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L’Afrique face au fardeau de la dette

Publié le mardi 5 juillet 2005 à 07h39min

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Si l’endettement a contribué au financement de l’expansion économique des puissances occidentales dès la révolution industrielle, il apparaît au contraire comme une malédiction en Afrique, où une part significative de l’aide publique a été détournée pendant la Guerre froide sur les comptes bancaires de dictateurs.

Après la décision cruciale du G8 d’annuler la dette de 18 pays, dont 14 en Afrique, le mois dernier, les analystes estiment que le continent noir doit saisir l’opportunité pour tirer les leçons du passé.

"De nombreux prêts versés à l’Afrique durant la Guerre froide ont servi les intérêts des politiques étrangères. Ainsi un gars comme Mobutu a empoché l’argent et les Etats-Unis l’ont toléré parce que cela servait un objectif stratégique", explique John Stremlau, directeur du département des relations internationales à l’université sud-africaine de Witwatersrand.

AU VU ET AU SU DES OCCIDENTAUX

Le cas symbolique l’ancien dictateur zaïrois est souvent cité en exemple pour illustrer les dérives de dirigeants africains amassant des fortunes, tout en plongeant leur pays dans la misère, au vu et au su des Occidentaux.

"Entre le début de la crise économique au Zaïre, en 1975, et le départ de Mobutu, en 1997, le pays a reçu un total de 9,3 milliards de dollars d’aide internationale", écrit Michela Wrong dans un ouvrage sur Mobutu intitulé "In the footseps of Mr Kurtz", paru en 2000.

Selon elle, les principaux donateurs de Mobutu, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, "savaient très bien ce qui se passait".

Les enjeux de la Guerre froide gagnèrent le continent africain en 1975, lorsque l’Angola et le Mozambique basculèrent dans la sphère d’influence de Moscou après avoir obtenu leur indépendance du Portugal.

Dès lors, de nombreux pays africains s’enfoncèrent dans les difficultés, aiguillés par des bailleurs de fonds peu scrupuleux qui fermèrent les yeux sur la corruption et l’usage désastreux de l’argent public.

Mais la corruption n’est pas, selon les analystes, l’unique obstacle au développement du continent le plus pauvre de la planète, où l’endettement ne parvient pas à relancer des économies en stagnation.

L’Afrique est la cible de nombreuses épidémies qui frappent particulièrement la main d’oeuvre. Le commerce est handicapé par le manque de voies d’eau navigables et de ports aux eaux profondes. La dépendance du continent vis-à-vis des revenus issus des matières premières rend la moindre baisse des cours de ces produits intolérable.

AMELIORER LA TRANSPARENCE

L’aide est par ailleurs souvent distribuée au compte-gouttes et sans conditions, ce qui crée dans de nombreux Etats un sentiment d’extrême dépendance.

Le Malawi, par exemple, croule aujourd’hui sous une dette de 2,9 milliards de dollars, équivalant à 154% de son produit intérieur brut (PIB).

Au-delà de ces dettes, les dirigeants africains dénoncent les intérêts exorbitants instaurés par les créanciers.

"A ce rythme, l’Afrique croulera encore sous les dettes dans deux cents ans. On n’en voit pas le bout", déplore Abdoulaye Wade, président sénégalais et coordonnateur de la dette pour l’Union africaine, dans un entretien publié lundi par le quotidien Libération.

A l’inverse de ce qui a pu se passer en Europe au XIXe siècle lors de la Révolution industrielle, la dette ne permet pas à l’économie africaine de rencontrer la croissance. Et la population du continent - dont près de la moitié vit avec moins d’un dollar par jour - ne profite pas des fruits des emprunts passés, qui pèsent au contraire lourdement sur les systèmes de communication, d’éducation, de santé.

Des arguments repris par les défenseurs de l’annulation de la dette. "L’allègement de la dette a eu un effet direct sur l’amélioration du système de santé et sur l’éducation primaire en Tanzanie et en Ouganda", affirme John Stremlau.

Cependant, certains analystes précisent qu’une annulation complète de la dette ne serait efficace que si elle était liée à des progrès démocratiques et une gouvernance plus transparente.

"L’Afrique doit vraiment faire preuve d’un engagement en faveur de la démocratie et répondre davantage de ses actes. Sinon, nous crierons encore à l’annulation de la dette dans des années", estime l’analyste politique Sipho Seepe.

Reuters

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