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Universités publiques au Burkina : « Des camps militaires où les gens décident de qui doit entrer, qui doit avancer, qui ne doit pas avancer » selon Dr Mahamoudou Kiemtoré

Publié le lundi 4 décembre 2017 à 18h05min

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Universités publiques au Burkina : « Des camps militaires où les gens décident de qui doit entrer, qui doit avancer, qui ne doit pas avancer » selon Dr Mahamoudou Kiemtoré

Qu’est-ce qui ne va pas dans les universités publiques de Ouagadougou ? C’est la question que l’on se pose au regard de ce que les derniers recrutements d’enseignants ont suscité comme controverses et frustrations. Dans ce contexte, les critiques et les dénonciations s’enchainent. D’aucuns ont déjà souligné sur Lefaso.net qu’il faut connaitre les « bonnes personnes » pour espérer être recruté dans le corps enseignant de ces temples dit de savoir. Docteur Mahamoudou Kiemtoré n’en dit pas moins. Dans l’interview suivante qu’il nous a accordée, le docteur en management et gestion de projets s’insurge contre ce qu’il qualifie de politisation du système universitaire, de prise en otage de la vie de la nouvelle génération. Pour ce dernier, une déconstruction du système s’impose. Lisez plutôt.

Lefaso.net : Qui est monsieur Mahamoudou Kiemtoré ?

Mahamoudou Kiemtoré : Je suis Mahamoudou Kiemtoré, docteur en management des projets. Pour ce qui concerne mon parcours, il faut dire que comme la plupart des intellectuels burkinabè, je suis passé par l’université de Ouagadougou où j’ai fait une maitrise en management des projets. Ensuite j’ai intégré la fonction publique au ministère des Droits humains. Après, je suis allé au ministère de l’Agriculture duquel je suis allé faire une formation en Master II en management de projets à l’université de Senghor d’Alexandrie. Depuis le 24 août 2016, j’exerce dans un programme de management de projets au Canada.

J’ai pu soutenir ma thèse et de temps à temps je reviens au pays. Après avoir soutenu ma thèse, j’ai pris l’initiative de rejoindre le Burkina pour au moins apporter ma modeste contribution à l’avancement de la science dans mon domaine de prédilection. Parallèlement à cela je donne des cours en management de projet et en gestion d’entreprise à l’université de Québec depuis bientôt cinq ans. Voilà globalement ce que je peux dire sur ma modeste personne.

Vous l’avez-vous dit, vous êtes passé par l’université de Ouaga I Professeur Joseph Ki Zerbo, une université qui comme les autres universités publiques connait pas mal de problèmes : chevauchement des années académiques, problème d’infrastructures, le système LMD décrié par les étudiants… Aujourd’hui quelle analyse faite vous de la situation universitaire actuelle ?

Nous sommes des produits de l’université de Ouagadougou même si au moment où nous y étions, les problèmes n’étaient pas aussi criards qu’aujourd’hui. Le problème de nos universités n’est pas lié seulement à un problème de manque de places. Je prends juste un exemple dans le système canadien que je connais très bien. Je prends l’exemple sur le baccalauréat. Etudiants, vous rentrez, en même temps, à la même période pour faire un baccalauréat en administration des affaires. Il y a 120 crédits. Vous arrivez et chacun prend le cours qu’il veut. Pendant qu’un est en train de suivre un cours en gestion d’entreprise, l’autre est en train de suivre un cours en gestion de ressources humaines, un autre est en train de faire comptabilité générale. Finalement, vous pouvez ne même pas vous rencontrez et être diplômés le même jour.

La personne qui n’est pas disponible n’est pas obligé d’être diplômé au même moment que les autres. Donc, avec cette donne, le problème de places ne se pose pas, car l’on n’a pas besoin d’avoir des amphis qui vont accueillir plus de 1000 personnes. Ce n’est pas possible. C’est au moment où vous finissez vos 120 crédits que l’université prend acte et transmet vos résultats au registrariat qui prend également acte et les transmet aux conférences de recteurs pour dire tel étudiant est pris dans telle université et qu’ayant épuisé ses 120 crédits, il est prêt à être diplômé. Et à l’occasion de la seconde session qui va décider des diplomations, on vous décerne votre diplôme.

Vous rentrez ensemble mais vous pouvez sortir avec un, deux, trois et même quatre années de différence. Si vous n’avez pas fini vous suspendez avant de revenir. Vous pouvez vous inscrire pour faire un baccalauréat de trois ans, vous pouvez le finir en 6 ans parce que vous travaillez, parce que vous n’avez pas le temps. Vous venez suivre les cours qui se déroulent à des heures auxquelles vous êtes disponibles. C’est-à-dire vous allez à votre rythme. Est-ce que c’est ce qui se fait à l’université de Ouaga ? Tant qu’on va vouloir sortir des gens par promotion, c’est-à-dire recruter 2 500 étudiants en première année et aller sortir 500 étudiants en licence on ne va jamais s’en sortir ?

L’université au Burkina Faso ne souffre pas d’un problème de manque d’amphis ; l’université souffre d’un problème de manque de stratégie. C’est pourquoi par exemple dans le système canadien, on parle de cohorte, alors qu’ici nous voulons former des promotions de diplômés. Cela ne fonctionne pas. La conséquence, c’est que l’étudiant doit être à 100% sur les bancs.

Vous êtes revenu tout récemment au pays pour soumettre votre candidature à la session de recrutement d’enseignants dans les universités publiques de Ouagadougou, un recrutement dont l’organisation a visiblement posé problème à certains postulants dont vous faites partie. Déjà qu’est-ce qui n’a pas marché dans l’organisation ?

Oui ! Il faut que je situe le contexte pour que les gens comprennent. J’ai vu qu’il y a une habitude qui s’installe au Burkina qui consiste à voir celui qui critique, celui qui dénonce comme étant un homme aigri, comme étant une personne jalouse … Moi je pense que lorsqu’une personne étudie jusqu’à avoir un doctorat - peu importe le domaine - à moins qu’il ne soit pas conscient des bagages qu’il a entre les mains, il ne devrait pas être jalouse de qui que ce soit parce qu’il a une arme puissante entre les mains : la matière grise. Et cela ne s’achète pas. Cela n’a pas de prix. Pour planter le décor pour dire qu’il ne faut pas que les gens pensent toujours que l’autre parce qu’il critique serait aigri… Non ! Nous sommes tous des Burkinabè et nous voulons le développement du Burkina Faso. Sinon, on pourrait aller ailleurs et vivre mieux.

Effectivement, lorsque j’ai terminé mes études, j’ai entrepris de me mettre à la disposition de l’université de Ouagadougou. On m’avait dit en son temps qu’il fallait passer par un test. Moi, je n’ai rien contre les tests parce qu’au moins l’on a la possibilité de savoir qui on recrute, de découvrir le candidat… Donc, je n’ai pas de problème qu’on vérifie les compétences par rapport à la capacité d’un candidat pour le prendre dans un poste. Là où le problème se pose, c’est quoi ?

Après qu’on ait lancé le concours, j’ai fait suivre mes dossiers. Je n’étais pas le seul. Quand je dis « moi », j’ai pris la responsabilité de dire les choses parce que je pense que ceux qui ne parlent pas sont autant coupables et même plus coupables que ceux qui sont à l’origine des mauvaises pratiques de recrutement.

Les dossiers une fois déposés, il fallait chaque fois appeler au Burkina. Et quand vous appelez, vous ne pouvez même pas joindre quelqu’un. Vous avez un numéro, mais quand vous appeler, ça ne passe pas. Et quand ça passe et qu’on vous décroche, après on vous coupe la communication.

Malgré tout, j’ai tout fait pour déposer mon dossier et entre temps il y a une liste qui est sortie je ne sais par quel canal. Toujours est-il qu’un ami qui m’a envoyé cette liste en me disant : « J’ai vu que tu as été présélectionné ». Ensuite, j’ai été mis au courant que les entretiens devaient se passer entre le 16 et le 20 octobre 2017. Malgré que j’aie eu l’information tardivement, j’ai trouvé le temps pour rentrer de façon urgente à Ouaga parce que comme on le dit, les absents n’ont jamais raison. Donc j’ai tout fait pour venir au Burkina me soumettre à cet entretien. Mais d’ores et déjà, je vous assure que si jamais je savais que cet entretien que j’allais subir allait être une séance d’humiliation, une séance de ridiculisation, je ne prendrais pas la peine de prendre l’avion pour venir. Il faut dire que cet exercice n’a rien à voir avec les entretiens professionnels ou ordinaires que nous voyons dans nos contrées. Je suis désolé de le dire.

Comment s’est passé l’entretien ?

Je me présente dans une salle où je vois des gens assis. Là, on me dit : « Présentez-vous ». Et pendant que je suis en train de parler, le président du jury me dit : « Vous avez cinq minutes là ! » J’ai répondu : « Mais, on ne m’a pas mis au courant que j’avais cinq minutes. » Après, j’ai vite conclu et je les écoutais. Ensuite, on m’a notifié deux choses en ces propos : « Vous ne pouvez pas évoluer à l’université de Ouagadougou parce que votre doctorat est spécifique, on ne sait pas où vous mettre. » La deuxième chose a été de me dire que je n’ai pas une base en économie (filière) : « Vous ne pouvez pas être détenteur d’un doctorat en gestion de projet comme c’était mon cas. » J’ai dit : « Mais ça je ne savais pas. Je pensais que c’était ordinaire quand même pour des professeurs de votre rang de savoir la différence entre science économique et de gestion et science économique ou de gestion. A l’université on parle d’UFR Sciences économique et de Gestion. N’est-ce pas de la gestion ? » Il y a une différence. Quand vous prenez les sciences de gestion, c’est une discipline des sciences sociales principalement issues de l’économie. Donc quand vous regardez, c’est une science à la croisée entre l’économie politique et l’économie d’entreprise. Quand on prend en compte cette définition faisant de la gestion une discipline des sciences sociales, en quoi quelqu’un qui a une maitrise en sociologie ne peut pas être docteur en science économique ? Ils n’ont qu’aller demander à l’université du Canada pourquoi elle forme en sciences économique et de gestion des gens qui ne sont pas seulement des « économistes ».

Je ne sais pas ce que veut dire économiste, mais je sais que le système anglophone, au Canada, eux ils ne fonctionnent pas en termes de généralistes. Vous êtes économistes et spécialisés à quelque chose. Le terme économiste est tellement vaste que je ne sais pas à quoi ils pensent. Je n’ai pas voulu tirer la discussion et ensuite il y a un qui m’a dit : « Mais, on vous dit que vous ne pouvez pas évoluer à l’université de Ouagadougou ou bien vous venez juste pour voir ce que ça donne ? Je lui ai dit : « Non, je ne suis pas venu faire un jeu de loterie. Je suis venu parce que j’ai la conviction que je peux apporter quelque chose au Burkina. »

Avec qui avez-vous eu l’entretien ?

C’était exclusivement avec des professeurs d’université. Ça m’a surpris que dans un entretien de recrutement, on vous donne exclusivement des professeurs d’université alors que vous savez que dans notre contexte, quand les gens savent qu’ils ont un candidat qui peut leur faire ombrage, ils sont prêts à mettre leur véto. Cela se fait à l’université Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo. C’est un système que nous avons vécu. C’est pour ça qu’on l’a contournée pour aller se former ailleurs. Je suis allé jusqu’au DEA en sciences politiques et on a refusé de me prendre au doctorat.

Ce que je n’ai pas compris à l’entretien en question, il n’y avait aucun représentant des ressources humaines, c’était entre professeurs. Tantôt tu vois un jury dont les membres se taquinent, riant entre eux. Pendant que le président du jury était au téléphone, c’est un membre du jury qui me disait : « On vous aurait compris. Vous pouvez partir. »

Avez-vous déjà vu ce comportement-là, même dans un recrutement de personnel de niveau BEPC ? Non. Ça veut dire que les décisions étaient déjà prises. Moi, ce que je ne comprends pas, pourquoi faire venir les gens à des dizaines de milliers de kilomètres pour juste les dénigrer ? Je ne suis pas le seul ; nous étions deux à postuler pour le poste de gestion et on voulait deux. Après, on a communiqué et l’autre aussi m’a dit qu’il a trouvé un jury sur la défensive. J’ai vite compris que les choses étaient déjà pliées.

Juste après, j’ai mis quelques autorités du ministère au courant pour qu’ils ne disent pas après que c’est parce que je n’ai pas été retenu que je me plaignais... Non ! Je leur ai traduit toute ma déception de voir des intellectuels se comporter ainsi.

Quelle explication vous a été donnée ?

Aucune explication n’a été donnée jusque-là. Et si vous remarquez dans le procès-verbal de délibération, la chose la plus curieuse quand vous regardez à côté de la colonne de gestion, il n’y a pas une colonne où il est mention de « potentiel disponible » alors que pour les autres postes où voulait deux personnes, il y a la mention « potentiel disponible » sous laquelle l’on met par exemple cinq candidats. Mais en gestion, on a mis simplement néant ; n’y a-t-il pas de potentiel disponible ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce à dire qu’il n’y a aucun candidat qui a postulé ou bien cela veut dire que ceux qui ont postulé, comme nous, ne remplissent pas les conditions ? Je ne comprends pas l’explication parce que si vous voulez deux personnes, si vous refusez de prendre les deux qui ont postulé, il y a un problème. Je ne dis pas que nous sommes les meilleurs, je n’ai aucune prétention à cela. Mais je dis que si vous ne prenez personne, il y a un problème. On aurait dû écarter nos dossiers depuis… C’est quand même bizarre que vous présélectionniez des gens pour après mentionner que le potentiel disponible est néant.

En tout cas, c’est le cas au niveau de la filière gestion de projets. Si on continue de subir sans rien dire, j’ai bien peur pour ce pays-là. Franchement, je vous le dis, quand on y réfléchit, ça fait un peu peur. Et moi je lance un défi à quiconque de me démontrer qu’un poste de docteur en management de projet n’a pas d’importance à l’université de Ouagadougou, que ce poste n’a pas d’importance au Burkina…
Doit-on se taire et laisser les gens faire ce qu’ils veulent à l’université de Ouagadougou ? Il faut que les choses soient sues.

Moi je suis déjà fonctionnaire, je n’ai besoin que juste d’un transfert. Je ne fais qu’alerter et comme je le répète, je sais ce que j’ai et je sais que je n’ai pas peur. Pour ma simple personne, je n’ai pas peur. Mais si on continue de laisser faire, c’est comme si on permet à un système vampire de régner à vie sur des innocents. Ça veut dire que si vous n’avez pas de protecteur à l’université de Ouagadougou, vous n’avez pas le droit d’apporter votre contribution en tant qu’intellectuel au développement de ce pays.

Quelle a été la réaction des autorités après que vous les ayez mises au courant ?

J’ai mis les autorités au courant par rapport à ce qui s’est passé. Mais malgré tout, la liste est sortie. Moi, je considère que dans mon domaine de prédilection, je peux affronter n’importe qui. Que tu sois professeur titulaire ou professeur agrégé, moi je sais que dans le domaine où on m’a formé, je suis un simple docteur mais je sais de quoi je parle.

Il faut avoir quand même souvent l’honnêteté de reconnaitre qu’il y a des failles. Et moi mon objectif c’est de dénoncer cette pratique. Je sais qu’il y a beaucoup qui sont dans le même cas. Vous pouvez faire un sondage, vous trouverez qu’il y a beaucoup de gens qui vivent cette même infortune.

Malheureusement ici au Burkina, on fait souvent cette option de se taire ou bien de partir. C’est ce qui nous (moi et les autres) a poussés à contourner le système pour aller se former ailleurs. Malheureusement, on revient et on trouve que c’est le même système qui est encore là. Rien n’a pas changé et c’est regrettable !

Si vous voulez juste recruter vos protégés, ne faites pas de test, recrutez-les ; vous en avez déjà fait plusieurs fois et personne n’en a parlé. Mais quand vous êtes dans un processus de recrutement, il faut mettre tout le sérieux et le professionnalisme nécessaires, sinon ne le faites pas. A quoi sert de faire voyager des dizaines de personnes depuis les Etats-Unis, la France, le Canada ou d’ailleurs dans le monde pour venir à Ouaga pour juste se faire confier que vous ne pouvez pas y évoluer ? Vous écartez les dossiers des « indésirables » et là il n’y a pas de problème…

J’ai la conviction que si le CAMES n’évolue pas, on n’ira pas loin. Quand je regarde la manière dont les choses fonctionnent, j’étais en face d’un jury qui était formé de syndicats d’économistes du CAMES. Je suis désolé de le dire, mais la vraie réalité c’est ça. Je dis et je répète sur ce point-là je défie quiconque de me démontrer, et ça je suis prêt si la personne veut organiser un débat public, télévisé ou pas, de me démontrer par A+B qu’à l’université de Ouaga on n’écarte pas des compétences… Moi j’ai besoin de savoir vraiment la raison. Et si on peut communiquer sur cette raison, on peut en débattre…

Il ne faut pas qu’on continue d’opprimer les gens. Il ne faut pas qu’on continue de faire effondrer le pays alors qu’il y a des gens qui ne demandent qu’à aider pour que les choses aillent. Si quelqu’un a un doctorat en gestion de projets ou dans un autre domaine et qu’il décide de revenir au Burkina, il le fait parce qu’il veut que ça change.
Il y a des moments où il faut utiliser l’euphémisme, mais il y a des moments il faut dire les choses telles qu’elles se présentent.

Je ne sais pas où on en est, je ne sais pas où on va, mais je pense que c’est simplement prendre en otage la vie de la nouvelle génération. Quand vous regardez l’université de Ouaga, la manière dont ça fonctionne vous pensez que c’est ça ? L’université ne souffre pas d’un problème de manque d’amphis, l’université souffre d’un problème de manque de stratégie. Au-delà de ceux qu’on recrute, au-delà de l’enseignement et de la recherche, il y a des gens qui peuvent contribuer à ce qu’on réorganise le système universitaire burkinabè. Et c’est ce qu’il faut. Sinon c’est comme si on faisait un semblant de recrutement juste contenter l’opinion nationale et internationale.

Quels étaient les critères de sélection ?

Malheureusement, il n’y en avait pas. Ça été publié sur votre site (Lefaso.net) vous pouvez aller vérifier. Ils ont juste sorti des critères d’âge, 45 ans et même ça, je trouve que c’est suffisamment superficiel comme critère. J’ai déjà rencontré quelqu’un qui est fonctionnaire. Et le monsieur il a fait 27 ans dans la fonction publique et il est allé faire son doctorat en France. Et on l’écarte pour une question d’âge, pourquoi si je suis fonctionnaire je dois encore avoir un critère d’âge de sélection pour encore aller dans la fonction publique ? Cela je ne comprends pas. Il n’y avait pas de critères et vous pouvez le vérifier. Si vous ne voulez pas des gens, laissez-les à leur place.

Le problème concerne-t-il uniquement le poste de gestion de projets ? Qu’en est-il des autres postes ?

Je sais que le poste en gestion n’est pas le seul poste qui n’a pas été pourvu. Quand vous regardez la liste, c’est comme s’ils ont pris à peine la moitié de ce qu’ils voulaient comme potentiel. Là où il y a problème, il ne faut pas que les gens continuent de dire qu’il y a manque d’enseignants à l’université de Ouagadougou. On fait dire qu’il faut tendre vers les filières professionnalisantes alors que l’on veut recruter des gens généralistes que l’on a en tant que généralistes fabriqués sur place. Ça veut dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas. C’est la tendance dans tous les Etats en Amérique du Nord. On ne forme plus des gens pour être généralistes, on forme des gens sur des questions pointues.

Mais si c’est pour seulement faire du formel, je suis désolé, ils peuvent ne pas lancer le concours. Il y a longtemps que l’université de Ouaga fonctionne sans faire des avis de recrutement et il n’y a pas de problème. Mais quand vous ouvrez, il faut respecter quand même la compétence des gens à qui vous avez. à faire. On ne donne pas un doctorat à quelqu’un parce qu’on aime son crâne. C’est à partir quand même des critères bien précis.

Qu’est-ce qu’il y a lieu de faire, selon vous, pour changer la donne ?

Je suis sûr que si on veut arriver à un développement harmonieux au Burkina Faso et en Afrique de façon générale, il faut qu’on ait le courage de déconstruire notre système. La déconstruction de notre système est importante au Burkina et partout en Afrique parce que le fait de vouloir être le seul professeur agrégé ou titulaire dans un domaine ne construit pas un pays. Au fait la conséquence c’est que tous ceux qui peuvent venir concourir dans mon domaine on me donne la puissance de les écarter. Vous savez, on est humain et les gens ne changent pas parce qu’il y a eu changement de régime. Les gens sont ce qu’ils sont et rien n’a changé.

Donc il faut qu’il ait une déconstruction du système. C’est en ce moment-là qu’on peut parler de développement. Et le système, il est seulement composé de quelques personnes de telle sorte que la majorité qui regarde et qui ne dit rien se rend complice et permet à ce système toujours de broyer les gens. Quelle que soit votre bonne volonté de faire changer les choses, il y a des gens qui sont là pour nuire. Et ces quelques personnes c’est comme si on leur avait donné un chèque en blanc, leur disan, t faites ce que vous voulez.

Ceux qui ont l’habitude de faire du bruit généralement ce ne sont pas des gens qui peuvent apporter conséquemment quelque chose. Conséquence, ceux qui sont capables d’apporter quelque chose, eux, ils sont réduits au silence.

Et là je profite pour lance un appel aux autorités de prendre vraiment conscience que nous sommes tous Burkinabè et que de ce point de vue, si les choses ne s’améliorent pas, nous allons tous nous retrouver dans la même galère. Vous pouvez être aux Etats-Unis, mais vous ne pouvez pas transporter toute votre famille là-bas. Donc ça veut dire que quand ça ne va pas au Burkina, tous les Burkinabè, peu importe là où ils se trouvent, sont concernés. Si le système n’est pas déconstruit, moi je ne vois pas d’issue. La première existence d’une université c’est de servir à la communauté. Et quand je regarde l’université de Ouagadougou, c’est un environnement fermé entre quelques individus qui se retrouvent là-bas et qui en font un camp militaire où les gens décident de qui doit entrer, qui doit avancer, qui ne doit pas avancer.

Et si on continue comme ça on est bien parti pour entrer dans le mur. Est-ce que vous pensez que c’est cela l’excellence ? Dites-moi combien de professeurs d’université peuvent enseigner en master II ? Est-ce parce que vous êtes professeurs agrégés en communication que vous êtes plus aptes pour aller enseigner l’image et le son alors qu’il y a un ingénieur dans les mêmes domaines qui pourrait donner le même cours ? Il faut juste déconstruire le système et permettre aux gens de déployer leur potentiel. Sinon je le répète c’est regrettable et j’ai bien peur pour mon pays.

Propos recueillis par Maxime Jean-Eudes BAMBARA
Lefaso.net

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