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Audience foraine au palais de justice de Ziniaré : 4 ans ferme pour l’exciseuse récidiviste Talato Diallo

Publié le vendredi 1er décembre 2017 à 06h00min

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Audience foraine au palais de justice de Ziniaré : 4 ans ferme pour l’exciseuse récidiviste Talato Diallo

Pour avoir aidé et assisté Talato Diallo pour l’excision de leurs filles, 19 présumés (y compris dame Diallo) ont comparu, le mercredi 29 novembre 2017, au palais de justice de Ziniaré, après avoir passé un certain temps derrière les barreaux.

Les faits remontent en août 2017. En cette période pluvieuse, le mil est assez haut de sorte à recouvrir les concessions dans la province de l’Oubritenga. Une fois à l’abri des regards indiscrets, « la professionnelle » Talato Diallo, ressortissante de la commune de Damissi, un village situé à quelques kilomètres de Kaya, passe à l’action en complicité avec les parents.

Au total, 23 filles parmi lesquelles Safiatou, Djamilatou et Latifatou Zagré, sont passées sous la lame tranchante et dans des conditions souvent déplorables. L’âge de ces victimes est compris entre 4 et 16 ans. Le coût d’une telle opération varie de 2500, 5000 à 5400 F CFA, a-t-on appris.

Cette pratique culturelle n’honore pas la femme. C’est pourquoi depuis 1996, les autorités judiciaires du Burkina Faso mènent un combat acharné contre ce phénomène. L’association « Voix de femmes » s’inscrivant dans cette lancée, elle s’est constituée partie civile pour réclamer des dommages et intérêts afin de pouvoir aider les 23 fillettes. Le jugement a eu lieu le 29 novembre 2017 au palais de justice de Ziniaré.

Il s’agit là, d’une innovation depuis l’adoption de la loi CNT 2015 portant Prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes. Me Victoria Niébé était l’avocate chargée de cette noble mission.

Une responsabilité partagée

Fastidieux ! C’est ce qu’on retiendra du jugement qui a débuté peu après 12 heures pour s’achever à 23 heures. Devant les juges présidés par la présidente du tribunal, Fati Kaboré, et en présence du procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Ziniaré, Abdoul-Fatao Ouédraogo et de l’avocate de la partie civile, les 18 instigateurs ont été assommés à tour de rôle par de questions.

Ils ont tous apporté des éléments de réponses, avant de reconnaitre leur infraction, excepté Moumouni Nana, Sawadogo Inoussa et Tinraogo dit Souleymane Bikinga. « Je n’ai pas enjoint ma femme de faire exciser ma fille… De plus, j’étais à Ouagadougou avec mon fils malade pour des soins », a confié le vieillard de 103 ans pour sa défense (Ndr 93 ans officiellement). Toute chose que sa femme ainsi que sa belle-fille n’ont pas manqué de nier en bloc.

Puis ce fut au tour de dame Diallo de passer à la barre. Cette exciseuse récidiviste est une habituée de la prison, à en croire le procureur du Faso : « En 2015 elle était là et elle a juré par tous ses dieux qu’elle n’allait pas réitérer. Mme Diallo a bénéficié d’une mesure de placement au niveau de la cap. Et une fois encore, elle est là en 2017 ». Avant de s’offusquer : « (…) C’est comme si dans la province de l’Oubritenga, c’est la seule exciseuse à qui tout le monde recours. Depuis mon arrivée en 2014, c’est la même personne qui revient dans la province ».

Il faut des sanctions exigeantes…

Dans sa plaidoirie, l’avocate de la partie civile a demandé que des sanctions exigeantes soient prises afin de dissuader tous les autres contrevenants et aider à mettre « un peu de plomb dans la cervelle des prévenus ici présents ». « Nous sollicitons beaucoup en ce qui concerne Mme Diallo Talato surtout en sa qualité de récidiviste. Qu’elle se voit appliquer les maximales de la peine prévu à cet effet, à savoir trois ans d’emprisonnement ainsi qu’une amende de 900 000 F CFA. Nous sollicitons les mêmes peines pour le co-auteur et pour tous les complices », poursuit-elle, estimant que le bâton de la justice doit se faire sentir cette fois-ci.

Au titre des dommages et intérêts au bénéfice des victimes qui n’ont pas pu prendre part au jugement, Me Nébié a réclamé la somme de 3 millions de F CFA. Il s’agit d’une condamnation solidaire de tous les prévenus. « Cette somme paraît colossale mais elle n’est pas excessive. Il y a 23 fillettes qui ont subi l’excision. Il faut pouvoir retrouver ses enfants, les faire des tests médicaux, assurer un accompagnement et éventuellement une reconstruction du clitoris parce que cela est possible », a-t-elle expliqué.

Conscient de son acte, dame Diallo a imploré la clémence des juges, avant de prendre l’engagement solennel, au sortir de cette audience foraine, de dénoncer quiconque tenterait d’exciser une fille dans sa localité.

4 ans de prison ferme pour Diallo Talato

Sa supercherie n’a pas marché puisqu’elle a écopé le maximum de peine prévue par l’article 380 du code pénal, à savoir 4 ans d’emprisonnement ferme. En répression, le présumé Souleymane Zabré a été condamné à une peine d’emprisonnement ferme de 30 mois pour délit d’excision. Tinraogo dit Souleymane Bikinga, Moumouni Nana, Guibsa Birba, Salamata Sawadogo et Guira Bintou ont tous été déclarés coupables de complicité de délit d’excision. Le premier a été condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois ferme plus une amende de 150 000 F CFA. Le second ainsi que les trois dernières, devront chacun payer une amende ferme de 300 000 F CFA.

Le tribunal a également déclaré Kotim Zagré, Mariam Kaboré, Maïmounata Ouédraogo, Alimata Compaoré coupable de complicité de délit d’excision. Une peine d’emprisonnement ferme de 6 mois, tel est leur sort. Le verdict concerne également les cas Bibata Zagsongo, Balkissa Sawadogo, Halidou Ouédraogo, Asséta Ouédraogo, Noufou Bonkoungou et Inoussa Sawadogo. Reconnus coupables de complicité du délit d’excision, ils passeront un séjour de 12 mois ferme en prison. L’une des plus chanceux, c’est aussi Téné Sawadogo. Elle sera privée de liberté pendant seulement 6 mois. La liste se referme avec Guetwendé Sawadogo, condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois plus une amende de 150 000 F CFA, le tout ferme.

Après deux semaines, ils ont un délai de trois mois pour envoyer l’argent. C’est le greffier en chef qui est chargé de la réception.

L’avocat de la partie civile ne pouvait pas espérer mieux. « Je suis très satisfaite. C’est une décision vraiment louable en ce qui concerne l’exciseuse Talato Diallo. Pour les autres prévenus, j’avoue que les cerveaux, ceux qui ont mis tout en œuvre pour que l’excision puisse se tenir, ont écopé de sanction ferme. Ça aussi je le salue… », s’est-elle empressée de dire.

Relativement à la constitution de l’association « Voix de femmes » partie civile, le tribunal l’a déclaré irrecevable. « Selon l’article 2 du code de procédure pénal, (…) les syndicats sont admis à ester et à se constituer partie civile pour la défense moraux de leurs adhérents. Mais en ce qui concerne les associations de défense des droits catégoriels, il faut qu’une loi autorise expressément cette association à se constituer partie civile dans un procès ou initialement, elle n’est pas partie. Hors mis cela, toute association qui remplit les conditions légales d’existence acquière la personnalité juridique. Et du fait de cette personnalité juridique, elle a le droit d’agir en justice. On a la possibilité à partir de ce moment de poursuivre également cette association en justice parce qu’elle devient comme une personne physique. Mais comme elle n’a que la forme morale donc c’est la personnalité morale », a expliqué le procureur du Faso près du tribunal de grande instance de Ziniaré.

Pour autant, Me Nébié n’entend pas « baisser les bras » : « Nous allons nous concerter et puis éventuellement on verra quelle suite donner à cette affaire, s’il faut faire appel ou pas ». Malgré la déception, une chose la réconforte : « Pour une fois, ce n’était pas mal. On nous a permis de nous exprimer, c’était notre objectif ici, de présenter nos observations. Et même si on n’a pas pu avoir la constitution de partie civile au sens juridique du terme, au moins l’impact qu’on a voulu avoir sur les prévenus, les populations locales et grâce à vous les médias, sur l’ensemble de la population national, c’est déjà très positif. Et ça on le note, au bénéfice de l’association ».

Présente au jugement, la secrétaire exécutive de l’Association GASCODE a essayé de donner une explication à la persistance de la pratique de l’excision dans la région du plateau-central. Et, ce en dépit des multiples actions de sensibilisation qu’ils mènent depuis 2009, avec l’appui de l’UNICEF. « Dans la société, les gens n’ont pas les mêmes habitudes. Certains comprennent facilement et ils adhèrent, d’autres sont en train d’hésiter : exciser ou pas exciser, si je n’excise pas qu’est-ce qui va m’arriver. Ils attendent de voir. Enfin, il y a ceux qui sont prêts à tout même si on doit couper leur tête. A ces personnes on n’y peut rien mais généralement, elles sont minoritaires », témoigne Félicité Bassolé. Face aux endurcies de la pratique, elle estime qu’il faut « taper plus fort » tout en continuant la sensibilisation. « Je sens que nous sommes en train d’aller en crescendo. Au début c’était des sursis, ensuite c’était deux trois mois voir un an. Mais vous voyez la sanction de ce soir, on est allé jusqu’à la peine maximale », avant de se réjouir.

Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net

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