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Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

Publié le mercredi 27 décembre 2017 à 15h18min

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Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

La question de la réforme de l’Administration burkinabè est un serpent de mer qui ne finit pas, non seulement, de s’enrouler autour de la problématique du développement de notre pays, mais surtout de le freiner. Jusqu’à ce jour, les réflexions, actions et ressources multiples engagées dans le processus n’ont jamais permis de voir le bout du tunnel dans cette matière, puisqu’aujourd’hui l’administration est un chaos. Et pourtant la prise de conscience s’est faite très tôt et des actions salutaires initiées à temps, à l’image de celle de la période révolutionnaire.

Un processus révolutionnaire modernisé avec la RGAP et les TOD

La prise de conscience nationale sur la qualité de l’administration burkinabè est venue sous la révolution au cours de réflexions à Ouahigouya du 13 au 21 septembre 1986. C’était à l’occasion de la tenue de la toute première Conférence des Commissions du Peuple chargées des secteurs Ministériels (CCPM), instituée par le décret N°85-108/CNR/PRES du 02 novembre 1985 traitant des Structures Dirigeantes de l’Exécutif Révolutionnaire (SDER). Ces premières assises,consacrées à la « médication de la crise de l’administration », ont planché sur la « vie administrative en vue d’adopter une série de résolutions pour améliorer le fonctionnement de l’administration », à travers trois axes :

-  les structures administratives et politiques ;
-  les ressources humaines ;
-  la logistique.

Sur la question, la révolution adonné le tempo sur lequel s’est appuyé l’État pour initier les conférences annuelles de l’administration publique (CAAP) de 1991 et de 1993 pour engager la réflexion sur la modernisation de l’État.Le couronnement a pris la forme d’une Réforme globale de l’Administration publique (RGAP) en 1998 et des textes d’orientation de la Décentralisation (TOD) en 2000.

Une réforme mort-née avec la crise de Sapouy en 1998

À défaut de dirigeants visionnaires et engagés, d’un caractère participatif et d’une adhésion populaire, l’on sait qu’une réforme sociale est difficile à effectuer.C’est ce que vit par exemple la Franceet la cause son retard sur des pays comme l’Angleterre et l’Allemagne. Comme ici, les échecs des réformes s’expliquent parfois par cette insuffisance ou par la caducité des normes au moment de leur adoption puisque prenant rarement en compte les apports de la pluridisciplinarité académique.

Pourtant, la plupart de ces textes étaient assez pertinents et conformes à l’état des connaissances du moment en gestion publique.Mais, plus que la prise en compte de la pluridisciplinarité académique, c’est le drame de Sapouy et le supposé diktat international qui sont en cause ! Ainsi, le contexte sociopolitique de l’époque, la mauvaise foi des gouvernants, peut-être la faible culture administrative des syndicats et la colère du peuple n’ont pas permis de les mettre pleinement en œuvre.
Les oppositions ont porté sur la remise en cause de la flexibilité de l’emploi public, le principe d’évaluation et la rémunération.

L’application de la réforme et la restructuration de ces piliers, en dehors de toute étude d’impact et toute expérimentation préalable pour mesurer les effets sur les comportements des agents économiques dans la chaîne,ont transformé la RGAP en une réforme mort-née qu’est venue achever une loi no081-2015 qui restaure la fonctionnarisation de l’agentpublic, la remise en cause de principes essentiels de la nouvelle gestion publique et le retour à l’administration bureaucratique.

Un retard de trois générations de réflexion sur la modernisation

Sans avoir véritablement appliqué les innovations de gestion, dans leur plénitude, nous nous sommes retrouvés au bilan avec une évaluationbiaisée d’une réforme incomplète. Ni la flexibilité de l’emploi public, ni le statut de l’agent public, la conceptualisation et la pratique de la gestion publique et du gestionnaire public, n’ont vraiment progressées dans le droit burkinabè.

Pire, ils ne réapparaissentplus dans les nouvelles normes de la Fonction publique d’État. Pourtant, ce sont les éléments-clé de la modernisation des années 80 et 90. Les années 2000 étant celles de la nouvelle gestion publique que viendra soutenir la prochaine vague d’innovations pluridisciplinaires axées surles NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives).Résultat : au final, nous sommes en retard de trois générations de réflexion sur la modernisation de l’Administration.

Mais, à ce jour, ce qui est impérieux dans la reconstruction de notre administration, c’est l’action à exercersur la nature des interventions de l’Étatafin d’organiser scientifiquement l’action publique. C’est ce qui a manqué dans le processus de la loi no081-2015, d’où les externalités négatives traduites par les crises.

Une nouvelle norme créatrice d’externalités négatives

Dès sa mise en œuvre, les protestations ont conduit à une inflation normative sous forme de corrections discriminatoires en faveur de certains emplois, au milieu d’un mal général. Dans le principe d’une norme intelligente, qu’aurait dû être la loi 081 au regard des enjeux, il aurait fallu des études d’impact et une expérimentation pour voir si la nouvelle norme prend en compte les effets recherchés sur les comportements des agents concernés, dans leur contribution à l’économie, et si elle intègre les apports utiles d’autres sciences sociales, dans une logique d’efficience, de satisfaction des citoyens et de croissance économique.

Si cette loi est déjà contestée, malgré la forte implication des partenaires sociaux, on déduit que la démarche participative adoptée ici n’était pas la bonne. Au lieu de produire les effets attendus, elle a produit des externalités négatives, dont les effets non prévus sont la prolifération de statuts particuliers, de fonctions publiques parallèles, d’appétits de droits égoïstes, d’accords et conventions d’exemption et des crises sociales chroniques. Tout ceci ayant pour conséquence l’immobilisation de l’action publique sur de très longues périodes, donc une décroissance de l’économie.
Le vrai problème est que le Burkinabè n’est plus prêt à accepter la moindre rupture d’égalité, le moindre recul démocratique dans un contexte d’égalité devant la contribution fiscale. Or, les facteursjustifiant ces droits nouveaux en cause ne sont pas égalitaires.La faute aux hommes politiques qui n’ont pas écouté leurs techniciens, ou n’ont pas mis les hommes qu’il fallait pour conduire les processus.

Maintenant que tout le monde veut sortirde la loi no081-2015, pour laquelle le processus a été participatif, itératif et très long, on doit s’interroger sur la sincérité de l’implication des syndicats et du gouvernement dans les travaux. On pense que le RIME, imparfait en France même, sera la panacée pourcorriger le tir. Mais en attendant, l’administration est dans un chaos pour lequel même le ministre Clément Sawadogo marque son impuissance à travers sa dernière déclaration sur le dialogue social. Sauf que le dialogue social ne pas résoudre un problème structurel sans des gages de réformes profondes et d’une vision consensuelle.

Une erreur d’appréciation aux conséquences insoupçonnées

L’erreur de l’État, c’est qu’au lieu d’engager les réformes nécessaires, en même temps qu’un processus énergique de réconciliation nationale, il a simplement procédé à la distribution de droits nouveaux de façon aléatoire. À sa décharge, on peut noter qu’il a été victime de l’ombre du second mandat, puisque rarement un processus de réforme de cette nature garantit la popularité.

Le contexte actuel démontre la nécessité de ces réformes sous peine de conduire peut-être à une autre révolution plus violente. Les ingrédients sont en train d’être réunis entre le discours de politiciens, qui ne comprennent pas la profondeur du drame de l’Administration, et l’intransigeance des citoyens. Pire, lorsque la fonction publique devient le 1er pourvoyeur d’emplois, d’amplitude guère supérieure à la dizaine de milliers, c’est une bombe qui se profile. Mais on connaît tous l’histoire !

Nécessité d’une approche synthétique pour une norme intelligente

L’on ne saurait écrire une constitution au 21ème siècle de la même manière qu’au 18ème ou au 20ème siècle pour des raisons évidentes. D’abord aucune norme aujourd’hui ne peut échapper à la nécessité de son intelligence. Ensuite, l’on ne peut plus ignorer la prévisibilité des dysfonctionnements découlant de dispositions conflictuelles. Enfin, il est suicidaire de s’enfermer dans un purisme juridique stérilequi exclut l’apport de la pluridisciplinarité académique.

De même, l’évolution générationnelle de la réflexion, avec des méthodes et approches différentes des problèmes publics et de leur résolution, imposent une direction de la conduite des processus d’élaboration des normes modernes par des acteurs au faîte des questions de transformation de la gestion et des organisations publiques.Sur ces points, les résultats de l’avant-projet de constitution de la 5ème République ressemblent fort à ceux de la loi no081-2015.

Aujourd’hui, plus que par le passé, il y a la nécessité, dans la conduite de l’action publique, de mettre en évidence le fil conducteur de cette action, afin de permettre à tout citoyen d’y participer pleinement et d’exercer le contrôle citoyen des affaires publiques en toute connaissance de cause. Cela exige que toute l’action publique soit repartie en matières connues et édictées, suivant une dialogique synthétique et analytiquedes problèmes publics et des solutions envisagées par l’État.

Quand on sait que les solutions proposées par l’État sont traduits en services publics, et que la nouvelle gestion publique prôneleur adaptation aux réalités du pays, et ouvre la possibilité d’édicter ainsi des services publics fonctionnels, flexibles, autour desquels les grandes activités de l’État se construisent, l’intelligence de la norme de réforme prend alors source dans une nomenclature claire et flexibledes services publics édictée par l’État.Ensuite, à défaut d’élargir les compétences de la COTEVAL, le Burkina Faso a besoin d’une commission en charge de l’intégration de la pluridisciplinarité académique dans le processus d’élaboration des normes, de la conduite des études d’impact et d’expérimentation de la norme avant sa mise en œuvre définitive. Et ça, ce ne sont pas de simples questions-réponses d’un processus itératif qui peuvent le résoudre !

Un besoin de mobilisation sociale pour la réforme de l’Administration

La réforme de l’Administration est un combat scientifique qui doit être porté par la seule école de management publique de notre pays (l’ENAM) avec l’appui des universités et centres de recherches pour les besoins de pluridisciplinarité des nouvelles normes. Malheureusement, il faut le reconnaître, l’ENAM ne s’affiche pas comme telle et n’a pas toujours été à la hauteur de cette bataille.

D’abord, le cours de management, trop général et pas axé sur des études et applications de l’administration publique burkinabè, est loin de développer des capacités de gestion publique chez les futurs cadres, a fortiori des appétits de recherches et de développement du management public au Burkina Faso. Il en est de même pour les cours de services publics, jusqu’à un passé récent, rassemblés et dispensés avec des contenus de cours de services publics français plagiés,sous forme de séminaire.Pour être utile à la cause, cette école doit résoudre un vrai problème de curricula, d’évaluation et peut-êtreaussi de management interne, comme me l’a confié un professeur canadien de management public.

Du coup, pour combler l’absence d’engagement sur une réflexionde qualité pour la réforme, l’État a créé le SP-MABG pour réfléchir et mettre en œuvre la modernisation de l’Administration. En somme, toute la réflexion sur la transformation de la gestion et des organisations publiques est concentrée entre les mains du SP-MABG, sans aucun cadre de collaboration avec l’ENAM et les universités pour le contrôle de la pluridisciplinarité des normes, avec le risque d’une expertise extérieure parfois peu efficace et étrangère aux réalités.

Dans leurs contenus, les réformes doivent concernerles institutions de conception et d’évaluation de la norme, dans le sens de leur permettre de changer leur méthodologiepour y ajouter les outils d’études d’impact et d’expérimentation (sur le terrain ou en laboratoire), avant toute validation et mise en œuvre. C’est la condition pour éviter une inflation des normes comme avec la loi no081-2015.

Le plus grand oublié de la modernisation a été l’éducation qui a longtemps crié sa douleur sans être écoutée. Elle reste au niveau où les autres pays étaient dans les années 70, pour les modèles d’écriture dans les cahiers par exemple ou encore le soutien didactique et de préparation des cours résolus depuis dans les autres pays, mais qui continue de consommer parfois tout le temps de repos de certains enseignants.À cette pénibilité, il faut ajouter les difficultés nées de l’explosion scolaire. Pour eux la modernisation est à la fois basique et un combat contre tous ceux à qui le statut quo profitait.

D’un extrême à l’autre, la mobilisation sociale autour de la réforme ne doit pas ignorer la médiation pour le retour à la normalité avant de négocier ensemble les bases de l’administration moderne du Burkina Faso. C’est le rôle du Médiateur du Faso. Pour que son action soit pertinente et efficiente, celui-ci doit être dépolitisé, comme le démontre Saran Séré/Sérémé en démissionnant de son parti.

Mieux, le Médiateur du Faso doit être domestiqué et ses attributions relues et élargies pour prendre en charge la gestion des crises sociales, pour ne plus êtrelimitée aux seules relations administration–administrés. C’est une alternative pour la place de la chefferie coutumière et religieuse, trop impliquée déjà dans la résolution des crises sociales et la régulation politique. À la constitutionnalisation, il serait judicieux de leur confier le Médiateur du Faso pour jouer le rôle de régulateur social.

Ousmane DJIGUEMDE
oustehit@hotmail.fr

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Vos commentaires

  • Le 27 décembre 2017 à 14:13, par Substance Grise En réponse à : Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

    Il faut reformer cette administration pour pouvoir developper le pays.
    De manière générale C’est le grand problème de l’Afrique.
    Malheureusement ceux qui doivent le faire qui sont les hommes politiques qui ont fabriqué une admistration affairiste,politique pour les aider á rêgner au pouvoir.
    Donc difficile pour eux de se dire la vérité. Et ceux qui veulent dire la vérité sont mis de côté.
    On n’a rien compris de la politique et voiçi les consequences.
    Il faut qu’il ait de la sincérité dans tout ce que nous faisons ;concevons pour un avenir des jeunes générations

    • Le 28 décembre 2017 à 09:41, par vision En réponse à : Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

      Il faut absolument reformer l’administration et cela doit se passer passer par ce qui suit :
      1- Bannir la magouille, la fraude, le copinage, le régionalisme lors des recrutements ;
      2- Promouvoir le civisme, l’intégrité, la probité dans l’éducation (dès la maternelle) ;
      3- Proscrire les décorations par favoritisme, copinage, affinité... ;
      4- Donner le bon exemple à partir du sommet de l’Etat ;
      5- Faire fonctionner les inspections techniques et les conseils de discipline des différents ministères ;
      6- Éradiquer la politisation de l’administration ;
      7- Faire des contrôles inopinés sur les postes de travail pour démasquer les rétardataires et les absentéistes ;
      8- Sanctionner les fonctionnaires-commerçants... ;
      9- Promouvoir l’excellence...

  • Le 27 décembre 2017 à 14:54, par Le Tché En réponse à : Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

    Propre sans faire l’apologie de qui que ce soit ou dénié tout homme. c’est le vrai problème de L’etat burkinabé et surtout de nos pseudo-homme politique car sans vision claire mais seulement des visées.
    De nos jours il y a des "emplois spéciaux" dans notre fonction publique pour lesquels les concernés se frottent les mains au détriment de la grande masse composée des autres.
    Quand on décrit ce genre de vérité soit on est taxé d’être des oppositions, syndicats et autres "thuriféraires" soit rapidement on est récupéré par le pouvoir en place au risque de ne pas alerter les masses populaires sur les graves dérives et dysfonctionnement du système. En tout état de cause, nous sommes pour une Administration juste, impartiale, sans dogmatisme oeillère, en un mot comme en mille une ADMINISTRATION EQUITABLE.
    Asta la victoria, siempre !!!
    Patria o muerte !!
    Le tché

  • Le 27 décembre 2017 à 16:14, par Mninda 05 En réponse à : Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

    Mon frère ,certes tu as fait une bonne contribution ,mais malheureusement ,ta contribution va glisser sur le dos de nos plus hautes autorités de l’Etat comme de l’eau sur les plumes d’un canard . On a beau essayer d’aider ce pouvoir par des réflexions de ce genre ,il n’en a rien à foutre . Vous verrez comment ses internautes de service vont essayer de banaliser ou de ridiculiser votre contribution à la réflexion sur l’état et l’avenir de notre administration publique. C’est comme ça ,le BURKINA FASO d’aujourd’hui.

  • Le 27 décembre 2017 à 18:48, par wioug par yalm-yé En réponse à : Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

    Propre. Merci. Le Burkina à mal dans son administration publique. Devenu le refuge doré des paresseux et des pilluts sans vergogne, les agents de prennent pour le centre du pays. D’auto définissant, ils sont un véritable problème pour l’economie nationale. La réforme est d’urgence. Mais qui ose ? l’État en fait, ce sont eux. Pour le.moment.

  • Le 27 décembre 2017 à 19:15, par Bernard Luther King ou le Prophete Impie En réponse à : Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

    Bel ecrit. Mais vous auriez pu le faire en 2 articles plutôt qu’un seul. C’est suffisamment long. Mais helas, un bel ecrit qui va vite s’eclipser tant la file des articles qui circulent est longue et rapide.
    A bas Dieu et vive la neo-philosophie !

  • Le 27 décembre 2017 à 22:28, par Jean Gabriel Yaméogo En réponse à : Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

    Bonjour à tous,

    Je remercie le frère Ousmane DJIGUEMDE pour sa contribution de haute portée dans le cadre de la modernisation de notre administration publique. Les internautes précédents ont déjà soulevé les goulots d’étranglement à neutraliser pour y arriver, tout en indiquant la condescendance qui sera réservée à cette brillante réflexion comme déjà, tant d’autres, auparavant.

    Pour ma part, je voudrais relever le fait, qu’avant même, le toilettage des textes pour assainir l’administration publique et la moderniser pour qu’elle soit efficace et efficiente, il faut des pré requis solides, stables et pérennes. Ces pré requis ne sont autres que les pendants de la BONNE GOUVERNANCE.

    Quand nous jetons un regard sur l’histoire récente de la Haute-Volta devenue Burkina Faso, nous constatons que la culture de : l’impunité, la corruption, du népotisme, l’affairisme des fonctionnaires, l’incivisme, grèves "sauvages" de tous les corps et des scolaires, l’insécurité généralisée et que sais-je, est allée crescendo au fil des temps.

    En effet, de 1960 à 1966, l’administration voltaïque naissante, selon nos aînés, était exemplaire. La chute du régime de Maurice YAMEOGO est due à l’incurie de certains membres du gouvernement, notamment son ministre de l’intérieur et surtout aux frasques présidentielles qu’à la mauvaise qualité de l’administration.

    De 1966 à 1980, sous le règne du Général Sangoulé Lamizana, la rigueur de l’administration publique était de notoriété, impulsée par le Général Thiémoko Marc GARANGO, avec sa thérapie de Cheval, bien connue des fonctionnaires, sous la célèbre formule de la "garangose". La chute du vieux est surtout imputable aux querelles de chiffonniers des politiciens qu’à la mauvaise qualité de l’administration publique dont les fonctionnaires étaient exemplaires dans la sous-région, notamment pour leur intégrité et leur sens du devoir. C’est pourquoi, les TPR (Tribunaux Populaires de la Révolution) n’ont pas trouvé grand chose à reprocher au Général Sangoulé et sa suite. En réalité, certains révolutionnaires nés de parents très pauvres, par pure jalousie, avaient trouvé là l’occasion de régler leurs comptes à des hauts fonctionnaires de l’Etat, traités de valets de l’impérialisme, de réactionnaires, de bourgeois puis, dégagés, à tour de bras, lors des fameux et sinistres conseils de ministres qui s’apparentaient plus à l’inquisition qu’à autre chose. Je me rappelle qu’à l’heure des comptes rendus de ces conseils, tout le pays s’arrêtait de respirer, qui l’oreille collée à son transistor (radio), qui les yeux rivés à son téléviseur ; les fonctionnaires, la peur au ventre, attendaient, la terrible liste noire hebdomadaire des dégagés soit, pour propos contre-révolutionnaires, soit pour éthylisme notoire ou pour entrave à la marche radieuse de la révolution incandescente.

    De 1980 à 1982 (Colonel Saye ZERBO) puis de 1982 au 15 octobre 1987 (Commandant Jean Baptiste et Thomas Isidore Marie Noël SANKARA), c’est-à-dire, sous les régimes d’exception, l’administration sans être idéale, était toujours dans la lancée de ses devancières et les fonctionnaires s’acquittaient convenablement de leurs taches, cahin-caha, sous la menace de l’épée de Damoclès et nonobstant les salaires de misère ou les "perdiems" selon le président Omar BONGO, à eux servis. Les grèves bien que inscrites toujours dans la constitution étaient sévèrement réprimées jusqu’à l’extrême ; les instituteurs en savent quelque chose avec le dégagement massif d’un millier d’entre eux, en mars 1984, pour fait de grève.

    Cet accident de la révolution allait sonner le glas du système éducatif au Burkina qui n’a pas encore fini de payer le lourd tribut de cette bévue. En effet, les instituteurs dégagés furent remplacés, à pieds levés, par des instituteurs (des morpions) dits "révolutionnaires" sans aucune formation préalable et avec comme seul bagage, le BEPC, péniblement acquis. Et bonjour, les dégâts incommensurables ! Lorsque Thomas SANKARA, s’est rendu compte de cette erreur coupable, il voulait rattraper le coup en réintégrant les dégagés. Seulement, son frère et ami ne lui laissera pas le temps pour le faire.

    Et, arriva la "Rectification", le 15 octobre 1987 ! De cette date au 11 juin 1991, date de la promulgation de la nouvelle constitution adoptée le 2 juin 1991 par référendum, on peut dire que tout le monde se tenait à carreaux, notamment les fonctionnaires ; ne sachant pas encore à quelle sauce, ils allaient être "mangés" au vu de la terreur ambiante dans le pays. C’est à cette époque qu’est apparue, la tristement célèbre formule : "on te fait et y a rien", d’où les crimes en série qui ont jalonné le règne cynique de la "compaorose" et qui a culminé avec l’autodafé de Sapouy et celui du juge Salif Nébié, dernier de la longue série noire des crimes restés, à ce jour, impunis et dont les tiroirs, des hommes en toge, sentent la putréfaction à mille lieues.

    Puis, Blaise COMPAORE est élu le 1er décembre 1991 avec 86,4% des suffrages exprimés et un taux d’abstention record de 74,7%. Sous d’autres cieux, ce scrutin aurait été purement et simplement invalidé par l’instance habilitée, mais, on est au "Gondwana"... Là-dessus, Youssouf OUEDRAOGO dirige le premier gouvernement post-révolutionnaire de 1992 à 1994 et est succédé par Roch Marc Christian KABORE, actuel président, de 1994 à 1996.

    C’est l’ère de la privatisation, alors en vogue en Afrique, sous le diktat des organismes de Bretton Woods, FMI et Banque Mondiale. C’est le bradage du patrimoine national ! Tour à tour, les Sociétés, ci-après, sont cédées dans des conditions "opaques" sans garantie de maintien des travailleurs (dont la plupart se retrouveront dans la rue du jour au lendemain, et seront, ironie du sort, victimes de certains avocats véreux qui plastronnent aujourd’hui) :

    SOBCA, SIFA, SONAPHARM, SONAR, Grands Moulins du Burkina (GMB), FASOPLAST, ZAMA PUBLICITE, SOBBRA, BRAKINA, Société des Chemins de Fer du Burkina, RNTC X9, Société Burkina Shell, Société Nationale de Cinéma du Burkina (SONACIB), Société Nationale de Transit du Burkina (SNTB), SOSUCO, FASO FANI, Imprimerie Nationale du Burkina, FASO Yaar, CITEC, SOPAL, SAVANA, FASO Tours, SOCOGIB, Société Burkinabé de Manufacture du Cuir (SBMC), Société Burkinabé des Cuirs et Peaux (SBCP), ONATEL.

    Dans cette liste, trois sociétés juteuses sont cédées à la "belle-mère nationale" ; il s’agit de : la SOCOGIB, la SBMC et la SBCP. Comme par hasard, il n’y avait pas d’autres potentiels repreneurs qu’elle. Mais, à l’époque, qui était assez "fou" pour soumissionner en même temps que la "belle-mère nationale" sous peine de subir les foudres du prince pour crime de lèse-majesté. Ceci donc justifie cela.

    A partir de ce moment, la politisation à outrance, l’affairisme pour ne pas dire le gangstérisme économique, la corruption galopante, l’impunité, le népotisme, le clientélisme, les nominations de copains et de coquins, allaient devenir la règle "d’or" dans la fonction publique au Burkina Faso dont le nom deviendra la risée des autres ; sachant que l’intégrité était devenue l’exception dans ce pays jadis cité comme bon élève par le monde entier en la matière.

    Voici les maux endémiques et épidémiques qui gangrènent aujourd’hui notre fonction publique dont il faut d’abord trouver le vaccin ou l’antidote avant de parler des normes à y appliquer pour qu’elle retrouve ses lustres d’antan et partant, endiguer les grèves perlées et l’incivisme ambiants.

    Et cette antidote passe forcément par la BONNE GOUVERNANCE et UNE DEMOCRATIE bien assumées. Malheureusement les deux ans du règne de l’enfant béni du Gouzourgou ne semblent pas prendre cette direction ; bien au contraire...C’est pourquoi tous ces maux suscités ont encore de beaux jours devant eux, tout au moins jusqu’en 2020 où le peuple espère, non pas le messie, mais au moins un début de changement qualitatif pour enfin sortir de l’ornière et de la risée du reste du monde (avec la randonnée de Macron comme "cerise" sur le gâteau)

    Encore un grand merci à Monsieur Ousmane DJIGUEMDE.

  • Le 27 décembre 2017 à 23:22, par IB En réponse à : Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

    très bonne analyse Ousmane. mais comme toujours, il te manque des propositions. Quand je te lis, j’ai l’impression que tu n’as jamais occupé un poste de responsabilité. Pour toi, "il n’ya qu’à" faire. Finalement je me demande si tu ne fais pas des efforts de réflexion pour rien, si ces réflexions ne sont pas accompagnées de propositions de solutions concrètes.

  • Le 28 décembre 2017 à 08:45, par Maxime DJIGUEMDE En réponse à : Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

    Un très bon exposé mon frère .J’espère que les dirigeants vont tenir compte de cette analyse pour une bonne reforme de l’administration publique. On n’a pas besoin d’imiter pour les autres pays. Chez nous au FASO,on a des ressources humaines capables de réfléchir pour reformer l’administration en tenant compte de la réalité du pays !!!

  • Le 28 décembre 2017 à 16:02, par Salou En réponse à : Comment réformer l’Administration burkinabè sous la crise ?

    C’est une analyse pertinente et il faut des "têtes brulées" pour opérer les reformes, reparer lex injustices par manque d’équité et mettre tout le monde au travail. Ce n’est une tâche titanesque, mais nous manquons des gouvernants pour oser car chacun du simple directeur au ministre protègent son poste avec ses avantages. Tant pis pour le pays !

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