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Attaques terroristes au Burkina Faso : Sources profondes et orientations pour l’action

Publié le jeudi 24 août 2017 à 21h00min

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Attaques terroristes au Burkina Faso : Sources profondes et orientations pour l’action

Le Burkina Faso n’est pas une terre d’éclosion du terrorisme comme au Nord-Mali avec des groupes importés et autochtones. Boko Haram au Nigéria donne aussi l’illustration d’une revendication extrémiste locale inspirée par des mouvements internationaux. Au Burkina Faso, on assiste jusqu’à présent à une certaine importation de la terreur. Il s’agit d’un phénomène transnational qui profite de la porosité des frontières et de la vulnérabilité du pays au plan sécuritaire.

La dernière attaque le 13 août 2017 du Café Aziz Instanbul au cœur de Ouagadougou, la capitale burkinabè, a inspiré cette analyse qui est une version actualisée d’une communication donnée en février 2016 à Gorée Institute (Dakar/Sénégal). Elle porte sur les causes et les manifestations du terrorisme, ses conséquences et propose quelques recommandations afin d’éviter que le pays ne bascule dans le chaos.

I. Causes et manifestations
I.1. Causes

Des mobiles internes et externes expliquent l’émergence des attaques terroristes contre le Burkina Faso depuis avril 2015.

A. Causes internes

La crise sociopolitique de 2014 et la transition politique ponctuée par des tensions militaro-civiles a fragilisé le Burkina Faso sur le plan sécuritaire. Cet affaiblissement expose le pays aux attaques terroristes (BETH (Emmanuel), « Les terroristes veulent gêner le développement et instaurer la peur », Invité Afrique (RFI), par BOIBOUVIER (Christophe), mercredi 20 janvier 2016, in http://www.rfi.fr/emission/20160120-general-emmanuel-beth). Le système sécuritaire du pays sur les plans du renseignement et de la capacité de réaction face aux attaques terroristes a pris un coup. Les nouvelles autorités issues des élections de novembre 2015 ont pour défi le renforcement du volet sécuritaire du pays.

Comme tous les autres pays de la région, la porosité des frontières expose le Burkina Faso aux attaques terroristes.

A cela, il faut ajouter l’envoi de près de deux milliers de militaires burkinabè au Mali dans le cadre de la MINUSMA pour la stabilisation de ce pays. Installées à Tombouctou, les forces burkinabè sont constamment victimes d’attaques des groupes armés. L’attaque de la capitale, le 15 janvier 2016, serait, selon certains analystes, un avertissement et un acte de représailles contre la participation burkinabè à la MINUSMA (RTB, émission « La riposte contre le terrorisme », par Fousseni KINDO, 17 janvier 2016) .

De toutes ces causes visibles liées directement au phénomène terroriste, il faut aussi ajouter les facteurs prédisposant le Burkina Faso aux attaques terroristes. Dans l’étude conduite par le Global Center on Cooperative Security en 2014, il est noté que « des conditions économiques, surtout la pauvreté, le sous-développement et le chômage, et des facteurs politiques liés à la corruption, l’impunité et la mauvaise gouvernance » (LOADA (Augustin), et ROMANIUK (Peter), juin 2014, op. cit., p. 4.)rendent le Burkina Faso vulnérable aux attaques terroristes.

Cependant, la même étude note que « Malgré ce risque généralisé, la menace d’extrémisme violent au Burkina Faso n’est pas imminente et reste faible comparé aux pays voisins. Il est rare que les Burkinabè tombent dans l’extrémisme pour exprimer leurs revendications » (LOADA (Augustin), et ROMANIUK (Peter), juin 2014, op. cit., p. 4.). Ce message rassurant est mis à rude épreuve avec la récurrence des attaques dans la Région du Sahel et avec la seconde attaque de la capitale burkinabè le 13 août 2017.

Il faut prendre ce risque au sérieux. Depuis les premières attaques terroristes en avril 2015 jusqu’en août 2017, près d’une centaine de personnes ont perdu la vie, des centaines d’autres ont été blessés et des milliers de Burkinabè vivent dans la psychose. De possibles complicités ou adhésions locales aux idées extrémistes sont à considérer malgré le niveau de tolérance élevé de la pratique religieuse des Burkinabè.

Une telle veille permettrait d’éviter d’éventuelle radicalisation de groupes locaux (certains analystes évoquent l’existence possible de cellules dormantes des groupes terroristes sur le sol burkinabè) et l’installation d’extrémistes étrangers. Si la participation de Burkinabè aux opérations terroristes reste une donne possible, certains analystes soutiennent qu’elle serait marginale et ne serait pas le fait d’engagés idéologiques mais de jeunes en quête de bien-être attirés par les promesses des chefs terroristes. C’est le sens des propos de l’enseignant-chercheur Jacob Yarabatioula : « Mais je voudrais vous rassurer après avoir analysé le profil sociologique, que ce soit des habitants du Sahel, de ceux du Plateau central ou des autres sensibilités sociales de notre pays, il est très difficile pour un Burkinabè, à l’heure où je vous parle, de se lancer dans ce processus djihadiste à connotation idéologique. » (« ATTAQUES TERRORISTES AU BURKINA : « L’approche sécuritaire à elle seule ne suffit pas pour protéger tout un pays. » », Jacob Yarabatioula, enseignant-chercheur, Le Quotidien, mardi 27 janvier 2016, in http://netafrique.net/attaques-terroristes-au-burkina-lapproche-securitaire-a-elle-seule-ne-suffit-pas-pour-proteger-tout-un-pays-jacob-yarabatioula-enseignant-chercheur/).

La reconnaissance de la motivation économique pour la radicalisation de jeunes burkinabè invite à la prise de mesures adéquates par le gouvernement, par le secteur privé et par les organisations de la société civile pour renforcer l’employabilité et les capacités entrepreneuriales de la jeunesse. Pour certains observateurs, le manque d’alternative pousse les jeunes vers trois horizons sans espoir : la contestation (incivisme), l’émigration clandestine et la radicalisation.

B. Causes externes

La crise malienne et l’émergence des mouvements terroristes dans l’espace sahélo-saharien (AQMI, MUJAO, ANSAR DINE, DAECH…) présentent des sources d’insécurité pour les pays voisins dont le Burkina Faso.

La crise libyenne a été à l’origine de la déstabilisation du Mali. Les observateurs font remonter à la crise libyenne les causes profondes de l’insécurité dans l’espace sahélo-saharien. En effet, la désagrégation de la Libye a permis aux groupes terroristes de se procurer des armes mais aussi de recruter des combattants.

La présence militaire française et américaine dans la capitale burkinabè serait, selon certains observateurs, une cause de l’attaque terroriste à Ouagadougou, le 15 janvier 2016. BoukarySawadogo parle de perspective nationaliste et soutient : « C’est une grille de lecture selon laquelle le terrorisme est un moyen par lequel les puissances occidentales veulent recoloniser l’Afrique. En ce sens, l’impératif sécuritaire serait un prétexte pour (re)installer des bases militaires et des dispositifs de renseignement pour mieux défendre leurs intérêts.

Le marché africain suscite des convoitises, et de nouveaux acteurs, comme la Chine, bousculent les anciennes puissances colonisatrices. »(SAWADOGO (Boukary), « Attaques de Ouagadougou : je me pose des questions ! », mercredi 20 janvier 2016, in http://lefaso.net/spip.php?article69220).

I.2. Manifestations

« Ce qui tâte la joue finira par arriver à la gorge », dit un proverbe burkinabè. Le même peuple soutient : « une maison ne s’écroule pas sans qu’il y ait d’abord quelques mottes qui tombent en signe d’alerte. » Depuis avril 2015, quelques incursions de groupes armés non identifiés s’attaquent au Burkina Faso par la périphérie (RFI, « Attaque terroriste au Burkina Faso : des signes avant-coureurs », in http://www.rfi.fr/afrique/20160116-attaque-terroriste-burkina-faso-signes-avant-coureurs). Ouagadougou, la capitale burkinabè, est touchée au cœur le 15 janvier 2016.

A. Menaces récurrentes dans le Sahel burkinabè

Le Burkina Faso a une longue frontière septentrionale avec deux pays touchés par des attaques djihadistes, notamment le Mali et le Niger.
Depuis le 04 avril 2015 (première attaque enregistrée avec l’enlèvement d’un expatrié membre de l’équipe de sécurité de la mine de Tambao, située dans la province de l’Oudalan (Région du Sahel). Le conducteur et un gendarme burkinabè ont été blessés à l’occasion selon un communiqué du Service d’information du gouvernement, publié par lefaso.net, Tambao : Le gouvernement confirme l’enlèvement d’un expatrié européen, Communiqué, 05 avril 2015, in http://www.lefaso.net/spip.php?article64089) au 17 août 2017 (Selon un communiqué de la direction de la communication et des relations publiques des armées, le jeudi 17 août 2017, dans le cadre de leurs actions quotidiennes de sécurisation dans la zone nord du pays, un véhicule de patrouille du convoi militaire du détachement de Djibo a été victime d’un engin explosif improvisé qui a causé la mort de trois soldats et blessé deux gravement.), les groupes armés font parler d’eux par plusieurs attaques et assassinats dans la Région du Sahel au Nord du Burkina Faso.

A titre d’illustrations, nous retenons deux actes terroristes. Dans la nuit du 15 janvier 2016 à Djibo, dans la province du Soum (Région du Sahel), il a été signalé l’enlèvement d’un couple australien dont l’épouselibérée quelques semaines après au Niger (il s’agit du Docteur Kenneth Arthur Elliot et son épouse Joceline de nationalité australienne, installés à Djibo depuis 1972 et responsables de la clinique Elliot dans cette localité).A cela s’ajoutent les événements du 16 décembre 2016 à Nassoumbou dans la province du Soum au cours desquels douze soldats burkinabè ont été tués et quatre autres blessés.

B. Les attaques terroristes au cœur de Ouagadougou(janvier 2016 et août 2017)

L’attaque, le 15 janvier 2016, contre le Restaurant Capuccino, le restaurant Taxi-Brousse, l’Hôtel Splendid et l’Hôtel Yibi sur l’avenue Kwamé Nkrumah, revendiquée par Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), s’est soldée par une trentaine de morts dont les assaillants. Les forces de sécurité burkinabè ont reçu le soutien des forces spéciales françaises de l’opération Barkhane et l’appui militaire des Etats-Unis. AQMI justifie son acte par les opérations françaises en Afrique (Mali, Centrafrique…) et par l’invasion de la culture occidentale.

Ce mode opératoire a déjà été employé le 20 novembre 2015 à l’Hôtel Radisson Blue de Bamako, au Mali. Là aussi, l’appui de la France, des Etats-Unis et des forces onusiennes a été nécessaire pour mettre fin à la prise d’otages.

Le 13 août 2017, deux terroristes attaquent le Café Aziz Instambul sur l’Avenue Kwameh N’Krumah (Ouagadougou, Burkina Faso). Dix-huit (18) personnes de plusieurs nationalités ont été tuées. Contrairement à la première attaque, la dernière a connu une réaction diligente et professionnelle des forces de défense et de sécurité. Il faut également souligner la bonne communication de crise de la part du gouvernement. L’événement a bénéficié d’une couverture médiatique professionnelle. Tous les acteurs de vie nationale (politiques, des communautés religieuses et des organisations de la société civile) ont appelé à la solidarité et à la cohésion face à la barbarie des terroristes.

II. Conséquences

Les attaques terroristes enregistrées au Burkina Faso ont des conséquences sur les plans politique, économique, socio-psychologique et géopolitique. Des scénarii d’évolution pourraient être dessinés.

II.1. Niveaux de conséquences

Ces attaques terroristes contre le Burkina Faso ont des conséquences à quatre niveaux :

- au niveau politique, les terroristes déstabilisent le pays et mettent en évidence la fragilité de son système sécuritaire. Ces attaques portent une atteinte aux droits humains. Pour certains observateurs, les terroristes veulent s’attaquer à l’exemple démocratique du Burkina Faso issu du scrutin couplé du 29 novembre 2015 ;

- niveau économique, le pays qui compte énormément sur le secteur minier risque de voir partir les investisseurs étrangers. Ces attaques portent atteinte à l’image du Burkina en tant que pays sûr et fréquentable ;

- socio-psychologique, les attaques terroristes pourraient fragiliser la cohésion sociale si le discours extrémiste reçoit un écho favorable auprès de certaines couches de la population. Le gouvernement interpelle déjà les citoyens à éviter les violences verbales et physiques contre des personnes portant une barbe fournie, enturbannées ou voilées (Ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure, Communiqué du 17 janvier 2016). Il y a également le risque de voir la population sombrer dans une certaine psychose face à ces tueurs sans foi ni loi convaincus de leur mission « divine » et prêts à mourir en martyrs du terrorisme ;

- l’impact de la déstabilisation du Burkina Faso sur la sous-région : en tant que zone tampon entre le Nord et le Sud de l’espace ouest africain, les attaques terroristes perpétrées au Burkina Faso rendent davantage vulnérables d’autres capitales du Sud telles que Cotonou, Lomé, Accra, Abidjan et même Dakar. Il faut craindre la progression vers le sud de la pieuvre terroriste, programme porté depuis les années 90 par le GSPC, devenu AQMI et ayant favorisé la naissance d’autres groupes secondaires.

Pour le Burkina Faso, trois scénarii possibles sont envisageables.

II.2. Scénarii possibles
A. Meilleur scénario

Le Burkina Faso répond efficacement à la menace par un service de renseignement professionnel et par une action sécuritaire robuste permettant de repousser toute tentative d’incursion terroriste sur le territoire national. Le pays est complètement à l’abri des attaques terroristes, les investisseurs sont rassurés et la croissance économique est relancée. Le pays devient une référence de paix et de prospérité dans la sous-région.

Ce scénario demeure idéaliste car sa réalisation dépend de la victoire des autres pays sur les mouvements terroriste, notamment du Mali, du Niger, de la Mauritanie et de l’Algérie. La fin de la crise en Libye est aussi une exigence pour que ce scénario se réalise. Il s’agit d’un scénario qui dépend beaucoup de la loi de l’interdépendance en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme dans la région sahélo-saharienne. Il faut espérer l’opérationnalisation de la force militaire du G5 Sahel regroupant le Burkina, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.

B. Scénario réaliste

Le Burkina Faso dispose d’une bonne réponse en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme. Les forces de sécurité et de défense disposent de moyens conséquents pour faire face aux incursions opportunistes des mouvements terroristes. Les frontières sont mieux contrôlées. La coopération régionale contre le terrorisme, notamment à travers le G5 Sahel, est opérationnelle et permet de réduire sur l’ensemble de la région sahélo-saharienne les attaques.

La menace est alors sous contrôle. Les Burkinabè intègre la donne terroriste et vivent dans la vigilance. Des actions de sensibilisation permettent d’éviter l’intégration de la pensée extrémiste dans les mentalités. Des efforts de développement sont entrepris afin d’éviter l’utilisation de la pauvreté des populations pour les convertir aux idées extrémistes et engager les jeunes comme combattants aux côtés des terroristes. Il faut renforcer l’employabilité des jeunes et leurs capacités entrepreneuriales, notamment dans les zones vulnérables du nord du pays.

Ce scénario est le plus probable en tenant compte des possibilités nationales et des capacités régionales de réponses aux attaques terroristes.

C. Pire scénario

Le Burkina Faso devient un sanctuaire pour les terroristes. Des mouvements s’y installent. Les populations, notamment musulmanes se convertissent aux idées extrémistes. Des attentats-suicides, des opérations de guérilla, des attaques contre les intérêts de l’Etats, contre les autres confessions religieuses et contre les occidentaux sont enregistrés au quotidien. Le pays sombre dans la violence. Les investisseurs quittent le pays. La pauvreté se généralise et s’approfondit.

Ce scénario est improbable car le pays dispose d’un ciment national en matière de tolérance religieuse. Presque chaque famille au Burkina Faso est multiconfessionnelle avec des musulmans, des catholiques, des protestants et des adeptes des religions traditionnelles vivant en harmonie sous le même toit. Une déstabilisation sociale et une déstructuration de ce ciment ne peuvent pas se réaliser. C’est le sens de l’appel de l’analyste BoukarySawadogo : « Les forces vives de la nation se dresseront unies contre cet ennemi qui veut faire régner la peur, la suspicion et la discorde. Nous sommes encore plus unis et déterminés dans la construction d’un Faso plus fort. La marche inexorable des Burkinabè sur le chemin de la paix et du bonheur ne saura être retardée par des terroristes qui ne promeuvent que la haine et la désunion. » (SAWADOGO (Boukary), op. cit.) C’est aussi le sens des messages des acteurs politiques, religieux et de la société civile après l’attaque du 13 août 2017 à Ouagadougou qui dans l’unanimité invitent à la cohésion et à la solidarité face à la menace terroriste.

III. Recommandations

Afin de contribuer à une lutte plus efficace contre le terrorisme, des actions doivent être entreprises par les acteurs aux niveaux communautaire, national, transnational, continental et international.

III.1. Aux niveaux communautaire et national

- A l’endroit des acteurs de la société civile (associations, ONG, structures d’éducation, de formation et de recherche, artistes) : entreprendre et intensifier les actions de sensibilisation, d’éducation et de promotion du développement afin que le savoir et le progrès servent de remparts à l’idéologie extrémiste. Avant d’être une réalité militaire et une menace sécuritaire, le phénomène du terrorisme est d’abord un discours, en ensemble de mots, une perception de la vie.

La réduction du phénomène passe par un changement de perception du phénomène et de ses tendances profondes. Le renforcement des capacités des acteurs demeure une absolue nécessité pour assurer avec efficacité les missions. Au message de la haine et de la division porté par les extrémistes, les acteurs de la société civile doivent opposer un message d’amour, de paix et de promotion des droits humains. Cela revient à entreprendre des initiatives citoyennes de sensibilisation, d’éducation et formation de la jeunesse sur les mécanismes de prévention l’extrémisme violent.

- A l’endroit des médias : donner une bonne information sur le phénomène terroriste et éviter que le discours extrémiste ne fasse écho au sein des populations. Reconnaître la dimension discursive du radicalisme religieux invite à le contrecarrer par une offensive informationnelle porteuse de valeurs de paix et de tolérance. Une meilleure compréhension par les acteurs du phénomène terroriste, de son idéologie, de ses causes profondes, de son évolution dans le temps et dans l’espace, de ses conséquences est nécessaire. Les acteurs des médias doivent bénéficier d’une formation adéquate pour plus de professionnalisme.

- A l’endroit des autorités nationales : œuvrer au service d’une gouvernance vertueuse porteuse de prospérité pour tous et surtout pour les populations défavorisées et fournir les moyens pour la sécurisation des frontières et de l’ensemble du territoire national. Les autorités nationales doivent faire preuve d’une démarche inclusive afin de rassembler toutes les forces politiques et sociales du pays dans le cadre d’une réflexion approfondie sur la recherche des solutions aux problèmes du terrorisme.

C’est de la responsabilité de l’Etat d’encadrer les espaces confessionnels pour qu’il s’y diffuse un message de paix et de tolérance. L’enseignant-chercheur Jacob Yarabatioula propose : « Globalement, il faut apprendre aux gens à être tolérants, à dire la vérité à leurs fidèles, à leur prêcher l’amour, la solidarité et la paix. (…). Il faut avoir un œil sur tout cela mais encore une fois il faut avoir une approche intégrée. Il ne faudra pas chercher résoudre un problème tout en créant d’autres. Je suis de ceux-là quipensentque, quece soit les imams, les prêtres et les pasteurs et les évangélistes, tous ces acteurs soient sensibilisés sur les questions fondamentales relatives aux valeurs de notre pays afin qu’ils les défendent dans leurs espaces de services : mosquées et églises » Jacob Yarabatioula, op.cit.)

En plus du volet religieux, l’Etat doit assumer sa responsabilité d’éducation pour construire un citoyen respectueux des règles et soucieux de la cohésion nationale. Les autorités nationales et les autres acteurs publics, privés et non étatiques doivent être orientés par des analyses pertinentes et des recommandations concrètes des structures d’alerte précoce, notamment le WANEP-Burkina et le Centre National de Coordination du Mécanisme d’Alerte Précoce et de Réponse (CNCMAPR). Il est impératif de réduire le temps entre l’alerte et la réponse afin de gérer efficacement les situations de crise liées au terrorisme.

Il y a également une urgence à renforcer le secteur du renseignement et doter les forces de défense et de sécurité de moyens sophistiqués pour lutter contre le terrorisme. Il faut également mettre l’accent sur le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité en situation de guerre asymétrique. Une meilleure collaboration entre les forces de défense et de sécurité et les populations en matière de renseignement contribuera à la réussite de la lutte contre le terrorisme.

En amont, l’Etat doit prévenir le terrorisme par une amélioration de l’employabilité et par le renforcement des capacités entrepreneuriales de la jeunesse afin d’éviter l’utilisation des jeunes pour commettre des actes terroristes. Il n’y a pas de victoire sur le terrorisme sans une gouvernance vertueuse, inclusive et participative.

Il n’y aura pas de réussite de la lutte sans une volonté politique franche et manifeste des autorités nationales et avec la fédération des efforts des Etats de l’espace sahélo-saharien.

III.2. Aux niveaux transrégional et continental

- A l’endroit des pays de la zone sahélo-saharienne (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) : rendre opérationnel les actions de lutte dans le cadre du G5 Sahel. C’est le sens du message du président du Faso, le 29 décembre 2015 lors de son investiture : « Au moment où j’accède à la plus haute charge de l’Etat, la situation sécuritaire dans le monde en général et dans la sous-région ouest africaine en particulier est préoccupante en raison de l’ampleur des menaces et actions terroristes.

C’est pourquoi nous devons mutualiser nos moyens de défense, nos informations, entre nos pays et de concert avec tous les autres pays qui luttent contre le terrorisme dans le monde pour présenter un front uni contre ces fléaux qui menacent l’existence même de nos Etats » (« Discours d’investiture du Président Roch Marc Christian KABORE », mardi 29 décembre 2015, in https://lefaso.net/spip.php?article68881). C’est ce qu’il rappelle le 25 janvier 2016 dans son allocution d’hommage aux victimes des attaques du 15 janvier 2016 aux Burkina Faso : « Pour clore mon propos, dois-je rappeler que le défi de la paix et de la sécurité que nous devons relever est grand. Ce sera une lutte de chaque instant. C’est pourquoi, nous devons construire un front uni et efficace au plan interne, sous-région al et international pour apporter la riposte appropriée à toutes les forces du mal qui veulent déstabiliser nos pays.

C’est en restant debout, déterminés, vigilants et sans aucune concession au terrorisme que nous rendrons le meilleur hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont été fauchés si atrocement à la vie lors de ces attaques meurtrières. » (Allocution du Président du Faso à la cérémonie d’hommage, 25 janvier 2016, in https://www.facebook.com/sig.burkina.9/posts/474438596093898).

- A l’endroit de la CEDEAO : développer des projets sur la prévention et la gestion des crises liées à au terrorisme dans l’espace CEDEAO. La communauté régionale doit opérationnaliser sa stratégie de lutte antiterroriste. Un dialogue est aussi nécessaire entre la CEDEAO et les autres régions (Afrique du Nord, Afrique centrale et Afrique de l’Est) dans la dynamique d’une action transnationale contre le terrorisme. Elle peut se faire dans le cadre de la réactivation de la CEN-SAD. Des actions transnationales des différentes communautés économiques régionales africaines sont indispensables pour réduire les effets possibles de la connexion des différents groupes tels que AQMI dans le Sahel, BokoHaram au Nigéria, l’Etat islamique en Libye, les Frères musulmans en Egypte et les Shebabs en Somalie.

- A l’Union Africaine : appuyer les régions pour rendre opérationnelles les forces africaines en attente afin de faire face à la menace terroriste dans l’espace sahélo-saharien, en Afrique centrale, en Afrique du Nord et en Afrique de l’Est.
III.3. Au niveau international

- A l’endroit de la Communauté internationale : octroyer les financements nécessaires pour soutenir les initiatives communautaires, nationales, régionales et africaines de prévention et de gestion des crises liées au terrorisme. Le concours de la communauté des investisseurs étrangers et des partenaires techniques et financiers est indispensable pour créer un espace favorable aux affaires en Afrique. La question de la lutte contre le terrorisme devrait être une priorité dans les débats lors des négociations entre l’Afrique et ses partenaires (UE, USA, Brésil, Canada, Chine, Inde, Turquie…).

A l’image des promesses faites par la communauté des donateurs ayant octroyé deux cent cinquante millions de dollars pour lutter contre BokoHaram (« Nigeria : Lutte contre BokoHaram : 250 millions de dollars promis » », 1er février 2016, in http://netafrique.net/nigeria-lutte-contre-boko-haram-250-millions-de-dollars-promis/), une attention similaire doit être accordée aux autres régions sous la menace terroriste afin que la prise en charge des actions contre ce phénomène soit à la fois globale et transversale.

La pertinence de ces recommandations dépendra de l’action synergique des acteurs. La lutte contre le terrorisme doit privilégier une approche intégrée prenant en compte dans le temps et dans l’espace les dimensions politique, religieuse, éducative, développementaliste, institutionnelle, diplomatique, transnationale, sécuritaire et militaire (RTB, émission « La riposte contre le terrorisme », par Fousseni KINDO, 17 janvier 2016) . Le terrorisme tiresa raison d’être de causes multiples et mouvantes. Les efforts de réduction du phénomène doivent prendre une dimension multidimensionnelle et engager des acteurs multiples capables de s’adapter, dotés d’imagination et de créativité.

Le phénomène est très complexe. Il se nourrit à la fois de l’extrême pauvreté et de l’ignorance mais aussi peut prospérer dans un milieu de grande richesse, de savoir et de savoir-faire avancés. Certains combattants, acculés par la pauvreté et vivant sous l’ombre de l’ignorance, adhèrent aux idées extrémistes par volonté de sortir de la pauvreté. D’autres, issus de familles riches et de niveau d’éducation élevé, s’engagent dans le terrorisme par volonté de lutter contre « l’injustice ». Par une approche appropriée, les promoteurs du terrorisme recrutent au sein des populations aisées et des milieux prospères de la société. La plupart de ces promoteurs ont un niveau académique avancé (ingénieurs, docteurs) dans des domaines théologiques, scientifiques, techniques, technologiques, entre autres (RTB, émission « La riposte contre le terrorisme », par Fousseni KINDO, 17 janvier 2016).

Les discours des extrémistes reçoivent un écho favorable auprès des personnes vivant dans l’ignorance et victimes de l’arrogance des injustes, internes et externes (les principales victimes sont les jeunes et les femmes). En résumé, les principaux domaines qui nécessitent le regard de l’ensemble des acteurs interpellés sont :

- éducation, information, sensibilisation ;
- bonne gouvernance ;
- création d’un cadre formel de concertation entre les principaux dignitaires des communautés religieuses ;
- renforcement de la politique d’emplois des jeunes par le gouvernement ;
- adoption d’une stratégie globale de lutte contre le terrorisme ;
- réduction du fossé entre l’Etat et les populations ;
- renforcement des institutions et amélioration du fonctionnement de l’Etat pour mieux répondre aux besoins des populations ;
- lutte contre l’injustice sur toutes ses formes (Notes de l’atelier de Gorée Institute sur le cas du Mali) 04-05 février 2015, à Gorée/Dakar).

Conclusion

En définitive, il est important d’anticiper pour éviter l’injection du venin du terrorisme dans le corps social burkinabè à travers un discours extrémistes de justification des attaques enregistrées. Avec 60% de musulmans, toute stigmatisation à coloration religieuse peut déboucher sur des violences. Il faut œuvrer à préserver l’harmonie, la cohésion et la tolérance religieuses séculaires que connaît le pays. Ces attaques aveugles sont perpétrées contre tous les Burkinabè et les amis du Burkina Faso sans distinction de religion et de nationalité.

Les réponses doivent être collectives et inclusives prenant en compte l’approche tridimensionnelle : « diplomatie, développement et défense » (approche privilégiée par les Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme). Au niveau communautaire et national, cette approche peut être convertie en « éducation, développement et sécurisation. »

Cela nécessite un consensus national car les fissures au sein du tissu social interne sont favorables à l’infiltration des éléments nuisibles extérieurs. Tant qu’à l’intérieur des personnes se sentent lésées, discriminées et exclues du processus d’approfondissement de la démocratie, les risques de déstabilisation sont significatifs. La véritable sécurité commence à l’intérieur. La concorde et la cohésion nationale sont les ciments de la paix et du développement. Les Burkinabè doivent accepter leur interdépendance pour s’engager dans un nouvel élan de « vivre ensemble » en toute confiance et fraternité.

Le Président du Faso, suite à la prise d’otages de Ouagadougou du 15 janvier 2016, abonde dans le même sens : « Ma conviction est établie que dans l’unité et la cohésion nationale, nous sortirons victorieux de cette guerre qu’ils imposent à notre Peuple ainsi qu’à tous les autres peuples du monde, épris de paix et de liberté. » (« Attaques terroristes : Le président Roch Kaboré s’adresse à la nation. », samedi 16 janvier 2016, in http://lefaso.net/spip.php?article69142)

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