du marché mondial qui se caractérise par la chute des revenus de l’uranium. Et pour ne pas arranger les choses, l’intense contrebande avec le Nigeria voisin dope le marché et place le pays au bord de la faillite.

Un exemple à suivre

Le Bénin malgré sa « petite » superficie de 112 622 km2 a accepté la décision de la CIJ sans broncher tout en sachant que cette portion de terre allait lui rapporter gros. Le désir de faire la paix a triomphé de la force. Le Bénin par ses cultures vivrières (igname, manioc, maïs) et commerciales (coton, café, cacao, palmier à huile) aurait eu un plus.

Le différend frontalier entre le Bénin et le Niger a pu se résoudre parce qu’il était entre les mains non seulement d’une instance neutre mais aussi et surtout, par la volonté politique et éthique des politiques des deux pays.

L’exemple doit être suivi par les pays frères africains qui se disputent à longueur de journée, des portions de terre. Le plus éloquent est le ping-pong juridico-politique qui se joue entre le Nigeria et le Cameroun à propos de la presqu’île de Bakassi. Les Etats africains doivent dépasser leurs intérêts égoïstes et faire place au respect des décisions de justice émises par les instances judiciaires internationales.

L’intégration africaine commence par la chute des barrières frontalières entre les Etats et les peuples. L’exemple du Bénin et du Niger est à suivre si l’Afrique veut réussir le pari de l’Unité africaine. Après 50 ans, la CIJ vient d’extraire une épine des pieds du Bénin et du Niger. Et cela est de bonne guerre.

Daouda Emile OUEDRAOGO (Ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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