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Commune de Ouagadougou : « D’ici à fin 2020, vous verrez comment nous allons transformer la ville », 2e adjoint au maire, Moustapha Semdé

Publié le lundi 11 juin 2018 à 19h45min

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Commune de Ouagadougou : « D’ici à fin 2020, vous verrez comment nous allons transformer la ville », 2e adjoint au maire, Moustapha Semdé

Arrivé avec beaucoup d’espoir au Conseil municipal de Ouagadougou où il est élu deuxième adjoint au maire, Moustapha Semdé fait partie des jeunes en politique qui croient aux valeurs fondamentales de la société.Armé donc de conviction dans ses propos et apte à défendre les idéaux de son parti, le MPP, Moustapha Semdé est aussi reconnu par ses proches comme celui-là qui ne va pas du dos de la cuillère pour dire la vérité aux siens. « Quand tu veux le bien de quelqu’un, il ne faut pas te contenter de le caresser dans le sens des poils », conçoit-il d’ailleurs. Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder dans son bureau à la mairie centrale, l’élu retrace des moments-phares de son engagement, aborde des questions d’actualité et s’ouvre sur la vie du Conseil municipal de Ouagadougou. Entretien !

Lefaso.net : À quand remonte l’engagement politique de l’actuel deuxième adjoint au maire de Ouagadougou, Moustapha Semdé ?

Moustaha Semdé (M.S.):Je dirais que j’ai commencé la politique depuis tout petit. Je n’avais même pas l’âge de voter, mais j’étais déjà actif sur le terrain. En son temps, il y avait l’UNDD (Union nationale pour la défense de la démocratie) de Macaire Ouédraogo (celui-là même qui a mis le général Sangoulé Lamizana en ballottage lors de l’élection présidentielle de 1978), l’UPV (Union progressiste voltaïque) de Joseph Ki-Zerbo (paix à son âme !), l’UDV/RDA (Union démocratique voltaïque/Rassemblement démocratique africain) des regrettés Gérard Kango et Dr Issouf Conombo (député à l’Assemblée nationale au Palais Bourbon, réélu en 1956. Il sera sénateur entre 1960 et 1962, membre du gouvernement Mendes-France en tant que secrétaire d’Etat à l’Intérieur puis secrétaire d’État aux affaires économiques, ndlr).

Il faut aussi dire qu’à l’époque, la politique était un peu liée à la région et nous, par nos parents, c’était l’UNDD (Maurice Yameogo était de Koudougou). Donc, de par les parents, on était UNDD, mais de conviction, on était UPV de Joseph Ki-Zerbo (un brillant intellectuel, qui nous faisait des cours d’histoire et de politique). De l’autre côté, on avait aussi les tenants du pouvoir, Issouf Joseph Conombo, Gérard Kango, Sangoulé Lamizana...où il y avait les « feuilles ».

Je vous raconte une petite anecdote : en 1978, après le passage du Pr Joseph Ki-Zerbo, qui nous a offert cinq ballons, une semaine après, Gérard Kango est arrivé et il nous dit : « Mes enfants, cinq ballons, vous êtes combien ? » Donc, il nous a envoyé 20 ballons plus des tee-shirts. Voyez-vous que ça n’a pas commencé aujourd’hui (référence à certaines pratiques politiques). Puis après, j’ai beaucoup milité dans les mouvements associatifs, et surtout dans le milieu du football à travers lequel je me suis beaucoup fait connaître. Dans le football, j’ai été acteur, entraîneur, dirigeant.

Lefaso.net : On peut deviner qu’avec cette dynamique, vous avez continué sous le CNR avec le président Thomas Sankara !

M.S.  : Tout à fait. On l’a beaucoup accompagné, parce que j’étais parmi ces jeunes-là retenus pour notre hymne national, le ditanyè. On nous a regroupés à l’actuel siège du CES (Conseil économique et social, sis au centre-ville, côté sud-est du rond-point des Nations unies, ndlr), qui était le siège des CDR (Comités de défense de la révolution). Une centaine de jeunes garçons et jeunes filles. On nous a d’abord appris à chanter l’hymne national. On l’a assimilé puis après, on l’a chanté devant le président du CNR et on l’a fait enregistrer et c’est parti.

Après cet épisode, il y a eu les tristes événements du 15 octobre (1985, assassinat du président Thomas Sankara, ndlr) où j’ai beaucoup hésité avant de reprendre la politique. Puisl’avènement du Front populaire, la création de l’ODP/MT (Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail), qui va fusionner avec d’autres partis pour créer le CDP, où j’étais le plus jeune délégué de secteur, en son temps.

Au CDP, j’ai été élu conseiller municipal, président de Commission au niveau de ma mairie (Baskuy, actuel arrondissement N°1), président des jeunes du CDP du Kadiogo, membre du Bureau politique national du parti, jusqu’à ce que vous avez tous suivi, à savoir la démission des camarades du parti, suivie de la création du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP).

Et avant le congrès, j’avais en charge la mise en place des points focaux de la région du Centre. À l’issue du congrès, à la faveur de la mise en place des structures, j’ai été élu secrétaire général adjoint de la région du Centre (les douze arrondissements de Ouagadougou et les six communes rurales rattachées). Puis, après les élections, j’ai été élu à la mairie centrale comme deuxième adjoint au maire. Voilà, brièvement, mon parcours politique.

Lefaso.net : Revenons à la période de la Révolution, repère pour de nombreux Burkinabè et qui sert d’exemple aujourd’hui, en comparaison à certaines situations. Personnellement, y a-t-il eu un moment ou un fait qui vous a marqué ?

M.S. : Ce qui m’a marquédu temps de la Révolution, c’est la proximité du président du CNR (Conseil national de la révolution) avec la population. Il surprenait tout le monde : vous pouvez être assis entre jeunes, en train de prendre du thé et entre temps, le président débouche sur un vélo. Souvent déguisé que vous ne savez pas que c’est lui. En plus, j’ai eu la chance de côtoyer sa famille avant même qu’il ne soit président ; son petit-frère, Paul, était un ami et on voyait ce qu’il faisait, comment il se comportait en famille.

On a été plusieurs fois témoin, quand il arrivait à la maison et demandait à sa maman de délayer le tô pour lui. Et puis, lorsqu’il est devenu président, je l’ai côtoyé dans d’autres cadres. Voyez-vous, quand vous vous frottez à un homme comme cela, ça ne peut pas ne pas vous marquer. Si lui-même, il donne l’exemple, ce n’est pas ceux qui sont derrière qui vont se comporter autrement.

Et puis, en ce moment, il y avait la formation politique ; le camarade Achille Tapsoba (actuel vice-président du CDP, ndlr) ; feu Dr Salifou Diallo et autres qui parcourraient les secteurs et dispensaient des formations politiques aux gens. C’est comme cela nous tous avons profité pour apprendre. On organisait des journées de salubrité où le président pouvait déboucher, il y avait la bataille du rail, il pouvait surprendre des gens à la belote…, et sans protocole, parfois avec sa Renault de quatre places...

Il y a eu son fameux retour de Vittel (conférence de presse à Vittel à à l’issue du sommet France-Afrique d’octobre 1983, ndlr) où nous avons exigé qu’il tienne dans la même nuit, à l’aéroport, un meeting ; c’est inoubliable. Il y a également ces moments de « sport pour tous » et le port du Faso Dan Fani.

Quand vous vivez des situations de ce genre, ça vous marque. J’ai eu la chance de voyager également avec lui, je voyais un peu toutes ces valeurs qu’il incarnait.

Lefaso.net :... vous semblez nostalgique d’un tel style de gouvernance !

M.S. : Ah oui ! C’est toute cette vision de Thomas Sankara qui a forgé notre conviction politique. Qu’est-ce que nous voulons ? Que celui qui est devant donne l’exemple de probité, que ceux qui sont devant donnent l’exemple de bonne gestion de la chose publique.
Aujourd’hui, on s’est engagé avec le MPP, mais des gens ont du mal à suivre. Qu’est-ce qu’on remarque ? Que partout où on part, tout le monde clame le « plus rien ne sera comme avant », mais pose la question de savoir qu’est-ce quechacun fait pour que cela soit une réalité ? Il faut que chacun s’interroge.

Aujourd’hui, il y a trop de dérapages verbaux de certains responsables.D’autres trouvent que le président ne parle pas. Souvent, ce n’est pas à lui de parler ; parce qu’il y a le Premier ministre, il y a les ministres, et chacun à un domaine d’intervention bien précis. Il ne peut donc pas interférer à tout bout de champ dans les dossiers. Je pense donc que la position du président est bonne ainsi ; intervenir quand il le faut (dernier recours).

Lefaso.net : On peut lire dans vos propos que certains ministres n’arrivent pas à suivre le rythme…

M.S.  : Oui, c’est exact. C’est vrai que c’est notre parti qui gère le pouvoir, mais soyons réalistes, il y a des ministres qui ne suivent pas le rythme. Quand vous prenez des ministres comme Rosine Coulibaly (ministre de l’Économie, des Finances et du développement) ;Éric Bougouma (ministre des Infrastructures) ; le Pr Seyni Ouédraogo (ministre de la Fonction publique, du Travail et de la protection sociale) ;Hélène Marie Laurence Ilboudo (ministre de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille), qui sont toujours sur le terrain de combat, on ne peut que les féliciter. On ne dit pas que les autres ne travaillent pas, mais il faut faire plus. Nous sommes dans une période post-insurrection, donc tout le monde s’attend à ce qu’on fasse mieux que sous Blaise Compaoré.

Lefaso.net : Vous releviez la place de la formation à cette époque. Avec le constat actuel, ne peut-on pas dire que la génération actuelle au pouvoir (les aînés) a failli en ne poursuivant pas la dynamique de formation ?

M.S. : Il faut reconnaître que la formation politique est avant tout une question de choix personnel. J’ai choisi de faire la politique, je savais donc où je voulais aller et ce que je voulais faire. Donc j’ai choisi librement la social-démocratie et je me suis donné les moyens pour y arriver.
Je ne pense donc pas que nos aînés ont failli quant à la formation de nos jeunes frères. En réalité, les jeunes ne prennent pas le temps de bien s’orienter ; apprendre, écouter, se documenter, etc. Il y a des formations politiques organisées par certains partis politiques, les conférences de presse, des conférences publiques.

Il faut s’identifier à certains leaders politiques, si vraiment on a des ambitions politiques… Je prends l’exemple de Simon Compaoré (président par intérim du MPP, ndlr), Achille Tapsoba, Salifou Sawadogo (cadre du CDP, ndlr), feu Dr Salifou Diallo, feu Pr Joseph Ki-Zerbo, feu Inoussa Sankara, le Larlé Naaba… on a lu des œuvres d’hommes politiques de référence comme Karl Max, Lénine, Kwamé Nkrumah, Patrice Lumumba... Aujourd’hui, les jeunes n’aiment pas la lecture, ni participer à ce genre de cadres de formation. Prenez un exemple sur un homme comme Simon Compaoré, les gens trouvent que ses méthodes sont musclées.

Mais si tu t’approches de lui, tu vas savoir que c’est un grand homme ; qu’est-ce que j’ai appris de lui ? La ponctualité. Quand il te donne un rendez-vous à 10h, à moins dix, il est là et attend. Il n’est pas aussi ce responsable-là qui va te confier un travail et qui est assis dans son bureau pour t’appeler et demander comment ça se passe ; dès que tu es parti, il faut savoir qu’il est derrière toi, pour aller lui-même constater est-ce que ce que tu as dit là est vraiment fait.

Voyez-vous, ce sont des hommes comme eux dont les jeunes doivent s’inspirer. La politique, ce n’est pas viser des postes. Ma vision est qu’un président n’est pas là pour trouver du travail à des individus, il est là pour créer des opportunités d’emplois et c’est à eux de saisir leur chance. Au niveau de l’agriculture par exemple, il y des pôles de croissance comme Bagré, le Sourou, Samandéni… que l’autorité en charge de l’Agriculture peut mieux exploiter ; qu’ellecrée des infrastructures sociales de base (logements sociaux, dispensaires, écoles, etc.) et vous verrez.

Mais tant qu’on n’a pas le minimum d’infrastructures, moi qui suis intéressé par l’agriculture, si je me rends sur un de ces sites, je dors où ? Si j’y vais avec ma famille, quelle école pourront fréquenter mes enfants ? En plus de cela, il faut alléger les conditions d’octroi de crédits aux jeunes. Si ces conditions sont réunies, vous verrez que les jeunes vont s’adonner à ces activités et il y aura moins de chômeurs.

On dit que le Burkina est essentiellement agricole, mais nous sommes toujours au stade de l’exploitation traditionnelle (la daba). Il ne suffit pas de créer les barrages. Le gouvernement est train de construire des logements sociaux, c’est bien, mais qu’on aille aussi construire dans ces lieux pour permettre aux jeunes d’avoir des conditions pour s’installer et travailler.

Lefaso.net : Quelle est votre plus grande satisfaction politique aujourd’hui ?

M.S. : La démocratie est en marche. La liberté d’expression et l’indépendance de la justice sont une réalité indéniable aujourd’hui au Burkina Faso.
La deuxième satisfaction, ce sont les infrastructures routières (aujourd’hui, le déplacement d’un point à un autre est devenu un peu plus facile, plus fluide), la gratuité des soins des enfants de zéro à cinq ans et des femmes enceintes ainsi que le projet de prise en charge des personnes âgées.

Lefaso.net : Qu’est-ce que vous auriez souhaité autrement (point d’insatisfaction) ?

M.S. : C’est de dire la vérité aux gens. Souvent, quand certains ministres ont le dos au mur, ils cèdent à la pression, tout en sachant que ce qu’ils sont en train de promettre ne va jamais se réaliser. Ce qui crée des problèmes par la suite, parce que les promesses ne sont pas tenues. Il faut que les ministres soient fermes. Nous sommes dans un Etat de droit et les syndicats ont le droit de défendre les intérêts de leur corporation.

De ce fait, lorsque les organisations des travailleurs arrivent avec leurs doléances, que les ministres leur disent ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas l’être. Il faut un langage de vérité. Aussi, certains syndicalistes manquent de tact ; quand ils veulent s’exprimer, ils utilisent un langage arrogant qui frise parfois le ridicule. C’est ce qui rend souvent difficiles les négociations. On peut se parler avec courtoisie, on peut négocier dans le respect de l’autre.

Lefaso.net : Aujourd’hui, on vit un incivisme qui est têtu, un front social qui s’élargit et se durcit, mais également des initiatives qui tendent à créer les conditions d’une justice sociale (comme la conférence nationale sur le système de rémunération…). Quelle est votre perception de l’avenir ?

M.S. :L’avenir est serein. Je souhaite donc que tous les fils et filles de ce pays regardent dans la même direction et que tous les syndicats participent à la conférence nationale sur la réforme des systèmes de rémunération des agents du public. La politique de la chaise vide n’a jamais payé.

Monsieur Bassolma (Bazié), qui est un monsieur que j’apprécie, très cultivé, je l’invite vraiment à cette assise nationale, parce que c’est étant dedans qu’il peut mieux défendre les intérêts des travailleurs. Que tous participent afin qu’on puisse trouver une solution définitive, sinon ce serait tous les jours des grèves et on ne pourra pas nous en sortir.

Lefaso.net : … la franchise de part et d’autre, voulez-vous dire ?

M.S. : Exactement ! Je suis d’accord avec Bassolma Bazié que la remise à plat soit effective à tous les niveaux. Mais qu’il participe et défende ses points de vue, parce qu’effectivement, là où nous sommes actuellement, il y a des avantages ; si on les supprimait, ça peut servir à quelque chose.
L’argent de l’or part où ? S’il venait et demandait par exemple où va l’argent de l’or, les concernés vont s’expliquer et il sera applaudi. Qu’on s’asseye et qu’on discute, on va trouver la solution, ça, j’en suis sûr. Nous avons une richesse que les autres n’ont pas : la vie en harmonie. Il faut tout faire pour la préserver.

Lefaso.net : Parlant de préservation de la « vie en harmonie », les acteurs politiques sont un maillon essentiel dans cet idéal. Comment voyez-vous la vie politique de nos jours ?

M.S. : Je pense que les partis politiques fonctionnent dans le cadre de l’Etat de droit et chacun essaie de jouer son rôle. Mais là où ça m’inquiète, c’est la prise de position de certains responsables politiques, qui se comportenten oubliant qu’eux-mêmes peuvent être appelés à gérer le pouvoir un jour (puisqu’un parti politique se crée pour la conquête du pouvoir). Les gens refusent de voter des lois parce que ce ne sont pas eux qui sont au pouvoir, tout en oubliant qu’ils peuvent y arriver un jour et ça va se retourner contre eux.

Quand vous prenez la loi sur le code pénal, on dit que ça a été taillé spécialement pour François Compaoré et on refuse de voter. D’ailleurs, refuser d’adopter la loi, c’est comme si on avouait que c’est effectivement lui (François Compaoré) le coupable. Sinon, les gens devraient être heureux que François Compaoré puisse rentrer maintenant pour répondre. Là, s’il est innocent, il est blanchi et libre de tout mouvement.

Mais, au lieu de cela, on tente de faire croire que la loi a été taillée sur mesure. Je ne sais pas de quoi ses partisans ont peur. Savent-ils déjà qu’il n’est pas innocent ? Voilà Eddie Komboïgo, qui était parti, mais est revenu se soumettre à la justice qui a suivi son cours jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il est innocent. Aujourd’hui, il est à la tête de son parti et il travaille tranquillement.

De nos jours, on a des partis qui sortent pour des conférences de presse, mais qui n’ont même pas un seul conseiller municipal. Même pas là où est né son président. Mais quand on lui tend le micro, il crache le feu. Moi, si j’ai un parti politique et que je n’arrive pas à avoir un conseiller là où je suis né, je casse mon parti et je crée une OSC (là-bas, on n’a pas forcément besoin de militants).
Et ils sont nombreux, ces partis politiques, aussi bien de l’opposition que de la majorité présidentielle. Ils sont-là depuis des décennies, ça n’évolue pas. Ils ne peuvent même pas organiser un congrès. Quand on dit congrès ils partent rassembler quelques élèves qu’ils mettent dans une salle et ils disent que c’est leur congrès. Tout cela ne contribue à la vie en harmonie.

Lefaso.net : Votre parti est dans un processus de renouvellement de ses structures, marqué à plusieurs endroits par des crises. Avant cela, aux municipales de mai 2016, de nombreuses violences ont été enregistréesentre militants du parti. Votre commentaire sur cette situation

M.S. : Je dirais que ce n’est pas propre au MPP seulement et je pense que c’est un manque de formation politique. Tout parti politique a son règlement intérieur et son statut. Tout bon militant doit donc s’inspirer de ces éléments pour pouvoir suivre le rythme du parti.
Mais quand on est militant et on ignore ses propres textes, ça nous conduit à ce que nous avons connu. Le problème est qu’il y a des gens qui pensent que la politique est une courte échelle de réussite. Moi, j’étais secrétaire général adjoint du parti dans le Kadiogo. Mais, pour l’intérêt du parti, j’ai décidé à un moment donné de céder mon poste.

Quand vous voyez ceux qui se battent, il n’y a d’autres motivations que les intérêts personnels (être conseiller municipal, maire, député…). Pourtant, partout où l’on est, on peut servir son parti. En plus de cela, chacun doit connaître ses limites ; tout le monde ne peut pas être maire, député, ministres, etc.

Lefaso.net : Ne peut-on pas mettre cela à la charge des cadres du parti (ceux qu’on peut appeler les éclairés) qui ne miseraient pas suffisamment sur la formation, et surtout lorsqu’on sait que le MPP est le seul parti politique au Burkina à avoir un centre de formation politique en bonne et due forme ?

M.S. : Les responsabilitéssontpartagées, parce qu’effectivement, ceux qui sont au haut niveau, qui sont chargés de décider, commettent parfois des erreurs, se disant qu’en plaçant untel, au moment venu, ils peuvent compter sur lui. Donc, effectivement, ce ne sont pas ceux qui sont en bas seulement qui veulent être ministres, députés, maires, etc.,ceux qui sont en haut aussi veulent y rester, rebeloter. Et comme ils ont la charge de la désignation de certains responsables à certains niveaux, alors, ils font dans des calculs politiques.

Voilà pourquoi je disais au départ qu’il faut que chacun essaie d’être franc, sinon, ça ne peut pas aller. C’est pour cela j’apprécie un homme comme Simon Compaoré ; il n’a pas d’état d’âme, si tu peux il va te le dire, si tu ne peux pas il va être franc avec toi. Tout ce que vous avez énuméré est dû à cela ; des gens ont adhéré au MPP et trouvent aujourd’hui des ambitions qu’ils n’avaient pas au temps de Blaise Compaoré. On dit « Mouvement du peuple », c’est dire que c’est une dynamique qui emballe tout le monde, on ne peut pas dire à quelqu’un de ne pas venir au parti, qu’il n’était pas là au début, etc. On ne peut pas dire à quelqu’un de ne pas adhérer, parce que le MPP est un parti ouvert.

Maintenant, si tu adhères, il y a un processus à suivre ; tu ne peux pas arriver tout de suite et vouloir occuper un poste à certain niveau, ça va créer des frustrations (parce qu’à la création du MPP, ce n’était pas du donné ; il y a des gens qui ont perdu leur emploi, des avantages, qui ont risqué…). C’est aussi cela qui a créé les difficultés auxquelles vous faites référence. Voilà pourquoi nous disons : respectons nos propres textes.

Mais souvent aussi, on tord le cou aux textes parce qu’on a besoin d’intellectuels, de personnes pourvues de bagages politiques et intellectuels à certains niveaux. Il arrive donc qu’on copte des gens dans cette situation et en ce moment, le militant lambda ne peut pas comprendre, il se dit que l’autre vient d’arriver et est propulsé à un certain niveau de responsabilité sans avoir franchi les étapes. Il faut donc effectivement bien expliquer cela aux militants de base, car nos camarades ignorent cela (ça fait partie de la vie des partis politiques).

Lefaso.net : Aujourd’hui, vous faites partie des premiers responsables de la commune de Ouagadougou. Dans ce contexte post-insurrection, ça fait beaucoup de pression sur vous, on l’imagine !

M.S. : Effectivement, surtout lorsque les gens sont pressés (et c’est normal). Vous savez qu’après le départ de Blaise Compaoré, on a fait deux ans sans maire. La délégation spéciale a géré la période de transition avec des compétences limitées. Donc, ce que nos devanciers ont fait est resté en hibernation ces deux années. Et avec les différents mouvements qu’a connu le pays, beaucoup d’édifices publics (comme les feux tricolores) ont été vandalisés.

Maintenant que nous sommes revenus à un Etat de droit, il faut comprendre aussi que les deux années passées sans maire ne peuvent pas être comblées en quelques six mois ou en une année. Nous sommes à un niveau, à la base, responsables de la mise en œuvre du programme du président du Faso à travers le PNDES, et le maire a définit son programme par rapport à ce référentiel.

Bientôt, les gens vont voir les résultats. D’ici à fin 2020, vous verrez comment nous allons transformer la ville de Ouagadougou. On a pris du retard, mais il fallait revoir les textes, l’organigramme de la mairie, etc. Maintenant que tout est fini, nous allons tout de suite attaquer les grands chantiers de développement de la ville de Ouagadougou.

Lefaso.net : Les populations ont aussi été témoin de ces heures chaudes entre conseillers de l’opposition et de la majorité au sujet d’un certain nombre de questions dont l’augmentation du prix des boutiques, les textes sur la passation des marchés publics… Une dynamique normale ou une des faiblesses du Conseil municipal actuel ?

M.S.  : Ce que vous avez constaté lors de la dernière session est dû au fait que les gens ne s’informent pas, ils ne lisent pas. Pour qu’une décision arrive ensession, elle passe d’abord en commission où tous les partis politiques de l’opposition sont représentés. C’est à l’issue de cette étape qu’on convoque une session pour en débattre.
Mais si vous avez des conseillers qui sont mal formés, qui ne prennent même pas le temps de comprendre ce que dit le Code général des collectivités territoriales, ne peuvent que nous amener dans la situation que nous avons connue. Toutes les décisions que nous avons prises l’ont été conformément aux textes en la matière, nous ne sommes jamais sortis hors des textes légaux.

Nous sommes des maires insurgés, pensez-vous que nous allons prendre des décisions qui, demain, vont nous bouffer ? Il y a eu simplement de la propagande de la part de l’opposition, qui pensait ainsi se faire des militants et sympathisants. Nous devons tous avoir des comportements de démocrates et accepter les principes de la démocratie. En démocratie, si on ne s’entend pas sur une décision, on passe au vote ! Si nous (majorité, ndlr) prenons une décision impopulaire, c’est sûr que certains des nôtres ne vont pas nous suivre.

A l’époque, je faisais partie des conseillers municipaux,et bien que le CDP était majoritaire, il y a eu des décisions que des conseillers du parti n’ont pas suivi, ils les ont combattues (elles ne sont pas passées). Si vous jugez qu’il y a problème, vous votez contre, si vous avez raison, l’histoire vous réhabilitera un jour. Mais au lieu de cela, si vous venez avec des sifflets, créer du désordre, ça pose problème. Mais après toutes ces difficultés, on s’est concerté et on a dit au maire que le problème, c’est le manque de formation.
Donc le maire a initié des formations avec les spécialistes des marchés publics. Depuis lors, il n’y a plus de problème. C’était simplement une ignorance totale des textes du fonctionnement de la mairie.

Nous, majorité, on ne peut pas s’amuser à ce jeu ; parce qu’on sait pourquoi on est là. Et puis, il y a des structures de contrôle, on ne paie pas un milliard pour saisir une structure de contrôle. Même au sujet du problème de l’arrondissement N°3, ce qui est dit sur le maire est archi-faux. On a une situation qui est que des conseillers de l’UPC et du MPP disent n’être pas d’accord avec la gestion du maire. Il y a d’abord eu la motion de défiance. Ensuite, madame le maire a intenté un procès en justice contre ces conseillers et la justice a rendu son verdict.

Aujourd’hui, le problème se trouve au niveau du ministère (je lance vraiment un appel au ministre de trouver une solution à cette situation qui n’a que trop duré). Donc, le maire n’y est pour rien. Mais on organise une conférence de presse, on accable le maire, qu’il travaille seul (pourtant toutes les décisions sont prises en commissions où tous les partis sont représentés). Donc, tout ce qui est dit sur le maire n’est que contre-vérités. Le troisième adjoint au maire, qui est de l’UPC, va en mission aujourd’hui en France. Si le maire travaillait seul, ça n’allait donc pas se passer ainsi.

Lefaso.net : Il est aussi reproché au maire d’avoir intenté une action en justice contre des adjoints au maire d’autres arrondissements qui ont prêté main forte au maire de l’arrondissement N°3 pour la célébration de mariages …

M.S. : Les textes n’autorisent pas cela. Ça aussi, c’est de l’intoxication. Le Code général des collectivités territoriales ne permet pas à un adjoint au maire de quitter son espace territorial pour aller célébrer un mariage dans un autre arrondissement. Seuls les adjoints au maire de la mairie centrale peuvent aller dans les mairies d’arrondissement pour célébrer les mariages.

Lefaso.net : Ne fallait-il pas trouver d’autres alternatives entre vous que cette voie qui, certainement, contribue à altérer la situation… ?

M.S.  : Madame le maire étant dans une situation d’illégalité, aucun adjoint au maire de la mairie centrale ne peut aller célébrer un mariage dans cette situation. Au lieu de laisser les gens venir s’inscrire pour les mariages, qu’on leur dise la vérité sur la situation de la mairie.

Lefaso.net : Une certaine opinion compare au rabais votre équipe à celles précédentes, notamment celles dirigées par Simon Compaoré. Qu’avez-vous à dire à ce point ?

M.S. : Ceux qui parlent ainsi se trompent d’époque. Pensez-vous que le maire actuel peut vraiment utiliser les méthodes que Simon Compaoré employait avant ? S’il essaie, vous verrez ce que ça va créer. Pour dire que les mentalités ont changé, on ne peut plus faire comme avant. Il y a certaines méthodes, si tu les essaies aujourd’hui, c’est ton reste qui va revenir à la mairie.
Maintenant-là, il faut travailler à faire comprendre aux gens que les mentalités ont changé. Tout ce qu’on fait, on s’inspire de l’exemple des devanciers ; seulement, pas la même manière qu’on utilise. Comme je le disais, d’ici à fin 2020, vous verrez les résultats ; les gens ont l’impression qu’on ne fait rien, mais ils verront d’ici-là.

Lefaso.net : Il y a crise en ce moment au sein de la Police municipale de Ouagadougou ; que pouvez-vous dire aux populations sur le sujet ?

M.S. : Je dirais que la Police municipale est notre collaboratrice directe, nous sommes ensemble, dans un même bateau. Pour cela, je dirais à nos frères et sœurs de ce corps, de comprendre qu’il y a des décisions qui ne relèvent pas de la compétence du maire. Le maire ne peut que négocier avec ses supérieurs pour l’amélioration des conditions de vie et de travail de ces collaborateurs.

Par rapport donc à la demande de relèvement du niveau de recrutement, il faut qu’ils comprennent que ce n’est pas de la compétence du maire, ni de leur directeur général, qui ne peuvent que plaider auprès du gouvernement. J’ai l’impression que certains pensent que lorsqu’on parle de police municipale, c’est Ouagadougou seulement, alors que non, c’est l’ensemble des communes du pays. A Ouagadougou, il y a peut-être des taxes qu’on peut recouvrir, mais dans les localités reculées, il n’y a rien pratiquement. Alors, si on prend une décision pour relever le niveau de recrutement des policiers municipaux, ça va concerner tout le territoire.

Le gouvernement a-t-il la capacité financière pour le faire ? Je ne pense pas. Je demande compréhension à nos collaborateurs policiers municipaux, parce que le maire fait des efforts pour eux, il a travaillé depuis son arrivée pour améliorer leurs conditions de vie et de travail et continue de le faire.
Tout ce qui entre dans ce cadre, nous travaillerons à accompagner le maire. Mais quand la lutte est menée telle qu’ils le font actuellement, ça peut laisser penser qu’il y a une main derrière.Nous sommes conscients de la situation, mais ce n’est pas en barricadant l’accès au directeur général qu’on va trouver une solution. En se comportant ainsi, ça ferait croire que quelque chose se cache derrière.

Alors que ni le maire ni le directeur général ne décident, ils ne peuvent que faire des propositions et plaider auprès de la hiérarchie. Chaque fois, on a toujours discuté sur comment valoriser le corps de la Police municipale. La dernière fois, je suggérais au maire de voir comment leur trouver les lasers paralysants que de les laisser avec les simples matraques face à l’incivisme actuel.
Donc, nous leur demandons de revoir les choses à leur niveau, car ce qui s’y passe ne les honore pas. En plus, la mairie lance cette année les concours professionnels. C’est une occasion qui s’offre donc à eux. Au sujet de la crise, il faut dire que nous avons engagé des discussions, et j’espère que nous allons aboutir à une situation apaisée.

Entretien réalisé par Oumar L. Ouédraogo
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net

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