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Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

Publié le mercredi 17 janvier 2018 à 15h42min

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Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

Mais pourquoi donc Thomas SANKARA est-il si présent plus de 30 ans après sa disparition, dans l’esprit et les ‘‘discours’’ de bien d’africains en général et de burkinabè en particulier ? Qu’a-t- il de si particulier cet homme (mises à part ses limites objectives et ses erreurs en tant qu’humain et acteur) pour que mêmes les anciens ‘’réactionnaires’’ soient devenus ‘‘sankaristes’’ en tout cas dans les discours ?

De notre humble avis, ce qui différenciait/différencie encore le père de la révolution burkinabè de bien de ses pairs africains aussi bien de son temps que des temps qui lui sont antérieurs et postérieurs, c’est qu’il avait une vision pour son pays, vision qu’il a pu/su particulièrement communiquer à ses concitoyens. Il faisait/fait partie des rares leaders qui avaient/ont compris qu’avant d’avoir un programme pour sa société, il fallait d’abord avoir une vision. Il avait intériorisé avant l’heure cette conviction du Pr Joseph KI-ZERBO pour qui « Beaucoup de dirigeants africains ne savent pas où ils vont, où ils conduisent leurs peuples. » C’est la vision qui inspire un programme et le porte aussi bien pour les individus que pour les peuples.

Nous n’avons pas la prétention de connaitre l’homme encore moins tous ceux qui ont dirigé ou qui dirigent actuellement les Etats africains. Il ne s’agit pas non plus d’une ambition de vouloir apporter des réponses à toutes ces grandes questions. L’exercice auquel nous osons nous prêter dans cette réflexion n’est qu’une interrogation d’une célèbre formule de cet homme que l’Afrique et le monde n’ont pas fini de découvrir : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons.

C’était toute une vision, sa vision à lui pour son pays, pour l’Afrique, un rêve, diront les américains. En réalité, toute la politique du jeune capitaine était inspirée par cette conviction que le Burkina Faso ou l’Afrique ne trouvera son salut que par lui-même (ou par elle-même), en produisant ce qu’il/elle consomme et en consommant ce qu’il/elle produit, en assumant ainsi son indépendance sur tous les plans.

Cette façon de percevoir l’avenir du pays des hommes intègres et du continent noir va inspirer le Discours d’Orientation Politique (DOP) du 02 octobre 1983 dans lequel Thomas SANKARA annonçait clairement que la Révolution d’août « … a pour objectif final l’édification d’une société voltaïque nouvelle au sein de laquelle le citoyen voltaïque animé d’une conscience révolutionnaire sera l’artisan de son propre bonheur, un bonheur à la hauteur des efforts qu’il aurait consentis. Pour ce faire, la révolution sera, n’en déplaise aux forces conservatrices et rétrogrades, un bouleversement total et profond qui n’épargnera aucun domaine, aucun secteur de l’activité économique, sociale et culturelle.

La révolutionnarisation de tous les domaines, de tous les secteurs d’activité, est le mot d’ordre qui correspond au moment présent. Fort de la ligne directrice ainsi dégagée, chaque citoyen, à quelque niveau qu’il se trouve, doit entreprendre de révolutionnariser son secteur d’activité. » C’est cette même perception/position qui va inspirer l’essentiel de ses discours. On remarquera que très peu de leaders africains ont eu son approche qui a consisté à prononcer des discours exclusifs sur l’éducation, l’environnement, la santé etc. Il est très difficile de trouver un seul secteur porteur de l’espoir du développement du Burkina Faso auquel Thomas SANKARA n’a pas consacré au moins un discours, pas seulement à l’occasion d’une inauguration ou d’une ouverture/clôture d’une rencontre/session de formation, mais pour exprimer sa vision.

Ainsi, produisons ce que nous consommons n’est pas une simple formule lapidaire, mais toute une vision sur l’éducation, la santé, l’environnement, l’agriculture…Produisons ce que nous consommons suggère une réforme du système éducatif burkinabè afin de former le citoyen dont le Burkina Faso a besoin. Produisons ce que nous consommons équivaut à former des agriculteurs et des éleveurs capables de développer leurs secteurs conformément à nos réalités et perspectives. Produisons ce que nous consommons appelle la formation d’agents de santé proches des communautés et répondant à leurs attentes.

Produisons ce que nous consommons renvoie à la formation d’une armée en phase avec le peuple et des exigences du peuple, apportant de la plus-value dans la volonté du peuple d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Produisons ce que nous consommons signifie en un mot former dans tous les secteurs, les hommes dont la nation a besoin et non des acteurs en total déphasage avec les réalités, les besoins et les perspectives du pays. S’agissant de l’école par exemple, pour SANKARA, « Les contenus des enseignements ne renvoient à aucune réalité burkinabè. Ils restent théoriques, abstraits aux réalités nationales et cultivent chez l’élève le goût pour le travail bureaucratique et le mépris pour le travail manuel productif. Ce qui conduit à une distorsion permanente entre l’école et la société. » et que par conséquent, « l’éducation donnée dans cette école est contraire aux nobles traditions humanitaires de solidarité communautaire de nos ancêtres. Cette école forme des individus mus par une recherche forcenée du profit individuel, égoïste, au détriment de celui de la collectivité. »

Produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons n’est pas du sectarisme, encore moins un repli identitaire ou une volonté de se marginaliser, de rivaliser avec ou de nier le reste du monde. Il s’agit de former le burkinabè/l’africain capable de prendre son destin en main, d’entrer en relation avec l’autre, de s’affranchir de toutes les incertitudes et de s’adapter à l’évolution du monde. De former le burkinabè/l’africain capable de se construire une identité lui permettant de rencontrer l’autre et d’apporter à l’autre sa part d’humanité. Un individu ou une société incapable de cerner ses réalités et ses besoins, de résoudre ses propres contradictions, de répondre pleinement à ses propres interrogations et de se projeter ne peut rien apporter à l’humanité.

Le président Thomas SANKARA, au-delà des burkinabè, voulait inviter tous les peuples africains/opprimés à travers le monde, à prendre conscience que leur émancipation/progrès/épanouissement ne viendra pas d’ailleurs mais d’eux-mêmes, de leur volonté/capacité à renoncer à la dépendance. C’est, il nous semble, tout le sens de cette célèbre formule de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons.

BOUBACAR Elhadji
Inspecteur de l’Enseignement du 1er Degré à Dori
Mail : boubacar.elhadji@yahoo.fr
Tél :70 10 05 50/78 64 08 70

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Vos commentaires

  • Le 17 janvier 2018 à 17:32, par Amadoum En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    "Produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons !"
    Dans cette phrase simple mais tres profonde du president Sankara se trouvent le salut du Burkina Faso et celui de tout le contiment Africain. Le malheur, c’est que nous l’aurons compris tard, sinon trop tard. Et comme M. Boubacar Elhadji l’a si bien relate dans son article, la phrase.est applicable a tous les aspects de notre societe.
    Si les aides bilaterales ou multilaterales pouvaient aider au developpement, les pays Africains ne seraient pas ou ils sont auhjour’dhui.
    Et maintenant que le president amercain nous a traites de continenent "merdier", n’est-il pas temps pour nous de faire appel a notre amour propre et dignite ?

    Merci M. Boubacar Elhadji pour un article bien ecrit !

  • Le 17 janvier 2018 à 19:30, par Insurescroquerie En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    Tous les jours les burkina-bêêêêêêêêêês se réunissent devant du jus de houblon produit par l’impérialisme pour insulter l’impérialisme tout en enrichissant l’impérialisme. Quelles incongruités ? Il y a même des "rastamen" qui font sponsoriser leurs festivals par une grande marque de jus de houblon. Allez y comprendre quelque chose. Le nom de Sankara n’est qu’un fonds de commerce qui a enrichi, qui enrichit et qui enrichira les nécrophages sans scrupules. Insurescroquerie, quand tu nous tiens !!!

  • Le 18 janvier 2018 à 09:20, par calmos En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    Bel article et analyse pertinente , Salut à toi mon type dans ton Dori profond

  • Le 18 janvier 2018 à 10:07, par Le revenant En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    Nous avons besoin d’un centre de formation où on enseignera la vision de THOMAS SANKARA sur le développement et de l’émancipation des pays africains. Merci M. Boubacar

  • Le 18 janvier 2018 à 10:51, par Le citoyen En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    Tout est dit en 11 mots seulement. Si les intello pouvaient se l’approprier et si la population pouvait les écouter. Pour l’image de l’article, j’espère au moins que la costume est produit avec du coton de chez nous !!!

  • Le 18 janvier 2018 à 11:02, par Dave En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    Merci M. l’inspecteur pour ce message de conscientisation du peuple.

  • Le 18 janvier 2018 à 11:43, par Kompaoré Adama En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    Bonjour

    Très belle analyse qui hélas fait peur à nos dirigeants actuels. Leurs intérêts égoïstes priment sur tout alors prions Dieu afin qu’il éclaire nos enfants pour un Burkina meilleur et construit à partir des idées de feu le président Thomas SANKARA

  • Le 18 janvier 2018 à 11:57, par Péra En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    Bel analyse ,Sankara était accroché a la liberté et à la dignité des peuples, et sa vision pour atteindre était de produire et de consommer Burkinabè. Cette vision est suffisante pour en faire un programme politique.Les Burkinabè doivent se réveiller.

  • Le 18 janvier 2018 à 12:22, par Ragommian En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    Bel article qui décortique de long en large la citation de Thom Sank : "Produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons !" Si nos dirigeants pouvaient s’en inspirer. Mais hélas.....

  • Le 18 janvier 2018 à 16:49, par fc En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    "produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons". Oui, mais, faut-il encore produire sans s’empoisonner avec les pesticides produits par les multinationales ? produire sans OGM pour respecter le principe de précaution. Produire sans détruire l’environnement ! produire pour une nourriture saine et nutritive sans résidus de pesticides et autres produits chimiques qui nous tuent à petit feu comme les cancers, etc. Produire sans détruire la biodiversité ! Produire en comptant d’abord sur nos propres ressources et réduire au maximum les importations massives de vieux riz par exemple et, d’intrants dangereux et de mauvaises qualités. Soutenons des entreprises artisanales capable de produire nos propres intrants comme le compost pour fertiliser nos sols.... Voilà, le sens profond de l’idée de Sankara qui voulait faire de Pierre Rabhi son ministre de l’agriculture. Si cela avait été le cas, le Burkina aurait aujourd’hui un tout autre visage. Il suffit d’ailleurs de voir Cuba qui nourrit sainement sa population grâce à l’agroécologie. Arrêtons de rêver avec les oeillères des occidentaux qui pillent nos richesses comme notre or et ne profitent pas à la population empoisonnée !

  • Le 18 janvier 2018 à 18:09, par Afrique Consciente En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    « Il faut s’assurer que nos populations deviennent autonomes sur le plan économique, il faut développer nos industries pour éviter d’importer des produits alimentaires ou tout autre article, surtout de l’Europe » a-t-il noté. Et d’ajouter : « Je propose qu’on change de paradigme et que nous essayions de nous spécialiser dans les différents domaines industriels ». Il a par ailleurs soutenu que chaque pays africain devrait se spécialiser dans un domaine précis.

    Pour lui, l’Afrique doit forger son propre paradigme de développement pour satisfaire et répondre au mieux, aux besoins des populations.
    Le spropos ci-dessus sont du president du parlement ghanéen en visite à Kossyam ; si j’ai fait le choix de ces propos, c’est pour dire que ce que notre cher Inspecteur fait comme travail d’éveil des cosnciences des africains, est une énorme contribution ; Il vient le moment où nous allons atteindre la masse crititique des africains sous tous les cieux qui vont s’élever contre cet ORDRE international INIQUE.
    A travers le continent et ailleurs, les africains de plus en plus comprennent que l’ordre international établit ne l’est qu’a son seul détriment.
    Pour citer un grand de la conscience africaine noire STEVE BANTOU BIKO qui disait que "l’arme la plus puissante aux mains de l’oppresseur est l’esprit de l’opprimé", ainsi, la déconstruction du paradigme dont le president du parlement ghanéen fait état, c’est ce changement de la mentalité des futures générations d’africains pour qu’ils aient la pleine confiance en EUX-MEMES ;qu’ils n’aient plus de reperes que leurs HEROS depuis Chaka ZULU en passant par Samary Touré, Toussaint Louverture et toute cette quirielle de nos Héros que nos enfants ignorent faute d’un système éducatif conçu par nous et pour nous.

  • Le 20 janvier 2018 à 08:47, par SOME En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    Valère somé, le seul qui osait porter publiquement ces vraies valeurs, soit mort. Il en existe d’autres mais qui n’ont pas le courage ou la capacité de réagir si publiquement et de façon profonde et constante et avec tant de sacrifices et de conviction, car ne nous leurrons pas, ils le savent bien, on ne va pas les rater, ni les ménager.
    Le sankarisme se meurt par manque de leader qui incarne aux yeux du peuple la vraie vision de thomas sankara, laissant les réactionnaires et assassins de la révolution, avoir le culot d’utiliser les idées de sankara alors même qu’ils ont passé leur vie à les détruire. Il faut une refondation profonde au sein des sankaristes : ce sankarisme est devenu un ramassis de tout et n’importe quoi car certain vu la stature des idées de sankara, ne nourrissent autre chose que chercher de la notoriété et des postes, sans aucune perspective ni pour le pays ni pour l’Afrique et sans rien comprendre même aux idées de sankara. Vous comprenez tres bien les implications et les enjeux d’une sommité mondiale (et je le dis à dessein) qu’est thomas sankara. Félicitations mon frère. Vous êtes une preuve que sankara n’est pas mort.
    SOME

  • Le 22 janvier 2018 à 05:26, par RAKISWEND de Koudougou En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    prochainement, je souhaite te voire en Faso Danfani - assis dans une chaise conçue au Burkina et produit par l’artisanat Burkinabè ! ton article est correcte !

  • Le 8 février 2018 à 14:11, par Kidevine@gmail.com En réponse à : Le rêve africain de Thomas SANKARA : produisons ce que nous consommons et consommons ce que nous produisons

    Le vert est déjà dans le fruit et il nous faut des hommes nouveaux pour une afrique réellement indépendante ; ceci dit,comment comprendre que la plupart des pays de l’Afrique centrale, la classe bourgeoise ne consomme uniquement que ce qui vient de l’Europe . j’invite les jeunes de tout le continent à se réveiller pour extirper ce vert qui suce notre sang.

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