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France : Le gardien de la "rue Monsieur" est une gardienne, Brigitte Girardin(1)

Publié le vendredi 10 juin 2005 à 08h11min

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Chacun sait ce que je pense de la rue Monsieur (cf LDD France 0155/Mardi 23 septembre 2003 et France 02 0 6/Mardi 6 avril 2004). Je n’avais pas aimé, sous Lionel Jospin-Hubert V édrine, la manière dont Charles Josselin y avait monté la garde de 1997 à 2002.

L’Afrique ne branchait pas beaucoup le Premier ministre ; moins encore (surtout quand elle était "noire") son ministre des Affaires étrangères. Sous la droite, on avait procédé à des changements de... concierge : Pierre-André Wilzer puis Xavier Darcos. Des intérimaires des Affaires étrangères en cas d’absence du patron. Il est vrai que Dominique Galouzeau de Villepin avait été omniprésent sur la scène africaine.

Je me suis toujours étonné, qu’à droite, où il y a eu au cours des deux cohabitations avec François Mitterrand quelques personnalités motivées (même si leur motivation pouvait être, par certains aspects, critiquable) par l’Afrique pour faire tourner la rue Monsieur (Michel Aurillac en 1986-1988, Michel Roussin en 1993-1994, Bernard Debré en
1994-1995), puis au temps de Jacques Chirac-Alain Juppé (1995-1997) un homme tel que Jacques Godfrain, on aille chercher ailleurs ce que l’on avait sous la main.

J’ai posé plus d’une fois la question : dès lors que l’on avait choisi Wiltzer, qui avait appris son boulot sur le tas, était-il nécessaire de le remplacer par Darcos qui allait devoir l’apprendre ? L’Afrique ne s’y trompe pas. Hier matin, vendredi 3 juin 2005, commentant la formation de notre gouvernement français, Africa n° 1 relevait que l’ex-premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, n’avait jamais mis les pieds sur le continent ; ce qui n’était pas le cas de son successeur. Et que l’Afrique était bien absente des préoccupations de Michel Barnier qui, il est vrai, avait été nommé pour faire gagner le "oui" au référendum sur la constitution européenne. Cela allait-il durer ?

Exit Wiltzer, exit Darcos malgré le forcing de Juppé pour le maintenir rue Monsieur ou, au pire (sic), dans le gouvernement. Depuis le big-bang de 2002, le garde-meuble de la rue Monsieur voit défiler les concierges. Et le dernier gardien se trouve être une gardienne. Ce qui est, déjà, en soi, un changement. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une femme a en charge la coopération française : Edwige Avice avait assuré ce rôle pendant onze mois, du 17 mai 1991 au 2 avril 1992 et ce n’est pas un mauvais souvenir pour ceux qui ont eu à travailler avec elle - cf LDD France Ol/Lundi 15 octobre 2001).

Brigitte Girardin, qui est nommé ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie n’est pas une tête d’affiche politique. C’est même une "sans étiquette". Mais c’est, cette fois, une diplomate de carrière qui a une réelle expérience internationale qui ne se limite pas à l’axe Paris-Bruxelles, ni à l’hémisphère Nord. C’est, incontestablement, la plus "tropicalisée" des ministres de la Coopération depuis bien longtemps !

Née le 12 janvier 1953 à Verdun, Brigitte Girardin est la fille d’un enseignant et d’une directrice de clinique. Etudes secondaires dans sa ville natale ; études supérieures à Paris. Elle est licenciée en droit et IEP-Paris. Admise au concours pour le recrutement de secrétaires adjoints des Affaires étrangères le 1er mai 1976, elle épouse, quelques mois plus tard, le 4 septembre 1976, Eric Girardin (actuel président d’une société financière).

Brigitte Girardin débutera sa carrière à l’administration centrale. Elle sera, successivement, affectée aux directions : Personnel et administration générale (1976-1978) comme chargée d’études ; Affaires africaines et malgaches (1978-1982) chargée des relations économiques entre la France et les pays d’Afrique centrale et orientale ; Affaires économiques et financières (1982-1983) chargée du suivi des négociations d’élargissement de la Communauté économique européenne (CEE) à l’Espagne et au Portugal ; Nations unies et organisations internationales (1983-1984) comme responsable du dossier Cnuced.

Premier poste à l’étranger en 1983 : New York ; elle est deuxième secrétaire à la mission permanente française auprès des Nations unies. Son patron s’appelle tout d’abord Luc de La Barre de Nanteuil, futur ambassadeur de France, puis, à compter de l’automne 1984, Claude de Kémoularia. En 1986, c’est le retour à Paris. Elle sera, quelques mois, de mars à septembre, chef
de cabinet du ministre délégué chargé de la privatisation. Il s’agit de Camille Cabana. J’ai raconté, à l’occasion de son décès (cf LDD France 053/Mardi 4 juin 2002) son parcours et ses "difficultés" avec Balladur.

Quand Cabana quittera la privatisation pour la réforme administrative, Girardin le suivra, toujours comme chef de cabinet. Avec le retour des socialistes au gouvernement, ce sera également le retour, pour elle, à l’administration centrale. Aux affaires juridiques, elle va prendre en charge un dossier qui va donner une tonalité nouvelle à sa carrière : elle est chargé des négociations des accords de délimitation maritime et des accords de pêche. Elle y demeure jusqu’à la seconde cohabitation. Elle est alors nommée conseiller technique au cabinet du ministre des Dom-Tom qui n’est autre que Dominique Perben (ministre de la Justice, garde des sceaux chez Raffarin, ministre des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer chez de Villepin, et par ailleurs ami de Raffarin et son partenaire au sein de Dialogue et Initiative ; ils ont rédigé, avec Michel Barnier, Notre contrat pour l’alternance publié en 2001). Elle sera, pour quelques mois, de mars à mai 1995, directeur adjoint de son cabinet.

Quand Jean-Jacques de Peretti (premier mari de Christine Deviers-Joncour, de "[’affaire Elf) prend la suite de Perben aux Dom-Tom, elle demeure conseiller technique quelques mois avant de prendre la direction de son cabinet en 1996-1997. Jospin, à Matignon, la propulse administrateur supérieur du Territoire des terres australes et antarctiques françaises (TAAF), poste qu’elle va occuper (elle est alors basée à La Réunion) de mars 1998 à janvier 2000. Elle est alors nommée à la présidence de la République comme conseiller technique chargée de l’Outre-mer.

Elle y prend la suite de Pierre de Bousquet de Florian en poste depuis 1995 et nommé préfet de Mayenne en avril 1999 (il a, depuis, pris la direction de la DST), un intérim de quelques mois ayant été assuré par Frédéric de Laparre de Saint-Sernin (cousin de Dominique de Villepin, il avait été nommé au gouvernement en avril 2004 - cf LDD France 0213/Vendredi 16 avril 2004).

A l’Elysée, elle va s’atteler à préparer le programme chiraquien pour l’Outre-mer qu’elle sera chargée de mettre en oeuvre dès la victoire de Chirac au printemps 2002 et la formation du premier gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Elle est alors une des six femmes promues ; de ces six femmes, elle reste aujourd’hui la seule encore au gouvernement avec l’incontournable Michèle Alliot-Marie à la Défense (les quatre partantes étaient Roselyne Bachelot-Narquin, Tokia Saïfi, Dominique Versini et Nicole Ameline).

Les textes présentés au parlement par Girardin (dont notamment la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003) ont fait l’objet, généralement, d’un large consensus droite-gauche. Le 27 janvier 2005, le quotidien Les Echos notait que "pour son premier exercice en année pleine, le dispositif de défiscalisation de la loi Girardin semble avoir suscité un net regain d’intérêt pour l’investissement en outre-mer". Un beau bilan.

Même si, au plan politique, les années Girardin ont été moins favorables aux barons de la chiraquie d’outre-mer. Mais comme elle le disait alors : "Ce n’est pas moi qui les ai mis au pouvoir !". Sous-entendu, mal élus, ils n’ont pas résisté au premier coup de vent. Dans la zone de compétence qui est désormais la sienne, le vent souffle aussi ; en tourbillon trop souvent !

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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