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Médias : Réforme des entreprises de presse publique en Afrique

Publié le mardi 7 juin 2005 à 12h49min

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Après Bamako en 2003, Niamey a accueilli du 25 au 27 mai 2005, le deuxième séminaire international sur la presse écrite publique en Afrique.

Initiée par l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), cette rencontre a regroupé autour du thème : "Comment réformer les entreprises de presse publique en Afrique ?", une dizaine de responsables de publications.

Sidwaya du Burkina Faso, Fraternité Matin de Côte d’ivoire, le Soleil de Dakar du Sénégal, la Nation du Bénin, le Sahel du Niger, l’Essor du Mali, Horoya de Guinée, Togo-Presse du Togo.

Au Burkina Faso comme ailleurs dans la plupart des pays africains, l’analphabétisme garde toujours sa triste palme d’or avec un taux assez élevé. Plus de 70% de la population ne comprend rien de la langue de Molière. Mais en dépit de ce fort taux d’analphabétisme, nos différents titres édités en français ont tout de même un lectorat assez considérable pourvu que le contenu soit d’un intérêt majeur. Toute chose qui montre qu’à côté de la presse audiovisuelle, la presse écrite a également sa place dans le paysage médiatique dans nos contrées, mieux, qu’elle a un rôle important à jouer dans le processus de développement.

Avec le vent de la démocratie et le printemps de la presse privée, la presse publique a tout intérêt de se réformer pour mieux répondre aux aspirations de ce lectorat potentiel.

A l’issue de la rencontre de Niamey les responsables d’entreprises de presse publique ont pris la résolution de s’engager profondément dans cette réforme.

Créés pour la plupart dans les années 60 par les pouvoirs en place comme des instruments de souveraineté et de propagande, les journaux d’Etat ont aujourd’hui un autre rôle à jouer, celui de service public. Ils doivent par conséquent, se métamorphoser pour porter ce nouvel habit. En somme, le passage d’une presse d’Etat à une presse de service public est conditionné par de profondes mutations au triple plan : institutionnel, économique et éditorial.

Sur le plan institutionnel, il faut à la fois une clarification des rapports entre l’équipe dirigeante du journal et le propriétaire, en l’occurrence l’Etat, mais également l’adoption d’un statut à même de donner une véritable personnalité juridique et un cadre d’action approprié à l’entreprise. Au plan économique, il est important de favoriser une certaine autonomie de gestion à l’entreprise qui lui permettrait d’être plus à l’aise dans sa production.

Et enfin, le volet éditorial qui, en fait, est la question centrale de toute la problématique de cette mutation de la presse écrite d’Etat. Pou jouer pleinement et efficacement leur rôle de médias de service public, ces différents journaux devraient nécessairement changer leur ligne éditoriale en s’ouvrant à toutes les sensibilités et en prenant en compte les préoccupations des populations.

Au-delà des journaux, supports de l’information, c’est toute l’entreprise de presse qu’il faut prendre en compte dans cette réforme : l’imprimerie, la distribution, la publicité etc. Autant de secteurs qui méritent une attention particulière si on veut réellement que l’entreprise de presse soit viable et rentable.

Sidwaya, un exemple

Pour réussir ces différentes mutations, il faut non seulement arriver à convaincre l’Etat, mais également avoir l’adhésion du personnel de l’entreprise. Quand on sait que les Etats ne souhaitent pas perdre le contrôle de ces médias et que, quelque fois le personnel est réfractaire aux changements, c’est un véritable travail managérial qu’il faut entreprendre. Si certains ont réussi plus ou moins, d’autres par contre restent toujours confrontés à d’énormes obstacles.

Au cours de cette rencontre, l’exemple de Sidwaya a retenu l’attention de beaucoup de confrères. Malgré sa relative jeunesse (20 ans), ce journal a su faire des mutations qualitatives surtout ces cinq dernières années, avec sa nouvelle direction.

En effet, la ligne éditoriale a été libéralisée ouvrant ainsi le journal à toutes les sensibilités : politiques, syndicale, aux acteurs de la société civile etc. Le journal s’est beaucoup concentré sur ses missions de service public à travers reportages et ses rubriques.

Aussi, le passage à la couleur a donné une grande visibilité au journal. En somme, tous ces efforts conjugués de la nouvelle direction, ont donné aujourd’hui une crédibilité à Sidwaya dans le passage médiatique non seulement national mais aussi sous-régional. Ces acquis ne devraient cependant pas amener le journal à dormir sur ses lauriers dans un environnement aussi concurrentiel. Il devrait se battre pour arracher d’autres accessits, notamment l’évolution de son statut en EPIC (Etablissement public et industriel et commercial) qui lui permettra d’être plus autonome et plus efficace en tant qu’entreprise, mais également dans ses missions de service public.

Au regard des différents problèmes et expériences exposés à cette rencontre de Niamey, les trois experts et animateurs du séminaire, Ibrahim Sy Savané de Côte d’Ivoire, Thierry Perret de RFI et René Boudinat, ont souhaité qu’au delà de la simple volonté des responsables d’entreprise de presse publique, il est impérieux que ceux-ci s’investissent personnellement et courageusement dans le processus de réformes de leurs unités. L’AIF pour sa part, à travers le responsable de programme médias, Tidiane Dioh, a réaffirmé sa disponibilité à soutenir les entreprises de presse publique dans cette quête de réformes pour mieux répondre à leur rôle de médias de service public.


Déclaration de Niamey sur la presse écrite publique

Les responsables de publications de presse écrite publique, réunis à Niamey du 25 au 27 mai 2005, à l’initiative de I’Agence intergouvernementale de la Francophonie, ont tenu à la suite du précédent atelier de Bamako (19- 21 août 2003), à réaffirmer l’importance d’une presse publique en Afrique remplissant des missions de service public. Ils ont rappelé que celle-ci a vocation de proposer une information équilibrée. ouverte, diversifiée respectueuse du pluralisme.

. Ils ont rappelé que le passage d’une presse d’Etat à une presse de service public est conditionné par de profondes mutations au triple plan : institutionnel, économique, éditorial.

Dans cette perspective, ils préconisent la mise en œuvre de réformes partout où celles-ci sont nécessaires, en tenant compte des spécificités et du contexte national.

. Ils ont souligné que la mise en œuvre de cette réforme est de lïntérêt des pouvoirs publics, tant du point de vue économique que de celui de la promotion d’une intormation pluraliste au service de la démocratie.

. Ils ont reconnu le rôle primordial des équipes dirigeantes dans le processus de réforme. Pour ce faire, ils s’engagent à :

- amorcer un véritable dialogue avec les pouvoirs publics ;

- favoriser la concertation avec les personnels de l’entreprise ;

- solliciter si besoin est, une expertise adaptée.

Parmi les modalités de la réforme, ils ont tenu à souligner l’importance cruciale d’une meilleure formation des journalistes et des gestionnaires de l’entreprise.

. Enfin, ils se sont engagés à développer entre eux, des échanges d’informations, d’expériences et de services. Ils se proposent dans ce but d’examiner les modalités de mise en place d’un réseau regroupant les entreprises de presse publique d’Afrique francophone.

Fait à Niamey, le 27 mai 2005


Les directeurs de journaux de service public ou leurs représentants

Honorat de Yédagne (Fraternité Matin, Côte d’Ivoire)

Zakaria Yéyé (Sidwaya, Burkina Faso)

Akuété Assevi (La Nation, Bénin)

Ibrahim Mamane Tantan (Le Sahel, Niger)

Amadou Fall (Le Soleil, Sénégal)

M Piabalo Tchandao (Togo- Presse, Togo)

Ousmane Maïga, (L’Essor, Mali)

Fassiri Camara (Horoya, Guinée)

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