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Rapport à la « saleté », stratégies de communication et adoption des latrines dans la commune urbaine de Koudougou au Burkina Faso

Publié le jeudi 24 août 2017 à 23h13min

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Rapport à la « saleté », stratégies de communication et adoption des latrines dans la commune urbaine de Koudougou au Burkina Faso

Depuis le début de la décennie 2010, le Burkina Faso a fait de la question de l’assainissement une problématique importante dans le développement du pays. Plusieurs plans et programmes ont été adoptés dans l’optique de faciliter l’appropriation de la question dans toutes les zones du pays.

En dépit de ces efforts, dans le milieu rural, l’assainissement tarde à intégrer les pratiques. L’objectif de cette étude est de comprendre comment les différentes représentations sociales en vigueur dans le milieu rural influencent l’adoption des latrines ?

Notre étude a porté sur quatre villages de la commune urbaine de Koudougou. Ces villages ont accueilli des interventions de la commune et des structures non étatiques porteuses de projets d’assainissement : Kamédji, Nayalgué, Villy et Tiogo-mossi.

Les résultats de cette recherche ont fait ressortir les obstacles de l’adoption des latrines dans la section rurale de la commune urbaine de Koudougou. 4 facteurs justifient la situation des latrines dans les villages de la commune urbaine de Koudougou.
• Le faux prétexte du coût de l’infrastructure : il ressort que taux d’appropriation des latrines est de 41,20% et cela se justifie par le fait que 59% de la population rurale trouve le coût des latrines élevées. Ce prétexte de coût élevé va à contre-courant des communications des porteurs de projet qui mettaient en avant les bénéfices sur les aspects sanitaires des latrines.
• La prégnance des perceptions de la saleté : les populations ont la perception selon laquelle la latrine n’a pas toujours fait partie de leur paysage culturel et pour elles, il faut du temps pour que les latrines s’intègrent harmonieusement dans leur paysage culturel. De cette perception il est ressorti que 61% des populations enquêtées continuent la pratique de la défécation à l’air libre bien qu’elles disposent de latrines.
• La question du capital culturel : il est apparu important au cours de l’étude de questionner les niveaux scolaires des chefs de ménage dans l’optique de faire un rapprochement avec leur rapport aux latrines. Il ressort que les personnes qui sont les plus disposées à adopter les latrines sont celles qui ont bénéficié de l’éducation scolaire car plus des deux tiers des chefs de ménages qui disent n’avoir pas de latrines dans leur cour sont des personnes non scolarisées.
• La problématique de la stratégie de communication et de sensibilisation : Il ressort que les canaux les plus utilisés dans la communication des porteurs des projets d’assainissement sont les rencontres de sensibilisation et la communication via les medias.La limite de ces formes de communication est liée à une implication insuffisante des acteurs importants dans les villages que sont les chefs de villages, les conseillers municipaux, les conseillers villageois de développement dans la construction des messages. Compaoré (2015) dans une étude à Guirgo avait déjà montré combien ces acteurs sont capitaux dans l’adoption des latrines.

Dans la zone rurale de la commune urbaine de Koudougou, en dépit des efforts des différents acteurs, la politique d’implantation des latrines rencontre des difficultés. Très peu de personnes s’y intéressent et les résultats escomptés par les acteurs étatiques et non étatiques porteurs de projets d’assainissement sont loin d’être atteints. En réalité, cette situation est tributaire de la triptyque : représentations sociales ; culture d’assistanat et problèmes de communication.

COMPAORE Jérôme
Chargé de recherches, INERA, 03 BP 7192 OUAGADOUGOU 03, Burkina Faso
Mail : jcompaore2003@yahoo.fr

Bibliographie

BESSETTE Guy, 2004, Communication et participation communautaire : guide pratique de communication participative pour le développement, Laval, Presses de l’Université de Laval.

BLUNDO Giorgio et OLIVIER DE SARDAN Jean Pierre, 2003, Pratiques de la description, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2003.

COMPAORE Jérôme, 2015, "Communication and Appropriation of Autonomous Sanitation at Girgo, A Village of The Urban Commune Of Kombissiri, Burkina Faso" New Media and Mass Communication, Vol.44, pp. 92-99.

DOS SANTOS Stéphanie, 2011, « Les risques sanitaires liés aux usages domestiques de l’eau. Représentations sociales mossi à Ouagadougou (Burkina Faso) », Natures Sciences Sociétés 2011/2 (Vol. 19), p. 103-112.

LAZAREV Grigori et ARAB Mouloud, 2002, Développement local et communautés rurales. Approches et instruments pour une dynamique de concertation, Paris, Karthala.

OLIVIER DE SARDAN Jean Pierre et BIERSCHENK Thomas, 2008, « Les courtiers locaux du développement », Le bulletin de l’APAD, n° 5, Numéro 5 , [En ligne], mis en ligne le 4 juin 2008. URL : http://apad.revues.org/document3233.html. Consulté le 15 mai 2009.

ROGERS, E. M., 1995, Diffusion of innovations (4th ed.). New York : Division of Macmitlan Publishing. Doi : citeulike-article-id:126680

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Vos commentaires

  • Le 26 août 2017 à 12:20, par l’observateur En réponse à : Rapport à la « saleté », stratégies de communication et adoption des latrines dans la commune urbaine de Koudougou au Burkina Faso

    Merci Dr COMPAORE pour cette belle analyse, j’ai toujours été édifié par vos contributions pour améliorer le taux d’accès à l’assainissement en mettant en avant le volet communication.

  • Le 26 août 2017 à 21:06, par ZOUNDI Léontine En réponse à : Rapport à la « saleté », stratégies de communication et adoption des latrines dans la commune urbaine de Koudougou au Burkina Faso

    Volet communication volet communication !!! Sensibilisation, sensibilisation et machin chouette !!! Vous ne pensez pas que nous avons dépassé le stade de la communication et de la sensibilisation ? Je prends à témoin mes maîtres : le Professeur Prosper KOMPAORE de l’ATB avec le théâtre forum et le Professeur Jean Pierre GUINGANE ( paix à l’âme de l’illustre disparu) du théâtre de la Fraternité avec son théâtre débat et leurs comédiens. Qu’avons nous pas fait pour communiquer et sensibiliser nos populations à l’hygiène ? Depuis les années 80, chaque troupe a sillonné à plusieurs reprises le Burkina pour sensibiliser nos populations sur plusieurs thèmes. Et aujourd’hui avec les médias, la prolifération des radios et télés, personne ne peut dire aujourd’hui qu’il ne connait pas le bien fondé de la propreté !
    C’est culturel, c’est culturel oui !!! Mais franchement, ça aussi c’est quelque chose à garder de notre culture ? Tout le monde sait comment aller très vite lorsque le blocage est lié à la culture : il faut mater les mentalités c’est tout. Mettez une police d’hygiène pour s’occuper de toutes ces personnes qui polluent la nature en leur faisant payer des amandes.

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