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Ouagadougou - Zam - Ouagadougou : La parole libérée de l’APAC

Publié le samedi 2 juillet 2005 à 08h19min

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Se retrouver seul homme dans un convoi de femmes est toujours source d’apprentissage. Surtout si l’on sait rester calme et attentif. Le 25 juin par le truchement de la 6e édition de Zam en fête, l’Association des professionnelles africaines de la communication (APAC) a fait le voyage Ouagadougou - Zam - Ouagadougou.

Dans les deux sens, beaucoup de thèmes ont constitué des points de débats. Quand les femmes sont entre elles, elles parlent. En roue libre.

Dans la lettre de convocation pour le départ pour Zam, il était expressément demandé aux membres d’être au ministère de l’Information à 6h30. Le départ certainement était prévu pour 7h. A 6h45, un grand nombre des membres étaient déjà là. La présidente, en bon capitaine également. Le car était sur place, il ne restait plus qu’à charger des postes de radio. A 7h, plus de place. Juste après le décollage, la présidente s’enquiert des raisons de certaines absences.

Alors que le car quitte le ministère, elle appelle un des membres influents qui avoue se trouver à la gendarmerie. Il faut donc attendre dit la présidente. Certaines ne sont pas forcément de son avis « car depuis 6h30 on est là ». Et puis, renchérissent d’autres « on n’a pas bien dormi puisqu’il fallait se lever tôt ». Tout rentre dans l’ordre quand la retardataire arrive.

A première vue, l’APAC compte vraiment de nombreuses adhérentes. Il y a les anciennes. Dans le milieu, on les appelle les « Koro ».

Il y a les jeunes. Et il y a les « bleues ». Celles qui se retrouvent avec leurs consœurs pour la première fois.

Elles ne sont pas intimidées. Au contraire. « Ça » se parle vraiment en consœur. La présidente est désignée sous le sobriquet de « prési », pas de vous. A peine avons-nous emprunté la nationale 1 Ouagadougou - Koupéla que le premier couac survient. La fermeture éclair d’une militante cède. Il faut parer au plus pressé. L’infortuné a une parente à Dassasgho, un détour permet rapidement de remettre les pendules à l’heure et donc de poursuivre le trajet.

Alors que le chauffeur ne roulait qu’à 40 km/h seulement, une voix s’élève et lui intime d’aller doucement. Ce qui provoque un rire général dans le car. Les regards se tournent vers la plaignante et lui donnent raison. Le chauffeur quelques instants plus tôt avait été contraint à opérer un freinage forcé.

Au péage, un petit débat. On paie ou pas, demande la présidente. La réponse est nette. Non on ne paie pas. Le chauffeur aussi, silencieux depuis se mêle à la discussion et avoue « qu’avec l’ordre de mission et le fond rouge, on n’a rien à payer ».

Le premier débat porte sur les prochaines activités. Les femmes sont prévoyantes comme on le sait. Pour les sorties, Kaya est ciblé. « Il faut qu’on parte voir le gouverneur », dit une adhérente à la présidente.

Pour la sous-région, les communicatrices visent le Ghana, le Niger ou le Bénin. Mais l’heure n’est pas encore à cette étape. On glisse alors sur la musique, plus précisément sur le « Mola ». Il parait qu’il est en prison, il a braqué une banque et on l’a arrêté, lance une communicatrice.

Avant d’achever son explication, sa voisine lui fait remarquer de faire attention aux ragots. « On est tous victime de ce genre de propos », dit-elle avant de conclure « qu’il faut avoir peur du Ouagalais ». Sur ce même registre, une autre avoue que les AS DJ ont tous grossi. Au chauffeur, il est demandé de jouer Yoni ou Ahmed Smani. Il n’y a pas de choix puisque celui-ci n’a que Yoni. Il faut donc faire avec. Nous sommes à Nagreongo le fief de Issa Bikienga.

Mon véhicule a des problèmes

Mais solidarité féminine oblige, une militante se souvient de Aïssata de Nagreongo. « Cette petite paysanne qui bien que ne connaissant pas Ouagadougou s’est retrouvée aux Etats-Unis d’Amérique ».

Que devient-elle d’ailleurs. Elle est vite corrigé. Non Assita n’est pas d’ici, elle est à Zincko. D’ailleurs, je me prépare à faire un reportage sur ses activités. Le car ressemble plutôt à un marché maintenant. Les femmes des premiers sièges, du milieu, du fonds, chacune y va de son commentaire sur tout et rien. Yoni demandé est maintenant joué.

La chanson fétiche est reprise. Même que des refrains sont traduits à l’endroit de celles qui ne parlent pas (bien) le mooré. Au vu du paysage vide, déboisé, d’une voix naturelle, une (nouvelle adhérente) affirme que les « parents sont venus gâter le coin et ont dû migrer ailleurs ». Une « provocation » que personne ne relève. Au fond du car, et cela est la raison du déplacement massif des communicatrices vers Zam, se trouvent des postes radiocassettes flambant neuf. L’Association des professionnelles africaines de la communication avait pris l’engagement en 2004, de doter chaque groupement féminin du département de Zam en poste radio.

Pari tenu donc en ce jour 25 juin. Douze radiocassettes sont ainsi convoyées à Zam, département de la province du Ganzourghou qui célèbre la sixième édition de Zam en fête. Les fils de la région sont là. Des plus anonymes aux plus connus.

La cérémonie est longue. Même très longue. Débutée aux environs de 10h, ce n’est qu’à 13h qu’elle prend fin. Il faut songer au retour. Dans le car, une intruse. Elle parle de la présidente comme d’une amie. Elle finit par dire qu’elle prend la place de la présidente qui doit changer de véhicule. Ce qui bien sûr était faux.

L’ayant constaté, les femmes ont simplement prié d’aller se mirer ailleurs. Par contre, une membre qui, pour cause de reportage n’a pas pu venir avec « ses sœurs » a forcé pour les rattraper. Les accolades sont « partagées » comme de petit pain. Les salutations tonitruantes aussi. C’est vraiment la gaieté. Le retour sera marqué par une escale dans un campement de pèche, de chasse et de tourisme. Les communicatrices y sont bien reçues. Quelques merguez, du jus de bissap et de gingembre servis à l’arraché. Et maintenant, Ouagadougou nous voilà. Les femmes sont plus free. Elles parlent de tout. Il n’y a plus de tabou.

D’abord, les compliments pour la belle robe. Réponse de la concernée, « ce n’est pas un prêt -à -porter. C’est un tailleur, mais il est faux ». Vigilantes comme des Sioux, elles remarquent que le dépliant qui sert de carte de visite au campement a oublié de parler d’un de nos Etats voisins. « Il faut qu’elle rattrape ça sinon ce n’est pas bien ». Et puis le débat glisse vers un sujet « croustillant ». Les hommes. Ah les hommes ! Aurait certainement crié Bintou Coulibaly. Nos consœurs ne cherchent pas loin. Puisque parmi leur confrère, il existe des faux. Tel ce « grand frère faux type » qui ne sait que rouler les gens.

C’est à cause de lui qu’un tel a connu des problèmes. Maintenant, il se cache bien toute honte bue. Un autre regret, « il ne travaille même plus ». Un peu réveillée de sa somnolence, une autre enfonce « lui-là non, il s’occupe de lui-même et ne laisse personne. Pas même ses propres collègues ». Ah les femmes. « Maintenant, c’est une artiste-musicienne qui est vouée aux génomies. Elle se prend pour qui.

C’est vrai qu’elle est active au plan familial, mais ses propos sont pleins d’inconséquences quand on sait qu’elle passe son temps à flirter avec les hommes-mariés ».

Sans commentaire. Un véhicule vient à dépasser le car. Le débat se déporte sur les véhicules. « Ce sont les voitures des secrétaires généraux ». « Ils sont gâtés » « Moi, ma cousine est préfet, elle est sans moyen de locomotion.

Ce n’est pas bon », dit une militante. Du coup, elle se rappelle que son véhicule a des problèmes de freinage. « ll faut que je paye des pneus », dit-elle. Ouagadougou n’est plus très loin. Yoni est réclamé. Ce doit être la 4e fois. En attendant, c’est un tube des années 80 qui passe.

Les anciennes se rappellent leurs 18 ans, évoquent les grands moments. « Mes enfants aiment les vieux tubes ». On est « koro » mais il y a des dinosaures. « On a mis la honte sur elles au cinquantenaire du K.N », déclare cette ancienne.

On revient sur l’esthétique

Pour avoir les pieds lisses, j’utilise du citron.

Ça donne aux pieds l’aspect des mains. C’est vrai, rétorque une autre qui en plus du citron affirme y ajouter du jus de tomate. Je ne connaissais pas ça sursaute celle qui avait donné la « recette ». Moi j’utilisais le caillou mais ça n’aide pas. Pourquoi nos mamans au village ne prendraient pas elles aussi le citron ! Question qui engendre une réaction vive.

Attention, le citron en ville est un luxe. Ce n’est pas donné à tout le monde d’en acheter.

Les bonnes. Ah les bonnes. La mienne est vraiment bête. Ma bonne m’a dit qu’elle ne comprend pas le double emploi qu’on leur propose. Comment peut-on demander de laver une cuillère et de l’essuyer, de balayer la cour quand elle n’est pas sale, lance une qui avait gardé le silence. Chacune part de son expérience.

Même qu’on en rit. Ce sont des paresseuses, sans pitié dit une militante qui étaye ses propros par « quand elles veulent vous quiter, elles partent sans crier gars ».

A 16h50, le car était bel et bien au cabinet du ministère de l’Information son lieu de départ.

Les premières responsables de l’APAC profitent tenir une petite réunion. Le devoir de solidarité, d’assiduité est demandé à chacune.

Aujourd’hui, c’était bien. Mais on peut mieux faire. Gardons le contact. C’est le dernier mot de la présidente. Ah les hommes ! Tous pareils.

Jean Philippe TOUGOUMA (jphilt@homail.com)
Sidwaya

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