LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Formations internationales délocalisées à Ouagadougou : « Les normes IFRS concernent tous les professionnels du chiffre au Burkina Faso »Jean-Jacques Friedrich

Publié le samedi 12 août 2017 à 00h52min

PARTAGER :                          
Formations internationales délocalisées à Ouagadougou : « Les normes IFRS concernent tous les professionnels du chiffre au Burkina Faso »Jean-Jacques Friedrich

En marge de la cérémonie de sortie de la première promotion d’auditeurs burkinabè du Certificat Manager IFRS, le 28 juillet dernier à l’université Ouaga 1 Pr Joseph KI-ZERBO, nous avons rencontré le principal artisan des formations internationales à Ouagadougou : Jean-Jacques Friedrich. Il est Professeur agrégé d’Economie et Gestion et diplômé Expert-comptable et il enseigne la comptabilité à l’iaelyon School of management - Université Jean Moulin. Au cours de cet entretien, il aborde la collaboration entre son institution et l’Université Ouaga 1 Pr Joseph KI-ZERBO. Il revient également sur la portée du Certificat Manager IFRS pour les professionnels burkinabè et le coût des formations délocalisées à Ouagadougou.

Pouvez-vous nous faire la genèse de la collaboration entre l’Université Jean Moulin-Lyon 3 et l’Université Ouaga I Pr Joseph KI-ZERBO
Jean-Jacques Friedrich : La Coopération entre nos deux universités a commencé en 2005. Le Pr Joseph PARE était à l’époque le président de l’Université de Ouagadougou, devenue aujourd’hui Université Ouaga 1 Pr Joseph KI-ZERBO.

Nous avons entrepris à cette époque de délocaliser un master de commerce extérieur, devenu par la suite master en Management et commerce international, avec l’idée de former sur le campus de l’Université de Ouagadougou(NDLR : aujourd’hui Université Ouaga I Pr Joseph KI-ZERBO) des cadres à forts potentiels capables de diriger des organisations exerçant partiellement ou totalement des activités à l’international.

Avec l’appui du Pr Jean KOULIDIATI, vice-président de l’Université à l’époque, nous avons ainsi sorti quatre promotions de 2006 à 2009. Après une coupure de quatre ans, la coopération a repris en 2011. Nous en sommes donc aujourd’hui à la neuvième promotion sortante et nous recrutons en ce moment même la dixième promotion de ce master.

Vous êtes aujourd’hui porteur d’une nouvelle formation dénommée "Certificat Managers IFRS" que vous avez lancée il y a de cela un an. Comment en êtes-vous arrivé à cette nouvelle offre de formation ?

Depuis un an en effet, nous réfléchissons à d’autres formes de formations. Nous avons été sensibles à la demande exprimée par certains de nos anciens étudiants qui souhaitaient avoir des formations courtes et pointues ne débouchant pas sur des diplômes classiques (Licences ou Masters), mais sur des qualifications reconnues.

Nous avons repris un modèle qui existe déjà dans les universités américaines qui est celui des certificats d’université. Après un gros travail mené conjointement avec le Pr Jean KOULIDIATI, nous avons travaillé sur plusieurs thématiques susceptibles de déboucher sur des certifications de compétences.

Nous avons commencé par lancer une première formation, qui semblait intéresser un grand nombre de personnes, portant sur les normes comptables internationales IFRS (NDLR : International Financial Reporting Standards) avec pour objectif de former des professionnels du chiffre à être aptes à manager un processus de reporting ou d’adoption de ces normes dans leur environnement comptable, d’où l’intitulé de cette formation : MANAGER IFRS.

A quoi correspond exactement le "Certificat Managers IFRS" ?

Les lauréats de la première promotion du "Certificat Managers IFRS" posant avec les officiels et autorités universitaires de l’UO1-JKZ lors de la cérémonie de sortie de promotion

Le principe d’un certificat est simple. Il s’agit d’une formation courte, comprise entre 60 et 70 heures de formation, soit généralement 3 modules de 2 à 3 jours chacun, portant sur une thématique pointue, s’adressant exclusivement à des professionnels et débouchant, après évaluation, sur un certificat attestant de compétences avérées. Lorsque vous regardez l’offre des certificats au plan international, vous constaterez que beaucoup de certificats sont dispensés en e-learning

. A Ouagadougou, nous privilégions plutôt pour le moment les formations en présentiels dispensées par des universitaires et des professionnels reconnus de l’iaelyon - Université Jean Moulin qui se déplacent à Ouagadoudou afin, d’une part, de favoriser l’interactivité entre les intervenants et les auditeurs et, d’autre part, de garantir la qualité des évaluations et donc des certificats attribués.

Le premier certificat que nous avons donc mis en route s’intitule « Manager IFRS ». Ce certificat, qui existe également à Lyon, est homologué par le Comité scientifique de la CNCC (NDLR : Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes). Nous l’avons délocalisé en situant ces normes dans le contexte local du référentiel SYSCOHADA, en vigueur dans l’espace OHADA.

Nous avons réussi, en collaboration et avec le soutien du Président de l’Université Ouaga1-JKZ à lancer la formation au mois de mai 2017. Les cours de la première promotion de ce certificat se sont achevés au cours du mois de juillet dernier et la sortie officielle, couronnée par la remise des certificats aux récipiendaires, a eu lieu le 28 juillet dernier.

Quel bilan faites-vous de la formation de cette première promotion des auditeurs du « Certificat Managers IFRS » ?

Pour cette première édition, nous avons accueilli 26 auditeurs. Fort du succès de cette première opération, nous envisageons de lancer une deuxième promotion d’ici quelques mois, probablement sur la période octobre-décembre 2017. Parallèlement nous travaillons sur d’autres certificats. Le prochain certificat, qui est actuellement déjà dans les tuyaux, portera sur la thématique de l’entrepreneuriat et aura pour objectif de former des personnes capables de mener à son terme un véritable projet de création d’entreprise.

Cette première édition du « Certificat Managers IFRS" a-t-elle véritablement suscité un engouement au sein du public cible ?

L’engouement pour ce premier certificat nous a presque étonné car nous n’avons pas choisi le certificat le plus accessible pour commencer. Un certificat dans le domaine entreprenariat aurait à priori concerné énormément de postulants. Tout le monde peut un jour vouloir devenir entrepreneur, mais tout le monde ne peut pas mettre en œuvre un processus d’adoption d’un nouveau référentiel comptable ou établir des comptes consolidés en normes IFRS.

La cible était donc très étroite car elle ne concernait que des chefs comptables, directeurs de consolidation, directeurs administratifs et financiers, experts comptables ou commissaires aux comptes. Nous avons donc été presque étonné de constater à quel point ce thème semblait porteur, puisque, après un seul et unique appel à candidature, nous avons réceptionné environ 35 candidatures.

Nous avons sélectionnés 26 auditeurs, ce qui est un nombre important car les effectifs sont limités à une vingtaine d’auditeurs, pour assurer la qualité de la formation et l’indispensable interactivité entre les intervenants et les auditeurs.

Avez-vous un retour de l’accueil qu’a pu susciter la parachèvement de la formation de cette première promotion ?

L’iaelyon est engagé dans un processus d’accréditation international de ses formations. Toutes nos formations sont par conséquent systématiquement évaluées par les étudiants. Les résultats des évaluations du premier certificat Manager IFRS sont très encourageants puisque tous les auditeurs ont porté des jugements très élogieux sur cette formation et ont souhaité que cette formation soit reconduite, car la plupart souhaite visiblement encourager leurs confrères et collègues à s’inscrire lors de la prochaine édition. Je suis donc très confiant sur le fait que nous puissions renouveler cette opération prochainement.

Vous avez ci-dessus évoqué les profils professionnels concernés par le certificat managers IFRS. Quels sont véritablement les enjeux que représentent ce certificat IFRS pour ce public cible ?

Dans le cadre de nos formations de master ou de conférences que je donne régulièrement à Ouagadougou sur le thème des normes IFRS, il y a parfois des personnes qui me font remarquer que, dans la zone OHADA, ce ne sont pas les normes IFRS qui sont en vigueur mais le référentiel SYSCOHADA et que par conséquent les normes IFRS ne sont pas une priorité pour eux. Cette idée ne résiste pas à l’analyse car je crois au contraire que les normes IFRS concernent bien tous les professionnels du chiffre au Burkina Faso, pour au moins deux raisons.

La première, c’est que certaines filiales étrangères implantées dans la zone OHADA doivent parfois effectuer leur reporting selon le référentiel IFRS, pour l’élaboration des comptes consolidés de leur société-mère. Ensuite, le référentiel comptable SYSCOHADA est lui-même en tain d’évoluer et de se rapprocher progressivement des normes IFRS puisque une série de nouvelles normes, proches des IFRS, devraient être applicables dans le SYSCOHADA révisé, à partir de 2018.

Il y a donc de bonnes raisons de s’intéresser aux normes IFRS dès maintenant et de ne pas attendre à la dernière minute avant de s’y adapter

Revenons à votre longue expérience dans le domaine de la formation. Quels enseignements tirez-vous de vos nombreux déplacements en Afrique et particulièrement au Burkina Faso ?

Le Délégué de la promotion, Singapinda ZAGRE recevant son parchemin des mains du Pr Rabiou CISSE, président de l’UO1-JKZ

Effectivement, ma passion pour l’international ne date pas d’hier.
L’Université Jean Moulin – Lyon 3 a fait de l’international un vecteur important de son développement et ce, depuis plus de vingt-cinq ans. Nous avons commencé au début des années 90 par les pays d’Europe centrale comme la Pologne ou la Hongrie. Nous avons poursuivi par l’Asie, en particulier la Chine, où d’ailleurs le master que nous avons ouvert à Ouagadougou existe depuis une vingtaine d’années.

Nous nous sommes ensuite tournés vers l’Afrique du Nord notamment la Tunisie et le Maroc où je dirige également deux masters dans le domaine de la comptabilité, du contrôle et de l’audit. Ces quinze dernières années, je me suis beaucoup intéressé à l’Afrique de l’Ouest, et c’est par le Burkina Faso qui a été notre premier partenaire dans cette zone.

Ces programmes sont une grande richesse pour tous les intervenants qui viennent à Ouagadougou. Quand on vient ici donner des cours, on a vraiment le sentiment de servir à quelque chose. On a en face de nous des étudiants passionnés par les enseignements qu’ils reçoivent. J’ai rarement vu des étudiants aussi avides de connaissances et de savoir-faire, qui ont toujours envie d’apprendre.

Pour un professeur, il est très gratifiant d’avoir des étudiants aussi studieux et impliqués. Tous les professeurs intervenant dans nos formations à Ouagadougou tiennent à y revenir. Vous constaterez d’ailleurs que notre corps professoral est très stable. Ce sont pratiquement les mêmes intervenants depuis cinq ou dix ans qui viennent à Ouagadougou.

Pour ma part, mes voyages et mes missions d’enseignement à l’étranger m’apprennent également beaucoup sur mon propre métier. Et je crois que c’est indispensable pour rester jeune. Ne dit-on pas que l’on commence à vieillir lorsqu’on a fini d’apprendre !

Pour la plupart des postulants, les formations que vous proposez sont extrêmement coûteuses pour le Burkinabè moyen ? Quels éléments de réponse avez-vous à leur apporter ?

Pour répondre à votre question, il faut d’abord repartir du contexte de départ. Pourquoi avons-nous commencé cette collaboration à Ouagadougou ?
Pour un étudiant burkinabè, il est souvent difficile d’obtenir une admission en master en France, d’abord parce que l’Université française ne connait pas suffisamment les formations qui sont dispensées ici, à fortiori lorsque celles-ci relèvent de l’enseignement privé, dont les établissements sont insuffisamment connus au niveau international.

Les chances pour un étudiant africain d’intégrer un master français sont donc relativement faibles, sans compter les difficultés à obtenir parfois un visa. Si vous ajoutez à cela qu’un étudiant doit quitter sa famille, parfois son emploi (car nos étudiants sont en grande majorité des professionnels) pour venir séjourner un an en France, vous allez très vite vous rendre compte que le manque à gagner lié à son salaire ainsi que les frais de transport, de logement et de séjour qu’il devra supporter en France seraient trois ou quatre fois supérieur aux droits d’inscription de nos formations.

Donc, faites le calcul et vous verrez, qu’en réalité, le coût réel de la formation n’est pas aussi élevé qu’il n’y paraît, et qu’il est en définitive beaucoup moins coûteux de faire venir des professeurs de France pour assurer les cours, plutôt que de déplacer les étudiants du Burkina Faso en France, même si bien évidemment je conviens que ces formations ne sont pas accessibles à tous les foyers au Burkina.

Votre mot de la fin ?

La relation de confiance que nous avons nouée depuis près de 15 ans avec l’Université de Ouaga 1 Pr. Joseph Ki-Zerbo ainsi que l’expérience que nous avons accumulée au fil des années constituent un capital que nous devons faire fructifier. Il serait peut-être pertinent de déployer nos formations sur l’ensemble de la sous-région en faisant de l’Université de Ouaga 1 Pr. Joseph Ki-Zerbo une sorte de plateforme en termes de formation. Nous pourrions ainsi ouvrir nos formations, sur le campus de l’Université Ouaga 1 Pr. Joseph Ki-Zerbo, non seulement à des étudiants et auditeurs burkinabè, mais aussi ivoiriens, maliens, béninois, togolais ou nigériens.

Par ailleurs, je suis persuadé sur un plan plus général que la formation est un enjeu très important au Burkina Faso qui, comme vous le savez, doit sa richesse à la qualité de sa première matière première, à savoir les Burkinabè eux-mêmes. Nous savons que le développement économique d’un pays repose d’abord sur l’investissement dans l’éducation et la formation. Je suis très heureux d’avoir pu poser une petite pierre à cet édifice et je formule le vœu d’en poser quelques autres encore. Confucius ne dit-il pas que quand un homme a faim, il vaut mieux lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson !

Correspondance particulière

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique