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Feu Général Sangoulé Lamizana : Un homme digne, simple et généreux

Publié le vendredi 3 juin 2005 à 07h52min

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Le général Aboubacar Sangoulé Lamizana, ancien président de la République de Haute-Volta de 1966 à 1980, est décédé le jeudi 26 mai 2005, à l’âge de 89 ans. Un "baobab" est tombé. Le président Lamizana qui a dirigé avec dignité la Haute-Volta pendant quatorze ans, est un modèle.

Très simple et très généreux, Lamizana l’a été. Grand travailleur, il a eu un parcours de combattant. Retour sur les grands moments du passage de ce grand homme à la tête de l’Etat et sur l’historique procès au terme duquel il avait été acquitté. Le général Aboubacar Sangoulé Lamizana est arrivé au pouvoir par la force des choses. Le 03 janvier 1966, un soulèvement populaire conduit par les syndicalistes, réclamant de meilleures conditions de vie, met fin au régime du président Maurice Yaméogo et le porte au pouvoir.
Feu Général Sangoulé Lamizana.

A 22 h 30, le lieutenant-colonel Sangoulé Lamizana, chef d’Etat-major de l’Armée intervient à la radio et annonce qu’il assume les charges dévolues au chef de l’Etat jusqu’à nouvel ordre.

Les raisons qui ont poussé les syndicats à réclamer le départ de Maurice Yaméogo du pouvoir sont entre autres :

- l’abattement de 20 % sur les salaires des fonctionnaires ;

- le blocage de tous les avancements pendant deux ans ;

- la diminution des allocations familiales.

Venu pour rétablir une situation caractérisée par une austérité budgétaire, le président Lamizana va faire face aux mêmes difficultés. Ce qui l’amène à mettre en œuvre dès 1967 une politique de redressement financier. Les différentes mesures vigoureusement conduites par l’intendant militaire Tiémoko Marc Garango, ancien Médiateur du Faso, furent baptisées par la population la "Garangose". Elles furent un succès, car le budget de l’Etat qui, sous la première République, était chroniquement et annuellement déficitaire, devint excédentaire à partir de 1968. Fait important à souligner, c’est la création à la même période de la plupart des grandes industries du pays. Une ombre politique vint cependant obscurcir ce tableau économique tout rose. Le 15 août 1967, Hermann Yaméogo, le premier fils de l’ancien président Maurice Yaméogo, tenta un coup de force pour libérer son père et le remettre au pouvoir.

Le 14 juin 1970, fut adoptée la deuxième Constitution du pays qui stipule en son article 108 que "les charges et prérogatives de la République seront assumées par la personnalité militaire la plus ancienne dans le grade le plus élevé". En l’espèce, il s’agit, bien entendu, du président Lamizana. Cette disposition n’a pas plu aux civils, puisque l’année 1970 devait en principe voir le retrait de l’armée de la scène politique, conformément aux engagements pris en 1966 par les militaires. Cependant une ouverture est faite aux civils. Des élections législatives eurent lieu en décembre 1970 et le 19 février 1971, un civil en la personne de Gérard Kango Ouédraogo, fut nommé au poste de Premier ministre. Les querelles de leadership entre Gérard Kango Ouédraogo et Joseph Ouédraogo, président de l’Assemblée nationale, entraînent la paralysie de l’appareil de l’Etat et le blocage des institutions. Pour mettre fin à cette situation, le président Lamizana suspend la Constitution du 29 juin 1970, le 08 février 1974. Pour la première fois, un président se faisait un "coup d’Etat" dit-on. Un Gouvernement de Renouveau National est formé pour appuyer l’action du chef de l’Etat.

Au cours de son message à la nation, le 08 février 1974 au soir, le Général Lamizana tient les hommes politiques pour premiers responsables de la situation. "Nous avons assisté à des jeux et combinaisons politiques de l’administration, des institutions et de l’appareil de l’Etat. L’échéance des élections présidentielles semble avoir secoué le virus de la division", a-t-il martelé. Le Gouvernement de Renouveau National composé à majorité de militaires, enregistre l’arrivée de celui-là même qui sera le tombeur du président Lamizana six (06) ans plus tard. Il s’agit du Chef de Bataillon Saye Zerbo, nommé ministre des Affaires étrangères.

Face au mécontentement exprimé par les syndicats relativement à la dégradation des conditions de vie, le gouvernement prend des mesures exceptionnelles pour "sauver sa peau". Il procède à une augmentation de 14 % des salaires les plus bas et une augmentation du SMIG de 25 %. Ces mesures devaient entrer en vigueur le 1er janvier 1976.

Ballottage et fin de régime

Le 27 novembre 1977, une nouvelle constitution fut adoptée. C’est la troisième qui consacre la troisième République voltaïque. Après le référendum constitutionnel et les élections législatives, le peuple voltaïque est appelé à élire un nouveau président le 14 mai 1978. Quatre (04) candidats sont en lice. Il s’agit du président sortant Lamizana soutenu par le PRA de Joseph Ouédraogo, ancien président de l’Assemblée nationale et ancien maire de la capitale, soutenu par une frange de l’UDV-RDA. Mais son parti est le Front de Refus. Autres candidats, Joseph Ki-Zerbo proposé par son parti l’UPV et Macaire Ouédraogo qui battait pavillon UNDD. Ce dernier fut retenu par Maurice Yaméogo, car lui-même ne pouvait se présenter, parce que ne jouissant plus de ses droits civiques.

Son premier fils et secrétaire général de l’UNDD ne pouvait se présenter non plus. Hermann Yaméogo était frappé à l’époque par la limite d’âge imposée aux présidentielles.

Il avait moins de quarante (40) ans. A cette élection, le président Lamizana a été mis en ballottage par le candidat de l’UNDD. Lamizana sera finalement élu au deuxième tour avec 56,27 % des voix contre 43,72 %, score obtenu par Macaire Ouédraogo.

Ce fut une première en Afrique. Un président en exercice mis en ballottage par un candidat peu connu. Deux (02) ans après son élection, le climat social était des plus tendus et des plus sombres. Après deux (02) mois de grève déclenchée par le syndicat des enseignants, suivi par d’autres syndicats, plusieurs secteurs du pays étaient paralysés. Le mécontentement grandissait au sein de la population. Le 25 novembre 1980, un coup d’Etat est perpétré par le Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN). La troisième République avait vécu. Le nouveau maître du pays est Saye Zerbo, Colonel de l’armée, cousin et ancien ministre des Affaires étrangères du général Lamizana.

L’historique procès

La vie du général Lamizana après son règne, fut marquée au plan national par son procès sous la Révolution, sa participation aux structures du Front populaire et sa participation à la Journée nationale de Pardon (JNP). La première assise des Tribunaux populaires de la Révolution (TPR), présidée par le magistrat Halidou Ouédraogo à l’époque, eut lieu le 03 janvier 1984 à la Maison du peuple. Cette première assise devait connaître de l’affaire des "400 millions des fonds spéciaux" dont la gestion était reprochée au général Lamizana. Pendant près de trois (03) jours, le vieux général s’évertua pour produire au tribunal les pièces justificatives de l’utilisation qu’il fit de ces fonds. Il alla jusqu’à présenter au tribunal le reçu d’un télégramme qu’il a envoyé à son homologue gabonais quand il était aux affaires.

Le télégramme avait coûté 2500 F CFA à l’époque. A la fin du procès, le verdict fut à la couleur de l’attente des milliers de personnes qui s’étaient mobilisées pour soutenir Lamizana et avaient demandé son acquittement. Il a été en effet blanchi et acquitté par les TPR. Un exemple de dignité et de probité. Le président Lamizana, ancien combattant, puisqu’il a fait la Guerre d’Indochine et la Guerre d’Algérie, impressionnait par sa vigueur physique, malgré son âge avancé. Il était reconnu comme étant d’une simplicité légendaire et d’une générosité débordante. Toutes choses qui ont fait de lui un homme populaire.

Le dimanche 29 mai 2005, c’est une immense foule qui l’a accompagné jusqu’à sa dernière demeure au cimetière militaire de Gounghin.

Kévin KPODA
Source : Histoire politique du Burkina Faso, 1919-2000
de Roger Bila Kaboré

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