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Toukoumnogo Pascal Kaboré de la troupe warba de Mogtédo : “Un homme qui n’est pas wacké n’est pas un homme”

Publié le samedi 2 juillet 2005 à 08h29min

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Sidwaya Plus : Présentez-vous à nos lecteurs ?

Je m’appelle Toukoumnogo Pascal Kaboré. Mais mon vrai nom est Bilwiugu. La vieille mère Bilwiugu s’est laissée aller au plaisir pour devenir Bilbegre.

S.P. : Expliquez-vous davantage ?

T.P.K. : Cela veut dire en termes moins allambiqués que lorsque vous éprouvez un malin plaisir à battre vos camarades, vous allez croiser quelqu’un d’apparence faible, mais qui vous fera voir de toutes les couleurs.

Ensuite c’est comme un homme qui a pris l’habitude de tuer ses semblables et qui croise un plus dur que lui. Ce qui lui reste à faire, c’est de prendre la fuite. S’il insiste, c’est lui qui va plier. C’est pourquoi on dit que c’est la vieille mère Bilwiugu qui prend goût et qui va à la rencontre de Bilbegre.

S.P. : Peut-on dire que cette appellation vous est dédiée ?

T.P.K : Oui. C’est bel et bien de moi qu’il s’agit.

S.P. : Est-ce à dire que vous êtes un dur à cuir ? Ou simplement est-ce un surnom ?

T.P.K. : C’est certainement un surnom. Mais nul ne peut porter un surnom qui ne lui colle pas tant soit peu. Je veux dire que tout surnom renvoie à une réalité et fait que celui ou celle qui le porte n’est pas moins une icône. Une réalité de ce surnom. Il faut donc, selon moi, que chacun à chaque étape de sa vie se trouve un surnom qui symbolise ce qu’il est.

S.P. : Vous êtes donc à ce niveau de défiance ?

T.P.K. : Peut-être pas. Mais je vous dis que c’est un surnom traditionnel. Mieux un surnom issu des us et coutumes de chez moi. Ce surnom fait que dans le terroir où vous évoluez, vos semblables savent que vous êtes un homme. C’est-à-dire quelqu’un de bien préparé pour parer à tout.

S.P. : Dans quel secteur d’activités évoluez-vous ?

T.P.K. : Je suis un cultivateur primo, secundo au niveau de Ganzourgou, c’est moi le « patron » du warba. Je suis le maestro, celui qui est devant. Disons le premier.

Il y a de nombreuses personnes qui évoluent dans le domaine du warba. Mais en ce qui me concerne, personne n’a jamais été devant moi, ce, depuis les 14 années que je suis dans le warba. J’ai promené ma bosse partout. Au Burkina j’ai été à Ouagadougou, à Bobo-Dioulasso. Au plan international, j’ai joué au Ghana, au Bénin, au Togo, en Belgique, en Allemagne. En tout cas grâce au warba j’ai découvert des horizons insoupçonnés. Au plan national, je crois qu’il n’y a plus rien à dire.

S.P. : Relatez-nous vos débuts dans le warba ?

T.P.K : C’est un peu comme un legs. Je suis né et j’ai vu mes parents et même mes grands-parents qui dansaient le warba. Je me suis dit qu’il ne faut pas laisser diluer sa tradition. Nous avons donc décidé de suivre les pas de nos parents, d’accomplir notre part d’héritage car devant les générations futures, nous sommes garants de cette culture, de cette tradition et nous avons l’obligation de la perpétuer. Bien sûr en faisant en sorte d’en tirer un maximum de bénéfice.

S.P. : Ceux qui sont dans le milieu affirment que si vous n’êtes pas protégés mystiquement vous ne pouvez pas en faire partie. Est-ce exact ?

T.P.K. : Actuellement il y a un léger mieux. Il y a la tolérance cela grâce à l’éducation. Sinon dans les temps passés si tu allais au warba, tu pouvais être victime de projectiles invisibles qui peuvent causer ta mort. Tu peux également être « attrapé » par les sorciers ce qui causera ta mort dès ton retour à la maison. On peut également provoquer un ballonnement de sorte que tu portes atrocement les stigmates. De nos jours il existe cette forme de mysticisme mais avec moins de rependance. Aucun danseur de warba ne se laisse. Il lui faut se prémunir contre tout avant de se lancer dans cette danse.

S.P. : Cela s’applique à vous également ?

T.P.K. : En tout cas mon père ne s’est jamais laissé faire. Dans cette logique moi également je me suis préparé en conséquence avant de me lancer dans le warba.

S.P. : Tout cela mène à quoi ?

T.P.K. : L’homme c’est la protection, les gris-gris, le wack. Si un homme n’est pas wacké, ce n’est pas un homme.

S.P. : Sur quoi repose la force de votre wack ?

T.P.K. : D’abord sur le socle terrien puis nous avons ajouté d’autres mixtures.

S.P. : Contre quoi êtes-vous prémuni ?

T.P.K. : Si tu veux te lancer dans le warba, il faut consommer tout ce qui rejette les « missiles » invisibles, tout ce qui peut faire dévier ces « missiles » de leur destination finale. Tu dois également te protéger contre les sorciers. Si tu ne remplis pas toutes ces conditions, tu ne peux pas danser le warba. Si tu te lances dans cette danse, par moments on essaie de te provoquer pour voir ta réaction.

S.P. : Il était admis que le warba était la danse des hommes. Maintenant on trouve des femmes également danseuses ; qu’est-ce qui explique cette ouverture ?

T.P.K. : L’intrusion des femmes dans le warba n’a rien d’original. Je dirai plutôt que c’est une forme diluée du warba auquel elle s’adonne.

Aucune femme ne peut s’aventurer dans le warba de souche, le warba tel que nos parents et arrières-parents nous ont légué.

S.P. : Vous voulez dire qu’il existe deux types de warba ?

T.P.K. : Aucune femme ne s’approchait du warba originel. Lorsque les danseurs portaient leur accoutrement, il fallait que les femmes fuient. Ce qu’il nous a été donné de voir ou d’entendre, c’est qu’à l’origine si une femme voyait les danseurs, elle pouvait sur le champ voir ses menstrues quelle que soit la période.

S.P. : Peut-on dire que c’était une forme de méchanceté ?

T.P.K. : Qu’est-ce que vous croyez, avant il n’y avait que la méchanceté. Heureusement, actuellement c’est plutôt la course effrénée vers le gain facile. L’argent régente tout ou presque ; ce qui explique tant soit peu pourquoi on trouve des femmes danseuses de warba.

S.P. : Le warba vous a-t-il rendu riche ?

T.P.K : Honnêtement, je ne peux le nier, mais je ne peux pas non plus être catégorique. Si au départ, il était difficile d’avoir 25 ou 50 francs et que tu parviens à ériger une maison, tu peux t’acheter un vélo, nourrir ta famille, tu dois remercier Dieu.

S.P. : On remarque la présence des enfants dans le warba. Mais beaucoup plus comme danseurs que joueurs de cor. Y a-t-il une raison ?

T.P.K. : Chez moi, j’ai mes filles qui sont des danseuses de warba. De plus le petit dont vous parlez est mon propre fils. C’est parce que moi je joue à la flûte. Autrement, lui-même est un excellent joueur de cor. Mon premier fils également joue bien à la flûte.

S.P. : Est-ce à dire que vos enfants ne vont pas à l’école ?

T.P.K. : L’aîné est allé à l’école, y est resté juste quatre années avant de quitter. Le petit que vous avez vu lui est en troisième année (CEI).

S.P. : Dites-nous comment s’appelle l’instrument que vous jouez ?

T.P.K. : C’est la corne du bubale. Il a quatre cornes. On le trouve au parc animalier. Quand nous avons eu cette corne, nous l’avons remise à des experts qui l’ont rendue bien jolie, pour attirer les regards et les convoitises. J’ai cet instrument depuis près d’une décennie.

S.P. : Au cas où cet instrument se perd ou disparaît, comment allez-vous vous y prendre ?

T.P.K. : Si ça se perd, il faut que je sollicite la générosité des gens bien pour m’aider. Cette corne est très jalouse. Au moins sept cornes comme elle se sont déjà cassées, alors qu’elle est toujours intacte.

S.P. : Qu’est-ce que vous retenez de vos sorties au plan international ?

T.P.K. : Cela nous a davantage éclairés. Nous nous sommes rendus compte que les Européens conservent toujours leurs us et coutumes.

Ils sont plus riches que nous, ont plus de savoir que nous et en dépit de tout cela, ils sont toujours attachés à leurs traditions. Donc pour tout cela il n’est pas question pour nous d’abandonner nos traditions.

S.P. : Comment expliquez-vous le fait que la troupe warba d’Andemtenga soit sortie première à l’édition passée de warba de Zorgho ?

T.P.K. : Voyez-vous, si toujours tu es repu alors que ton voisin connaît la famine, ce n’est pas bien.

S.P. : Est-ce à dire que vous avez permis à Andemtenga de vous battre ?

T.P.K. : Ils savent eux-mêmes qu’il n’y a pas match entre nous. En tout cas dans le domaine du warba.

S.P. : Où se trouve l’origine du warba ?

T.P.K. : Prenez des informations de partout. Il vous sera dit que le Ganzourgou « tourtourou » est l’alpha du warba.

S.P. : Quel avenir pour le warba ?

T.P.K. : Rassurez-vous, le warba a un bel avenir. Personnellement moi j’ai deux troupes. J’ai seize enfants de 15 ans, des musiciens, des danseurs, de flûtistes qui sont là, prêts.

S.P. : Comment devient-on flûtiste de warba ?

T.P.K. : Voilà. Si vous décidez de suivre les pas de votre aîné dans une activité donnée, si vous y mettez de l’entrain, il n’y a pas de raison que vous ne réussissiez pas. C’est également comme une destinée. Vous ne pouvez pas vous échapper.

S.P. : Etes-vous également bon danseur ?

T.P.K. : Moi ! Mais j’ai commencé comme danseur d’abord. Puis j’ai suivi mon aîné dans la flûte.

S.P. : Combien de femmes et d’enfants avez-vous ?

T.P.K. : Deux femmes et dix enfants grâce au warba, j’ai construit, j’ai des parcelles. Voici pourquoi je dis Mba warba. Nous souhaitons une aide des autorités.

S.P. : Votre tenue sort de l’ordinaire pourquoi toutes ces amulettes ?

T.P.K. : C’est la tradition. Un danseur de warba ne peut pas se produire sans ses amulettes, parures, les plumages d’oiseaux.

Jean Philippe TOUGOUMA (jphilt@hotmail.com)
Sidwaya

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