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In memoria : Ancien ami et compagnon de Thomas Sankara, il s’appelait Dr Valère Somé !

Publié le mardi 6 juin 2017 à 01h04min

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In memoria : Ancien ami et compagnon de Thomas Sankara, il s’appelait Dr Valère Somé !

« Même sous la révolution, je n’ai jamais voulu être ministre, mon salaire me suffit pour vivre et je vis modestement », disait-il, il y a quelques mois, sur radio Burkina au cours d’une émission. Ces propos incarnent au mieux, le caractère de leur auteur : Dr Valère Somé. Nul besoin également de souligner la portée de cette philosophie dans une société burkinabè en crise de valeurs, où chaque jour suffit une expression crasse de cette meurtrissure. Les nombreux témoignages, et ses écrits, montrent bien que Dr Valère Somé a souffert de voir sa société plongée dans la perte de valeurs. Décédé le 30 mai en France, et conduit ce lundi, 5 juin 2017 à sa dernière demeure (au cimetière municipal de Ouagadougou), Dr Dieudonné Valère Somé (communément appelé Valère Somé) laisse derrière lui, une société à la croisée des chemins, à la recherche d’un guide.

La nouvelle est tombée comme un couperet, cet après-midi de mardi, 30 mai 2017. L’homme s’en est allé. Définitivement. Evacué en France en avril 2017 pour des soins médicaux, Dr Valère Somé y a rendu son dernier souffle, à un moment où le Burkina a le plus besoin de sa conviction, son altruisme, son esprit de patriotisme. Les nombreux témoignages de ses proches font état de ce que l’un de ses principaux combats reste, depuis un certain temps, la réconciliation nationale, convaincu que le Burkina tant prôné passe par-là.

Mais comme l’a disposé Dieu : c’est lui qui l’a donné, c’est lui qui l’a repris ! Et, maintenant ! Il s’appelait Dieudonné Valère Somé ! Samedi, 3 juin 2017, aux environs de 20h30, ce sont de nombreux parents, amis, connaissances, autorités politiques et administratives, qui ont accueilli la dépouille en provenance de la France avant de l’accompagner à son domicile où a été organisée une veillée de prières dans la nuit de dimanche. Ce lundi matin, c’est sa famille scientifique du CNRST (Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique) qui a, au sein de l’institut, rendu un hommage à un des siens. Entre honneurs militaires et témoignages, le chercheur a été élevé au rang d’Officier de l’ordre national, à titre posthume.

Cette étape a été suivie de l’absoute à la Cathédrale avant la dernière demeure, le cimetière municipal de Goughin où le cortège est arrivé autour de 12h30. Là, plusieurs interventions ont ponctué l’oraison funèbre. D’elles, on retient que Dr Valère Somé, né le 17 octobre 1950, fut un pensionnaire de l’école primaire publique de Gaoua (c’est à cette époque qu’il fit la connaissance de Thomas Sankara) avant de fréquenter l’actuel Lycée Bogodogo et le Lycée Philippe Zinda Kaboré. Après son BAC, il va s’envoler pour Dakar (Sénégal) et la France pour poursuivre ses études.

Au plan professionnel, Dr Somé a eu une carrière dynamique, bien pleine, qui l’a même conduit dans plusieurs pays, dans des institutions internationales avant d’être appelé en qualité d’Attaché de recherche à l’INSS (Institut des Sciences des Sociétés) au CNRST. Selon le représentant du délégué général et du personnel du CNRST, le chercheur était également toujours disponible à accompagner la jeunesse vers la quête de l’excellence. Des témoignages, on retient aussi qu’il vouait un culte à la sincérité humaine.

Le porte-parole de la Convergence pour la démocratie sociale (CDS, son parti politique), Ernest Compaoré, estime qu’il incombe désormais à ses proches, le défi d’incarner les valeurs qui lui étaient chères. M. Compaoré a également soutenu que la réconciliation nationale a été le dernier combat de l’homme, et cela, à un moment où le Burkina est à la croisée des chemins.

Défenseur de l’idéal panafricaniste, Dr Oumar Mariko, homme politique malien (président de Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI, député à l’Assemblée nationale, membre de la Convention des Partis Politiques de la Majorité Présidentielle) a tenu à être témoin des derniers hommages à son ami Dr Valère Somé. « Les grandes douleurs sont muettes et on ne parle pas de Valère Somé, on parle avec Valère Somé », a-t-il exprimé, confiant que Dr Somé, un des théoriciens de la Révolution démocratique et populaire (RDP), se classe au rang des intellectuels qui ne fuient pas les débats.

Pour lui, la disparition physique de Valère Somé laisse donc un grand vide. Le député Mariko souligne également que l’homme avait un programme à mener : celui de la réconciliation et ce combat, poursuit-il, allait être utile pas seulement pour le Burkina, mais également pour l’Afrique. « C’est pourquoi je suis-là », a-t-il confié avant de s’adresser aux enfants de feu Valère Somé : « Vous aviez un père digne, honnête et profondément humain… ». Puis, il a lâché : « Valère…, à plus tard ! ».

Même lancée pour un autre ami du défunt, André Moïse Nignan-Traoré, pour qui, le disparu est un patriote convaincu qui a consacré le temps à réfléchir aux problèmes de la société. « Ce n’est pas par hasard s’il s’est destiné à la recherche scientifique », a-t-il observé avant de conclure que sa disparition est un gâchis politique, humain et social.

‘’Il y a des hommes exceptionnels, mais des jours terribles. Le Burkina vit un jour terrible avec la disparition de cet homme’’, s’est incliné le gouvernement par la voix du ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, Alkassoum Maïga. Pour lui, le pays a perdu un grand animateur de la vie politique, un grand scientifique et un éducateur (parce que ses œuvres contribuent à l’éveil des consciences).

Auteur de plusieurs écrits, dont les célèbres ouvrages « Thomas Sankara : l’espoir assassiné » en 1990 et « Les nuits froides de Décembre, l’exil ou… la mort » sorti en septembre 2015, Dr Valère Somé laisse derrière lui, une veuve et trois enfants.

Oumar L. Ouédraogo
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net


Aperçu sur l’engagement scientifique de Valère Somé avec Dr Ardjouma Ouattara, chargé de recherche à la retraite :

Je l’ai connu dans le mouvement étudiant en France (dans la période 76-82), puis à l’INSS au CNRST. Je l’ai trouvé facilement abordable, mais d’un tempérament à te dire tout de suite ce qu’il pense de tes idées. C’était un homme de bien. (…). Scientifiquement, c’est un homme posé ; puisque lorsque vous discutez des idées scientifiques, il dit que ce que tu as dit est vrai, mais il y a ceci ou cela, il faut tenir compte de ceci ou de cela. Et c’est cela la science, les idées ne sont pas acquises une fois pour toute. Les idées en sciences sont toujours remises en cause, jusqu’à ce que personne ne puisse trouver le contraire de ce que vous avez dit. Il faut toujours réfléchir et réfléchir.

Parmi les moments qui m’ont marqué avec lui, il y a son engagement personnel dans la recherche scientifique. Notre institut s’est retiré à Pô, pour réfléchir à la création d’une revue de vulgarisation des productions scientifiques. Pourquoi cela, parce que la promotion des chercheurs au CAMES (Centre africain et malgache pour l’enseignement supérieur) exigeait des autres spécialisations, les sciences exactes notamment, des fiches de projets. Au niveau de l’INSS, nous nous sommes donc dit qu’on pouvait certes faire des fiches de projets, mais ce n’est pas concret. Ce qu’on peut faire, c’est écrire des articles ‘’légers’’ sur des thématiques bien précises, abordables par tout le monde, qu’on peut publier.

On peut les publier dans les journaux de la place, mais à condition qu’il y ait un comité de lecture qui puisse peaufiner au niveau de l’institut pour pouvoir les envoyer (aux médias pour publication). On s’est donc dit, pourquoi ne pas créer une revue à l’institut, ‘’légère’’ également, pour pouvoir le faire ? L’idée l’a tellement emballé qu’il s’est porté volontaire pour diriger la revue. Et comme le CNRST n’a pas d’argent, les premiers moments, c’était l’euphorie avec quelques financements par-ci et par-là et nous avons sorti les premiers numéros. Mais à partir d’un certain moment, c’était l’essoufflement, il n’y avait pas d’argent. Il (Valère Somé) n’hésitait pas à sortir l’argent de sa poche pour la publication de la revue.

C’est à l’approche de sa retraite qu’il s’est retiré pour aller s’installer à son compte. C’est un des faits qui m’ont vraiment marqués, dans son engagement dans la recherche scientifique. Et puis, il abordait spécifiquement les jeunes, par rapport à leurs questions de recherches par exemple, il discutait avec eux, remettait les choses en ordre pour que ça prenne le droit chemin. Comme il était un socio-anthropologue, il discutait beaucoup avec les jeunes pour redresser leurs productions.

O.L.O
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