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Union africaine : Le retour à la raison ?

Publié le jeudi 7 juillet 2005 à 07h36min

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C’est un bon signe. Les chefs d’Etat de l’Union africaine, pour l’une des rares fois, ont mis de côté leurs bisbilles qui frisent parfois le ridicule, pour défendre l’intérêt du continent. Le sommet de Syrte, en Libye, du 4 au 5 juillet dernier, prouve bien que le décollage politique et économique du continent est possible. Cette fois en effet, les chefs d’Etat semblent avoir banni le folklore pour ausculter les sujets brûlants de l’heure.

L’injustice et l’impunité qui plombent l’égalité entre cotonculteurs africains et occidentaux, la place tant espérée de l’Afrique au Conseil de sécurité, l’annulation de la dette et bien d’autres sujets ont été passés en revue. Des propositions concrètes ont été faites. Reste à donner de la chair au discours. Et c’est là que résident les vrais enjeux.

En attendant de booster de façon pratique la capacité de l’Afrique à inventer son avenir, force est de reconnaître que les dirigeants du continent viennent de marquer de bons points. Aujourd’hui, la géopolitique montre bien que seuls les grands ensembles comptent sur l’échiquier mondial. En clair, ou l’Afrique s’unit, ou elle continue de végéter à la périphérie de l’histoire. Les pays membres du G8 l’ont bien compris, eux qui ne lésinent pas sur les moyens pour dicter et même souvent imposer leurs visions du monde aux autres Etats.

Certes, l’Afrique est à la recherche de ses repères depuis plus de 40 ans, sous la houlette de l’ex-OUA. Certains élans d’espoir ont été étouffés par des dinosaures politiques, toujours prompts à détruire ceux qui les empêchent de créer les conditions d’un pouvoir à vie.

Mais la commission de l’Union africaine offre des espoirs susceptibles d’impulser un continent fort, qui gagne et qui compte à l’échelle mondiale. Le président de la commission, Alpha Oumar Konaré, montre en tout cas le bon exemple. Panafricaniste et pragmatique comme il l’a été lors de son mandat à la présidence du Mali. D’ailleurs, aujourd’hui, ce pays est en train de devenir un label de démocratie sur ce continent en proie à des crises à rebondissements.

Mais Alpha Konaré pourra-t-il aller jusqu’au bout de sa logique ? La loi des intérêts égoïstes ou inavoués peut conduire certains présidents qui se croient tout permis, à lui mettre des bâtons dans les roues. Pour le moment, le président de la commission tient bon. D’ailleurs, il est sorti grandi de la polémique qui l’a opposé au président nigérian, président de l’Union africaine, Olesegun Obasandjo, à propos de l’envoi d’un médiateur au Togo.

Konaré sait bien qu’il dérange bien des politiciens dans cette Afrique minée par la malgouvernance et où l’impunité règne en maître. Où aussi, tous ceux qui s’érigent en défenseurs de l’intérêt supérieur des peuples africains apparaissent comme des ennemis déclarés pour les prédateurs de la démocratie et du développement.

Si seulement les participants au sommet de Syrte pouvaient maintenir le cap ! En faisant notamment en sorte que leurs divergences ne prennent pas en otage le rêve d’une Afrique où il fait bon vivre. Pour cela, la solidarité agissante doit être de mise. Sinon, des pays mieux organisés que l’Afrique, notamment le Japon, l’Inde et le Brésil, actuellement en alliance, risquent de ravir la vedette à l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU.

Et puis, est-il réellement possible d’infléchir la position des puissances occidentales à propos des subventions sur le coton, ou de donner un visage humain à l’annulation de la dette si nous ne faisons pas preuve d’intelligence et de solidarité dans notre capacité à prendre en mains notre devenir et notre avenir ?

Dans tous les cas, l’Afrique ne doit pas s’embourber davantage dans le sous-développement. Cette ambition nécessite qu’au plan interne, chaque Etat fasse preuve de bonne gouvernance politique, économique et sociale. Et qu’il puisse transcender les intérêts nationaux pour construire un édifice commun.

Mais la plupart des chefs d’Etat accepteront-ils de s’engager sans arrière pensée dans cette dynamique ? Rien n’est moins sûr. Ils sont souvent pris dans le rouleau compresseur de la "françafrique" ou du fameux "syndicat des chefs d’Etat" où, en réalité, ne comptent que leurs intérêts et le leadership. A cause de cette philosophie, des dirigeants du continent ont du mal à harmoniser leurs visions du développement de l’Afrique. Et c’est bien dommage.

Tout n’est cependant pas perdu. L’Union africaine a de plus en plus de visibilité à l’intérieur et à l’extérieur du continent. Elle a par exemple demandé de la logistique dans l’espoir de sauver le Darfour. L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) a volé à son secours.

En outre, de grands projets de l’Union africaine sont appréciés hors du continent. Ainsi, l’Afrique commence-t-elle à s’imposer sur le plan international. Et si elle avait le droit de veto, elle restreindrait l’hégémonisme de certaines puissances occidentales. Le "berceau de l’humanité" gagnerait donc à resserrer les rangs. Encore et toujours.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 7 juillet 2005 à 17:40, par Henda En réponse à : > Union africaine : Le retour à la raison ?

    Chers amis,
    Je vous remercie pour la qualité de votre texte et l’intérêt que vous accordez à l’Afrique. Ce que vous dites à propos de Alpha Omar Konaré me paraît assez juste. C’est un démocrate qui fait preuve de courage et affiche une réelle volonté pour sortir l’Afrique de son sous-développement. Ce dernier a fait une déclaration à Syrte qui a frappé les esprits, à savoir que l’union ne se fera pas sans la participation des peuples africains. C’est l’éternel problème de l’Afrique, la marginalisation de ses élites. Comment faire pour associer les peuples africains au projet d’intégration du continent ?
    Il semble que l’Afrique a réellement besoin des Etats Généraux (Santé, Education, Défense, etc) avec la participation effective de ses cadres. C’est le seul moyen à nos yeux capable d’élaborer un projet de société à l’échelle continentale, associant le plus grand nombre.
    On ne peut pas parler d’associer les masses populaires africaines quand elles ne sont même pas informées de ce qui s’est passé à Syrte ou de ce qui se passe à Addis Abeba. Le Président égyptien Hosni Moubarak a émis le voeux de la création d’une chaîne de télévision africaine. Où en est ce projet ? Il a également proposé d’abriter le siège d’un Centre Africain de Recherches scientifiques. Le colonel Kadhafi a proposé à nouveau la création d’un gouvernement africain. Pourquoi toutes ces questions n’ont-elles pas suscitées l’adhésion de leurs pairs africains ?
    Alpha a de la bonne volonté certes, mais reconnaissez que s’il veut vraiment aller plus loin et atteidre ses objectifs, il doit écouter les masses populaires africaines, et tous les médias africains devraient militer à l’heure actuelle pour l’intégration du continent.
    Salutations fraternelles.

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