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NABOHO Yézuma Philippe : « Le DO est un fétiche importé pour ramener les jeunes à la normale »

Publié le vendredi 4 mai 2018 à 13h00min

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NABOHO Yézuma Philippe : « Le DO est un fétiche importé pour ramener les jeunes à la normale »

Quelle est l’origine du fétiche Dô dans le village de Daboura, comment les chefs religieux sont-ils choisis, le processus d’initiation des jeunes comment se déroule-t-il, les valeurs morales sociales fondamentales du Bwa, le système de justice, comment les sentences sont-elles appliquées, les sentences du tribunal coutumier et la transgression des règles coutumières, nous avons rencontré des sages (NABOHO Yézuma Philippe, BAYE Kaza Jean, SIMPONI Froza, SIDIBE Kassoum, SIDIBE Damité Honoré, COULIBALY Kani Etienne, SIDIBE Gnanizô, NABOHO Panga) du village dans la commune de Solenzo (province des Banwa). Leur porte parole NABOHO Yezuma Philippe s’est confié à nous.

Quelle est l’origine du nom du Dô et comment les chefs religieux sont- ils choisis ?

NABOHO Yézuma Philippe : Mon père Zouga KOHO me disait que Dô vient d’un village nommé Douma à côté de Tansila. Cette information je la détiens de mes grands-parents. Le Dô est un fétiche importé. Il a été acheté par des gens de Daboura tout comme les woussoni et d’autres fétiches protecteurs. Mais le Dô est un fétiche. C’est un accord des vieux pour mieux éduquer les enfants. C’est une école à Daboura. Il existe trois Dô :

Le Dô de Bakuy , celui de Koundiakuy, et celui de Bwolokuy.

Le Dô de ce dernier quartier a été décerné aux forgerons de Koundiakuy par son détenteur Kéré Tanwa (TANWA) parce que la famille Tanwa n’a pas voulu l’assister pendant sa maladie. Les neveux de Koundiakuy sont venus le prendre mais, avant sa mort il avait attribué tous les fétiches à ses neveux y compris le Dô.

Le village de Douma est réputé pour ses fétiches. Il y a des fétiches efficaces pour la culture des céréales, d’autres pour la pratique de la sorcellerie. Ce que je peux ajouter pour le choix des chefs religieux, c’est que, dans la famille qui tient le Dô, c’est le plus âgé qui est choisi pour garder le fétiche. C’est lui qui choisit les moments où les masques doivent sortir. Il proclame les sacrifices à faire. Tous les jeunes lui doivent respect et obéissance.

Le second personnage qui vient après, est le plus âgé du village. Il est choisi pour assister et régler tous les litiges qui peuvent découler des cérémonies du Dô. Les décisions de ce personnage sont irréversibles.

Parmi les serviteurs du Dô (DôKala) il y a par quartier, des gens choisis pour suivre les néophytes. Franchise, obéissance, respect, endurance, courage et savoir- faire leur revient dans leur rôle éducationnel. On peut comparer l’initiation des jeunes à une véritable école pour former les jeunes à la vie.

Quel est le processus d’initiation des jeunes et comment se déroule-t-il ?

NABOHO Yézuma Philippe : Le Dô est une entente. Ici, les vieux ont constaté que les jeunes leur manquaient de respect. Ils devenaient de plus en plus rebelles. Il fallait trouver un processus pour les ramener à la normale. Les vieux ont fait une quête de mil. Les femmes ont été invitées à venir piler ce mil, mettre les canaris sur leur foyer. Les jeunes ont été conviés à garder le feu. Quand l’eau bouillait, les femmes sont venues préparer le tô. Lorsque tout est prêt, les vieux ont réuni tous les jeunes, le repas est pris. Ce que les vieux voulaient était de mettre dans l’esprit des jeunes les bienfaits d’être unis, manger ensemble et s’aimer ; alors il faut que chaque année ce rite soit renouvelé.

L’initiation renferme des étapes très longues. On débute par la préparation des galettes (Gannama) 3 fois avec des années intercalaires (3 à 4ans). Ensuite, l’étape de la préparation des haricots (ce mets est préparé et rassemblé sous l’arbre de DôBwoho Ta pour le cas de Bakuy). Ce rite suit celui des galettes. Et l’étape du dolo. Le chef du Dô annonce la préparation du dolo. Chaque groupe se sent concerné et se prépare en conséquence sous l’arbre au Dô. Le jour fixé chaque jeune confie le transport du dolo au chef d’initiation. Ce liquide est recueilli dans des jarres. Les griots animent le lieu par leurs cris, leurs instruments de musique. L’ordre est donné de servir le dolo. C’est à ce moment que certains jeunes indisciplinés reçoivent des coups de fouets ; immédiatement le vieux qui a fouetté explique au néophyte pourquoi il a été fouetté.

La dernière étape intervient 3 à 4 ans après. Cette étape consiste dans la chasse collective. Tous les jeunes sont chassés du village et doivent aller à la battue aux alentours du village. Le produit de cette chasse est destiné au collège des vieux.
La dernière cérémonie de l’initiation est l’attribution des prénoms et celle de parler la langue secrète, qui est uniquement parlée par les initiés. Quant au prénom, aucun néophyte (Brou) ne doit l’utiliser pour désigner un initié.

Quelles sont les valeurs morales sociales fondamentales du Bwa ?

NABOHO Yézuma Philippe : Dans la vie, chaque ethnie porte en elle ses propres valeurs qui permettent d’être identifié au milieu d’autres ethnies. Le Bwa est immédiatement reconnu parmi les mossi ou des Wattara !..Cela est dû à son franc parler, sa loyauté, son courage. Quand un Bwa dit oui c’est oui et quand il dit non, c’est non. Il est ferme dans ses décisions. Le Bwa ne trahit pas, ne vole pas .C’est une race qui, par le passé est égale à elle-même .Bien qu’un peu exubérant, il sait mettre un frein à ses mauvaises ambitions .Dans la société, le Bwa est très affable et dévoué à la cause des autres personnes, c’est une raison pour laquelle certaines personnes aiment faire compagnie avec le Bwa parce qu’ils seront à l’abri d’une trahison quelconque. Il est entreprenant, bien que n’aimant pas des choses peu claires.

C’est peut-être une raison pour laquelle le Bwa n’aime pas s’adonner aux activités commerciales. La pratique du commerce ne laisse jamais les mains propres.
L’éducation que les parents donnent aux enfants est une valeur fondamentale. Elle fixe dès le bas âge le caractère du vrai Bwa. Dans la famille Bwa, pour éprouver les enfants, il arrive qu’on laisse traîner sur le sol des cauris, des pièces de monnaies et même des billets de banque mais jamais rien ne disparaît. Cette façon d’éduquer fait appel au raisonnement, et à la réflexion des enfants qui voient ces genres d’appâts dans la famille.

Quel est le système de justice et comment les sentences sont-elles appliquées ?

NABOHO Yézuma Philippe : Le système de justice à Daboura au temps de nos ancêtres était bien différent de celui appliqué aujourd’hui. Il était traité d’abord en famille concernant les fautes minimes. Lorsque la faute dépasse le cadre de famille et s’étend sur le quartier et le village, le chef de terre et les responsables des quartiers sont saisis. Cette Assemblée joue un rôle de Tribunal coutumier populaire.

Au sein de la famille, le chef invite les plus proches collaborateurs parmi ses parents et le fautif est invité également pour répondre aux chefs d’accusation. Après l’audition, le tribunal tranche selon le cas. Pour les infractions concernant le quartier, le chef de quartier convoque les responsables de chaque famille, le fautif vient et s’assoit au milieu de l’assemblée. Le fait est relaté par le témoin oculaire. L’intéressé répond, on échange sur les différentes réponses. Le tribunal tranche.

La faute que l’ensemble du village doit juger revient au tribunal coutumier composé du chef de terre et des responsables des quartiers. Le chef coutumier ouvre la séance. Pendant que tout le monde écoute, l’accusé répond aux accusations suivant un ordre chronologique.Les fautes qu’on peut y rencontrer sont, le refus d’obéir aux ordres du vieux de famille, la paresse d’aller au champ à l’heure, le mauvais travail fourni, les injures adressées aux personnes âgées, le vol de vivres, de poulets, de cauris, des pièces d’argent ; la transgression des coutumes, les coups et blessures, l’utilisation des armes en fer au cours d’une bagarre jusqu’à faire couler du sang ou à mort d’homme, le déshonneur porté à une famille à cause de sa provenance douteuse (esclave), les litiges de terre, le retrait des femmes.

Quelles sont les sentences du tribunal coutumier ?

NABOHO Yézuma Philippe : Les principaux auteurs sont le chef coutumier entouré des responsables des quartiers. Les sentences sont prononcées par le tribunal coutumier ; l’application est immédiate. En se référant à la liste des fautes, on remarquera que la gravité des fautes n’est pas la même. Il y a des fautes minimes, il faut des peines correspondantes et des fautes graves, il doit y avoir des sanctions équivalentes. Pour les fautes minimes, à la lumière des discussions, on arrive à voir quelles sont les sanctions à appliquer. Pour le petit vol de vivre, de volaille, le tribunal exige le remboursement. A l’époque, à titre correctionnel, le voleur était accompagné d’un griot tapant son tambourin et le voleur avait une corde au cou. Le griot le promenait à travers le village sous le regard des curieux, ce qui faisait une leçon humiliante.

Quelle est la transgression des règles coutumières ?

NABOHO Yézuma Philippe : Dans les coutumes Bwa, il existe des règles dans la vie, qu’il faut respecter. Il s’agit des grands fétiches qu’on doit adorer périodiquement : le dieu de la brousse (Gnoumouni, Lognou, le Dô, le Yakwé.) La transgression des rites de Gnoumouni réside dans le fait d’enterrer une personne en brousse, l’accouchement en brousse, tuer quelqu’un, empoisonnement d’un champ. Toutes ces fautes méritent des sanctions très graves. La réparation se fait en offrant des bêtes ; les personnes offrent un bœuf au dieu de la brousse, au dieu des ancêtres, un bœuf à celui de Lognou, également un bœuf ; chaque animal doit être accompagné d’un mouton et d’un poulet. Les membres de la famille frappée s’entraident pour payer ces différentes bêtes. Il y a d’autres fautes telle que celle commise au cours d’une bagarre avec mort d’homme suite à l’utilisation d’une arme en fer (hache, lance, flèche, épée).

Après les bagarres, les vieux se réunissent pour délibérer sur celui ou ceux qui ont eu à se servir d’une arme en fer. La sanction à appliquer consiste à conduire la personne dans un village Dafing nommé Ziga à 16 km de Daboura et là on lui donne la mort. Les litiges de terre sont fréquents au Bwamu. Dans l’ancien temps où les intervenants étaient des vieux de différentes familles, et différents quartiers, les bagarres armées se rencontraient souvent. Parfois l’histoire s’arrangeait à l’aide de jurons et de « boire la terre du lieu ».

Propos recueillis par David Demaison NEBIE
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