Burkina : La paix, ce n’est pas pour demain
Une tribune de Maixent Somé, citoyen engagé
Hier, 02 octobre 2017, j’ai regardé la cérémonie de lancement de la campagne de collecte de fonds pour la construction d’un mémorial Thomas Sankara, en présence de son camarade de lutte John Jerry Rawlings qui fut très ovationné....
A la fois émouvant et instructif. Le stade était aux 3/4 vide !
Le stade aurait sans doute été plein à craquer si cette cérémonie avait eu lieu après le jugement de son assassinat.
Sankara à toutes les sauces, mais Sankara nulle part dans les réalités du Burkina, à part dans l’esprit de quelques gardiens du temple, et d’une jeunesse qui, pour la plupart, n’ont même pas lu le DOP dont c’était l’anniversaire... Cela ne trompe plus personne !
La paix, ce n’est pas pour demain.
Tout d’abord dans le monde politique et militant, personne ne recherche la vérité et la justice.
Chacun exige que l’on n’instruise qu’à charge OU qu’à décharge... Mais certainement pas à charge ET à décharge !
De même, des crimes de sang et des crimes économiques, chacun met le projecteur sur ce qui peut affaiblir, voire éliminer un adversaire politique, mais planque soigneusement ce qui pourrait l’éclabousser lui-même...
Et le méchant doit être très très très méchant, diabolique même ; et le gentil, très très tès gentil, pur !
Le recel de cadavres est devenu un commerce florissant.
Chacun a son ou ses martyrs rentable(s) politiquement… et commercialement !
Et pourtant, la liste exhaustive des victimes d’assassinats politiques est connue depuis longtemps et est sur la place publique.
Vous pouvez la retrouver dans le rapport de la Commission des Sages, après l’affaire Norbert Zongo.
Vous pouvez la trouver mise à jour et largement instruite dans le rapport du CRNR.
Ces assassinats, arrestations arbitraires et tortures ont débuté en 1982 sous le CSP, sont montés en puissance sous le CNR de Sankara, ont connu une inflation à partir du Putsch du 15 octobre 1987, pour connaître enfin une accalmie après l’assassinat de Norbert Zongo et ce jusqu’à la fin du règne de Blaise Compaoré.
Sous le CNR de Sankara, on est même allé assassiner l’homme d’affaires burkinabè et opposant politique supposé, Valentin Kinda à Abidjan, en Côte d’Ivoire !
Seulement, il y a les bons crimes dont on parle et les mauvais dont on ne parle pas car ils battent en brêche la propagande manichéenne !
Du côté des territoires et des populations également, ce n’est guère reluisant.
Tout cela est implacable. La malgouvernance endémique de nos états néocoloniaux a été drastiquement aggravée par la succession des Plans d’Ajustements Structurels du FMI et de la Banque Mondiale dans la décennie 90.
Selon le nouveau dogme néo-libéral, il fallait dégraisser le mamouth étatique. Alors on a démantelé l’Etat dans les rares secteurs où il était balbutiant : Education, Santé, Défense.
Abraham Lincoln disait : « Si vous pensez que l’éducation est trop chère, alors essayez l’ignorance ! ».
Et bien nous, nous avons cru bon d’essayer cela ! Et nous avons hypothéqué notre avenir pour un plat de lentilles (beinga si vous préférez) !
Accessoirement, ces PAS ont également été l’occasion de brader le patrimoine étatique dans des privatisations sauvages et oligarchiques ! Résultat, nos états ainsi faillis ont définitivement abandonné les zones de leurs périphéries, et des pans entiers de leurs territoires, donc de leurs populations !
La nature ayant horreur du vide, d’autres s’y sont installés. Ont construit des systèmes sociaux en marge de la république. Et on se réveille presque trente ans plus tard pour faire mine d’être surpris par le résultat ???
Oui, l’Etat ne contrôle pas le Sahel. Le PNUD a publié un rapport accablant la semaine dernière sur le radicalisme violent. Ses bases sociales ne sont plus à démontrer !
Oui, las d’être tondues régulièrement et impunément, des populations se sont organisées en Kogl-Wéogos pour prendre en charge leur propre sécurité, et nous, petits bourgeois raffinés, nous frémissons d’effroi dans nos salons climatisés face au spectacle glaçant de leurs méthodes. Mais où étions-nous pendant tout ce temps ?
« Where were you ? » comme nous le demandait déjà John Jerry Rawlings lors d’un fameux meeting à Bobo-Dioulasso en 1983 ? Meeting après lequel le 1er ministre du CSP Thomas Sankara fut jeté en prison lors du coup d’état du CSP2…
Oui, nous avons des territoires, mais également des populations en rupture avec notre république importée, non enracinée, inachevée, et notre nation que nous nous plaisons encore à croire qu’elle est en cours de construction ! Elle ne l’est plus depuis déjà assez longtemps pour qu’il nous faille enfin accepter de comprendre ce que nous voyons sous nos yeux !!!
Et maintenant, quoi ?
A mon humble avis, notre seule voie de salut passe par un droit d’inventaire honnête et sans complaisance sur notre courte histoire.
Soixante ans, à l’échelle d’une nation, ce n’est rien. Nous sommes encore un très jeune Etat, une très jeune nation, et il n’est pas encore trop tard !
Hope this helps,
Maixent SOME
Directeur de Projets SI
Citoyen engagé
Paris.