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11e Conférence ministérielle de l’OMC : Le model multilatéral menacé

Publié le dimanche 7 janvier 2018 à 22h48min

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11e Conférence ministérielle de l’OMC : Le model multilatéral menacé

Du 10 au 13 décembre dernier, Buenos Aires la capitale d’Argentine a abrité la 11e Conférence ministérielle de l’Organisation Mondial du Commerce. Ce sommet bisannuel, très attendu, surtout des Pays les moins avancés qui espéraient des décisions fortes allant dans le sens de la conclusion du programme de Doha pour le développement lancé en 2001, a rassemblé les ministres du Commerce des 164 pays membres de l’organisation.

La 11e Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) de la mi-décembre 2017 était dédiée, entre autres, à la réglementation encadrant le e-commerce, à la facilitation de l’accès aux marchés étrangers pour les PME, à la transparence des échanges internationaux. Près de 4000 délégués venus des 164 pays membres de l’OMC, mais aussi des observateurs, ainsi que des représentants de la société civile, des entreprises et des médias internationaux, ont été témoins de ce qui apparaît désormais comme une bipolarisation des débats, avec d’un côté les pays développés et de l’autre les pays en voie de développement y compris les pays les moins avancés. A l’ouverture de la conférence, plusieurs pays participants ont signé la déclaration dite « Déclaration de Buenos Aires ». Les objectifs poursuivis par cette déclaration qui sont d’améliorer les conditions de vie des populations, de parvenir au plein emploi et d’augmenter la production et le commerce des biens et des services demeurent tous aussi pertinents car, contribuant en même temps à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD).

C’est donc dire l’espoir que tous les membres de l’OMC semblaient nourrir au lancement du cycle de négociation de Doha qui, faut-il le souligner, visait à réformer en profondeur le système commercial mondial, pour améliorer les perspectives commerciales des pays en développement.

Le multilatéralisme, la « meilleure » option

« Chacun de nous, a besoin de faire des concessions en faveur du bien commun, et tant que nous faisons cela, nous en bénéficierons tous », avait relevé le président argentin, Mauricio Macri, qui met en garde contre le piège de la « primauté de l’intérêt national ». Poursuivant, il a déclaré que les problèmes de l’OMC ne peuvent être résolus qu’avec « plus d’OMC, et non moins d’OMC ». De l’avis du président argentin, le multilatéralisme est le meilleur moyen de tirer parti des possibilités qu’offre le commerce international et d’en relever les défis. En outre, il a insisté sur l’importance de préserver et de renforcer le système commercial multilatéral afin de promouvoir un commerce fondé sur des règles, transparent, inclusif, non discriminatoire et équitable.

Le Burkina plaide pour une mondialisation à visage humain

Le ministre du commerce Stéphane Sanou lors de sa déclaration

Prenant la parole, le ministre en charge du Commerce, Stéphane Wenceslas Sanou a, quant à lui, affirmé que « pour que la onzième conférence soit une réussite, les membres devront faire preuve de la flexibilité nécessaire dans leurs positions afin de favoriser un rapprochement des points de vue concernant des accords commerciaux importants et qui sont désormais à notre portée ». Raison pour laquelle, du haut de la tribune, il a lancé un appel à tous les membres pour que, tous, ensemble, ils œuvrent conjointement à l’adoption de politiques commerciales conformes aux règles de l’OMC. En retour, le ministre Sanou a réaffirmé l’engagement du Burkina Faso et son attachement « à une mondialisation à visage humain, plus juste, plus équitable et capable d’apporter à nos sociétés le développement inclusif et durable dans un monde solidaire et prospère ».

Le multilatéralisme au cœur des ODD

Conscient du danger que pourrait représenter un retour du protectionnisme, les dirigeants du monde sont unanimes que l’enracinement plus profond du multilatéralisme est nettement perceptible dans les ODD. L’ODD 17 stipule notamment qu’il faut « promouvoir un système commercial multilatéral universel, réglementé, ouvert, non discriminatoire et équitable sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce, notamment grâce à la tenue de négociations dans le cadre du Programme de Doha pour le développement ».

Egalement, parmi les actions envisagées pour atteindre l’ODD 2, « éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable », il est évoqué la nécessité de corriger et prévenir les restrictions et distorsions commerciales sur les marchés agricoles mondiaux, y compris par l’élimination parallèle de toutes les formes de subventions aux exportations agricoles et de toutes les mesures relatives aux exportations aux effets similaires, conformément au mandat du Cycle de développement de Doha.

Divergences sur la conclusion du cycle de Doha

De l’avis de certaines délégations, le mandat de Doha est obsolète. Pour elles, il faut aller vers de nouvelles questions, notamment celles liées au commerce électronique et à la facilitation des investissements. Les pays en développement, eux, disent le contraire : « les questions traitées par le Cycle de Doha à savoir l’agriculture, avec des mesures de réduction de toutes formes de soutien ayant des effets de distorsion sur les échanges, sont tout simplement vitales. Il en est ainsi du coton pour de nombreux pays dont le Burkina ».

Selon les statistiques du commerce international, le coton africain qui constitue près de 70% des recettes d’exportation de certains pays, avec une transformation locale insignifiante, ne représente pas plus de 2% du commerce mondial de ce produit. « Cela illustre éloquemment toute la fragilité des économies de ces pays dans le système commercial multilatéral. Il est indéniable que ces pays bénéficient beaucoup de l’assistance de leurs partenaires au développement à travers l’aide au développement. Cependant, nous restons convaincus que la meilleure façon de les aider aujourd’hui est de favoriser l’accès de leurs produits au marché international pour leur permettre de tirer légalement meilleur profit. Nous disons oui au commerce et non à l’assistance indéfinie », a indiqué le porte-parole des quatre pays dits co-auteurs de l’initiative sectorielle en faveur du coton, le ministre malien du Commerce Abdel Karim Konaté

Une réduction du soutien interne, condition vitale pour la filière coton

S’inscrivant dans cette lancée, le Premier-ministre malien a relevé qu’« aujourd’hui encore, et malgré tous les efforts du C-4, plus de 70% de la production cotonnière bénéficient des soutiens internes accordés majoritairement par des pays développés et des pays en développement de l’OMC. Cette pratique produit autant d’effets de distorsion sur le prix du coton que la subvention à l’exportation ou tout autre pratique commerciale similaire ». Puis à Abdoulaye Idrissa Maïga de marteler : « Vous connaissez pourtant les graves conséquences sur les économies et la vie sociale des populations de nos pays. Vous connaissez pourtant aussi les statistiques incontestables qui plaident largement en notre faveur, vous savez fort bien qu’une réduction significative immédiate, voire totale à terme, du soutien interne est une condition vitale pour la filière coton qui se meurt à petit feu dans les PMA. Alors, osez ! Faites-le ! Maintenant ». Pour lui, un résultat significatif sur le soutien interne au coton en négociation « sera alors un signal conséquent et une grande satisfaction pour la 11e Conférence ministérielle qui pourra alors prétendre qu’elle a accompli son devoir et atteint ses objectifs ».

Absence d’engagements communs ambitieux

Contrairement aux deux dernières Conférences ministérielles, organisées à Bali en 2013 puis à Nairobi en 2015, qui ont abouti à la conclusion des accords sur la facilitation des échanges et la suppression des subventions aux exportations agricoles, celle de 2017 n’a enregistré aucune avancée sur l’agriculture en général et le coton en particulier, ni même sur aucune des questions de fond qui étaient à l’examen. A contrario, les résultats obtenus marquent une ouverture vers un système commercial bilatéral ou plurilatéral privilégiant des accords sectoriels entre pays partageant les mêmes points de vue et intérêts. Néanmoins, les Ambassadeurs à Genève poursuivent les négociations au sein de l’OMC en établissant un programme de travail pour les deux années à venir.

Aïssata Laure G. Sidibé (Lefaso.net) avec Mathieu Bonkoungou
Ambassade Mission permanente du Burkina à Genève

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