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Extrémisme violent au Burkina :Le CGD et le CDD conjuguent les efforts dans la recherche de solutions de lutte

Publié le mardi 24 octobre 2017 à 23h45min

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Extrémisme violent au Burkina :Le CGD et le CDD conjuguent les efforts dans la recherche de solutions de lutte

Le Burkina connaît, ces deux dernières années, de nombreuses attaques ‘’terroristes’’ dans unesous-région ouest africaineplongéedans le phénomène d’insécurité. C’est fort de cette réalité que le Centre pour la démocratie et le développement (CDD), de concert avec son partenaire, le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) et le soutien technique de OSIWA, a initié ce dialogue politique autour du sujet. Ce cadre de réflexions qui s’est tenu les 17 et 18 octobre 2017 à Ouagadougou a regroupé leaders coutumiers et religieux, Forces de défense et de sécurité, organisations de la société civile, médias, etc., venus de plusieurs localités du pays.

« Prévention du terrorisme et lutte contre l’extrémisme violent ». C’est autour de ce thème que le CGD, Burkina, en collaboration avec le CDD, Nigeria, avec le soutien de l’Open Society Initiative pour l’Afrique de l’Ouest (OSIWA), a organisé ce dialogue politique. Une réflexion ‘’imposée’’ par le contexte sous-régional et national marqué par les multiples attaques terroristes. Pour leconseiller technique du ministre d’Etat, ministre de la Sécurité intérieure,Maïmouna Ouattara, l’importance de ce dialogue va de soi, au regard non seulement du contexte, mais également de la provenance des participants. Selon le conseiller technique, le ministère de la sécurité est preneur de toutes les solutions allant dans le cadre de la lutte contre ce phénomène. « Tout ce qui relève de la société civile intéresse le gouvernement », a-t-elle soutenu dans son allocution d’ouverture des travaux.

Selon Assegna Anselme Somda, chargé de programme du CGD, les travaux vont permettre de proposer des recommandations fortes à même d’être prises en compte par les autorités comme contribution des organisations de la société civile, le CGD et le CDD, dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Il a également confié que son institution, le CGD, est en train d’assurer, une fois de plus, le lead au Burkina en matière de réflexions sur le terrorisme et l’extrémisme violent, rappelant au passage que depuis 2010, l’organisation a commencé à produire de la réflexion, au regard de ce qui se passe au nord du Mali.

M. Somda a aussi rappelé que la première étude sur l’extrémisme violent a été réalisée par le CGD, de même que plusieurs autres études sur les questions sécuritaires, en 2016 et 2017. ‘’Pour développer un pays comme le Burkina, il faut lutter inévitablement contre le terrorisme, l’insécurité ; parce qu’aucun investisseur ne peut s’installer dans un pays où il n’y a ni sécurité physique ni sécurité juridique’’, a-t-il dit en substance. Il s’agit d’œuvrerà ce que les efforts de développement ne soient pas sapés par le terrorisme, soutient M. Somda. C’est pourquoi perçoit-il la société civile comme une force de propositions, même si elle n’a pas le pouvoir de décision.
Pour Yusuf Shamsudeen, chargé de programme au CDD, ce dialogue politique est une opportunité pour harmoniser les propositions pour faire face au phénomène, par des propositions de solutions au gouvernement.

Chaque maillon de la société appelé à jouer sa partition

Les deux jours de travaux se sont voulus participatifs. Des communications aux échanges sur les sous-thèmes en passant par des travaux de groupes. La première communication a été assurée par Dr Mamadou Traoré, attaché de recherche en science politique à l’Institut des sciences des sociétés (INSS) autour du thème : « Le Burkina Faso et l’émergence de l’extrémisme islamique : les tendances, les conducteurs et les facilitateurs ».

Selon le communicateur, au Burkina, le terrorisme a longtemps été considéré comme une menace pour des pays voisins (le Mali et le Niger) où des groupes terroristes sont implantés depuis de longues années. Avec la porosité des frontières et la transnationalité des acteurs religieux, poursuit-il, les idéologies fanatiques ont gagné du terrain et ont séduit des jeunes, hypothéquant l’avenir qui peut parfois les conduire à commettre des actes violents et terroristes irréparables.

« Si le nombre de jeunes radicalisés demeure relativement faible au Burkina Faso, selon les constats empiriques, les différentes autorités sont au quotidien confrontées à la montée des radicalités et au risque de mettre en cause les relations et / ou les dialogues interreligieux en construction », a-t-il indiqué. Dr Traoré a aussiretracé l’évolution de la situation au Burkina à traversl’installation des groupes terroristes au Nord du Burkina, notamment avec Ibrahim Malam Dicko, connu comme auteur des discours radicaux dans la localité.

« Analyse des réponses du gouvernement à la suite de la résurgence du terrorisme : défis et perspectives » a été la deuxièmecommunication, livrée par l’enseignant de philosophie, de relations internationales et stratégiques, Dr Abdoulaye Barro. Elle a faitl’analyse des réponses du gouvernement à la suite de la résurgence du terrorisme. « Après les attaques terroristes de janvier 2016, et d’aout 2017 sur l’Avenue Kwame Nkrumah, les Burkinabè ont ressenti comme un droit, et même un devoir, de demander des comptes au gouvernement actuel. Paradoxalement, à l’instar de certains pays, ces attaques terroristes n’ont pas suscité ici une mobilisation nationale de grande ampleur », a-t-il fait observer.

Pour lui, la réalité est que le capital de haine et la formidable organisation dont témoignent ces attaques terroristes ont plongé les Burkinabè dans un effroi, mêlé d’incrédulité, auquel nul ne semble préparé.

Plusieurs défis et perspectives défrichés et parmi lesquels, une démocratie anticipatrice qui doit se bâtir sur une pensée et une attitude prospectives qui redonnent sens au politique, à l’Etat, à la nation, à la citoyenneté. « Aucun compromis n’est possible dans cette ‘’guerre’’ avec des individus et groupes qui refusent toute idée d’humanité partagée, et qui sapent au quotidien la moralité humaine.Le compromis n’existe qu’au cœur de la politique, et non du sacré ! (...). En attendant, face à la résurgence du terrorisme au Burkina, la réalité, est que nous sommes dans un vide, une impasse stratégique.De toute évidence, personne ne peut prédire, à l’heure actuelle, la fin des attaques terroristes contre notre pays », a développé Dr Abdoulaye Barro.

Le consultant en sécurité intérieure, Alain Ouilma, intervenant sur le « développement d’un cadre holistique antiterroriste : des questions-clés » a fait un scannage du contexte sécuritaire au Burkina avant de présenter des orientations stratégiques en matière de lutte contre le terrorisme. Ici, et de façon plus détaillée, il a fait un zoom sur l’organisation générale de la défense, la politique nationale de défense, la politique de sécurité, les causes des menaces sécuritaires (vulnérabilités, fragilités, déficits structurels), les conséquences des menaces sécuritaires (sur la vie politique, économique, sociale), la complexité des défis.

« Le terrorisme n’est pas une normalité, mais nous devons désormais apprendre à vivre avec la menace ; la lutte sera longue et exigeante, mais c’est le prix à payer, si nous voulons que notre sécurité soit garantie », a-t-il encouragé.

Ces deux jours de réflexions ont aussi permis d’aborder plusieurs autres sujets d’envergure nationale, sous-régionale et internationale. Ils ont débouché sur des recommandations à l’endroit du gouvernement, de la société civile, des médias (invités à se pencher sur des productions de sensibilisation) et des partenaires techniques et financiers.

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Ce que des participants ont confié à l’issue des travaux :

Philipe Ilboudo, directeur Atelier-Théâtre La Lumière :« Si nos enfants doivent être éduqués par la rue, c’est un chaos »

C’est un thème assez crucial. Vous constaterez qu’aujourd’hui, il n’y a pas ce pays qui ne parle pas de ce phénomène et qui ne condamne pas les agissements de ces individus qui se cachent derrière la religion pour accomplir leurs salles besognes. Ces individus qui ont décidé de faire dans la désinformation des populations, surtout de la jeunesse en surfant sur le chômage. L’objectif étant de déstabiliser les pays cibles. Mais, avec ce que nous avons entendu ces deux jours de travaux, on est heureux de savoir que les gens ne baissent pas aussi les bras face au phénomène.

Il faut donc mettre l’accent sur la sensibilisation et l’éducation à la base ; parce que les populations n’ont pas les vraies informations sur les motifs réels d’agissements de ces individus, au niveau des cellules familiales, l’éducation n’est plus de rigueur. Si nos enfants doivent être éduqués par la rue, c’est un chaos. Il faut que nous, parents, prenions notre responsabilité pour montrer à nos enfants, le chemin à suivre dans la vie. Nombreux parents ont abandonné l’éducation de leurs enfants aux seuls maîtres de l’école. C’est un abandon de responsabilité et il faut vite se ressaisir.

Abbé Sylvain Yaméogo, vicaire à la Paroisse Notre Dame des Apôtres de la Patte d’oie, représentant le Cardinal Philippe Ouédraogo : « Au loin, j’ai vu un animal et quand je me suis approché, c’était mon frère »

Il faut d’emblée dire que c’est un sujet complexe, les différents conférenciers, chacun a essayé de développer ce qu’il pouvait, dans le sens de son domaine. Mais la réalité est-là, qu’il y a un phénomène difficilement contrôlable et tout le monde doit se mettre à pied-d’œuvre pour trouver des solutions adéquates, on ne peut pas l’adosser à l’une ou l’autre religion. Il faut donc une synergie d’action pour booter ce phénomène, qui révèle un certain mal-être général ; est-ce le rejet d’une civilisation, d’une culture, un problème de pauvreté... ? Tout cela éveille un peu les consciences et c’était bien d’avoir tous ces acteurs pour pouvoir débattre de la question.

Le message aux Burkinabè, c’est toujours celui de la cohabitation pacifique. Au niveau des églises, nous avons le dialogue inter-religieux, qui est bien avancé entre les chrétiens et les musulmans, il y a des rencontres régulières pour essayer de voir comment nous pouvons nous connaître davantage pour mieux vivre ensemble. C’est le message général donné à toute la population ; il faut savoir s’accepter dans toute sa différence et voir la différence de l’autre comme une richesse pour nous et non rester braqué sur des préjugés. J’aime l’exemple sur cette image qui dit « au loin, j’ai vu un animal et quand je me suisapproché, c’était mon frère ». Nous jugeons l’autre quand il est loin de nous, mais quand nous essayons de nous approcher, de prendre contact avec lui, nous ne nous opposons plus à lui, il devient un frère pour nous et ensemble, nous bâtissons notre famille humaine, notre pays.

Adama Ouédraogo, membre de la communauté musulmane du BurkinaFaso : « Aux chrétiens, musulmans, protestants, il ne faut pas se battre après avoir été battus par la pluie »

L’idée même de ce dialogue est très pertinent, surtout discuter sur des points sensibles, certains termes couramment employés. Seulement, j’aurais suggéré, au regard de l’importance du cadre (il est dit dialogue politique), qu’il soit élargi aux acteurs politiques. Qu’à cela ne tienne, grâce aux communications, on a pu discuter sur des aspects importants, donner nos points de vue et je pense que ça peut aider à d’autres niveaux de la sphère décisionnelle.

L’ensemble des Burkinabè doivent poursuivre dans le dialogue inter-religieux qui existe, continuer à s’écouter, ne pas se fier aux préjugés. Regardons autour de nous et développons le vivre-ensemble dans nos milieux, avec nos voisins, etc. Aux chrétiens, musulmans, protestants, je dirais qu’il ne faut pas se battre après avoir été battus par la pluie. Nous sommes tous victimes d’une situation. En plus, dans un pays pauvre, si on doit se battre encore entre nous, ça ne va pas. On a un ennemi commun, le terrorisme.

Boubakary Sadou Dicko, représentant du chef de Canton de Djibo : « A l’ensemble des Burkinabè, je demanderais d’avoir un regard positif sur les autres, éviter la stigmatisation, changer le langage »

C’est très important, ce genre de rencontres, surtout pour nous qui sommes très concernés par la situation. Je retiensd’abord l’engagement et la contribution de tous les participants, la volonté de connaître le problème ; parce qu’en fait, c’est un problème qui est méconnu, il y a beaucoup d’amalgames (il y a tous les éléments qui contribuent à perturber la quiétude dans cette partie du Burkina).Ce type de rencontres permettent d’éclairer un tant soit peu les gens sur ces questions. Au terme des deux jours de réflexion, des chemins ont été balisés. Il faut les approfondir maintenant, en ce sens que ce sont des questions très diverses.

La question militaire certes, mais elle doit être l’élément qui accompagne, nous pensons qu’il faut s’attarder plus sur les questions de développement, de rapprochement de l’administration de l’administré, c’est très important.En réalité, nous avons manqué le rendez-vous de la création d’un Etat-nation dans les années de l’indépendance, si fait que ça créé un développement déséquilibré de nos régions. Ça pose problème, parce que les populations sont regardantes et cela constitue une porte d’entrée pour les bandits vers des jeunes qui n’ont rien à faire, qui se tournent les pouces (on essaye de leur cultiver un sentiment de victime, de révolte, etc.). Lorsqu’on regarde la province du Soum, l’impact économique de cette situation est très importante ; le marché de bétail de Djibo (qui est l’un des plus importants de la sous-région) est à la catastrophe (les Ghanéens, Nigérians...qui y venaient ne viennent plus). Ça, c’est un problème, les gens sont en train de crever, c’est la psychose. L’Etat doit donc jouer son rôle, la presse et la société civile également.

Je voudrais dire à la population de cette partie du pays,qu’il est inutile de se résigner, il faut se battre autrement. A l’ensemble des Burkinabè, je demanderais d’avoir un regard positif sur les autres, éviter la stigmatisation, changer le langage. Les Burkinabè doivent se donner la main, se battre pour créer un Etat-nation.

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Vos commentaires

  • Le 25 octobre 2017 à 15:04, par Bernard Luther King ou le Prophete Impie En réponse à : Extrémisme violent au Burkina :Le CGD et le CDD conjuguent les efforts dans la recherche de solutions de lutte

    Je suis un des auteurs de la precision "extremisme violent" et "extremisme non-violent". Mais je voudrais encore plus precis, l’extremisme n’a rien à voir avec le terrorrisme. La vraie raison de ces deviations a un vrai nom que peu de gens discernent mais que certains specialistes connaissent bel et bien. Ne vous en prenez point à l’extremisme, c’est même une bonne chose. Le veritable problème est d’ordre hermeneutique . Et là-dessus, un des generaux du President Egyptien Al-sissi, à la tête de l’anti-terrorrisme, avait tout dit en la matière. Et à mon avis, la veritable bataille doit être theologique et non seulement militaire. Soyons sincères et intellectuellement honnête par amour pour Dieu.

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