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Repositionner le clitoris autrement pour qu’il ne disparaisse pas : Une technique originale « made in Yalgado Ouédraogo », selon le Pr Charlemagne Ouédraogo

LEFASO.NET | Aïssata Laure G. SIDIBE

Publié le mercredi 15 février 2017 à 23h21min

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Repositionner le clitoris autrement pour qu’il ne disparaisse pas : Une technique originale « made in Yalgado Ouédraogo », selon le Pr Charlemagne Ouédraogo

Le département de gynécologie obstétrique du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo redonne goût à la vie aux femmes qui l’avaient perdu à cause de l’excision. Cela se fait grâce à la reconstruction des clitoris de celles excisées, la réparation des séquelles de l’excision, l’injection au point G (…), et ce, lors de la campagne de chirurgie réparatrice et intime qu’il organise annuellement. Dans une interview à lui accordée par lefaso.net, le Professeur agrégé d’université, Charlemagne Ouédraogo, a mis un point d’honneur sur cette campagne et invité les personnes morales et physiques à voler au secours des femmes mutilées.

Pouvez-vous nous rappeler quant est-ce que l’idée d’une campagne de chirurgie intime et réparatrice a-t-il germé ?

Charlemagne Ouédraogo (C.O) : Nous avons entamé cette campagne en 2006. Elle est régulièrement organisée en mars. Cette période qui coïncide avec la journée de la femme est une occasion pour nous de faire honneur à l’autre moitié du ciel. En quoi faisant ? En lui offrant ce service particulier. C’est le lieu également pour nous d’apprendre cette technique à nos futurs gynécologues qui vont sortir dans quelques mois. Ils pourront ainsi, à leur tour offrir ce service dans les hôpitaux des régions et dans les CMA aux femmes qui le demandent. L’objectif poursuivi est de décentraliser cette offre de soins.

Concernant l’’édition 2017 prévue du 6 au 8 mars, qu’est-ce qui sera fait concrètement ?

C.O : Il s’agira de reconstruire les clitoris de celles excisées. Egalement, nous allons réparer les périnées délabrés par les accouchements. En effet, il y a des femmes qui ont vécu des traumatismes dus à l’accouchement. Elles ne se sentent plus à l’aise parce que le vagin est devenu très large. Toute chose qui joue considérablement sur leurs activités sexuelles. Aussi, sur le plan physique, c’est un inconfort pour elles. De cet état de fait, ces dernières viennent demander une solution. En sus, nous apportons des réponses aux femmes qui ont des incontinences urinaires d’efforts. A cela, s’ajoute l’amplification du point G pour celles qui ont des problèmes d’orgasmes, sans oublier les conseils que nous leur prodiguons en matière de sexualité.

Quels sont les préalables avant l’intervention ?

C.O : On ne saute pas directement sur la reconstruction sans chercher à comprendre quel est le résultat attendu. Quelles sont les raisons de la demande de reconstruction ? Toutes les raisons voilées doivent se découvrir pour la consultation. Et on fait cette démarche avant d’amener la femme à la construction. Et après, l’évaluation un an après se fait en fonction de la raison de la demande. Si on n’analyse pas, après, quand vous évaluez, vous n’avez pas de base. La femme peut venir vous dire : « Docteur, votre chirurgie n’a pas marché car je n’arrive toujours pas à jouir ». Mais je puis vous assurer que l’orgasme, ce n’est pas parce que vous avez un clitoris ou une baguette magique.

Vous pouvez avoir un clitoris long, normal mais qui ne vous donne pas l’effet escompté tout simplement parce que vous ne savez pas l’utiliser ou tout simplement parce que d’autres paramètres bloquent votre sexualité. Tout cela est expliqué à la femme lors de l’entretien et la consultation. Maintenant, si on doit accéder à la reconstruction, on le fait. Mais, s’il n’y a pas une suite vers la chirurgie, au moins la personne aurait reçu tous les conseils en matière de sexualité pour améliorer les choses qui l’inquiétaient auparavant.

Avez-vous déjà eu des cas ou des femmes se sont rétractées après l’étape de l’entretien ou la consultation ?

C.O : Oui ! Il y a certaines qui se rétractent parce qu’elles ont peur malgré toute l’assurance. Rien que l’année dernière, certaines ont reporté leur intervention pour cette année. On espère vivement pouvoir les compter parmi les patientes de la présente édition.

Après l’intervention, combien de temps faut-il avant d’avoir des rapports sexuels ?

C.O : Une fois que l’intervention est réalisée, on explique tout cela au cours de la consultation, il faut deux mois sans rapport sexuel au cours de laquelle la femme elle-même fait ses soins. Nous la revoyons trois fois au cours des deux mois. Celles qui ont des besoins particuliers de consultation, par contre, sont reçues sans protocole.

La réfection clitoridienne comporte-t-elle des risques ?

C.O : En termes de complication, c’est surtout les douleurs. Car, le clitoris est un organe automatiquement innervé, c’est très sensible. Ce qui nous amène à changer les médicaments antalgiques. Des complications telles que les hémorragies, non ! Seulement des petites infections pour les femmes qui n’ont pas suivi les règles élémentaires de l’hygiène. Par ailleurs, on n’a jamais rehospitalisé une seule femme pour complication. Ce sont des choses qui peuvent se régler de façon ambulatoire. Mais le gros lot, j’insiste, c’est la douleur. Afin d’apporter une solution à cela, le CHU-YO a eu la paternité et la primauté de mettre en œuvre une nouvelle technique de reconstruction du clitoris qui n’existait jusque là nulle part. Et même si cela existait, elle n’a pas été rapportée par une seule équipe scientifique.

Cette nouvelle manière de faire vient renforcer celle de base mondialement reconnue et inventée par le Docteur Foldès qui donne plus de douleur. En effet, on passait des fils à un endroit qui était très sensible. Cette nouvelle technique de reconstruction du clitoris nous a ouvert des portes à l’extérieur. La preuve, j’ai été invité à participer au congrès de chirurgie plastique sur la chirurgie vulvaire qui aura lieu à Genève pour montrer cette technique. En effet, elle consiste à fixer le clitoris autrement pour qu’il ne disparaisse pas. Car, lorsqu’il est mal fixé, il répare là où vous l’avez pris pour le positionner. Aussi, faut-il le souligner, le clitoris mesure environ 10 cm, ce que les exciseuse enlèvent, c’est la partie visible de l’iceberg. Il reste une partie à l’intérieur qu’il faut aller chercher et le repositionner là où il était.

Pendant la période de cicatrisation, quels conseils préconisez-vous à vos patientes ?

C.O : La femme doit être très hygiénique. Il y a un numéro de téléphone d’un point focal, celui qui à participé à son intervention, qu’elle peut appeler à tout moment pour partager des petits soucis et prendre des conseils. Nous offrons également un document, à celles qui savent lire et écrire, comportant les règles à suivre pour faire son hygiène à la maison. Ce document permet aussi à la femme de découvrir son organe et connaitre les signes de dangers. Sur ce dernier point, on peut noter, entre autres, les saignements, une odeur nauséabonde, du pu qui coule et une douleur persistante.

Combien de femmes sont attendues à cette campagne ? Et d’où viennent-elles ?

C.O : Avec 08 interventions par jour, 80 femmes sont attendues à cette campagne. Mais souvent, on n’arrive pas à atteindre ce nombre à cause des problèmes techniques ou parce qu’il y a beaucoup de césariennes à faire. Cependant, étant le seul pays dans la sous région à offrir régulièrement la reconstruction du clitoris, nous avons des patientes qui viennent d’horizon divers, à savoir la Côte d’Ivoire, Niger, Sénégal, Adis Abeba, Kenya, etc.. Après, nous faisons le suivi par webcam.

La chirurgie est-elle prise en charge ?

C.O : L’intervention est subventionnée par le CHU-YO. Les intéressés doivent, par contre, payer la somme de 13.125 francs CFA à la caisse pour l’opération. Mais il faut signaler, en outre, que nous avons des partenaires qui nous accompagnent régulièrement avec des fils, des gangs, compresse, casaques et des champs opératoires. Pour cette année, la réception de ces kits interviendra au cours du mois de mars. Nous allons les mettre gratuitement à la disposition des patientes. Cependant, en dehors de nos campagnes, nous prescrivons ces kits de consommables à toute celle qui a besoin de se faire reconstruire.

Vous avez tantôt parlé de partenaires. Qui sont-ils ?

C.O : Il s’agit du CHU d’Angers. Il a une convention avec l’hôpital Yalgado Ouédraogo signée par les deux directeurs d’hôpitaux. Toute chose qui nous permet de faire des échanges. A cela s’ajoute, la convention entre l’Université d’Angers et celle de Ouagadougou justement dans lequel nous devrons mettre en œuvre la reconstruction du clitoris et aller même jusqu’à créer un diplôme inter-universitaire de chirurgie intime réparatrice. La première édition est prévue pour 2018.

Quelle est la particularité de la présente édition ?

C.O : La présente campagne n‘a pas de particularité. Elle est juste classique. C’est le renforcement de ce que nous avons entamé depuis 2006. Nous rentrons dans la troisième année avec l’innovation technologique qui est de répositionner le clitoris autrement selon une technique originale « made in Yalgado Ouédraogo » que nous vendons aujourd’hui au monde entier.

Que peut-on retenir en termes de difficultés ?

C.O : Nous rencontrons beaucoup de difficultés. Il y a des femmes qui veulent venir seule faire leur intervention. Nous, à notre niveau, nous leurs demandons toujours de se faire accompagner, mais très souvent, ce n‘est pas le cas. Outre cela, on a beau expliquer, mais il y a certaines femmes qui ne respectent pas les soins post-opératoires à suivre. Toute chose qui ne contribue pas à une meilleure cicatrisation.

Pour certaines personnes, le fait de reconstruire le clitoris d’une femme peut l’amener à emprunter le mauvais chemin. Qu’en pensez-vous ?

C.O : Ce n’est pas parce qu’elle va se faire reconstruire qu’elle va être infidèle. Pas du tout ! C’est un droit. La femme doit être réhabilitée tant sur le plan psychologique que physique. Pourquoi on considère l’excision comme un crime ? Et bien, c’est parce que c’est une atteinte à l’intégrité physique de la femme. Une femme ne se surveille pas comme un trésor. Faite-lui confiance et puis vous avancez ; et non pas aller sur des préjugés sexuels. La vie doit aller au-delà de cela. Le clitoris, il vaut mieux l’avoir que de ne pas l’avoir.

Est-ce que toutes les séquelles des mutilations génitales féminines sont-elles réparables ?

C.O : 90% des séquelles des MGF sont réparables. Le clitoris étant très long, c’est difficile de voir une exciseuse qui connait l’anatomie pour aller tout racler. On a vu des cas où il restait un petit maillon, certes, mais dans la plupart, ces cas peuvent être reconstruits.

Quand est-il des petites lèvres ?

C.O : Le Dr Pierre Foldès avait essayé, mais ça ne donne pas de bons résultats sur la peau noire. Cela s’explique par le fait qu’elle a beaucoup de tissus conjonctifs, c’est-à-dire beaucoup de collagène avec une tendance exagérée à la dystrophie et à la formation des chéloïdes. Donc, quand on tente sur ses parties, vous vous retrouvez avec des cicatrices très épaisses qui ne donnent pas les effets escomptés. C’est pourquoi, nous nous limitons uniquement à la reconstruction du clitoris.

Avez-vous déjà rencontré une situation fâcheuse avec le mari d’une patiente ?

C.O : Oui ! Il y a eu des femmes qui nous ont fait croire que leur conjoint avait donné son accord. Alors nous avons procédé à la reconstruction. Après, le mari nous appelle pour nous demander ce qu’on a fait à sa femme parce qu’il veut avoir des rapports sexuels, mais il n’arrive pas. Cette situation nous a amené à être prudent et à passer au peigne fin tous ses éléments en consultation pour que la femme comprenne les enjeux. C’est pareil pour les celles qui font réparer leur périnée.

Un appel à l’endroit des femmes qui vivent en silence les effets des MGF ?

C.O : A toutes celles qui sont réticentes, nous leur invitons à venir à l’information. Nous recevons tous les jours du lundi au vendredi de 8 heures à 12 heures à la maternité Yalgado pour apporter toutes les explications et donner les conseils. Venir en consultation ne veut pas dire forcement que vous allez passer directement à la reconstruction, mais vous aurez reçu quand même des conseils et des informations sur votre santé sexuelle et reproductive. Aussi, je lance un appel fort à l’endroit des personnes morales et physiques qui travaillent à la réhabilitation de la femme. Venez au secours des femmes mutilées qui désirent accéder à cette chirurgie en subventionnant la partie qui doit être payée à l’hôpital. J’espère que ce cri de cœur sera entendu et que les 100 premières femmes qui vont s’inscrire se verront complètement exempter des frais d’opération.

Interview réalisée par Aïssata Laure G. Sidibé
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