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Dominique de Villepin, la dernière épée chiraquienne

Publié le mercredi 1er juin 2005 à 08h13min

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Dominique de Villepin est désormais en première ligne, au coeur du "tourbillon" de Matignon, pour incarner le sursaut de la dernière partie du quinquennat de Jacques Chirac.

Chargé de la mise en oeuvre de l’"impulsion nouvelle et forte" promise par le chef de l’Etat pour l’après-référendum, Dominique de Villepin, 51 ans, va tenter de réconcilier "deux France", de trouver des réponses à la coupure confirmée entre les Français et la classe politique, sur fond de malaise social et d’inquiétudes croissantes sur la situation économique.

De Matignon, Dominique de Villepin disait lorsqu’il était secrétaire général de la présidence que c’était "un tourbillon sans haut ni bas" alors que l’Elysée était "la plus haute tour de la République, là où on est pris dans les vents du temps".

Mais l’admirateur du Napoléon des Cent-Jours rêvait depuis plusieurs mois de relever le défi. Il cite souvent cette phrase de l’empereur devant son état-major à la veille de la bataille d’Austerlitz : "C’est la politique qui doit être le grand ressort de la tragédie moderne".

Et Dominique de Villepin se dope au stress. De crise en crise. C’est un partisan de la guerre de mouvement. Mais qui se nourrit sans cesse de réflexions, de périodes de retraite.

L’osmose est réelle entre le chef de l’Etat et son ancien secrétaire général de 1995 à 2002, que vingt ans séparent.

En 2000, un Jacques Chirac paternel et admiratif estimait à propos de Dominique de Villepin qu’il était "très rare de rencontrer un homme qui, comme lui, soit à la fois un poète et un très bon capitaine d’escadron de commando". Il saluait aussi "une loyauté en béton".

C’est Dominique de Villepin qui a soufflé au président Chirac, malmené par le témoignage du financier occulte du RPR Jean-Claude Méry, le mot "abracadabrantesque" pour qualifier ces accusations. Un mot puisé dans un poème d’Arthur Rimbaud, "Le Coeur supplicié".

Des proches du président soulignent que Jacques Chirac n’ignore rien des faiblesses de son hussard trop prompt à s’enflammer.

Les détracteurs de Dominique de Villepin, le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, en tête, rappellent que ce diplomate, énarque, n’a jamais été élu. Ils évoquent le mot d’Alain Juppé, qui aurait dit que son ancien collaborateur au Quai d’Orsay ferait "un bon Premier ministre en temps de guerre".

Il semble pourtant loin le temps où Bernadette Chirac qualifiait Dominique de Villepin de "Néron" pour son rôle - exagéré - dans la dissolution de 1997. Loin aussi le temps où, dans son bureau de l’Elysée, il assassinait par le verbe "majorité putschiste" et "connards".

"JE SUIS NÉ DANS LA CRISE"

L’homme, mèche grise en bataille, allure adolescente, s’est assagi. Son passage place Beauvau, dit-il, l’a mis au contact d’une France qui souffre, doute et s’angoisse.

Les Français se souviennent de son intervention au Conseil de sécurité de l’Onu, le 14 février 2003, lorsque, s’exprimant au nom de son "vieux pays", Dominique de Villepin avait appelé les Etats-Unis à stopper la marche à la guerre en Irak. L’épopée a même inspiré cette année un compositeur qui a mis en musique les dernières phrases du discours.

Un peu plus d’un an plus tard, troquant les habits de Talleyrand pour ceux de Fouché, Dominique de Villepin, accusé parfois de passer le plus clair de son temps à lire des "notes blanches" dans un "cabinet noir", a entamé sa conquête de la scène politique intérieure.

Avec un message simple : réaliser la synthèse gaullienne entre le libéral et le social, faire avancer la France "en la rassurant".

Né à Rabat, au Maroc, le 14 novembre 1953, Dominique Galouzeau de Villepin a été élevé à l’étranger. "La France, je l’ai rêvée avant de la connaître", aime-t-il rappeler.

Il dit être devenu européen à quatre ans lorsque ses parents l’ont emmené visiter Oradour, le village martyr du Limousin, et évoque des aïeux au passé militaire prestigieux.

"C’est toute ma culture, toute ma formation, toute ma personnalité", dit-il. "Je suis né dans la crise, j’ai été formé par la crise, je suis issu de la crise."

Quand un étudiant de l’Ecole supérieure de commerce de Paris lui demande de citer trois "modèles", Dominique de Villepin va puiser dans ses légendes : le comte de Labédoyère, fusillé en 1815, à 29 ans, pour avoir rallié Napoléon pendant les Cent-Jours, et deux poètes, le surréaliste Jean-Pierre Duprey, suicidé au même âge, et Roger Bernard, un compagnon de maquis de René Char, fusillé par les Allemands.

Il est l’auteur de livres qui permettent de mieux le cerner. "Les Cent-Jours" relate les derniers instants de l’épopée napoléonienne. L’"Eloge des voleurs de feu" est une volumineuse anthologie poétique, nourrie de rimes tourmentées. "Le cri de la gargouille" est une réflexion politique. "Le requin et la mouette" est un éloge de la réconciliation des contraires dans un monde "de rupture" menacé par le choc des civilisations. "L’homme européen", écrit avec Jorge Semprun, est un vigoureux plaidoyer pour l’Europe.

A Philippe Labro qui lui demandait en septembre 2000 où il serait dix ans plus tard, Dominique de Villepin répondait en riant : "Voyages, lectures, écriture, la liberté (...) Tout peut être dépassé, rien n’est incontournable, la vie est courte".

Reuters

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