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Insécurité grandissante au Burkina Faso : Le Laboratoire Citoyennetés interroge l’avenir de la décentralisation

Publié le lundi 3 juillet 2017 à 01h05min

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Insécurité grandissante au Burkina Faso : Le Laboratoire Citoyennetés interroge l’avenir de la décentralisation

Le processus de décentralisation lancé dans notre pays piétine pour plusieurs raisons. Les actes terroristes perpétrés dans plusieurs communes sont venus s’ajouter aux anciennes difficultés. « L’avenir de la décentralisation face au péril sécuritaire au Burkina Faso et en Afrique de l’Ouest », c’est le thème d’un atelier de production organisé par le Laboratoire Citoyennetés le 29 juin dernier à Ouagadougou. Proposer des solutions pour (re) donner un souffle nouveau à un processus irréversible, c’était l’objectif de cette rencontre qui a réussi plusieurs acteurs. Le ministre de la sécurité intérieur, Simon Compaoré a présidé l’ouverture des travaux.

La décentralisation est en marche au Burkina, comme dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest. Au plan national, l’organisation régulière des élections locales, le fonctionnement des collectivités territoriales, la réalisation d’infrastructures socio-économiques, l’intérêt porté par les populations et les partenaires au développement…sont autant d’acquis pour le processus.

A contrario, le retard du transfert effectif des compétences et des ressources, la faible autonomie des collectivités territoriales, l’absence de véritables stratégies de développement économique locale, les conflits conduisant au blocage de certains conseils de collectivité, (en témoigne la reprise des élections locales dans 18 communes et de deux régions) sont des boulets que traine la décentralisation.
Les actes terroristes ces dernières années, et le grand banditisme comme des grains de sable, sont venus gripper davantage la machine à peine en marche. « Des acteurs locaux désemparés devant l’expansion des actes terroristes et expansionnistes provoquant des menaces sérieuses sociales (écoles et centres de santé fermé), économiques (productions agricoles et animales menacées) et la vie politique (maires et chefs coutumiers menacés de mort) », a expliqué Raogo Antoine Ouédraogo, président du Laboratoire Citoyennetés.

A travers la composante « Renforcement des capacités et participations citoyenne », du programme d’appui à la décentralisation et à la participation citoyenne, financé par la coopération Suisse, le Laboratoire Citoyennetés entend donc contribuer à l’animation du débat public national sur le sujet.

Des experts, élus locaux, partis politiques, responsables de la société civile, médias, chefferies coutumières et religieuses, ont été conviés pour réfléchir, et faire des propositions et suggestions de solution à cette une problématique nouvelle de la décentralisation , imposée par l’insécurité.

Pour le directeur résident de la coopération Suisse, Jean Bernard Dubois l’engagement de son pays à travers ce programme d’appui à la décentralisation et la participation citoyenne est la preuve qu’il croit au local. « Nous sommes convaincus que les meilleures solutions contre les défis actuels en matière de sécurité ne seront durables et efficaces que si elles ont un ancrage locale, c’est-à-dire voulues et acceptées par les communautés à la base », a-t-il dit, ajoutant qu’il faut contribuer à renforcer les différentes stratégies de lutte contre l’insécurité à travers une décentralisation plus inventive et plus audacieuse.

« La décentralisation renforce la légitimité de l’Etat, parce qu’elle repose aux yeux du citoyen, sur des représentants locaux légitimés par le suffrage universel et garants, politiquement et moralement, de la solidarité des communautés de base, au-delà de toute considération ethnique et religieuse », a pour sa part ajouté Simon Compaoré.
Foi du ministre de la sécurité intérieure, le délitement de la représentation démocratique locale peut contribuer au délitement des valeurs traditionnelles d’unité et d’acceptation de l’autre. Voilà pourquoi une décentralisation consolidée apparait comme un allié sûr de toute politique sécuritaire contre l’extrémisme violent.

« Le monopole de la violence légitime que détient l’Etat doit être questionné »

Ce fut une journée de production dense. Un espace de réflexion, de mutualisation et de propositions en lien avec les problématiques décentralisation et de sécurité. Analyser les modalités de prise en compte de la problématique sécuritaire dans les politiques actuelles de décentralisation ainsi que dans l’action quotidienne des collectivités territoriales. Examiner les différentes articulations possibles entre les différentes initiatives de promotion de la sécurité portées par l’Etat, les collectivités, les communautés. Et surtout de propositions susceptibles d’améliorer les politiques actuelles de décentralisation.

« Face à la complexité et à la pluralité des besoins de sécurité, il y a comme un sentiment de débordement en matière d’offre publique. Autrement dit, nos Etats ne sont pas suffisamment préparés pour faire face à ce type de phénomène assez nouveaux, massifs et ravageurs », a indiqué le président Raogo Antoine Ouédraogo. Il a rappelé qu’au Nigéria, au Cameroun, au Tchad et au Niger, les expéditions régulières des troupes de Boko Haram contre des communautés entières obligent ces dernières à déserter leurs terroirs. Au Mali, une partie du territoire est occupée par des groupes terroristes qui se combattent et qui combattent l’Etat à coup d’enlèvements, d’attaques meurtrières.

Du coup, des initiatives locales de types koglweogo, dendakoye , dozo ont pu émerger et se constituer en réponse locales en matière de sécurité. « Mais ces réponses ne sont pas toujours ni bien structurées ni en phase avec les règles de la république. Il est donc urgent de travailler à une adéquation », a-t-il poursuivi. Allant plus loin le président de Laboratoire Citoyennetés affirmera que « le monopole de la violence légitime que détient l’Etat doit être questionné ».

Un brainstorming pour sauver la décentralisation

Les participants ont réfléchi autour de deux panels. « La question sécuritaire dans le contexte actuel de décentralisation : antagonisme ou complémentarité ? ». Il s’est agi de scruter la vision actuelle de l’Etat par rapport aux crises sécuritaires, déterminer le rôle des élus et des collectivités dans la mise en œuvre des politiques sécuritaires, et déceler les conséquences économiques du péril sécuritaire sur l’économie des collectivités territoriales.
Quant au deuxième panel, « La contribution des acteurs non étatiques à la sécurisation des territoires », il a été question de rappeler les rôles des autorités traditionnelles et religieuses ; des organisations de la société civile (association de défense des droits humains, médias).

« Quand on parle de sécurité, aucune proposition n’est de trop, aucune proposition n’est à négliger », a rassuré Simon Compaoré qui après avoir donné le coup d’envoi de l’atelier de production, est resté suivre une partie des travaux. Les attaques terroristes, le grand banditisme qui menace l’avenir de la décentralisation sont plutôt un défi à relever. Et le gouvernement va jouer sa partition selon le ministre qui a rappelé des mesures prises, comme le programme d’urgence pour le sahel.

A travers cet atelier de production, les participants issus divers domaines ont fait des propositions en vue de permettre aux décideurs d’avoir une claire vision et une politique de rupture avec les tâtonnements et hésitations observées, pour que les collectivités territoriales avancent résolument vers la démocratie et le développement.

Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net

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