LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Sondage Afrobaromètre : La moitié des Burkinabè favorable à un retour sans crainte de prison de Blaise Compaoré

Publié le lundi 21 mai 2018 à 16h55min

PARTAGER :                          
Sondage Afrobaromètre : La moitié des Burkinabè favorable à un retour sans crainte de prison de Blaise Compaoré

Selon une récente enquête d’Afrobaromètre (réseau de recherche panafricain et non-partisan d’enquêtes d’opinion publique sur la démocratie, la gouvernance, les conditions économiques et les questions connexes), les Burkinabè semblent partagés entre la manifestation de la vérité et l’oubli de ce qui s’est passé pendant l’insurrection d’octobre 2014, pour permettre au pays de progresser. Le résultat de ce sondage a été porté à la connaissance de l’opinion publique dans la soirée de vendredi 18 mai 2018 à Ouagadougou, en présence de plusieurs acteurs de la vie publique.

« Les Burkinabè veulent tourner la page de l’insurrection populaire d’octobre 2014. (…) Entre 2015 et 2017, les partisans de l’oubli et de l’amnistie se sont accrus de façon significative. Ces données sont publiées au moment où la quête de justice et de réconciliation nationale continue de dominer l’agenda politique au Burkina Faso. Alors que certains Burkinabè réclament la fin de l’impunité des crimes commis à l’occasion de l’insurrection, d’autres prônent la réconciliation nationale et le retour d’exil de l’ancien président Blaise Compaoré. Dans ce contexte, l’ouverture des procès des membres du dernier gouvernement de Compaoré d’une part et des auteurs et complices du putsch avorté de septembre 2015 d’autre part, a ravivé les plaies et alimenté les tensions politiques. Les données récentes d’Afrobaromètre semblent pourtant indiquer que les Burkinabè veulent de plus en plus tourner la page », situe l’équipe d’Afrobaromètre, dirigée au Burkina par l’Institut pour la gouvernance et le développement (IGD). L’enquête a porté sur les axes que sont l’amnistie et les poursuites judiciaires, la meilleure option prônée pour une paix durable et la réconciliation nationale, et le retour de Blaise Compaoré au Burkina.

Dr Abdoul Karim Saïdou

Un échantillon de 1 200 adultes burkinabè à travers le territoire national (en milieux urbain et rural) a été concerné par cette enquête qui s’est déroulée en septembre 2017. Pour le chargé de programme de l’IGD, Abdoul Karim Saïdou, cette enquête a décidé de mettre l’accent aussi sur le thème général de réconciliation nationale, parce que c’est un sujet d’actualité au Burkina. A l’en croire, l’enquête d’Afrobaromètre se base sur un questionnaire identique dans les 36 pays. « Mais on permet à chaque pays d’ajouter des questions spécifiques et nous avons estimé qu’après l’insurrection, les questions de la justice et de la réconciliation sont fondamentales, sont discutées sur la place publique et préoccupent les Burkinabè », soutient-il.

Les résultats-clés de ce sondage font ressortir que les Burkinabè sont partagés entre manifestation de la vérité (48%) et oubli (49%) sur ce qui s’est passé pendant l’insurrection d’octobre 2014 pour permettre au pays de progresser. Aussi, la majorité des Burkinabè (53%) est désormais favorable à l’amnistie pour les personnes suspectées de crime et de violation des droits de l’homme au cours de l’insurrection populaire. A titre de comparaison, on apprend qu’en 2015, 23% des Burkinabè étaient favorables à la « confession et au pardon » tandis qu’en 2017, ils sont passés à 36%. Egalement, 18% de Burkinabè étaient pour la recherche de la vérité en 2015 tandis qu’en 2017, ce taux est passé à 20%. En ce qui concerne l’amnistie générale, en 2015, ils étaient 15% des Burkinabè à accepter une telle idée tandis qu’en 2017, 17% de Burkinabè acceptent cette option. Pour ce qui est des poursuites judiciaires et de la condamnation des coupables, ils étaient 40% en 2015 à épouser cette option contre 14% en 2017. Une combinaison de ces options donne un taux de 4% en 2015 contre 13% en 2017.

La présentation du résultat a mobilisé plusieurs acteurs

La meilleure option prônée pour une paix durable et une réconciliation nationale est désormais la confession et le pardon (36%) devant la recherche de la vérité (20%), l’amnistie générale (17%) et enfin les poursuites judiciaires à l’encontre des suspects et la condamnation des coupables (14%).
Dans l’intérêt de la réconciliation nationale, la moitié des Burkinabè, surtout les femmes (53%) et les personnes vivant en milieu rural (53%), pensent que ce serait une bonne chose que Blaise Compaoré soit autorisé à retourner au Burkina sans crainte d’être emprisonné ; les citadins eux, étant moins favorables (41%).
Ici, 50% des enquêtés pensent que le retour de Blaise Compaoré au Burkina sans crainte de prison est une bonne chose pour la réconciliation nationale (contre 39% en 2015). Si en 2015, 49 % des Burkinabè estimaient qu’il n’était pas une bonne chose pour la réconciliation que Blaise Compaoré revienne sans crainte de prison, en 2017, ce taux est tombé à 38%. En 2015, 11% des enquêtés n’étaient ni en accord ni en désaccord avec cette option et en 2017, ils sont 12%.

Selon Dr Abdoul Karim Saïdou, ces perceptions peuvent s’expliquer par plusieurs variables et en termes d’hypothèses, on peut avancer qu’il y a un certain désenchantement par rapport aux procédures judiciaires (lenteur, lourdeur), le temps de la justice n’étant pas celui du citoyen ordinaire. « Cela peut être aussi lié au fait qu’après deux ans, les gens ont changé de perceptions par rapport à cette question et le temps aussi peut agir sur la façon dont les gens perçoivent les choses », a-t-il émis. Depuis l’insurrection, il y avait beaucoup d’attentes par rapport à la justice, mais après quelques années, les gens sont moins attachés à la justice, à la vérité et plus attachés à la question de l’amnistie, du pardon, de l’oubli. « Il y a vraiment (je ne dirais pas un fossé), mais des différences assez significatives qu’on observe entre 2015 et 2017 », note Dr Saïdou, chargé de programme de l’IGD. Il relève également que la différence entre le milieu rural et le milieu urbain peut s’expliquer par le fait que l’insurrection a été essentiellement un phénomène urbain. On observe par exemple que les femmes sont plus favorables au retour de Blaise Compaoré par rapport aux hommes ; ce qui peut s’expliquer par des raisons culturelles. Donc, plusieurs hypothèses peuvent être émises, poursuit-il.

Agnès Kaboré, chargée du suivi-évaluation de l’IGD a expliqué la méthodologie utilisée pour mener l’enquête

Pour mémoire, Afrobaromètre mène des entretiens face-à-face dans la langue du répondant avec des échantillons représentatifs à l’échelle nationale. Six séries d’enquêtes ont été réalisées dans plus de 30 pays africains entre 1999 et 2016, et les enquêtes de la série 7 sont actuellement en cours (2016/2018). L’équipe Afrobaromètre au Burkina est dirigée par l’IGD et des enquêtes précédentes ont été menées au Burkina en 2008, 2012 et 2015.

Après ce sondage, et en attendant dans les jours à venir le dévoilement du résultat d’une autre enquête sur la sécurité et la peine de mort, les responsables de cette étude attendent que les acteurs puissent s’approprier ces résultats. « Nous avons posé des questions aux citoyens, qui ont donné des réponses. Il est donc important que l’opinion des citoyens soient pris en compte dans le travail gouvernemental, des partis politiques, de la société civile, des médias… C’est important pour nous dans les politiques publiques de tenir compte des opinions, des perceptions des populations », a exhorté Dr Abdoul Karim Saïdou.

O.L.
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique