LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Unités industrielles de Bobo : Silence, on meurt

Publié le mercredi 29 juin 2005 à 07h02min

PARTAGER :                          

Il ne serait pas exagéré de dire que la situation de nos unités industrielles reste des plus lamentables, avec ces sérieuses menaces de fermeture qui pèsent sur bon nombre d’entre elles.

Et si rien n’est fait dans les mois, pour ne pas dire les semaines à venir pour redresser la barre, la zone industrielle de Bobo, qui concentre en son seul sein la majeure partie des travailleurs de la ville de Sya, pourrait se transformer en un véritable cimetière. Et bonjour le chômage pour ces milliers de salariés qui sont dans l’angoisse au regard surtout des conséquences désastreuses que cela peut entraîner pour cette capitale économique qui est déjà mal en point du fait de la crise ivoirienne.

La zone industrielle de Bobo n’est plus ce qu’elle était il y a seulement quelques années, lorsque toutes les unités de production respiraient la grande forme du fait de l’emprise qu’elles avaient sur le marché national et même sous-régional. La belle époque au cours de laquelle tout le monde ou presque dans la ville de Sya et partout au Burkina bénéficiait directement ou indirectement de ce boom économique qui y permettait à notre cité de mériter son nom de capitale économique du Pays des hommes intègres.

Le commerce, qui connaissait un essor considérable, avait contribué à faire de Bobo un carrefour, un vrai centre d’affaires où chacun trouvait son compte. Mais hélas ! Les données ont aujourd’hui changé du fait de la libéralisation, de l’ouverture des marchés, qui a entraîné de force nos unités industrielles dans une concurrence des plus impitoyables.

La bataille reste partout rude en Afrique où, face à certaines pratiques néfastes comme la fraude ou les contrefaçons qui compromettent dangereusement l’avenir des industries, certains pays ont dû recourir à des mesures draconniennes de protection afin d’assurer la survie de leurs entreprises.

L’exemple le plus édifiant en la matière nous vient de la Côte d’ivoire voisine, où tout véhicule saisi avec une marchandise fraudée est purement et simplement brûlé avec son contenu. Et pour protéger ses entreprises locales contre l’invasion du marché, l’importation de certains produits comme le sucre et l’huile reste interdite au pays d’Houphouët-Boigny.

Et de nos jours, les Ivoiriens n’ont à leur disposition que cinq marques d’huile alimentaire contre plus d’une centaine au Burkina, dont les frontières sont poreuses et où la corruption est devenue une réalité criarde. Tout semble désormais indiquer que la fraude a encore de beaux jours devant elle : surtout que chez nous au Faso, l’intérêt individuel ne cesse de prendre le pas sur l’intérêt collectif.

Comment dans ces conditions nos unités industrielles, notamment à Bobo-Dioulasso, peuvent-elles résister à une concurrence de plus en plus déloyale ? A la fraude s’ajoutent encore les contrefaçons, qui pénalisent sérieusement certaines unités industrielles, lesquelles ont depuis bien longtemps cessé de tourner à plein régime. Si fait que dans certaines industries, les équipes de travail ont été réduites de moitié voire même des deux tiers, tandis qu’ailleurs les machines ont depuis belle lurette cessé de tourner.

Et pour nombre d’entre elles, la reprise n’est pas pour demain du fait des difficultés d’écoulement des stocks de production déjà disponibles, leur part de marché étant engloutie par les produits fraudés, qui se vendent moins cher parce que n’étant pas soumis aux lois et règlements en vigueur dans notre pays (corruption oblige) en matière d’importations.

Les travailleurs décidés à sauvegarder leurs outils de travail

Ce sont alors de sérieuses menaces de fermeture qui continuent de peser sur des usines comme la SN-SOSUCO, la SN-CITEC, la SAP, la SAPHYTO, la MABUCIG, SOFAPILE, la CBTM, etc. Des unités qui sont pour la plupart à bout de souffle et qui n’arrivent plus à faire face à cette concurrence déloyale ou encore à lutter efficacement contre certaines pratiques illégales telle que la fraude, qui ne cesse de troubler le sommeil des responsables de sociétés, mais aussi et surtout des travailleurs eux-mêmes ; malgré tout, ces derniers tiennent, contre vents et marées, à sauvegarder leurs outils de travail.

Pour ce faire, ils ont mis en place une structure dénommée Coordination des travailleurs de l’industrie pour la lutte contre la fraude. Cette organisation, que préside monsieur Boubakar Diawara de la MABUCIG, a multiplié ces derniers temps les contacts afin de juguler ce phénomène de fraude qui est en train de prendre des proportions inquiétantes.

Cela avait d’ailleurs été relevé en juillet 2004 lors de la dernière rencontre annuelle gouvernement/secteur privé, présidée par le chef du gouvernement, Ernest Paramanga Yonli. Dans le rapport sur la mise en œuvre des recommandations, il est ressorti la non-exécution suffisante de certaines actions vivement attendues par le secteur privé.

Il s’agit des actions médiatisées de lutte contre la fraude et de la destruction de produits industriels concurrentiels fraudés (seuls les stupéfiants ont fait l’objet de destruction).

Toujours dans le même rapport, on retiendra également que la lutte contre la fraude n’a pas connu assez de succès au regard, d’une part, des difficultés que rencontrent les structures compétentes pour opérer des saisies et, d’autre part, de l’insuffisance de leurs moyens pour travailler efficacement. Dans ce combat pour la survie des entreprises, la Coordination des travailleurs de l’industrie entend désormais jouer sa partition. Elle a, au dire de ses responsables, décidé de prendre le taureau par les cornes en initiant d’abord une série de rencontres avec les décideurs politiques.

Sortir Bobo de sa léthargie

Tour à tour, ils ont échangé sur la question de la fraude avec le président de la Chambre de commerce de Bobo-Dioulasso, le commissaire de l’UEMOA, le ministère du Commerce et le président de l’Assemblée nationale. Tout en saluant les résultats de l’enquête parlementaire sur certains produits de consommation de qualité et d’origine douteuses, la délégation de la Coordination des travailleurs a sollicité le soutien de Roch Marc Christian Kaboré pour la prise en compte effective d’un certain nombre de mesures visant à réduire de façon significative la fraude au Burkina. Il s’agit de :

L’application stricte des lois et règlements contre la fraude et les contrefaçons ;
l’allègement de la pression fiscale sur les distributeurs des produits industriels ;
l’instauration d’une politique de quota pour les importations de produits locaux et non en remplacement ;
la surveillance renforcée des frontières ;
l’engagement des structures de l’Etat dans la lutte contre la fraude ;
l’allègement de la pression fiscale afin de permettre aux industriels de mettre sur le marché des produits plus complétifs ;
l’organisation des états généraux sur les industries afin d’avoir une réelle politique industrielle dans le cadre de la mondialisation.

Un ensemble de propositions ont été faites avec ampliation au Premier ministre, qui est attendu dès le mois prochain à Bobo-Dioulasso pour la rencontre annuelle gouvernement/secteur privé. Et au regard des dangers qui planent sur la zone industrielle de Bobo, il s’agira de faire de ce énième rendez-vous de juillet celui des grandes décisions à même de sortir les entreprises bobolaises de cette léthargie qui n’en finit pas d’asphyxier l’économie locale et de plonger la ville dans un marasme indescriptible.

Jonas Appolinaire Kaboré
L’Observateur

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 9 juillet 2005 à 22:23, par aziati simon En réponse à : > Unités industrielles de Bobo : Silence, on meurt

    Nous venons de lire votre article sur la situation du secteur industriel au Burkina( BOBO) à la laquelle nous portons un intérêt particulier.
    nous assurons la représentation de certains bailleurs de fonds qui seraient disponibles dans le refinancement de ce secteur..
    la coordination Afrique francophone est basée au Togo en liaison avec celle du Ghana qui couvre la zone anglophone..
    pour d’amples informations :
    contacter nous :
    simon.azitus@caramail.com
    tél:00228 944 78 61/907 39 02

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)