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Politique et salut du peuple : Une antinomie !

Publié le mardi 20 mars 2018 à 21h37min

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Politique et salut du peuple : Une antinomie !

Pour Privat Kabré, citoyen burkinabè, faire de la politique, ce n’est pas servir ses semblables, mais c’est se servir, "On perd beaucoup à croire que les politiciens résoudront tous les problèmes. Car ils ne connaissent pas vraiment nos problèmes, et ne s’en inquiètent pas", affirme-t-il..

Vraisemblablement on ne ferait plus de politique pour servir ses semblables. Le récent remaniement ministériel a suscité des commentaires et des analyses qui montrent une certaine réserve de l’opinion publique. Mais pouvait-il en être autrement ?

On apprend que le ministère de la culture est réservé à un parti. C’est ainsi que pour un supposé malentendu entre le père fondateur et l’ancien ministre, ce dernier n’aura fait que trois mois de remplacement du démissionnaire en colère. On apprend aussi que le ministère des transports, chasse gardée d’un autre parti, est revenu au fondateur du dit parti après que celui qui était censé cacher la forêt, en attendant que le peuple insurrectionnel se calme, ait, semble-t-il prit trop de libertés avec le poste à lui prêté. Un autre, agacé par la régularité des critiques, plombé par une liberté ostensible de port d’arme, se met en retraite payée auprès de la présidence. Certains observateurs vont plus loin ; le premier ministre annoncé partant serait finalement resté parce que la promesse d’un poste de vice-gouverneur à la BCEAO n’aurait pas été tenue. Une cacophonie à la tête de l’Etat, loin de la préoccupation principale ; servir au mieux les intérêts du peuple.

Au Benin, La lettre du continent révèle le financement de la campagne de Zinsou par un milliardaire entrepreneur Burkinabè à hauteur d’un prêt de quelques 15 milliards de Francs CFA. Ce n’est certainement pas une pratique nouvelle. Mais le cas étaye la compréhension de la politique réelle : servir une ou quelques carrières, puis servir les intérêts du capitalisme, tout en prétendant servir le peuple.

Si la politique était censée gérer les affaires de la nation et proposer le chemin vers la réalisation du bonheur pour tous, on en est loin. Comment comprendre que les remaniements ministériels soient guidés par des considérations individualistes prenant le pas sur les compétences nécessaires. On ne se trompe pas énormément quand on n’attend pas beaucoup d’une telle mise en scène, orchestrée sur une musique douteuse.

Tout se passe comme si l’Homme n’était porteur d’aucune responsabilité. L’origine même de sa venue sur terre étant imprécise, et le but de son existence indéterminé à priori, on ne saurait l’incriminer de quoi que ce soit. Voici une considération terrifiante. Qui autorise bien de libertés dans la gestion des affaires de la communauté. On peut prétendre servir pour se servir.

On perd beaucoup à croire que les politiciens résoudront tous les problèmes. Car ils ne connaissent pas vraiment nos problèmes, et ne s’en inquiètent pas. Il semble que la jouissance du pouvoir en elle-même suffise à alimenter une vie pour qu’on ne s’encombre pas des préoccupations des autres. La narration politique n’existe plus. Le récit fort est mourant.

Au-delà on peut se demander si les élus gouvernent vraiment. On est vraisemblablement toujours en train de choisir des élus qui ont très peu d’influence sur les options pour la nation. La finance internationale, le néo-libéralisme et sa prétendue démocratie ont laissé à l’échelle des pays des coquilles vides. Quelques valets locaux suffisamment outillés pour gérer la police et l’armée afin de maintenir dans le silence les masses trop affamées pour troubler la quiétude des seigneurs dirigeants. Et au passage les élites qui assurent le sommeil paisible des puissants tirent des ristournes pour services rendus.

Le débat sur la localisation de l’usine de coton en projet est passionnant. Mais on devrait se rendre à l’évidence. L’investisseur extérieur détenteur des capitaux installera son usine là où il tirera le plus de profits. Pour être exhaustif, le combat se trouve ailleurs. Et il est bien plus grand que l’emplacement d’une usine à Koudougou, Bobo ou Ouagadougou. Si on veut pousser le raisonnement aux limites on pourrait dire que nous avons intérêt à laisser l’entreprise s’installer où elle le souhaite, de peur qu’elle décide d’aller au Mali par exemple. Au moins les quelques milliers de salariés qui pourront se nourrir décemment (je l’espère) seront des Burkinabè au sens large.

Jean Ziegler écrit dans Les seigneurs du crime : « La rationalité marchande ravage les consciences, elle aliène l’Homme et détourne la multitude d’un destin librement débattu, démocratiquement choisi. Le déterminisme de la marchandise étouffe la liberté irréductible, imprévisible, à jamais énigmatique de l’individu. L’être humain est réduit à sa pure fonctionnalité marchande. Les puissances étrangères sont ennemi du pays, du peuple qu’elles occupent ». Comment défendre objectivement qu’un investisseur étranger s’inquiète beaucoup du bien être des Burkinabè ?

Aujourd’hui la notion de pays est intéressante à observer. On se réjouit tous d’appartenir à un pays. On est fier de se réclamer d’une patrie. Et en voyageant on se rend compte qu’à quelques exceptions près, quels que soient les problèmes que l’on impute à un pays, ses habitants expriment toujours la fierté d’appartenir à leur pays, à une nation. Certainement parce que l’être humain a besoin d’attaches et de territoire pour remplir sa vie. Il a besoin de se réclamer de quelque part. Pourtant, qu’est-ce qu’un pays dans ce siècle : un territoire suffisamment grand où au nom de la démocratie des millions de personnes remettent toutes les décisions concernant leur vie, même jusqu’à ce qu’ils auront à manger, entre les mains de quelques individus. Tout cela sans savoir ce que ces derniers en feront.

Mais où est le pays si même le type de nourriture que nous mangeons, le type d’habits que nous portons, de rapports humains que nous construisons, sont dictés par des considérations économiques et des politiques de propagandes extérieures ; devant une impuissance acceptée par nos représentants. La consommation du riz importé, devenu l’un des produits les moins chers du marché, démontre que nous avons à peine le choix de ce que nous mangeons.

Ainsi donc le fantôme de pays que les dirigeants du monde ont créés. Et on attend toujours de la politique des réponses. Et l’on s’étonne que la distribution de postes suive une logique de partage politique ; loin de nos préoccupations.

Priva KABRE

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Vos commentaires

  • Le 21 mars 2018 à 08:05, par CONTENT En réponse à : Politique et salut du peuple : Une antinomie !

    Très bel écrit. Il appartient aux populations de prendre leurs destins en mains et d’arrêter de s’entre-tuer pour un politicien.

  • Le 21 mars 2018 à 10:43, par Fidel En réponse à : Politique et salut du peuple : Une antinomie !

    Merci pour l’éclairage mais je me dis qu’il faut une autre façon pour instruire nos populations parce que depuis avec la décentralisation on ne cesse de le dire chaque région a son destin en main pendant ce temps un individu demande toujours de l’autonomie tout simple dans sa tête il n’y a que trois mots ’’je veux manger’’

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