Ministère des infrastructures : L’activiste Lengha Fils fait de graves révélations
LEFASO.NET | Par Herman Frédéric Bassolé
Du Canada où il vit depuis quelques années, l’activiste Lengha Fils, à l’état civil Harouna Dabré, garde toujours un œil sur la gouvernance de son pays, le Burkina Faso. Le 21 juin, sur Facebook, il a fait des révélations sur la gestion du ministère des infrastructures dirigé par Éric Bougouma. Des révélations qui donnent froid au dos et qui font état d’une pratique « mafieuse ». De quoi s’agit-il exactement ? Dans une interview qu’il nous a accordée, samedi dernier, l’activiste nous en dit plus. Et il met au défi le ministre Bougouma de le contredire, preuve en main, si ses révélations sont fausses. Lisez plutôt !
Lefaso.net : Vous venez de lâcher une nouvelle bombe en faisant des révélations sur un supposé « trésor public parallèle » créé au ministère des infrastructures. De quoi s’agit-il exactement ?
L.F : Je vous remercie pour cette opportunité que vous m’offrez de revenir sur certains détails de mon post. En ce qui concerne le « trésor parallèle » créé au Ministère des infrastructures, c’est un fait réel que même personne dans ce ministère, du Ministre lui-même jusqu’au plus petit agent ne pourrait nier. Tout le monde sait que toute entreprise attributaire d’un marché de travaux publics reverse un certain pourcentage de la valeur de son marché au Ministère. Cela est un secret de polichinelle. C’est le cas des entreprises attributaires des travaux dans le cadre du programme des 1000 pistes rurales.
Les entreprises attributaires des marchés dans le cadre des 1000 pistes rurales et dans n’importe quel marché d’ailleurs de travaux publics, reversent un certain pourcentage directement à la DAF du Ministère.
Fondamentalement, la pratique est entachée de sérieuses irrégularités. Quand l’Etat lance un appel d’offre, quel que soit la nature, c’est pour le montant estimé de la valeur de la prestation attendue. En conséquence, une entreprise adjudicataire est payée pour le montant de sa proposition pour laquelle elle s’est engagée à faire la prestation ou exécuter les travaux.
Toutes les transactions à effectuer dans ce cadre sont régies par un contrat de prestations ou d’exécution de travaux. Existe-t-il dans les contrats en ce moment en cause, des clauses qui prévoient des ristournes au Ministère ? Je pense que non, tout simplement parce que l’Etat ne peut pas aller dans un contrat avec un prestataire et prévoir dans les clauses contractuelles de payer le prestataire, qui à son tour va lui faire des ristournes. Ce serait une pratique totalement incongrue aux antipodes de la bonne gouvernance.
Le montage fait au ministère des infrastructures est une forme déguisée de détournement et de corruption. Le mode opératoire consiste à intégrer déjà dans les prestations des entreprises ce qui doit revenir plus tard au Ministère. La conséquence d’une telle pratique est la surfacturation étant entendue que l’entreprise facturera l’Etat en tenant compte de ce qu’il faut pour honorer son engagement et garder sa marge bénéficiaire, mais aussi des ristournes exigées par le ministère. Où vont ces ristournes gérées à la DAF ?
Si c’était des recettes publiques, leur perception relèverait du Trésor public et non de la DAF qui n’est pas à cette date une régie de recettes. Il existe même au sein du ministère une perception spécialisée sous la responsabilité d’un Comptable public. Pourquoi les ristournes (à supposer que ce sont des recettes publiques) ne sont pas perçues par le Percepteur spécialisé ? Pourquoi elles sont directement reversées à la DAF et gérées par elle ?
Toutes ces raisons fondent ma conviction de l’existence d’une pratique mafieuse dans la gouvernance du Ministre Bougouma au mépris des règles minimales de gestion des finances publiques. C’est pourquoi je l’ai désigné « Trésor public parallèle ».
Lefaso.net : Lengha Fils a-t-il des preuves irréfutables de ce qu’il avance ?
L.F : Les preuves ne sont pas compliquées à obtenir. Je dis bien ce n’est pas compliqué. Ce que je révèle n’est pas un secret. Allez-y coincer le DAF du Ministère, il vous donnera toutes les preuves. S’il ne le fait pas, que les autorités saisissent les corps de contrôles de l’État, en l’occurrence l’ASCE-LC (Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de la lutte contre la corruption, ndlr). C’est juste une mission de contrôle de 30 mns pour ressortir avec les preuves. Peut-être même avec plus de révélations graves.
Lefaso.net : Pensez-vous que ce que vous dénoncez a toujours existé dans ce ministère ou est-ce une « marque déposée » du ministre Bougouma ?
L.F : Je ne sais pas si c’est une marque déposée du Ministre Bougouma. Mais ce qui est certain c’est que cette affaire est dénoncée sous sa gouvernance. Le Ministre est bien placé pour répondre à cette question.
Souvenez-vous seulement que sous l’empire de l’ancien DAF qui a précédé celui en poste, la même pratique existait à l’identique et avait valu des dénonciations de certaines personnalités du MPP qui passaient émarger sous prétexte de la mobilisation de leurs militants pour l’inauguration de routes célébrées en grande pompe.
Lefaso.net : Vous parlez de plusieurs entreprises sans expérience qui ont des difficultés dans l’exécution des travaux dans le cadre du programme 1000 pistes rurales. Pouvez-vous nous donner les noms de quelques-unes d’elles ?
L.F : C’est une réglementation du Ministère qui dit que les entreprises qui ont moins de 5 ans d’existence peuvent être attributaires des marchés sans qu’elles ne respectent les conditions d’expérience similaire. Dans le cas précis du programme 1000 pistes rurales, il y a effectivement des entreprises de cette catégorie qui ont été attributaires de travaux. C’est donc normal qu’à certains niveaux elles rencontrent des difficultés d’exécution puisqu’elles n’ont pas l’expérience requise. Ça aussi c’est un fait qui peut être vérifié. Il faut demander simplement l’état d’exécution des travaux.
Lefaso.net : Pensez-vous que ces révélations mettront la puce à l’oreille de Luc Marius Ibriga ou que ce sera juste un cri dans le désert ?
L.F : Je souhaite vivement que Luc Marius Ibriga et ses services s’autosaisissent de cette affaire. Un cri dans le désert c’est quand il n’y a rien de prévu pour lutter contre ces pratiques. Dans cette dénonciation, il y a les moyens de savoir ce qu’il en est véritablement. Lorsqu’on parle d’une situation de mauvaise gouvernance aussi importante que celle que vit ce Ministère, je crois que c’est l’ASCE-LC qui est directement interpellée. La loi permet à l’ASCE-LC de s’auto saisir de ce dossier. Et elle doit le faire.
Lefaso.net : Dans votre post, vous mettez le ministre au défi de publier les relevés bancaires de ce compte « s’il estime qu’il n’a rien à y cacher ». Le fera-t-il à votre avis ?
L.F : Si le Ministre estime que j’ai raconté des bobards, il le fera pour me contredire. Dans le cas contraire, j’aurai raison de lui. C’est au Ministre de répondre. Veux-t-il avoir raison ou me donner raison ?
Lefaso.net : Doit-on s’attendre à d’autres révélations de la part de Lengha Fils dans les jours à venir ?
L.F : Tout dépendra de l’évolution de cette situation. Moi j’ai levé le lièvre. Il appartient maintenant à d’autres de le poursuivre et de le tuer. L’ASCE-LC a été créée pour cela.
Lefaso.net : Vous qui vivez au Canada, avez-vous des nouvelles du Général Yacouba Isaac Zida ?
L.F : Je n’ai aucune nouvelle de mon grand frère Yacouba Isaac Zida. Il m’a promis publiquement un café depuis des années.
Interview réalisée par Herman Frédéric Bassolé
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Contact de Lengha Fils : info@lengha.org