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Processus de paix en Afrique : L’exemple burundais fera-t-il tache d’huile ?

Publié le mercredi 13 juillet 2005 à 07h32min

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La branche politique des anciens rebelles des Forces pour la défense de la démocratie (FDD), à majorité hutu, vient de remporter les élections législatives au Burundi, avec plus de 58% des voix, devançant ainsi le parti présidentiel, le Front pour la défense de la démocratie (FRODEBU), parti hutu arrivé en deuxième position avec 22% des suffrages.

L’Union pour le progrès national (UPRONA), de la minorité tutsi, arrive en 3e position avec 10% des voix. Le taux de participation, estimé à plus de 65%, traduit, comme lors des toutes dernières consultations, la volonté de la très grande majorité des Burundais de tourner une page ignoble de l’histoire de leur pays. C’est de bonne guerre. Une fois le pays stabilisé, ils pourront se consacrer à d’autres tâches de développement. N’oublions pas que ce petit pays est dépourvu de ressources et qu’il subit constamment les assauts de puissants voisins prédateurs.

C’est sans doute cette aspiration à mettre un trait sur ce passé douloureux qui a conduit le parti présidentiel à ne pas vouloir "aller à l’encontre de l’orientation donnée par le peuple burundais à travers le scrutin (législatif) du 4 juillet", ce dernier ayant déjà "montré de quel parti doit provenir le chef de l’Etat, en votant à plus de 57% pour le CNDD-FDD aux législatives". C’est un bon exemple que donnent là les acteurs politiques burundais. En somme, un signe fort encourageant pour un processus de paix plusieurs fois interrompu et remis, tant bien que mal, sur les rails.

Au demeurant, en acceptant de se plier aux résultats du scrutin, le pouvoir en place fait preuve de réalisme politique : il est conscient qu’il sortira perdant de la présidentielle du mois d’août prochain. A l’issue des élections législatives, premières du genre organisées depuis 1993, date du début de la guerre civile au Burundi, le CNDD-FDD ayant obtenu la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale, et ayant été victorieux lors des communales, est ipso facto assuré d’avoir la majorité au Sénat.

Car, faut-il le rappeler, ce sont les députés et les sénateurs élus par les conseils communaux qui désigneront le futur président du pays à la majorité qualifiée des deux tiers. On comprend que Pierre Nkurunziza, candidat du CNDD-FDD, ait été on ne peut plus confiant, lui qui déclare que cette élection "sera une simple formalité".

Bien qu’étant dans une position confortable, le CNDD s’est tout de même montré disposé à "ne pas gouverner seul" et à incarner un rôle de rassembleur de la nation. Une attitude somme toute louable et de nature à effacer certaines rancoeurs dans un petit pays marqué par plus de douze années de guerre civile et où les vieux démons de l’ethnicisme n’ont pas été totalement exorcisés.

Toute aussi encourageante est la volonté manifeste de la majeure partie des acteurs politiques de parler d’une même voix. L’ancien président Pierre Buyoya, membre influent du "parti tutsi" UPRONA, n’a-t-il pas invité ses concitoyens à "accepter le résultat des élections démocratiques", à "éviter de sonner les cloches de la peur" et à "faire confiance à ceux qui ont gagné" ? Le président Domitien Ndayizeye n’a-t-il pas, lui aussi, appelé les partis à "accepter la volonté du peuple" ?

Tout compte fait, dans ce pays composé à 85 % de Hutus et à 14% de Tutsis, des Tutsis qui ont contrôlé le pouvoir de façon quasi permanente depuis l’indépendance, en 1962, et ce jusqu’au début de la transition, le 1er novembre 2001, l’espoir est permis. D’autant plus que les groupes rebelles, à l’exception d’un seul qui, du reste, ne s’est pas montré sourd aux sirènes de réconciliation, ont accepté de déposer les armes. Le CNDD-FDD participe depuis 2003 au gouvernement, une preuve que la stratégie de conquête pacifique du pouvoir est parfois payante.

Mais si ce processus de réconciliation enclenché a atteint cette phase, c’est aussi parce qu’il tire l’une de ses sources dans la nouvelle Constitution soumise récemment à référendum. Une Constitution qui, rappelons-le, partage, et ce de façon négociée, le pouvoir entre l’ensemble des anciens belligérants (à l’exception du dernier groupe rebelle) et prend en compte la dimension ethnique dans la gestion des affaires publiques, l’ objectif final étant de revenir à un fonctionnement « normal » des institutions et du système électoral. L’ultime étape du processus entamé depuis 1998 est d’arriver à l’élection présidentielle de 2010, au suffrage universel direct. Espérons, comme l’Union africaine, que le Burundi « aura valeur d’exemple pour le reste des pays en situation de conflit en Afrique ».

Le Pays

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