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Alain Juppé à Sidwaya : “La politique est un milieu difficile”

Publié le mardi 12 juillet 2005 à 07h47min

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Alain Juppé, l’enfant “terrible” de la chiraquie, bras droit du Président français, Jacques Chirac et ancien maire de la ville de Bordeaux, était en fin de semaine dernière à Ouagadougou. Une occasion qu’il a saisie pour s’entretenir avec le journal de tous les Burkinabè, dans les locaux de la résidence de France.

Et cela, à travers une causerie d’une heure environ, consacrée à son attachement au Burkina Faso, au « Non » français à la nouvelle constitution européenne, à la question de l’immigration clandestine en France, à son avenir politique, à ce qu’il retient comme image de certains hommes politiques européens et africains (Blair, Sarkozy, Chirac,Bush, Bongo, Compaoré...)

Sidwaya (S) : Monsieur le Premier ministre, avez-vous profité de votre séjour au Burkina Faso pour consulter un ‘’marabout’’ ou un ‘’wackman’’ afin d’en savoir un peu plus sur votre avenir, notamment politique ?

Alain JUPPE (A. J.) : Je suis très heureux d’avoir été reçu avec cordialité à Ouagadougou, pendant 48H. C’est une ville que je ne connaissais pas.

Alain Juppé : "Je suis prêt à servir mon pays".

J’ai été marqué par l’inauguration de l’université numérique francophone mondiale, sur le campus de Ouagadougou, où j’ai eu l’occasion d’échanger avec certains étudiants qui vont bénéficier de la formation qui va y être offerte.

J’ai eu un rendez-vous avec le Mogho Naaba qui m’a permis de mieux comprendre les fondements et la portée d’une des traditions africaines vivantes, et de percevoir ce en quoi elle est précieuse pour l’Afrique et en particulier pour le Burkina Faso.

Et puis il y a eu ma participation au riche colloque de Ouagadougou. A cette occasion, j’ai rencontré des femmes et des hommes pleins de compétences et d’enthousiasme, au service de l’Afrique.

Quant à mon avenir, je n’ai point eu l’occasion de m’en préoccuper. Je me suis laissé emporter à Ouagadougou par les événements qui se sont présentés face à moi. Je ne me préoccupe d’ailleurs pas des perspectives de carrière...

S. : N’avez-vous pas profité comme l’ont fait Chirac ou Mitterrand pour savoir un peu plus sur votre avenir auprès de « marabout » ?

A. J. : Non. Pas spécialement.

S. : Comment voyez-vous donc votre avenir ? En homme politique ou en intellectuel rangé ?

A. J. : Mon avenir immédiat sera fait de mon départ, pour un an au Québec (Canada). Là-bas, je vais enseigner pendant une année universitaire, à l’école nationale d’administration publique. L’après Canada ? Je crois qu’il n’est pas mal, dans la vie d’un être humain, de rester dans une espèce d’incertitude... On verra bien le moment venu, ce sur quoi je dois jeter mon dévolu.

S. : N’êtes-vous pas un intellectuel égaré en politique ?

A. J. : Tout homme politique doit essayer, par moment, de prendre du recul par rapport à l’actualité quotidienne immédiate, afin de prendre le temps de la réflexion.

La situation politique actuelle en France me permet de prendre ce recul et ce nécessaire temps de la réflexion.

S. : Un intellectuel peut-il être un excellent homme politique ?

A. J. : Il m’est déjà arrivé de faire des choses en politique ...

On verra ce que l’avenir me réserve. Les coups bas ne sont pas le propre de la politique ! Dans tous les milieux où il y a un enjeu de pouvoir, on rencontre les jeux de la rivalité interpersonnelle. Cela va avec la nature humaine et il faut faire avec.

S. : La politique, vous a-t-elle rendu heureux ?

A. J. : Je suis très heureux d’avoir pu faire, en toute âme et conscience, tout ce que j’ai pu réaliser dans ma vie politique que ce soit en tant que Premier ministre , ministre des Affaires étrangères, maire de Bordeaux, etc.

S. : Quelle idée avez-vous de la politique après les différents dossiers ‘’RPR- UMP’’ qui vous ont valu cette retraite anticipée ?

A. J. : La politique est un milieu difficile mais en même temps, elle est une vocation bien formidable. Au fond, c’est le lieu où on se dévoue en faveur du bien commun et de l’avenir de son pays. De ce point de vue, j’en garde constamment un merveilleux souvenir.

S. : 2007, c’est demain. La France va certainement connaître un tournant politique avec la présidentielle. Quel rôle aimeriez-vous jouer ?

A. J. : On verra bien. Pour l’instant, je ne me préoccupe pas de 2007. Je vois d’abord 2005 suivre son cours ; ensuite, ce sera 2006. C’est après tout cela que l’on verra venir 2007...

S. : Et si l’on vous faisait appel, seriez-vous prêt à accepter ?

A. J. : Je suis prêt à servir mon pays.

S. : Comptez-vous des amis parmi les chefs d’Etat africains ?

A. J. : Je connais bien de chefs d’Etat africains pour les avoir rencontrés à certaines occasions. C’est le cas de Blaise Compaoré, feu Félix Houphouët Boigny, Abdoulaye Wade, Omar Bongo, Amadou Toumani Touré, etc.

S. : Quelle appréciation avez-vous de leur gestion de la politique de leur pays ?

A.J. : Je me garde de porter un jugement sur la politique intérieure de ces pays. C’est aux Africains eux-mêmes de porter un jugement sur la façon dont ils sont gouvernés. C’est un principe démocratique que de laisser aux électrices et électeurs le privilège de se prononcer sur leurs élus et non aux observateurs étrangers.

Alain Juppé en entretien avec l’équipe de Sidwaya. S. : Vous êtes au Burkina Faso dans le cadre des activités de l’Institut Afrique Moderne ( IAM ). Croyez-vous en une Afrique moderne ?

A. J. : La France croit depuis longtemps en l’Afrique. La famille politique en laquelle j’appartiens (les Gaullistes) croit en l’Afrique, en sa marche réelle vers le développement, malgré les dures réalités politiques, sociales et économiques auxquelles elle fait face. J’ai personnellement confiance en l’avenir optimiste de l’Afrique. Et la France a grand intérêt à soutenir l’Afrique dans cette dynamique bien que par moment, le continent ait lui-même décroché d’une telle dynamique...

S. : La France et l’Afrique, cela a été souvent une affaire de « je t’aime, moi non plus ». Comment voyez-vous l’évolution des relations France -Afrique ?

A. J. : Il y a des réalités qui lient à fond la France et l’Afrique ; une connaissance mutuelle liée à l’histoire, une massive présence humaine française en Afrique, et d’Africains en France.

Nous partageons également ensemble un trésor appelé la langue française. Au total, je crois que la France et l’Afrique sont liées, de telle sorte que quelles que soient les péripéties politiques, elles ne sont pas prêtes de se couper.

S. : L’actualité c’est aussi la crise ivoirienne. La France n’a t-elle pas fait étalage de sa vision restrictive des questions africaines ?

A. J. : Quoique fasse la France dans la gestion d’une telle crise, elle sera critiquée par l’une ou l’autre des parties. Si elle ne fait rien, on lui reproche de ne pas assumer ses responsabilités. Si elle agit, on lui reproche de se comporter comme une puissance coloniale. Dans le cas précis de la crise ivoirienne, nous avons surtout essayé de mettre les Ivoiriens autour de la même table, pour les amener à une solution politique, car nous sommes convaincus que c’est la seule issue à ce conflit. Nous avons essayé de faire en sorte que ce soit les Africains eux-mêmes qui gèrent ce conflit, qu’une médiation africaine intervienne à cet effet. Si nous sommes tout de même présent sur le terrain, c’est bien parce que la communauté internationale, les Nations unies, l’Union africaine, etc., nous l’ont demandé. Je ne crois pas que l’on puisse accuser la France d’avoir fait son jeu personnel dans cette affaire, qui est un drame. Voilà en effet un pays qui avait beaucoup de chance de réussir son développement mais qui aujourd’hui, hélas, est dans une situation compromise.

S. : Avec cette politique ivoirienne, le précarré français n’a t-il pas volé en éclats ?

A. J. : Je n’aime pas cette notion de précarré. C’est du passé que cela relève. Aujourd’hui, il faut se sortir des vieux schémas. Nous avons une autre façon d’aborder l’avenir, en terme de partenariat, de réciprocité, de respect mutuel, d’action en commun...

S. : La France a-t-elle une volonté de maintenir une « néo domination » dans les anciennes colonies ?

A. J. : Cela est une vision archaïque des choses. Il faut vivre dans le monde tel qu’il est. Même si la France en avait l’intention, le contexte mondial actuel n’y sied pas. C’est plutôt d’autres formes de domination qui sont aujourd’hui une vraie forme de menace pour l’Afrique : la domination culturelle (une sorte de modèle est en train de se développer sans une prise en compte des apports qui pourraient provenir de l’Afrique, au fur et à mesure que la mondialisation progresse) et l’émergence de nouvelles puissances Asie (Chine, Inde, etc.). C’est plutôt vers cette nouvelle donne qu’il faut se tourner pour se demander comment l’Afrique pourrait toujours assumer sa propre identité, plutôt que de verser dans une prétendue domination française qui relève d’un passé révolu.

S. : Ne croyez-vous pas que les relations bilatérales entre la France et l’Afrique sont un échec ? La France a-t-elle une politique africaine ?

A. J. : Oui ! Nous avons une politique d’amitié et d’aide en Afrique. Peut-être maladroitement, peut-être adroitement, du fait de notre responsabilité ou de celle des Africains eux-mêmes.

Les Africains n’auraient-ils pas, peut-être, leur propre responsabilité dans les échecs que connaît la présence française en Afrique. Je viens de m’entretenir pendant mon séjour au Burkina Faso, avec les responsables de ce pays, et je n’ai point l’impression que notre aide à l’Afrique n’est pas utile. Le constat que je fais nous encourage plutôt à poursuivre notre partenariat actif avec l’Afrique.

S. : Que représente le Burkina Faso, ce pays enclavé, dépourvu de richesses naturelles pour la France ?

A. J. : Le Burkina a peu de ressources, disiez-vous. Mais, elle a pour richesse, ses hommes et ses femmes, sa nombreuse population, dont on reconnaît les qualités de travailleur.

C’est notre intérêt d’être aux côtés d’une telle population pour participer à sa lutte contre la pauvreté. Nous avons la conviction nous-mêmes, que le monde ne sera pas dans un environnement d’harmonie et de sécurité si la pauvreté continue à progresser. Notre intérêt, en tant que pays, n’est pas d’exporter à partir du Burkina Faso, des richesses dont vous dites inexistantes vous même. Nous avons plutôt intérêt à faire en sorte que ce pays ami à la France ne soit pas l’un des pays les plus pauvres du monde...

S . : La coopération décentralisée entre le Burkina Faso et la France est citée en exemple pour son dynamisme. Est-ce à dire que la coopération directe entre les populations est plus efficace que celle des Etats ?

A. J. : Le gouvernement français comme la coopération décentralisée entre les deux pays, apporte en toute amitié, de la vitalité au partenariat France-Burkina.

J’ai été ravi de rencontrer pendant le présent séjour au Burkina Faso, avec beaucoup de chaleur le conseil municipal de Ouagadougou réuni en session ordinaire. Le maire de Ouagadougou sera d’ailleurs à Bordeaux dans les jours à venir, pour rencontrer mon successeur à la tête de cette ville, afin de concrétiser un plan d’action commun entre les deux villes, que Simon Compaoré et moi avions initié, dans les domaines de la santé, de la culture, de la formation, à travers une dimension personnelle et humaine irremplaçable.

S. : 2005 est une année électorale au Burkina Faso. Quel message avez-vous pour la classe politique burkinabè ?

A. J. : Je ne peux que souhaiter que cette élection permette au Burkina de renforcer sa démocratie, à travers un jeu électoral des plus transparents possible...

S. : Connaissez-vous certains candidats à cette présidentielle ?

A. J. : Oui bien sûr !

S. : Lesquels par exemple ?

A. J. : Je ne vais pas commencer par les citer... Etant donné qu’ils sont très nombreux, j’ai même peur d’en oublier.

S. : Auriez-vous un favori dans le lot ?

A. J. : Je respecte les choix des électrices et des électeurs du Burkina Faso. Je ne vais certainement pas m’engager dans des commentaires sur des faits politiques qui relèvent de leur responsabilité.

S. : Le citoyen Alain Juppé a t-il voté pour le « Non » ou le « Oui » à l’Europe ?

A. J. : J’ai souhaité que le « Oui » l’emporte. Je pensais que cette constitution permettait de progresser, en Europe et qu’elle méritait d’être approuvée. Les Français en ont décidé autrement. Il faut désormais tenir compte de leur choix.

S. : Le Non à l’Europe ne fait-il pas de la France, le mouton noir de l’Europe ?

A. J. : Je crois que la plupart des partisans du Non, ont expliqué qu’ils n’étaient pas contre l’Europe, que leur vote n’était pas un non à l’Europe. Faisons leur confiance et prenons-les aux mots. L’idée européenne reste globalement très populaire en France, notamment chez les jeunes. Les Français ont certainement voulu dire, à travers les résultats de ce vote, que la façon dont l’Europe avait évolué ne leur convenait pas, parce qu’elle s’est éloignée de leurs préoccupations quotidiennes, est devenue bureaucratique, qu’elle manquait peut-être de cohésion au fur et à mesure de ses élargissements. Je ne crois donc pas que ce soit un message qui veut dire que les Français ne veulent plus de l’Europe.

S. : Au fond, la victoire du Non ne sera-t-il pas sans effet sur la politique intérieure française ?

A. J. : Je crois que ce Non à la nouvelle constitution européenne aura des répercussions sur la politique française. On ne peut pas, sur le plan européen, continuer à faire comme si de rien n’était. Le processus de ratification de cette constitution ne pourra pas se poursuivre selon le schéma que l’on avait imaginé.

Il va falloir réfléchir sur les futurs élargissements de cet espace communautaire et peut-être se donner le temps avant toute nouvelle adhésion. Il nous faut revenir sur les préoccupations quotidiennes des Français et au delà des Français, des Européens : la politique de croissance et la politique de lutte contre le chômage. Si nous arrivons à démontrer à nos compatriotes que l’Europe est capable de prendre des initiatives en ce sens, je suis convaincu qu’alors, l’idée européenne sera plus populaire qu’elle ne l’est aujourd’hui !

S. : Le moteur « franco-allemand » va-t-il se laisser doubler par le « timing politique » britannique avec l’engagement du Premier ministre Tony Blair pour une Europe sociale ?

A. J. : Oh, vous savez, de cette dite prépondérance du Premier ministre Tony Blair, on en reparlera au terme du mandat qu’il vient à peine d’entamer à la tête de la présidence de l’Union. J’ai lu son discours et c’en est un qui est bon. Mais je vous informe qu’il ne dit rien de nouveau ! D’autres personnes ont dit avant lui ce qu’il croît avoir trouvé. Moi-même, et avant lui, je n’ai pas manqué d’affirmer dans mes discours, que l’Europe est à la fois sociale et libérale. Je crois qu’il ne faut pas se laisser impressionner par « la mousse » de l’actualité. Il faut plutôt s’attaquer aux vrais problèmes auxquels l’Europe fait face. Celui de la croissance et de l’emploi, celui aussi des mouvements de populations, des flux migratoires. Il est par exemple important à ce niveau que l’Europe définisse une politique de l’émigration organisée, mutuellement bénéfique tant aux pays d’émigration, qu’aux pays d’immigration. Il y a quelque chose à imaginer à ce niveau afin de permettre par exemple aux cadres africains de venir se former en France et de revenir dignement en Afrique pour mettre au service de leur pays pour faire bénéficier aux leurs, les connaissances acquises.

S. : La polémique du « chèque » et des « subventions » entre Jacques Chirac et Tony Blair ne va-t-elle pas pénaliser les paysans français qui, dans leur majorité, ont voté « non ». Ne paient-ils pas ainsi leur refus de l’Europe ?

A. J. : Ça ma paru extraordinairement imprudent et léger de dire que l ‘agriculture appartient au passé tandis que l’avenir serait le lit de la recherche, des technologies. Certes, en matière de recherche, l’Europe doit faire des efforts afin de rester une des zones de reférence en la matière. Mais ce n’est point une raison de négliger le domaine agricole. La France et l’Europe ont la chance d’avoir une filiale agro alimentaire qui est l’une des premières au monde. Avec l’accroissement de la population mondiale, je crois que c’est l’une des richesses que nous devons préserver. Par ailleurs, expliquer que la politique agricole commune est responsable de la misère du monde, relève de la pure caricature. L’Union européenne a décidé de la suppression des subventions agricoles, à condition que les autres en fassent de même. Cette suppression pourrait permettre, en ce qui concerne le coton par exemple, à certains pays comme le Burkina de mieux profiter de leur politique économique de promotion du coton. Quant au chèque accordé par l’Europe au pays de Blair (Grande Bretagne), il a été décidé de le lui accorder dans un contexte historique où la richesse de son pays était en dessous de celle de l’Europe.

Maintenant que son pays est devenu l’un des plus riches d’Europe, je crois qu’il est temps et normal que l’on ajuste le chèque de retour...

S. : La France peut-elle reconquérir sa véritable place en Europe ? Si oui, comment ?

A. J. : De toutes les façons, la France existe. Elle est au cœur de l’Europe. La France est une des premières puissances économiques du monde. Une puissance commerciale extrêmement importante, un des premiers réceptacles des investissements étrangers... On ne peut donc pas imaginer l’Europe sans la France. Ça n’a pas de sens. La France continuera à jouer un rôle moteur dans la construction européenne, avec l’Allemagne, parce que le fondement de la construction européenne, c’est la réconciliation France Allemagne. Ceci reste encore valable pour l’avenir. Les relations France -Allemagne ne sont pas exclusives mais il faut comprendre que Berlin et Paris sont liées par des relations particulières dues à l’histoire...

S. : L’élargissement de l’Europe pose le problème de l’immigration. Comment la France envisage -t-elle résoudre cette délicate question ?

A. J. : La France a besoin d’accueillir sur son sol, des populations immigrées et cela a toujours été notre tradition. Déjà, avant la crise de 1929, la France était un pays d’immigration, bien plus que les Etats- Unis. Nous avons donc une tradition que nous allons continuer à assumer. Cela dit, aujourd’hui, il faut organiser cette immigration et combattre l’immigration clandestine qui est inacceptable, pour nous comme pour les immigrés en situation irrégulière, qui se trouvent en situation de ne pas pouvoir rechercher du travail. Si nous organisons le phénomène de l’immigration, avec la collaboration des pays d’origine, les catégories de populations que la France souhaite accueillir peuvent être définies, en fonction de leur compétences, de leurs études, etc. Dans la même dynamique, on peut voir comment cette immigration peut profiter aux pays d’origine. Notamment les transferts opérés par les immigrés vers les pays en développement. Aujourd’hui, ces types de transferts représentent une fois et demie, l’aide publique au développement.

Peut-être peut-on l’organiser comme l’avait voulu le ministre Jacques Godfrain, en faisant en sorte qu’ils soient plus intéressant pour ceux qui transfèrent comme pour ceux qui reçoivent . On doit pouvoir y arriver, car des pays comme le Canada et les Etats-Unis le font déjà. Voilà des sujets sur lesquels il faut réfléchir.

S. : Quelle Europe pour demain ?

A. J. : Je n’ai pas renoncé à ce que j’appellerais le rêve européen, c’est-à-dire, de faire de l’Europe, un acteur politique sur la scène mondiale ; pas simplement un marché commun et une grande zone de libre échange, mais un acteur politique avec sa politique étrangère, sa capacité d’intervention militaire, etc.

S. : Que représente pour vous la Francophonie ?

A. J. : C’est une richesse essentielle. La langue, c’est un peu de nous-mêmes. Nous formulons notre pensée à travers une langue. Notre identité s’exprime de cette manière. L’histoire veut que les pays francophones d’Asie, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique aient cette richesse en commun. Nous devons tous, tout faire pour protéger cette richesse parce la langue et les biens culturels qui l’entourent ne sont pas des biens comme les autres. Un film ou un livre, ce n’est pas comme une machine à laver, des pommes de terre... Face à la mondialisation qui a un peu trop tendance à niveler, à uniformiser, à imposer un modèle culturel unique, une langue unique, la Francophonie, sans agressivité envers les autres, doit travailler à consolider son espace comme une des richesses de l’universel.

S. : La Fancophonie comme valeur culturelle peut-elle concurrencer l’hégémonie linguistique anglo-saxonne ?

A. J. : Je ne pose pas le problème en terme d’hégémonie. Je suis tout à fait confiant pour la Francophonie parce que la mondialisation s’accompagne en même temps d’une recherche d’identité. Les gens ont envie d’être quelque part. Ils sont, certes, citoyens du monde mais, ils ont envie d’être quelque part, pour se référer à une identité, à une racine dont la langue est un élément fondamental.

S. : La France est-elle, elle-même exempte de tout reproche ?

A. J. : Certainement que non (...). D’ailleurs, je souhaite que la France soit elle-même vigilante à l’égard du vécu du Français, bien plus qu’elle ne l’est aujourd’hui. La France a des efforts à faire en ce sens et la Francophonie peut nous y aider.

S. : L’exception culturelle que revendique la France peut-elle véritablement être d’un impact contre la domination anglo-saxon dans un monde où les techniques de l’information et de la communication sont des outils et des moyens incontournables ?

A. J. : Je le crois profondément car, n’eut été cela, le monde serait submergé, sous la domination d’une culture unique, d’une langue, d’un mode de vie unique ... Beaucoup de nations du monde comprennent de plus en plus l’importance qu’il y a à éviter cela. Je crois au succès de la diversité, une donne que promeut actuellement l’UNESCO, pour soutenir une convention internationale sur la diversité culturelle.

S. : Vous êtes le ‘’premier’’ de la classe, votre épouse ‘’première’’ de la classe. Quelle place occupe t-elle dans votre parcours politique ?

A. J. : Je voudrais d’abord dissiper cette idée de premier de la classe. Je ne suis premier de rien du tout. C’est vrai que j’ai fait des études dont je n’ai pas honte du tout, parce que j’ai gagné mes diplômes à la sueur de mon front, si je puis m’exprimer ainsi... Cela dit, il serait absurde de revendiquer ce titre de premier de la classe. Quant à ma femme, elle tient une place de choix dans ma vie. Dans les difficultés que j’ai rencontrées au cours de l’année 2004, c’est en partie la relation très forte que j’ai avec elle qui m’a permis de tenir. Il faut ajouter à cela ce que m’ont manifesté des personnes connues et inconnues, et qui ont pour appellations précieuses, la fidélité, l’estime, la considération...

S. : Avec toutes vos activités, avez vous encore du temps pour des loisirs ?

A. J. : Heureusement que oui. J’aime lire, écouter de la musique. Et permettez-moi de vous faire une confidence : j’aime aussi à ne rien faire, à me promener, à me mettre devant la terrasse d’un café, regarder passer les gens, à me promener, faire du sport... Il n’y a pas plus de 24H dans une journée pour faire tout ça.

S. : Qu’est-ce qui vous fait le plus plaisir ?

A. J. : Etre à l’aise, au milieu de ceux que j’aime : ma famille, ma femme, mes enfants. J’ai eu la chance d’avoir une belle famille et c’est peut-être le plus important...

S. : Quelles qualités trouvez-vous dans les hommes politiques dont les noms suivent ?

Chirac

A. J. : Le sens de l’humain... C’est quelqu’un de très proche des autres.

Bush

A. J. : Ah, La ténacité peut- être...

Blair

A. J. : Le sens de la communication.

Sarkozy

A. J. : L’énergie.

Bongo

A. J. : Bongo, euh... peut-être une forme de sagesse !

Compaoré, pour terminer...

A. J. : Compaoré, beaucoup de ces qualités à vous surprendre agréablement...

Transcription : El Hadj Ibrahiman SAKANDE
ibra.sak@caramail.com

Propos recueillis par Michel OUEDRAOGO
Sidwaya

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