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Dette des PPTE : Le cadeau d’installation de "Wolfie"

Publié le lundi 13 juin 2005 à 07h27min

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C’est Bob Geldof, la rock star irlandaise et figure emblématique de la lutte contre la pauvreté en Afrique, notamment par l’organisation de concerts de charité comme ce fut le cas en 1985 pour venir en aide à l’Ethiopie frappée par la famine, qui a eu samedi le bon mot : "Demain (hier dimanche donc NDLR), 280 millions d’Africains, pour la première fois de leur vie, se réveilleront sans me devoir, sans vous devoir un centime du fardeau de la dette qui les handicape ainsi que leurs pays depuis si longtemps".

Réunis à Londres en prélude au sommet de Gleneagles (Ecosse) prévu du 6 au 8 juillet prochain, les ministres des Finances des sept pays les plus riches de la planète plus la Russie (G8) ont en effet annoncé l’annulation immédiate de 100% de la dette multilatérale de 18 (1) pays pauvres très endettés (PPTE) envers la Banque mondiale, le Fond monétaire international et la Banque africaine de développement, soit la rondelette somme de 40 milliards de dollars US.

Dans les 12 à 18 prochains mois, ce sont 9 autres Etats qui bénéficieront d’une initiative analogue pour un montant de 11 milliards de dollars, puis 11 nouveaux pays pour cette fois-ci 4 milliards de dollars. D’ici un an et demi donc, ce sont au total 38 pays qui seront concernés par cette mesure "d’une portée historique", portant sur une enveloppe cumulée de 55 milliards de dollars, soit 44 dus à la BM, 6 au FMI et 5 à la BAD.

Mais pour préserver les moyens d’actions de ces trois institutions, chaque dollar effacé doit être remplacé, et l’accord prévoit que les pays riches compenseront la perte des remboursements. Dit autrement c’est eux qui paieront à notre place ce que nous devons. On ne peut que saluer à sa juste valeur cette décision dont l’importance se passe de commentaire. On ne le sait que trop, nombre de nations impécunieuses comme le Burkina, cousues de dettes, traînent depuis des décennies ce lourd boulet qui annihile littéralement les efforts de développement.

Un fardeau d’autant plus insupportable que bien souvent, les prêts contractés ont été engloutis par des dépenses somptuaires quand ils ne sont pas allés dans des poches privées au lieu d’être utilisés à des fins de progrès social et économique. En même temps que d’un faix économique et financier, c’est aussi d’un poids moral que les débiteurs sont ainsi soulagés.

Cette mesure vigoureuse est d’abord à mettre à l’actif du premier ministre britannique Tony Blair et du chancelier de l’Echiquier, Gordon Brown, dont c’est l’une des mesures-phares du "Plan Marshall pour l’Afrique", qui ambitionne être au continent noir ce que fut le Plan du même nom au lendemain de la seconde guerre mondiale pour relever une Europe à genoux. Il aura fallu, pour cela, que le locataire du 10 Downing Street se déplace en début de semaine dernière, à la Maison Blanche pour vaincre les dernières réticences de l’Oncle Sam qui se faisait tirer les oreilles.

Le présent accord intervient aussi, ne l’oublions pas, un mois à peine après l’installation de Paul Wolfowitz à la présidence de la Banque mondiale. Au grand désarroi de tous. Et malgré les assurances réitérées de "Wolfie" qui jurait la main sur le cœur, de lutter pour le développement et contre la pauvreté dans le monde, personne n’oublie que l’ancien N°2 du Pentagone est un faucon de l’administration Bush, l’un des idéologues du néo-conservatisme américain, un adepte de l’unilatéralisme forcené qui a cours à Washington et l’un de ceux qui ont voulu, à coups de mensonges et de trucages grossiers, la guerre en Irak.

Et ils l’ont faite. Avec les résultats qu’on voit, et surtout ceux qu’on n’a pas vus, notamment les fameuses armes de destruction massive (ADM) qui ont servi de prétexte à l’invasion irakienne.

Alors, qu’un tel monsieur, avec de tels états de service, habitué à montrer du muscle, devienne, comme par l’effet d’une prodigieuse métamorphose un "vagabond de la charité" était tout simplement inconcevable. En entamant le mandat de son protégé par cette libéralité, sans doute les Etats-Unis, qui doivent enfin s’être rendus compte que la pauvreté est aussi une arme de destruction massive, ont-ils voulu envoyer un message fort et donner des signes de bonne volonté à l’endroit de leurs partenaires et des pays démunis.

Il y a certes encore des efforts à faire, mais c’est déjà ça de gagné. L’accord de Londres a d’ailleurs été signé 48 heures seulement avant la tournée africaine de Paul Wolfowitz, qui le conduira successivement au Nigeria, au Burkina, en Afrique du Sud et au Rwanda. Pour sûr, sa venue au "Pays des hommes intègres", dès sa première sortie sur le continent témoigne, pour emprunter au vocable diplomatique, de l’excellence des relations entre son pays et le nôtre, mais aussi de l’image de bon élève dont jouit le Burkina auprès des institutions de Bretton Woods. Même si, pour être bon, il n’en redouble pas moins sa classe chaque année à l’issue du classement du PNUD.

Mais le fait que M. Wolfowitz commence son séjour directement à Bobo-Dioulasso, notamment à la SOFITEX avant d’arriver à Ouaga, est en soi tout un symbole dans la mesure où cela lui permettra de toucher du doigt les effets pervers des subventions que les pays riches, au premier rang desquels les Etats-Unis, accordent à leurs cotonculteurs, menaçant la survie des filières du Burkina, où l’or blanc fait vivre quelque 2,5 millions de nos compatriotes.

En plus de passer l’éponge sur les dettes, les nations repues devraient aussi supprimer les barrières non tarifaires qui empêchent l’accès à leurs marchés et les énormes subventions à l’exportation qui faussent le jeu de la concurrence et dépriment les cours mondiaux. D’ailleurs, si les puissants de ce monde ont consenti à effacer l’ardoise, ils n’ont en revanche pris aucun engagement pour ce qui est du doublement de l’aide publique au développement de 50 à 100 milliards USD par an. Sur ce point, le refrain américain est bien connu : "trade not aid" ne se lassent pas de sériner les yankees.

En attendant donc que leur position évolue, là aussi, voici les compteurs de la dette remis à zéro dans les trois établissements financiers concernés, mais comme il faudra bien emprunter à nouveau, il reste à espérer que dorénavant les crédits octroyés seront utilisés à bon escient et que les emprunteurs ne se retrouveront pas de nouveau dans l’incapacité de rembourser. La question se pose maintenant de savoir ce qu’il faut faire de cet argent "théoriquement gagné" par les Etats soulagés.

Si au Burkina par exemple, on confesse au ministère des Finances ne pas avoir encore "une idée très claire de la situation", il reste que l’argent qui était consacré au service de la dette doit servir à autre chose. Et puisque les 10 millions de Burkinabè ne peuvent pas venir s’aligner à la place de la Nation pour percevoir leur part du gombo (quand bien même ce serait le moyen le plus sûr de les arroser de cette manne inattendue), il faut espérer que cette divine surprise de la Saint-Barnabé, (compagnon, comme on le sait, de "l’Apôtre des gentils") viendra renforcer les services sociaux de base comme l’éducation, la santé et contribuer à la lutte contre la pauvreté. Autrement, l’annulation de ces créances, qui, de toutes les façons, avaient peu de chances d’être remboursées, n’aurait pas eu de sens.

Notes : Il s’agit du Bénin, de la Bolivie, du Burkina Faso, de l’Ethiopie, du Ghana, du Guyana, du Honduras, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, du Mozambique, du Nicaragua, du Niger, du Rwanda, du Sénégal, de la Tanzanie, de l’Ouganda et de la Zambie.

Observateur Paalga

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